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Date: 19971110

Dossiers: 96-405-UI; 96-407-UI; 96-406-UI; 96-408-UI

ENTRE :

BAYSIDE DRIVE-IN LIMITED, DAVID MUSIAL, ANNE T. MUSIAL,

appelants,

et

LA MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Margeson, C.C.I.

[1] La Cour doit maintenant statuer sur les appels suivants : Bayside Drive-In Limited c. La ministre du Revenu national, 96-405(UI) et 96-407(UI); David Musial c. La ministre du Revenu national, 96-406(UI); Anne T. Musial c. La ministre du Revenu national, 96-408(UI).

[2] Les parties ont fait état des périodes en cause et, évidemment, les périodes concernant le prétendu employeur, soit une appelante dans deux des appels, correspondent aux périodes pendant lesquelles les appelants Anne T. Musial et David Musial ont prétendument travaillé.

[3] Dans le cas d'Anne T. Musial, les périodes en question vont du 6 juillet au 13 novembre 1992, du 28 juin au 12 novembre 1993 et du 10 septembre au 3 décembre 1994. En ce qui concerne David Musial, les périodes en question vont du 17 mai au 2 octobre 1992, du 17 mai au 1er octobre 1993 et du 22 mai au 7 octobre 1994.

[4] La Cour a admis la demande de la représentante de l'intimée visant la modification de la réponse à l'avis d'appel (la “ réponse ”), ce qui a été fait sur consentement.

[5] La question est la même dans tous les appels, à savoir si, durant les périodes en question, les appelants Anne Musial et David Musial exerçaient un emploi assurable pour le prétendu employeur, Bayside Drive-In Limited (l'“ employeur ”).

[6] La seule preuve qui a été présentée pour les appelants l'a été par M. Gregory J. Musial. Ce dernier est le père de l'appelant David Musial et l'époux de l'appelante Anne T. Musial. C'est lui qui avait signé les relevés d'emploi (“ RE ”) et qui avait rempli la demande de prestations d'assurance-chômage. Gregory J. Musial était le représentant des deux particuliers appelants et de la compagnie appelante.

[7] Il est à noter que l'appelante Anne T. Musial était absente du tribunal; donc, elle n'a pas témoigné et n'a pu être contre-interrogée. L'appelant David Musial n'était pas là non plus pour témoigner dans sa propre cause; il n'a donc pu être contre-interrogé et n'a pu réfuter les allégations énoncées dans la réponse présentée au nom de l'intimée. Il est également à noter que très peu des allégations figurant dans la réponse ont été réfutées ou ont été l'objet ne serait-ce que d'une tentative de réfutation; ces allégations restent essentiellement intactes pour l'ensemble de ces appels. Certaines des allégations de fait figurant dans les réponses sont évidemment importantes.

[8] Le représentant des appelants a témoigné que l'entreprise en question avait été lancée en juin 1960. En juillet 1976, ils avaient constitué l'entreprise en société, et ce, suivant l'avis d'un comptable, qui n'est pas ici. Quoi qu'il en soit, qu'il suffise de dire que, selon la preuve présentée ici aujourd'hui par le représentant des appelants, il est évident qu'ils ont accepté l'avis du comptable. Ils avaient conclu que, du fait qu'ils avaient constitué la société et qu'aucun actionnaire ne détenait 40 p. 100 ou plus des actions, les particuliers appelants pouvaient exercer un emploi assurable pour le payeur. Ils estimaient que cet emploi était opportun et pratique et que, s'ils se retrouvaient en chômage, ils seraient admissibles à des prestations d'assurance-chômage.

[9] Dès le départ, il était évident qu'il s'agissait d'une entreprise saisonnière, qu'il n'y aurait plus de travail après peu de temps et qu'ils demanderaient des prestations d'assurance-chômage. Il était bien évident que cette considération était importante et qu'on les avait avisés qu'ils seraient considérés comme ayant exercé un emploi assurable.

[10] Cela n'est pas une critique à l'égard de M. Musial concernant l'information qu'il a reçue. Il avait demandé un conseil et l'a reçu. Malheureusement, il n'a pas reçu assez de conseils. Même si elles ne détiennent pas 40 p. 100 des actions, des personnes travaillant pour une société de capitaux ne sont pas toujours considérées comme exerçant un emploi assurable.

[11] Un emploi assurable est un type d'emploi précis. C'est un emploi exercé en vertu d'un contrat de louage de services et, à la lumière de l'alinéa 3(2)c) de la Loi sur l'assurance-chômage (la “ Loi ”) et des dispositions concernant les emplois exclus, c'est un emploi autre qu'un emploi exclu. Si un emploi est exercé en vertu d'un contrat de louage de services et qu'un contrat semblable n'aurait pas été conclu avec des parties non liées, il ne s'agit pas d'un emploi assurable.

[12] La Loi dispose que le ministre est en droit de rendre une décision en se fondant sur le fait qu'il est d’avis qu'un contrat de louage de services semblable n'aurait pas été conclu avec des parties non liées. Dans une affaire comme celle-ci, il incombe alors aux appelants de démontrer que la décision du ministre était erronée.

[13] Conformément aux arrêts Ferme Émile Richard et Fils Inc. c. M.R.N., 1er décembre 1994, A-172-94 (C.A.F.), et Tignish Auto Parts Inc. c. M.R.N., 25 juillet 1994, A-555-93 (C.A.F.), et conformément à d'autres jugements qui ont suivi, premièrement, il faudrait que la Cour canadienne de l'impôt décide que la situation commande la tenue d'un procès de novo pour invalider la décision du ministre; deuxièmement, si elle décidait effectivement que la situation commande la tenue d'un procès de novo, il lui faudrait conclure qu'un contrat de louage de services semblable aurait été conclu entre des parties non liées pour que les appelants aient gain de cause. Telles sont les deux charges de la preuve dont les appelants doivent s'acquitter dans cette affaire. Ce sont de lourds fardeaux.

[14] Malheureusement, les éléments de preuve présentés dans ces appels sont insuffisants pour convaincre la Cour quant à toutes les exigences à l'égard desquelles elle doit être convaincue pour rendre une décision favorable aux appelants.

[15] Le représentant des appelants a affirmé que, comme les deux particuliers appelants travaillaient et que chacun détenait moins de 40 p. 100 des actions, il croyait qu'ils allaient pouvoir être considérés comme exerçant un emploi assurable. Leurs demandes de prestations n'ont été mises en doute qu'en juin 1995, et Revenu Canada a alors demandé les registres de l'employeur pour déterminer s'il s'agissait d'un emploi assurable. Au bout du compte, Revenu Canada a déterminé qu'il ne s'agissait pas d'un emploi assurable, ayant conclu qu'il s'agissait d'un emploi exclu en vertu de l'alinéa 3(2)c) de la Loi.

[16] Le représentant des appelants a indiqué qu'ils commençaient à travailler en avril de chaque année. Le 1er avril, durant les années en question, l'entreprise n'avait pas assez de travail pour verser le plein salaire à David, et ils avaient convenu que, dès qu'il y aurait suffisamment de fonds, David serait affecté à la tenue de livres en tant qu'employé. Son salaire, a-t-il dit, tenait compte de ce facteur. Diverses pièces ont été déposées par consentement, y compris les demandes de prestations d'assurance-chômage, les relevés d'emploi, un état de la commission des accidents du travail, de l'information relative à la paye, de l'information financière et certains documents du ministère de la Santé; dans sa décision, la Cour a pris en considération tous ces documents.

[17] La preuve indiquait clairement que, durant les périodes en question, par intervalles, les deux particuliers appelants et M. Gregory Musial lui-même travaillaient. Il y avait aussi un certain nombre d'autres employés qui n’étaient pas des personnes liées.

[18] En contre-interrogatoire, M. Musial a déclaré que, chaque année, ils ouvraient l'entreprise vers le 1er avril et s'arrêtaient vers le 30 novembre. Les trois actionnaires travaillaient probablement chaque année du 1er avril au 30 novembre, bien que n'étant pas inscrits dans le livre de paye ni payés pour toute cette période. Ils étaient inscrits dans le livre de paye seulement lorsqu'il y avait assez de revenus pour les payer.

[19] De la manière dont la Cour comprend son témoignage, il a affirmé : “ Chacun de nous recevait des prestations d'assurance-chômage jusqu'à ce qu'il soit inscrit dans le livre de paye. ” Il a dit que tous les employés qui n'étaient pas des personnes liées recevaient un salaire horaire et qu'on tenait un registre de leurs heures de travail. Il a poursuivi : “ Une fois que nous étions inscrits dans le livre de paye, nous touchions un plein salaire chaque semaine. ” Normalement, l'entreprise était ouverte de 11 heures à minuit, sept jours sur sept.

[20] Le témoin a dit que, lorsqu'il travaillait, il recevait 600 $ par semaine. En 1995, David avait reçu 675 $ par semaine. Le témoin a poursuivi : “ Nous travaillions un peu mais sans être payés ”, en parlant de lui-même et de son épouse, je présume. “ David faisait le travail. Il tenait les livres et aidait le plus possible dans l'entreprise elle-même. Il donnait un coup de main lorsqu'il s'agissait d'engager du personnel, de former du personnel ou d'aller aux approvisionnements. Il aidait à la gestion de l'entreprise. ”

[21] Avant 1990, ce témoin contrôlait la compagnie. Après 1990, il prenait encore les principales décisions, mais après avoir entendu le point de vue des autres actionnaires, d'après son témoignage. Avant 1990, il croyait que seul David était admissible à des prestations d'assurance-chômage. “ Après 1990, nous étions tous admissibles. ” David avait reçu ses actions en cadeau. Il ne les avait pas payées. Il n'avait pas investi dans l'entreprise. Tous les actionnaires étaient signataires autorisés, mais, pour signer un chèque, une seule personne suffisait.

[22] L'appelant David Musial utilisait son propre véhicule pour le travail et on ne lui remboursait que ses frais d'essence. On ne lui payait pas les frais de réparation, d'assurance et d'entretien. C'est lui qui allait aux approvisionnements. Il s'occupait aussi du transport des rebuts. Il remplissait les fonctions qui sont énoncées dans l'avis d'appel, a dit le témoin.

[23] On a attiré l'attention du témoin sur l'alinéa k) de la réponse, et il a dit que David remplissait d'autres fonctions en plus de celles qui sont mentionnées à l'alinéa k). Sept jours sur sept, David ouvrait l'entreprise à 11 heures, travaillait jusqu'à minuit, puis fermait l'entreprise. Il passait les commandes d'approvisionnements. Il établissait les prix. Il aidait le cuisinier de midi à 13 h 30 et de 16 h à 18 h. Il était en disponibilité durant les périodes de pointe. Il vérifiait la marchandise et comparait les prix quotidiennement et s'occupait de contrôler les stocks. Il devait entreposer les denrées périssables. Il se rendait chez les fournisseurs pour obtenir les fournitures. Il était chargé de l'entretien du matériel, soit notamment deux grosses machines à crème glacée molle, qu'il fallait nettoyer et désinfecter régulièrement. C'est également lui qui était chargé des réfrigérateurs, des friteuses et du système CO2.

[24] Il a effectivement admis qu'ils recevaient tous des bonis en tant qu'employés — et non en tant qu'actionnaires — et qu'aucun des employés qui n'étaient pas des personnes liées n'en recevait. Tous les actionnaires recevaient la même paye indépendamment du nombre d'heures qu'ils avaient travaillées. “ Ils travaillaient plutôt 80 heures par semaine environ. ” Cela ne cadre pas avec ce qui est énoncé dans certains des documents, mais c'est ce qu'il a dit.

[25] Les relevés d'emploi des appelants Anne et David concernant les années en question ont été déposés en preuve par consentement; ces RE indiquent les périodes au cours desquelles ils ont travaillé et les sommes qu'ils ont reçues. Le témoin a bel et bien dit que l'appelante Anne Musial avait pris une semaine de vacances. Elle avait eu des indemnités d'accident du travail pendant deux semaines. Toutefois, les documents indiquaient clairement au bout du compte que, pour les deux semaines à l’égard desquelles elle a demandé des indemnités d'accident du travail, elle n'alléguait pas qu'elle était une employée.

[26] La pièce R-3 était un talon de chèque de la commission des accidents du travail. M. Musial a déclaré que l'accident du travail était survenu après qu'Anne Musial eut pris ses vacances. C'est du moins ce qu'il pensait. Il a dit ensuite qu'il ne le savait pas et il a poursuivi : “ De toute façon, elle a effectivement pris une semaine en octobre. ” Le fils avait pris une semaine en août. Tous les employés qui n'étaient pas des personnes liées n'avaient pas eu de vacances; ils avaient plutôt reçu une paye de vacances de 4 p. 100.

[27] On lui a demandé comment la paye avait été déterminée concernant David et Anne. Il a répondu que c'est lui qui avait décidé. On lui a demandé pourquoi, et il a dit que c'était en raison d'une combinaison de facteurs. Le salaire minimum était de 5,50 $ à 6 $ l'heure. Il a dit que cela lui aurait coûté beaucoup plus cher s’il avait engagé quelqu'un d'autre, même au salaire minimum en vigueur, étant donné le nombre d'heures que son épouse et David travaillaient et vu les fonctions considérables qu'ils devaient remplir. Il a admis que les heures de tous les employés qui n'étaient pas des personnes liées étaient rigoureusement consignées et que ces employés étaient payés selon le nombre d'heures qu'ils travaillaient, multiplié par le salaire minimum ou le taux de salaire qu'ils recevaient à l'époque, soit 5,50 $ à 6 $.

[28] David avait pris des vacances en août. On a indiqué qu'il s'agissait de la saison de l'année où l'activité était la plus grande. On lui a demandé pourquoi David avait eu une augmentation, alors qu'Anne n'en avait pas eu, et il a dit que David remplissait plus de fonctions qu'Anne. Il a admis qu'Anne Musial avait reçu 10 000 $ de boni en 1993, 5 000 $ pour 1992 et 5 000 $ pour 1993. Le témoin avait lui-même reçu une allocation de retraite de 46 000 $ en 1994.

[29] Le relevé d'emploi d'Anne Musial a été déposé en preuve. Pour 1994, il faisait état de 12 semaines. Le témoin a dit qu'en 1994, ils avaient travaillé — Anne Musial et lui — alors qu'ils n'étaient pas inscrits dans le livre de paye, alors qu'ils n'étaient pas payés. Il a témoigné que tous les employés qui n'étaient pas des personnes liées recevaient 5,75 $ à 6 $ l'heure en 1992, en 1993 et en 1994. Il a admis avoir établi les demandes de prestations d'assurance-chômage des deux particuliers appelants et a reconnu les pièces R-5, R-6 et R-7, soit les demandes de David, ainsi que les pièces R-8 et R-9, soit les demandes d'Anne. Il a admis que la pièce R-9 ne correspondait pas aux faits. L'information contenue dans la pièce R-9, aux questions nos 27, 30 et 31, n'était pas exacte. De même, concernant les questions nos 27, 30 et 31 figurant à la page 2 de la pièce R-8, les réponses étaient inexactes.

[30] Il aurait souhaité ne pas avoir inscrit ce nombre d'heures. Il ne savait pas pourquoi il l'avait fait. Il ne pensait pas qu'il était raisonnable d'inscrire le nombre effectif d'heures qu'ils avaient travaillées, parce que ce nombre était tellement élevé. La pièce R-7, qui a trait à David Musial, contenait aussi des renseignements erronés.

[31] Il a reconnu le RE de David Musial pour les années 1992, 1993 et 1994. Ces RE indiquaient que David avait pris des vacances en août. Encore là, l'information contenue dans la pièce R-6 était inexacte. Il a répondu : “ Je ne sais pas pourquoi je n'ai pas inscrit l'information exacte. ”

[32] La pièce R-13, soit l'information ou l'état relatif à la paye qui a été déposé par consentement, indiquait qu'Anne Musial n'avait pas été payée pour les deux semaines pendant lesquelles elle avait reçu des indemnités d'accident du travail. Le représentant des appelants a ainsi conclu ses observations.

Argumentation de l'intimée

[33] Dans son argumentation, la représentante de l'intimée a fait valoir que tous les actionnaires remplissaient des fonctions pour l'entreprise alors qu'ils n'étaient pas inscrits dans le livre de paye. Tous les employés qui étaient des personnes liées recevaient un salaire indépendamment du nombre d'heures qu'ils avaient travaillées. Tous ces employés avaient des vacances. Les employés qui n'étaient pas des personnes liées recevaient un salaire horaire. Leurs heures étaient consignées. Ils n'étaient payés que pour les heures qu'ils travaillaient. Ils recevaient le salaire minimum. On leur versait une paye de vacances en vertu de la Vacation Pay Act plutôt que de leur donner des vacances comme les employés qui étaient des personnes liées. Les particuliers appelants n'avaient pas d'horaire fixe et leurs heures n'étaient pas consignées. Quel que soit le nombre d'heures qu'ils travaillaient, la paye qu'ils recevaient était la même.

[34] Les registres indiquaient que David Musial travaillait 40 heures et qu'Anne Musial en travaillait 48; il s’agit d’une information qui, d'après le témoin, était inexacte. C'est toutefois ce qui était indiqué. Si cette information est exacte et que la Cour accepte le fait que tel est le nombre d'heures qu'ils travaillaient, la paye qu'ils recevaient était considérable par rapport à la quantité de travail que, d'après la preuve, ils accomplissaient.

[35] David Musial n'était remboursé que de ses frais d'essence relativement à l'utilisation de son véhicule pour le travail. Cela n'est pas normal. Il n'était pas payé pour l'usure; les frais d'assurances ne lui étaient pas payés. Cela n'indique pas l'existence d'une relation sans lien de dépendance. Il n'était pas raisonnable d'avoir trois gestionnaires d'inscrits dans le livre de paye en même temps et d'avoir tous ces autres employés. Pourquoi y avait-il trois gestionnaires d'inscrits dans le livre de paye, soit David, Anne et le témoin, Greg Musial?

[36] Les fonctions d'Anne correspondaient essentiellement à celles des autres travailleurs, et son salaire était d'environ 18,50 $ l'heure, tandis que celui des autres était de 6 $ l'heure. Elle touchait à peu près 12 $ de plus qu’eux. David s'occupait surtout d'entretien et était pourtant payé 23 $ à 37 $ l'heure, ce qui était anormalement élevé.

[37] En vertu des dispositions pertinentes de la Loi de l'impôt sur le revenu (la “ LIR ”), c'est-à-dire en vertu des articles 251 et 253, l'intimée invoquait le lien de dépendance. Il s'agissait d'une relation avec lien de dépendance. Les deux particuliers appelants formaient un groupe lié en vertu de la LIR et avaient entre eux un lien de dépendance. Il était raisonnable de la part de la ministre de conclure qu'il ne s'agissait pas d'un emploi assurable, qu'il s'agissait d'un emploi exclu, et notre cour ne devrait pas invalider cette conclusion. Un contrat de louage de services semblable n'aurait pas été conclu avec des parties non liées.

Argumentation des appelants

[38] Dans son argumentation, le représentant des appelants a dit que l'entreprise était exploitée de manière à fournir de l'emploi à des étudiants, surtout durant l'été. Évidemment, l'entreprise fournissait aussi de l'emploi aux deux particuliers appelants. L'entreprise s'adressait à une clientèle de touristes. Les fonctions de David étaient beaucoup plus nombreuses, beaucoup plus lourdes et beaucoup plus importantes que ce que disait la représentante de l'intimée. David n'était pas trop payé. L'entreprise n'aurait pu s'assurer les services de quelqu'un d'autre pour une telle somme d'argent.

[39] Le nombre d'heures de travail indiqué dans les pièces était inexact. Ces chiffres ne sont que symboliques. Le représentant a admis que l'information n'était pas exacte, bien qu'elle ait été fournie par lui et que ce soit cette information qui a probablement été transmise aux autorités compétentes, de manière qu'elles puissent tirer une conclusion raisonnable quant à savoir s'il s'agissait ou non d'un emploi assurable. Il est difficile de s'imaginer comment elles devaient faire cela sans l'information exacte.

[40] Quoi qu'il en soit, le témoin des appelants a dit que c'était simplement cela, que ces chiffres étaient symboliques et qu'il y avait eu une négligence de sa part. Ils avaient agi honnêtement. Ils avaient été conseillés par un comptable. Ils pensaient qu'il s'agissait d'un emploi assurable puisque chaque actionnaire détenait moins de 40 p. 100 des actions. Les demandes de prestations n'ont été mises en doute qu'en janvier. Pourquoi les autorités compétentes ont-elles attendu aussi longtemps et ont-elles mis les appelants dans cette situation difficile? “ Nous avons été outrés d'apprendre cela ”, a-t-il dit. De toute façon, les salaires n'étaient pas excessifs. Il s'agissait d'un emploi assurable.

Analyse et décision

[41] Comme la Cour l'a indiqué dans ses observations préliminaires, il incombe aux appelants dans une affaire comme celle-ci d'établir selon la prépondérance des probabilités qu'il s'agissait d'un emploi assurable. Pour démontrer que c'était un emploi assurable, les appelants doivent convaincre la Cour selon la prépondérance des probabilités que la preuve a établi qu'ils exerçaient un emploi en vertu de contrats de louage de services qui auraient été conclus avec des parties non liées et que la ministre a eu tort de conclure qu'il ne s'agissait pas d'un emploi assurable.

[42] Comme la Cour a également fait remarquer, dans une affaire dans laquelle l'alinéa 3(2)c) de la Loi est invoqué, le devoir de la Cour représente un processus en deux temps, c'est-à-dire que la Cour doit : 1) déterminer d'abord s'il y avait un contrat de louage de services, soit un facteur qui, en l'espèce, ne semble pas être invoqué; 2) dans l'affirmative, déterminer ensuite s'il s'agissait d'un contrat qui aurait été conclu avec des parties non liées. À cet égard, la Cour doit d'abord examiner les faits qui lui sont exposés et déterminer si la situation justifie la tenue d'un procès de novo. Autrement dit, la ministre a-t-elle violé un principe de droit, a-t-elle mal interprété des faits pertinents, a-t-elle pris en compte des faits qui n'étaient pas pertinents, a-t-elle omis de tenir compte de faits pertinents, a-t-elle mal interprété les faits dont elle était saisi, a-t-elle agi injustement ou a-t-elle agi d'une façon non judiciaire, si bien que la Cour devrait reconsidérer l'affaire dans le cadre d'un procès de novo?

[43] Si la Cour considère que la situation justifie la tenue d'un procès de novo, elle doit ensuite déterminer si, sur la foi des faits qui lui sont soumis, elle devrait conclure qu'un contrat de louage de services semblable aurait été conclu avec des parties non liées et que la décision de la ministre devrait donc être invalidée.

[44] En l'espèce, la Cour est convaincue hors de tout doute qu'il ne s'agissait pas d'un emploi assurable, selon tout critère raisonnable permettant de déterminer ce qui correspond à un emploi assurable. La preuve présentée en l'espèce comporte très peu d'indices de l'existence d'un emploi assurable.

[45] Tout d'abord, la Cour n'est pas convaincue que la situation justifie la tenue d'un procès de novo; compte tenu des hypothèses qui figurent dans la réponse et de la preuve qui lui a été présentée aujourd'hui — la preuve documentaire et la preuve verbale —, la Cour n'est pas convaincue que la ministre a mal interprété des éléments de preuve ou qu'elle a pris en considération des renseignements inexacts (sauf évidemment pour ce qui est de la modification apportée à la réponse, ce dont la Cour tient compte). Ce dernier élément représente une différence par rapport aux éléments dont la ministre avait été saisie. Toutefois, pour ce qui est des autres éléments essentiels — la nature de l'emploi et la nature des contrats de louage de services —, la ministre avait été saisie de tous ces renseignements.

[46] Compte tenu de la modification, compte tenu du témoignage présenté aujourd'hui en l'espèce et compte tenu des documents qui ont été déposés, la Cour n'est pas convaincue que la ministre s'est trompée en droit ou en fait, qu'elle a mal appliqué la preuve ou qu'elle n'a pas pris en considération certains éléments de preuve pertinents, ce qui ferait que la Cour devrait aujourd'hui tenir un procès de novo. Toutefois, au cas où la Cour ferait erreur à cet égard et qu'un autre tribunal déterminerait qu'elle aurait dû considérer qu'elle devait tenir un procès de novo, notre cour se penchera sur la question de savoir si un contrat de louage de services semblable aurait été conclu avec des parties non liées. Notre cour est convaincue que non.

[47] La seule raison pour laquelle des contrats de louage de services de cette nature — s'il s'agissait de contrats de louage de services — ont été conclus avec les particuliers appelants tient au fait que ces personnes étaient des personnes liées. La Cour prend en considération la nature de l'emploi lui-même et tient compte du fait que les heures travaillées par les particuliers appelants n'étaient pas consignées aux fins de la détermination de leur paye, qu'ils recevaient des salaires relativement élevés et qu'ils ont travaillé au cours de certaines périodes sans être payés ni être inscrits dans le livre de paye.

[48] Cet emploi était essentiellement un emploi de convenance pour la famille et se fondait sur une information erronée qu'ils avaient reçue de leur comptable ou sur une fausse interprétation de cette information. Si le comptable leur a fait croire que, chaque fois qu'une société retient les services d'actionnaires qui sont des personnes liées à l'employeur, cela signifie automatiquement qu'ils exercent un emploi assurable pourvu qu'ils ne contrôlent pas plus de 40 p. 100 des actions, c'était une information erronée. S'il ne leur a pas dit cela et que les appelants ont déterminé que leur emploi serait toujours assurable pour quelque autre raison, c'était une interprétation erronée de l'information que le comptable peut leur avoir donnée.

[49] La Cour n'est pas tout à fait sûre de ce que le comptable leur a dit puisqu'il n'est pas ici pour témoigner.

[50] En outre, on n'a pas démontré que les taux de salaire étaient raisonnables. On consignait les heures de tous les employés qui n'étaient pas des personnes liées. On ne tenait aucun registre des heures des employés qui étaient des personnes liées. Des bonis ont été accordés à tous les employés qui étaient des personnes liées. Aucun boni n'a été accordé aux employés qui n'étaient pas des personnes liées. Les employés qui n'étaient pas des personnes liées ont simplement reçu une paye de vacances. Les employés qui étaient des personnes liées ont eu des vacances.

[51] Dans le cas de David Musial, la Cour aurait du mal à expliquer pourquoi cet appelant, qui occupait un poste important, a été autorisé à prendre ses vacances au milieu de la saison de grande activité, si ce n'est parce que c'était une personne liée. Raisonnablement, aucun autre employeur n'aurait permis à un employé essentiel de prendre des vacances durant cette période, sachant qu'ils allaient être mis à pied en novembre, qu'il ne commençait à travailler qu'en avril et que, durant la saison de grande activité, chaque jour est très important pour ce type d'entreprise.

[52] La Cour s'est également penchée sur l'état financier. Les états financiers ne visaient que les années 1995 et 1994. En 1995, il y a eu une perte de 5 202 $ et en 1994, une perte de 23 651 $. La Cour n'a été saisie d'aucune information financière concernant les années en cause en l'espèce. La situation financière ne joue pas un rôle important pour ce qui est de la décision de la Cour.

[53] Outre les facteurs que la Cour a déjà mentionnés, il est évident que chacune de ces personnes n'était pas à proprement parler l'objet d'un contrôle ou d'une supervision de la part de la compagnie. Il n'y avait aucune ventilation indiquant comment on avait retenu les services de ces personnes, comment leurs contrats de louage de services avaient été élaborés et sur quoi se fondaient leurs salaires. Rien n'indique combien d'heures au juste ces personnes étaient censées travailler ou quel était le fondement des contrats de louage de services qu'elles avaient conclus.

[54] Rien n'indiquait que la compagnie elle-même tenait des procès-verbaux faisant état des besoins de la compagnie pour l'année et établissant pourquoi la compagnie avait retenu les services de ces personnes en particulier, quelles devaient être leurs fonctions et quel devait être le fondement de la rétribution. Assurément, la Cour n'a été saisie d'aucun facteur convaincant qui lui permette de conclure que leurs salaires étaient raisonnables dans les circonstances.

[55] Les différences entre les modalités d'emploi des particuliers appelants qui étaient des personnes liées et les modalités d'emploi des employés qui n'étaient pas des personnes liées indiquent bien clairement qu'un contrat de louage de services semblable n'aurait pas été conclu entre des parties non liées.

[56] La Cour devra rejeter les appels et confirmer le règlement de la ministre.

“ T. E. Margeson ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 6e jour de novembre 1998.

Isabelle Chénard, réviseure

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