Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 19991109

Dossier: 98-1868-IT-I

ENTRE :

DAVID CHRISTOPHER DANSEREAU,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Beaubier, C.C.I.

[1] L’appel en instance interjeté selon la procédure informelle a été entendu à London (Ontario) le 5 novembre 1999. L'appelant a témoigné. L’intimée a cité Christine Bernard, la vérificatrice, comme témoin. L'appelant a interjeté appel contre les nouvelles cotisations établies pour les années d'imposition 1994 et 1995.

[2] Les paragraphes 9, 10 et 11 de la réponse à l’avis d’appel sont ainsi rédigés :

[TRADUCTION]

9. En établissant les nouvelles cotisations à l’égard de l'appelant pour les années d'imposition 1994 et 1995, tel qu’il appert dans les deux avis de nouvelle cotisation datés du 23 avril 1998 qui figurent à l'annexe A ci-joint, le ministre n'a pas admis la déduction des frais d’intérêts s’élevant à 14 842 $ et 7 457 $ respectivement et réclamé des intérêts sur les arriérés s’élevant à 1 334,67 $ et 286,49 $ respectivement.

10. En établissant ces cotisations à l’égard de l'appelant, le ministre s’est appuyé sur les hypothèses suivantes :

a) dans le calcul de son revenu locatif ou de sa perte locative pour les années d'imposition 1994 et 1995, l'appelant a déduit des frais d’intérêts s’élevant à 49 405 $ et 41 346 $ respectivement;

b) le ministre n'a pas admis la déduction des frais d’intérêts s’élevant à 14 842 $ et 7 475 $ pour les années d'imposition 1994 et 1995 respectivement;

c) la dépense d’intérêt n'a pas été admise en partie à cause d’erreurs de calcul et d’une répartition inexacte entre les versements de capital et les versements d’intérêts;

d) les intérêts s’élevant à 13 532 $ et 7 824 $, dont la déduction n'a pas été admise pour les années d'imposition 1994 et 1995 respectivement, représentaient des versements de capital;

e) les intérêts s’élevant à 2 904 $ et 1 927 $, dont la déduction n'a pas été admise pour les années d'imposition 1994 et 1995 respectivement ont été versés à l’égard d’immeubles qui n’appartenaient plus à l'appelant depuis 1991;

f) les dépenses d’intérêts dont la déduction n'a pas été admise pour les années d'imposition 1994 et 1995 n’ont pas été effectuées pour de l’argent emprunté et utilisé en vue de tirer un revenu d’une entreprise ou d’un bien au sens de l’alinéa 20(1)c) de la Loi;

g) les dépenses d’intérêts de 14 842 $ et de 7 475 $ pour les années d'imposition 1994 et 1995 respectivement et dont la déduction n'a pas été admise n’ont pas été effectuées en exécution d’une obligation légale de verser des intérêts sur de l’argent emprunté et utilisé en vue de tirer un revenu d’une entreprise ou d’un bien;

h) les intérêts sur le solde dû par l'appelant pour les années d'imposition 1994 et 1995 ont été calculés conformément à l’article 161 de la Loi.

B. LES QUESTIONS EN LITIGE

11. Il s’agit de déterminer si, dans les années d'imposition 1994 et 1995, l'appelant a le droit de déduire des dépenses d’intérêts supérieures aux sommes que le ministre a acceptées et si l'appelant a l’obligation de verser des intérêts sur les arriérés pour les années d'imposition 1994 et 1995;

Aucune des hypothèses établies au paragraphe 10 n’a été réfutée.

[3] En tout temps pertinent, l'appelant enseignait au Ryerson Polytechnical Institute. En 1991, l'appelant et au moins un associé possédaient huit immeubles. Quand le secteur des propriétés immobilières en Ontario a connu une récession, il a dû vendre sept des immeubles mais a conservé celui que l’on a décrit durant l’audience comme “ l’immeuble Scone Mill ”. Certains des immeubles perdus durant la récession avaient été vendus à un prix inférieur au solde du prêt hypothécaire par les créanciers qui avaient exercé leur pouvoir de vente. Trois de ces créanciers hypothécaires avaient en conséquence exigé que l'appelant hypothèque l’immeuble Scone Mill pour garantir le remboursement des soldes dus à chacun d’eux, et c’est ce qu’il a fait. Le ministre du Revenu national n'a pas admis la déduction des intérêts versés sur ces prêts hypothécaires. L'appelant a porté cette décision en appel.

[4] Dans John M. Tennant v. Her Majesty the Queen, (C.S.C.) 96 DTC 6121, le juge Iacobucci, s’exprimant au nom de la Cour, cite les motifs du juge en chef Dickson dans l'arrêt Bronfman Trust, puis dit ce qui suit :

Par conséquent, pour déduire les intérêts versés, le contribuable doit établir un lien entre le bien dont l'utilisation actuelle est admissible, le produit de la disposition du bien dont l'utilisation initiale était admissible et l'argent qui a été emprunté pour acheter le bien dont l'utilisation initiale était admissible.

[...]

En d'autres termes, les principes dégagés dans l'arrêt Bronfman Trust indiquent implicitement que le droit de déduire l'intérêt n'est pas perdu du simple fait que le contribuable vend le bien produisant un revenu, pourvu que le contribuable réinvestisse dans un bien dont l'utilisation est admissible. Toutefois, la valeur des actions fluctue, compliquant la question de la déductibilité des intérêts. L'appelant a remplacé un bien dont l'utilisation est admissible par un autre, et les deux sont directement attribuables au même emprunt, puisque l'appelant a réinvesti tout le produit de la disposition.

L'appelant est dans une situation identique à celle que le juge Iacobucci a décrite dans la citation ci-dessus. En d’autres mots, lorsque les prêteurs ont exercé leur droit de vente, l'appelant a perdu le droit dont il jouissait initialement, c'est-à-dire celui de déduire les intérêts versés sur les prêts en question. L'appelant a fait valoir qu’il avait exploité une entreprise et mêlé le revenu et les dépenses de ses immeubles comme s’il s’agissait d’une seule entreprise. L'appelant n’a fourni aucun élément de preuve établissant que ses immeubles étaient administrés et exploités comme une seule entreprise plutôt que comme immeubles individuels dont il percevait les loyers. Selon les principes retenus par le juge Iacobucci, une dépense d’intérêt n’est déductible que si elle peut être reliée à un bien dont l’utilisation était admissible et, par conséquent, sur ce point, l’appel doit être rejeté.

[5] Le second moyen d’appel est fondé sur le fait que, lors de la vérification, les fonctionnaires de Revenu Canada ont décidé que l'appelant ne pouvait pas utiliser la méthode de la comptabilité de caisse pour calculer le revenu tiré de ses immeubles parce qu’il exploitait de nombreux immeubles et que sa façon d’imputer les divers revenus et pertes était complexe. Comme l’a fait remarqué l'avocat de l’intimée, ce point ne porte que sur l’intérêt dû à la Banque de Nouvelle-Écosse (la somme de 2 221 $ au total) parce que le droit de déduire d’autres frais d’intérêts durant les années en question avait déjà été déterminé tel que mentionné au paragraphe précédent. L'appelant a prétendu qu’il avait le droit d’utiliser la comptabilité de caisse, qu’il l’avait utilisée durant 20 ans et qu’en conséquence on devrait lui permettre de continuer de calculer son revenu de cette façon.

[6] Dans son témoignage, la vérificatrice a choisi de refaire les calculs de l’appelant selon la méthode de la comptabilité d’exercice parce que, selon elle, la façon dont l'appelant comptabilisait son revenu était complexe. Quand les nouvelles cotisations ont été établies, la comptabilité de l'appelant n’était plus très complexe. Toutefois, complexe ou non, l'appelant avait choisi et adopté la comptabilité de caisse. L’alinéa 20(1)c)de la Loi de l’impôt sur le revenu prescrit ce qui suit :

(1) Malgré les alinéas 18(1)a), b) et h), sont déductibles dans le calcul du revenu tiré par un contribuable d'une entreprise ou d'un bien pour une année d'imposition celles des sommes suivantes qui se rapportent entièrement à cette source de revenus ou la partie des sommes suivantes qu'il est raisonnable de considérer comme s'y rapportant :

[...]

(c) Intérêts — la moins élevée d'une somme payée au cours de l'année ou payable pour l'année (suivant la méthode habituellement utilisée par le contribuable dans le calcul de son revenu) et d'une somme raisonnable à cet égard, en exécution d'une obligation légale de verser des intérêts sur :

(i) de l'argent emprunté et utilisé en vue de tirer un revenu d'une entreprise ou d'un bien (autre que l'argent emprunté et utilisé pour acquérir un bien dont le revenu serait exonéré ou pour contracter une police d'assurance-vie),

[...]

En termes simples, cet alinéa permet au contribuable de choisir sa méthode de comptabilité en autant qu’il l’utilise régulièrement. En l'espèce, l'appelant avait choisi la comptabilité de caisse et l’avait toujours utilisée. Le contribuable a le droit de choisir. Sur ce point, l’appel est admis (voir les motifs du juge Sobier dans Plawiuk v. The Queen, 94 DTC 1050.)

[7] Les nouvelles cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations en conformité avec les présents motifs du jugement.

Signé à Ottawa, Canada, ce 19e jour de novembre 1999.

“ D. W. Beaubier ”

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce 28e jour d'août 2000.

Mario Lagacé, réviseur

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