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Date: 20000525

Dossiers: 1999-3315-EI; 1999-3326-CPP

ENTRE :

DUNCAN MacKINNON,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge en chef adjoint Bowman, C.C.I.

[1] Les présents appels portent sur les décisions du ministre du Revenu national selon lesquelles l'emploi que l'appelant a exercé pour T-Mac Auto Service durant les périodes allant du 3 août au 20 octobre 1993, du 1er janvier au 26 août 1994 et du 5 juin au 22 septembre 1995 n'était pas un emploi assurable et ouvrant droit à pension au sens de la Loi sur l'assurance-chômage et du Régime de pensions du Canada, respectivement.

[2] Le fondement des décisions était le même dans les deux cas, à savoir que l'appelant n'exerçait pas un emploi assurable et ouvrant droit à pension parce qu'il n'y avait pas de contrat de louage de services entre lui et le payeur, T-Mac Auto Service. Le coeur du problème est que le ministre du Revenu national a examiné un certain nombre de documents et a conclu que M. MacKinnon n'était absolument pas un employé, mais qu'il était plutôt un associé dans T-Mac Auto Service, avec Wilson Timmons. Pour l'essentiel, le ministre a décidé que l'appelant et M. Timmons avaient conclu un arrangement pour que leur relation d'associés soit assimilée à un contrat de travail, de manière que des prestations d'assurance-chômage puissent être demandées.

[3] La thèse selon laquelle l'appelant était un associé de Wilson Timmons n'est pas une thèse frivole. En 1993, l'appelant et M. Timmons s'étaient inscrits auprès de la Provincial Tax Commission comme copropriétaires d'une société de personnes, D & W Auto Service. Je présume que les lettres D & W désignent Duncan et Wilson.

[4] Voici quelles étaient les autres hypothèses.

[TRADUCTION]

d) par une lettre en date du 4 novembre 1994 adressée aux associés, la Banque Toronto-Dominion a offert d'inclure la société de personnes dans un programme de paiement direct d'achats (carte de débit) offert à toutes les stations-services Greg's;

L'intimée voulait que cette lettre soit consignée en preuve, mais, comme l'auteur n'a pas été appelé à témoigner, j'ai exclu cette lettre. La formulation d'hypothèses ne peut servir à contourner la règle du ouï-dire.

[TRADUCTION]

e) au cours de l'année civile 1993, l'appelant a fait un don de bienfaisance de 20 $ à la IWK Children's Hospital Foundation, lequel don a été déduit comme dépense d'entreprise par la société de personnes dans le calcul de son revenu pour 1993 aux fins de l'impôt sur le revenu;

Le don avait en fait été effectué par T-Mac Auto Service. Le chèque tiré sur le compte de T-Mac était signé par l'appelant.

[TRADUCTION]

f) le 4 août 1994, la municipalité du comté d'Inverness a délivré un avis d'évaluation à la société de personnes, aux soins des associés;

L'avis d'évaluation a été envoyé à T-Mac Auto, aux soins de W. Timmons et de D. MacKinnon.

[TRADUCTION]

g) le 20 janvier 1995, la Provincial Tax Commission de la Nouvelle-Écosse a envoyé un état de vendeurs / acheteurs à la société de personnes, à l'attention des associés;

La Provincial Tax Commission a envoyé un certain nombre de documents à T-Mac Auto Service, à l'attention de l'appelant et de M. Timmons.

[TRADUCTION]

h) les états financiers de la société de personnes pour l'exercice se terminant le 31 mars 1997 incluent un compte de prélèvements pour chacun des associés;

Les seuls prélèvements en faveur de l'appelant qui y sont indiqués représentent un paiement de 27,36 $ pour cinq mois fait à la Great-West, Compagnie d'Assurance-Vie, pour une police d'assurance sur la vie de l'appelant.

[TRADUCTION]

i) la société de personnes maintient une police d'assurance temporaire sur la vie de 100 000 $ auprès de la Great-West, Compagnie d'Assurance-Vie, et ce, pour chacun des associés;

L'appelant a dit qu'il ignorait tout de cette police et qu'il n'en connaissait pas le bénéficiaire.

[TRADUCTION]

j) les associés se présentaient comme formant une société de personnes durant les périodes en question;

Cette hypothèse est douteuse. Certes, les autorités fiscales provinciales ou municipales, par exemple, ont envoyé des factures aux deux, mais, en soi, cela n'est pas concluant.

[TRADUCTION]

k) la principale fonction de l'appelant consistait à faire de la tenue de livres pour la société de personnes, mais cela n'incluait pas des responsabilités comme s'occuper de la paye, effectuer les rapprochements bancaires, reporter des écritures dans les grands livres de la société de personnes, passer les écritures de fin de mois, remplir les déclarations de TVP / TPS ou remplir les déclarations d'impôt sur le revenu;

L'appelant avait d'autres fonctions comme travailler dans le garage, travailler à la pompe ou aller dépanner des véhicules. Toutefois, quelles que soient les fonctions qu'il peut avoir remplies, il s'agit de savoir s'il était un employé ou un associé.

[TRADUCTION]

la société de personnes a retenu les services d'un aide-comptable pour les fonctions de tenue de livres non remplies par l'appelant, sauf concernant la paye, dont Wilson Timmons s'occupait;

m) l'appelant a été inscrit dans le livre de paye de la société de personnes suffisamment de semaines pour être admissible à des prestations d'assurance-chômage au cours de chacune des années faisant partie des périodes en question;

n) l'appelant a continué de fournir des services à peu près semblables hors des périodes en question et il recevait l'équivalent d'une semaine de salaire par mois;

o) les associés ont conclu un arrangement pour faire financer leurs frais salariaux par le programme de prestations d'assurance-chômage;

p) il n'y avait pas de contrat de louage de services entre l'appelant et la société de personnes.

[5] Ces hypothèses ne touchent réellement pas au coeur de la question. De nombreuses causes d'assurance-chômage portent sur la question de savoir si une personne est un employé ou un entrepreneur indépendant ou si un contrat de travail allégué ne représente qu'une opération trompe-l'oeil destinée à faire croire à l'existence d'un emploi. En l'espèce, il s'agit de savoir si l'appelant était un associé dans T-Mac Auto Service ou un employé de l'entreprise appelée T-Mac Auto Service et exploitée par M. Timmons. Les principes énoncés dans l'arrêt Wiebe Door Services Ltd. c. M.R.N., [1986] 3 C.F. 553 (87 DTC 5025), n'aident pas à répondre à cette question. Les critères (ou le critère composé de quatre parties intégrantes) énoncés dans cet arrêt sont utiles pour déterminer si une personne exerçait un emploi en vertu d'un contrat de louage de services ou en vertu d'un contrat d'entreprise, mais telle n'est pas la question dans la présente espèce. Si l'appelant n'est pas un associé, il est un employé. Les deux relations s'excluent mutuellement.

[6] Les faits sur lesquels l'intimée s'est fondée pour déterminer que l'appelant était un associé et non un employé étayent nettement la position de la Couronne de prime abord. Néanmoins, d'autres faits établis en preuve militent contre la thèse selon laquelle l'appelant était un associé. Ces faits sont les suivants.

a) L'appelant a été licencié par M. Timmons après un différend au sujet d'une somme d'argent manquante. On ne licencie pas un associé.

b) L'appelant n'avait pas accès aux états financiers de T-Mac et ne savait rien des profits ou des pertes de l'entreprise.

c) L'appelant n'avait apparemment aucune responsabilité personnelle quant au paiement des factures de l'entreprise.

d) L'appelant était payé selon un taux horaire ne dépendant pas des bénéfices de l'entreprise.

e) L'appelant n'a fait aucun apport financier à l'entreprise.

[7] Un certain nombre d'autres points ont été soulignés par l'avocat de l'intimée. Par exemple, il y avait un certain nombre d'écarts entre les périodes d'emploi de l'appelant et les journées au cours desquelles l'appelant a effectivement fourni des services comme signer des chèques ou commander du matériel. De nombreuses factures que l'appelant avait signées portaient des dates ne faisant pas partie des périodes au cours desquelles l'appelant allègue qu'il travaillait. On me demande de conclure que, vu l'arrangement quelque peu informel qui avait été conclu, l'appelant n'était nullement un employé en réalité, que la relation avait davantage le caractère d'une relation d'associés et que les montants que l'appelant a reçus à titre de salaire étaient en réalité des prélèvements déguisés. En outre, il semble que l'appelant ait été signataire autorisé avant et après les périodes durant lesquelles il prétend qu'il était un employé, et il a signé un très grand nombre de factures et de chèques au cours des périodes où, d'après les registres, il ne travaillait pas.

[8] Ainsi, à partir de la masse d'éléments de preuve contradictoires et de registres non concordants, il me faut répondre à la question de savoir si l'appelant est un employé de M. Timmons, un associé de ce dernier ou ni l'un ni l'autre. La troisième hypothèse peut être rejetée. De toute évidence, il existait une relation. Je ne pense pas que l'appelant était un entrepreneur indépendant ou que l'on peut dire que l'activité était un subterfuge ou une opération trompe-l'oeil visant à donner lieu à l'admissibilité à des prestations d'assurance-chômage. Il reste à déterminer s'il existait une relation employeur-employé ou une relation d'associés. Bien que certains des facteurs que j'ai mentionnés précédemment militent contre l'existence d'une relation employeur-employé, ils n'indiquent pas sans équivoque l'existence d'une relation d'associés. L'absence apparente de risques financiers, le fait que l'appelant n'avait pas accès aux registres financiers de l'entreprise et l'absence de partage des bénéfices font partie des facteurs plus importants qui m'amènent à penser que, tout compte fait, l'appelant était un employé plutôt qu'un associé.

[9] Les appels sont accueillis et les décisions du ministre sont annulées compte tenu du fait que l'appelant exerçait un emploi assurable et ouvrant droit à pension durant les périodes en question.

Signé à Ottawa, Canada, ce 25e jour de mai 2000.

“ D. G. H. Bowman ”

J.C.A.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 17e jour d'octobre 2000.

Isabelle Chénard, réviseure

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