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Date: 20000721

Dossier: 1999-4046-IT-I

ENTRE :

WILLARD ZALESKY,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Bowman, J.C.A.

[1] Il s'agit d'appels de cotisations pour les années d'imposition de l'appelant 1995 et 1996. La question est de savoir comment répartir des pertes provenant d'une franchise de distribution Watkins exploitée par l'appelant et son épouse, Tammi. L'entreprise consistait à vendre des produits d'hygiène et de beauté ainsi que des produits d'entretien domestique.

[2] Il est admis que la franchise de distribution est une entreprise et que l'appelant et son épouse sont des associés. La question est de savoir quelle proportion des pertes doit être attribuée à chaque associé. L'intimée dit que les pertes devraient être partagées à parts égales. L'appelant dit qu'elles devraient être partagées comme suit : 75 p. 100 pour lui et 25 p. 100 pour son épouse.

[3] Dans ses déclarations de revenu de 1995 et 1996, l'appelant avait indiqué des pertes provenant de la franchise de distribution, soit des pertes d'entreprise de 14 439,02 $ et de 13 207,76 $ qu'il s'était attribuées à 100 p. 100.

[4] Le ministre du Revenu national a ramené les pertes pour 1995 et 1996 à 2 358 $ et à 3 599 $ respectivement et en a attribué 50 p. 100 à l'appelant et 50 p. 100 à l'épouse de l'appelant, Tammi.

[5] Le représentant de l'appelant, qui est comptable, avait établi la répartition indiquée pour 1995 et 1996. Il admet que la déduction, par l'appelant, de 100 p. 100 des pertes pour ces deux années-là était audacieuse. Le rajustement à la baisse des pertes de la société de personnes n'est pas contesté. La répartition de ces pertes est cependant contestée.

[6] Les paragraphes 103(1) et 103(1.1) de la Loi de l'impôt sur le revenu se lisent comme suit :

103(1) Lorsque les associés d'une société de personnes sont convenus de partager en proportions déterminées tout revenu ou perte de la société de personnes provenant d'une source donnée ou de sources situées dans un endroit déterminé ou tout autre montant qui se rapporte à une activité quelconque de la société de personnes et qui doit entrer en ligne de compte dans le calcul du revenu ou du revenu imposable de tout associé de cette société de personnes et lorsqu'il est raisonnable de considérer que cette convention a pour objet principal de réduire les impôts ou de différer le paiement des impôts qui auraient pu être ou devenir payables par ailleurs en vertu de la présente loi, la part du revenu ou de la perte, selon le cas, ou de l'autre montant, revenant à chaque associé de la société de personnes est le montant qui est raisonnable, compte tenu des circonstances, y compris les proportions dans lesquelles les associés sont convenus de partager les profits et les pertes de la société de personnes provenant d'autre sources ou de sources situées à d'autres endroits.

(1.1) Lorsque plusieurs associés d'une société de personnes qui ont, entre eux, un lien de dépendance conviennent de partager tout revenu ou toute perte de la société de personnes, ou tout autre montant qui se rapporte à une activité quelconque de la société de personnes, et qui doit entrer en ligne de compte dans le calcul du revenu ou du revenu imposable de ces associés et que la part du revenu, de la perte ou de cet autre montant revenant à l'un de ces associés n'est pas raisonnable dans les circonstances, compte tenu du capital qu'il a investi dans la société de personnes ou du travail qu'il a accompli pour elle ou de tout autre facteur pertinent, cette part est réputée, indépendamment de toute convention, être le montant qui est raisonnable dans les circonstances.

[7] Le paragraphe 103(1) n'est pas pertinent à strictement parler. L'intimée se fonde sur le paragraphe 103(1.1).

[8] Le ministre s'est basé sur les hypothèses suivantes :

[TRADUCTION]

a) Les pertes d'entreprise déclarées par l'appelant provenaient d'une franchise de distribution Watkins (l'“ entreprise ”), qui vendait des produits d'hygiène et de beauté ainsi que des produits d'entretien domestique;

b) l'entreprise a été créée en 1990 ou vers 1990, lorsque Tammi, l'épouse de l'appelant, a perdu l'emploi qu'elle exerçait pour Loblaws;

c) depuis 1990, Tammi n'avait aucun revenu et participait activement aux opérations quotidiennes de l'entreprise, presque à temps complet;

d) durant toute la période pertinente, l'appelant exerçait un emploi à temps complet pour Postes Canada et aidait son épouse au besoin, lorsqu'il en avait le temps;

e) l'investissement dans l'entreprise était peu important et consistait principalement en un ordinateur personnel, acheté en 1993 et indiqué dans les tableaux de la déduction pour amortissement pour 1995 à un coût de 3 011 $, plus un véhicule personnel acheté il y a plusieurs années et indiqué dans les tableaux de la déduction pour amortissement pour 1993 à un coût de 1 071 $;

f) l'entreprise était exploitée à partir de la résidence des Zalesky;

g) aux fins de la taxe sur les produits et services, l'entreprise était inscrite au nom de l'appelant et à celui de son épouse;

h) l'entreprise s'était vu assigner un compte de marchand par Watkins Incorporated, et ce compte (no 38509) était au nom de l'appelant et à celui de son épouse;

i) le public ne pouvait acheter de produits Watkins qu'en passant par un marchand; les clients qui commandaient directement par téléphone en utilisant l'entreprise comme marchand devaient avoir un code d'accès qui était lié au compte de marchand des Zalesky;

j) dans le message de la boîte vocale de l'entreprise, Tammy disait : “ Vous avez joint Tammi et Willard, vos représentants Watkins ”;

k) l'entreprise recrutait des distributeurs, les commanditait et soutenait leur participation active suivie au sein du groupe;

l) le groupe auquel appartenaient l'entreprise et les commanditaires de l'entreprise était le “ groupe Tammi et Willard Zalesky ”, et ce nom était utilisé dans le matériel publicitaire fourni par les commanditaires;

m) au cours des années en cause dans les appels, l'appelant et son épouse se sont tous deux vu attribuer le titre de directeur par Watkins Incorporated, soit une attribution basée sur le volume des ventes et sur le nombre de représentants commerciaux en aval;

n) au cours des années en cause dans les appels, les revenus de l'entreprise incluaient deux primes mensuelles de Watkins Incorporated basées sur les ventes personnelles et sur les ventes de groupes;

o) dans ses déclarations de revenu, l'appelant a réparti comme suit les pertes provenant de l'entreprise :

1990 et 1991 appelant 0 %

Tammi 100 %

1992 appelant 50 %

Tammi 50 %

1993 à 1996 appelant 100 %

Tammi 0 %

1997 appelant (aucune perte ni profit de déclaré)

Tammi (aucune perte ni profit de déclaré)

p) l'entreprise était exploitée en tant que société de personnes par l'appelant et son épouse;

q) la principale raison de l'arrangement visant à ce que toutes les pertes provenant de l'entreprise soient attribuées à l'appelant pour les années en cause dans les appels peut raisonnablement être considérée comme étant la réduction du montant de l'impôt pouvant par ailleurs avoir été payable par l'appelant ou être devenu payable par lui;

r) l'attribution à l'appelant de 100 p. 100 des pertes provenant de l'entreprise n'est pas raisonnable dans les circonstances;

s) l'appelant n'a pas établi le fondement d'une répartition raisonnable des pertes provenant de l'entreprise;

t) l'attribution à l'appelant de 50 p. 100 des pertes provenant de l'entreprise est jugée raisonnable dans les circonstances.

[9] Généralement parlant, les faits invoqués par le ministre du Revenu national sont exacts. M. Zalesky était facteur à temps complet pour Postes Canada. Il revenait habituellement chez lui peu après 13 heures. Mme Zalesky avait plus de temps à consacrer à l'entreprise, mais elle n'était pas en bonne santé, souffrant de migraines fortes et prolongées. Elle était physiquement incapable de faire une grande partie du travail. Les deux conjoints travaillaient à la promotion et prenaient part à des réceptions et à des collectes de fonds au cours desquelles des produits Watkins étaient vendus.

[10] Je considère comme avéré que les deux conjoints consacraient à peu près le même temps à l'entreprise.

[11] Je conviens entièrement avec l'intimée qu'attribuer 100 p. 100 des pertes à l'appelant n'est pas raisonnable.

[12] Par contre, le pourcentage de 75 p. 100 maintenant avancé par le représentant de l'appelant, M. Decosse, me paraît plus raisonnable que le pourcentage de 50 p. 100 préconisé par l'intimée. Ce qui fait pencher la balance en faveur d'un partage dans une proportion de 75 pour 25, c'est le fait que l'époux a, tout au long de la période, utilisé son salaire pour faire face aux pertes. C'est à mon avis un facteur devant être pris en compte. Le paragraphe 103(1.1) traite expressément du capital investi, et, évidemment, la prise en charge des pertes à l'aide du salaire de l'appelant représente un investissement de capital.

[13] On pourrait évidemment être enclin à mettre en question l'opportunité de la pratique qui consiste à modifier la répartition annuelle de profits ou de pertes entre des associés selon ce qui est le plus avantageux pour eux sur le plan fiscal. En l'absence d'une convention prévoyant le contraire, la présomption est évidemment que les associés partagent les profits et les pertes à parts égales (Loi sur les sociétés en nom collectif, L.R.O. 1990, ch. P. 5, article 24; Lindley & Banks on Partnership, 16e édition, page 461). Toutefois, le paragraphe 103(1.1) exige que la répartition soit ajustée aux circonstances aux fins de l'impôt. Cela n'influe évidemment pas sur les droits des associés entre eux, mais, aux fins de la Loi de l'impôt sur le revenu,l'ajustement prévu au paragraphe 103(1.1) est à mon avis approprié dans la présente espèce. Je m'attendrais évidemment que, comme j'ai déterminé que des pourcentages respectifs de 75 p. 100 et de 25 p. 100 représentaient un partage approprié, les associés conservent de tels pourcentages si l'entreprise devient rentable.

[14] Les appels sont admis et les cotisations pour 1995 et 1996 sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation pour le motif que les pertes provenant de la société de personnes devraient être réparties entre l'appelant et sa conjointe dans des proportions de 75 p. 100 et de 25 p. 100 respectivement.

[15] L'appelant a droit à l'adjudication de ses dépens, s'il en est.

Signé à Ottawa, Canada, ce 21e jour de juillet 2000.

“ D. G. H. Bowman ”

J.C.A.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 16e jour de janvier 2001.

Mario Lagacé, réviseur

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