Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date: 19980615

Dossiers: 98-29-UI; 98-67-UI

ENTRE :

CLAUDE OUELLET,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Motifs du jugement

Le juge suppléant Watson, C.C.I.

[1] Ces appels ont été entendus sur preuve commune à Rivière-du-Loup (Québec), le 5 juin 1998.

[2] L'appelant interjette appel des décisions du ministre du Revenu national, le “Ministre”, du 16 octobre 1997, selon laquelle l'emploi exercé au cours des périodes en cause, soit du 3 juillet au 3 août 1995 et du 22 juillet au 28 septembre 1996, chez Denise Ouellet et du 1er octobre au 12 octobre 1996, chez Nathalie Ouellet, exploitait le “Dépanneur Ouellet Enr.”, la payeuse, est exclu des emplois assurables au sens de la Loi sur l'assurance-chômage (la “Loi”), au motif qu'il existait un lien de dépendance entre eux.

[3] Le paragraphe 3(2) de la Loi sur l'assurance-chômage se lit en partie comme suit :

“3(2) Les emplois exclus sont les suivants

[...]

c) sous réserve de l'alinéa d), tout emploi lorsque l'employeur et l'employé ont entre eux un lien de dépendance, pour l'application du présent alinéa :

(i) la question de savoir si des personnes ont entre elles un lien de dépendance étant déterminée en conformité avec la Loi de l'impôt sur le revenu,

(ii) l'employeur et l'employé, lorsqu'ils sont des personnes liées entre elles, au sens de cette loi, étant réputés ne pas avoir de lien de dépendance si le ministre du Revenu national est convaincu qu'il est raisonnable de conclure, compte tenu de toutes les circonstances, notamment la rétribution versée, les modalités d'emploi ainsi que la durée, la nature et l'importance du travail accompli, qu'ils auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable s'ils n'avaient pas eu un lien de dépendance;

[...]”

[4] Le paragraphe 5(2) de la Loi sur l'assurance-emploi se lit en partie comme suit :

5(2) N'est pas un emploi assurable :

a) l'emploi occasionnel à des fins autres que celles de l'activité professionnelle ou de l'entreprise de l'employeur;

b) l'emploi d'une personne au service d'une personne morale si cette personne contrôle plus de quarante pour cent des actions avec droit de vote de cette personne morale;

c) l'emploi exercé au Canada et relevant de Sa Majesté du chef d'une province;

d) l'emploi exercé au Canada au service du gouvernement d'un pays étranger ou de celui d'une subdivision politique d'un tel pays;

e) l'emploi exercé au Canada au service d'un organisme international;

f) l'emploi exercé au Canada dans le cadre d'un programme d'échange mais non rétribué par un employeur résident au Canada;

g) l'emploi qui constitue un échange de travail ou de services;

h) l'emploi exclu par règlement pris en vertu du présent article;

i) l'emploi dans le cadre duquel l'employeur et l'employé ont entre eux un lien de dépendance.”

[5] L'article 251 de la Loi de l'impôt sur le revenu se lit en partie comme suit :

Article 251 : Lien de dépendance.

(1) Pour l'application de la présente loi,

a) des personnes liées sont réputées avoir entre elles un lien de dépendance;

[...]

(2) Définition de “personnes liées”. Pour l'application de la présente loi, sont des “personnes liées” ou des personnes liées entre elles :

a) des particuliers unis par les liens du sang, du mariage ou de l'adoption;

[...]”

[6] Décary, J.A. de la Cour d'appel fédérale, dans la cause Ferme Émile Richard et Fils Inc. c. Le Ministre du Revenu national (1994) 178 N.R. 361, a indiqué que lorsqu'il s'agit d'appliquer le sous-alinéa 3(2)c)(ii) de la Loi, la Cour doit se demander si la décision du Ministre “résulte d'un exercice approprié de son pouvoir discrétionnaire”. La Cour doit exiger dans un premier temps que l'appelant “fasse la preuve d'un comportement capricieux ou arbitraire du Ministre”.

[7] Dans la cause Bayside Drive-In Ltd. et Sa Majesté la Reine (1997) 218 N.R. 150, signée le 25 juillet 1997, le juge en chef Isaac de la Cour d'appel fédérale a indiqué :

“À la première étape de l'analyse, l'examen effectué par la Cour de l'impôt doit se limiter à s'assurer que le ministre a exercé son pouvoir discrétionnaire d'une façon légale. Si, et seulement si, le ministre a exercé son pouvoir discrétionnaire d'une façon qui est contraire à la loi, la Cour de l'impôt pourra ensuite procéder à une analyse du bien-fondé de la décision.”

[8] Le Ministre s'est fondé, pour rendre ses décisions, sur les faits suivants :

“Dossier - 98-29(UI)

a) La payeuse, épouse de l'appelant, a acheté le dépanneur en mai 1994 et l'a exploité jusqu'au 30 septembre 1996.

b) La payeuse a acquis le commerce pour la somme de 85 000 $ en faisant deux emprunts : un premier emprunt de 35 000 $ par le biais de l'aide à la petite entreprise en donnant la marchandise en garantie et le second, au montant de 50 000 $ consenti par la Caisse Populaire en donnant en garantie hypothécaire la maison appartenant à l'appelant.

c) L'appelant prétend qu'il n'était pas associé à son épouse dans l'exploitation du commerce malgré qu'il ait donné sa maison en garantie.

d) Le commerce de la payeuse ouvrait de 7 h 30 à 23 h 00, 7 jours par semaine; la payeuse prétend avoir été au commerce en tout temps durant les heures d'ouverture.

e) L'appelant travaillait sporadiquement pour des entreprises de construction et rendait des services à la payeuse durant les périodes en litige.

f) L'appelant s'occupait des tâches suivantes : il préparait les commandes, travaillait à la caisse, lavait les planchers, rangeait les bouteilles vides, déballait et plaçait la marchandise, etc...

g) En 1995, l'appelant a été inscrit au livre de paie de la payeuse le 3 juillet et a cessé son travail le 3 août pour aller travailler sur un chantier.

h) En 1996, l'appelant a été inscrit au livre de paie pendant 10 semaines consécutives, entre le 22 juillet et le 28 septembre, soit le minimum de semaines requises pour lui permettre de se qualifier à nouveau aux prestations.

i) Durant les semaines où il a été inscrit au livre de paie, l'appelant recevait une rémunération de 720 $ par semaine, soit 60 heures par semaine au tarif horaire de 12 $.

j) Depuis l'ouverture du commerce, l'appelant se rendait à tous les jours au commerce et ce même quand il travaillait à l'extérieur alors qu'il s'y rendait les soirs et fin de semaines.

k) En dehors des périodes en litige, l'appelant pouvait travailler jusqu'à 50 heures par semaine dans le commerce de la payeuse et ce, sans rémunération car la payeuse n'avait pas les moyens financiers pour le payer.

l) Lorsqu'il était inscrit au livre de paie de la payeuse, l'appelant recevait une rémunération nettement exagérée par rapport au salaire généralement versé aux commis dans ce genre de commerce (salaire minimum).

m) En 1996, après avoir retiré pendant 30 semaines des prestations d'assurance-chômage (maximum auquel il avait droit) jusqu'au 20 juillet 1996, l'appelant a été inscrit au livre de paie de la payeuse le 22 juillet.

n) L'appelant rendait des services, sans rémunération, à la payeuse en dehors des périodes en litige et ce, alors qu'il retirait des prestations d'assurance-chômage.

o) Les relevés d'emploi soumis par l'appelant ne reflètent pas la réalité quant aux périodes réellement travaillées et la rémunération y apparaissant est nettement exagérés par rapport aux services rendus.

Dossier - 98-67(UI)

a) du 1er mai 1994 au 30 septembre 1996, Denise Lagacé-Ouellet exploitait un dépanneur sous la raison sociale de “Dépanneur Ouellet Enr.”;

b) Denise Lagacé-Ouellet est l'épouse de l'appelant;

c) à partir du 1er octobre 1996, Denise Lagacé-Ouellet louait son dépanneur au payeur en vertu d'un bail avec promesse d'achat;

d) le 1er octobre 1996, l'appelant avait besoin de deux semaines pour se qualifier à recevoir des prestations d'assurance-emploi;

e) une des conditions de la signature du bail avec promesse d'achat était l'obligation d'engager l'appelant pour deux semaines avec une rémunération hebdomadaire de 720 $;

f) le payeur n'aurait jamais engagé l'appelant, n'eut été de la signature du bail entre Denise Lagacé-Ouellet et le payeur;

g) le payeur n'aurait jamais payé un tel salaire à l'appelant, n'eut été de la signature du bail entre Denise Lagacé-Ouellet et le payeur;

h) le payeur et l'appelant était lié par la transaction entre Denise Lagacé-Ouellet et le payeur;

i) le 17 octobre 1996, le payeur émettait un relevé d'emploi à l'appelant pour la période du 1er octobre 1996 au 12 octobre 1996, soit pour 2 semaines avec une rémunération hebdomadaire fixe de 720 $.”

[9] À l'audience, l'appelant, dans le dossier 98-29(UI), a reconnu les allégations faites aux paragraphes a) à d) et i), il a nié les faits allégués aux paragraphes e) et h), et il a ignoré les faits allégués aux paragraphes f) et g). Dans le dossier 98-67(UI), l'appelant a reconnu les allégations faites aux paragraphes a) à k), m) et n) et il a nié les faits allégués aux paragraphes l) et o).

[10] Le fardeau de la preuve incombe à l'appelant. Ce dernier doit établir, selon la prépondérance de la preuve, que les décisions du Ministre sont mal fondées en fait et en droit. Chaque cas est un cas d'espèce.

[11] Compte tenu de toutes les circonstances de l'espèce, notamment les témoignages et les aveux, je suis convaincu que l'appelant n'a pas réussi à établir, selon la prépondérance de la preuve, que le Ministre a agi d'une façon capricieuse ou arbitraire. Les parties avaient dans les faits un lien de dépendance.

[12] En conséquence, l'emploi de l'appelant est exclu des emplois assurables selon l'alinéa 3(2)c) de la Loi sur l'assurance-chômage et le paragraphe 5(2) de la Loi sur l'assurance-emploi.

[13] En conséquence, les appels sont rejetés et les décisions du Ministre en date du 16 octobre 1997 sont confirmées.

[14] Les témoins ont témoigné d'une façon ouverte, honnête et digne de crédibilité; ils ont agi de bonne foi suivant les renseignements obtenus des agents du bureau local de Développement Ressources Humaines Canada (assurance-chômage). Je me dois de faire une forte recommandation à la Commission d'étudier ce dossier à la lumière du Règlement 60(1)f) du Règlement sur l'assurance-chômage qui se lit en partie comme suit :

“60.(1) La Commission peut défalquer [...] une somme due [...] si, selon le cas :

[...]

f) la Commission estime, compte tenu des circonstances :

[...]

(ii) soit que le remboursement [...] de la somme imposerait au débiteur un préjudice abusif.”

Signé à Ottawa, Canada ce 15e jour de juin 1998.

“D.R. Watson”

J.S.C.C.I.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.