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Date: 19971210

Dossier: 95-2662-GST-I

ENTRE :

R. MULLEN CONSTRUCTION LIMITED,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Mogan, C.C.I.

[1] Durant toute la période pertinente, l'appelante oeuvrait dans le domaine de la construction d'habitations à Lower Sackville (Nouvelle-Écosse). En 1991, l'appelante avait construit une habitation neuve au 35, Armcrest Drive, Lower Sackville. En septembre 1991, les travaux étaient achevés en grande partie. À cette époque, le marché immobilier était stagnant. La maison avait été mise en vente par l'intermédiaire d'un agent immobilier, qui avait suggéré que quelqu'un l'occupe au nom de l'appelante parce qu'il serait plus facile de la vendre si elle était occupée, meublée et décorée. Dans l'appel en instance, il s'agit de savoir : (i) quel est l'effet de la taxe sur les produits et services (“ TPS ”) sur la vente d'une habitation neuve; (ii) si l'occupation d'une habitation neuve avant la vente de celle-ci influe sur l'assujettissement à la TPS; (iii) si des montants payés au ministre du Revenu national par erreur peuvent être remboursés. L'appelante a opté pour la procédure informelle.

[2] Randy Mullen était vice-président de l'appelante, dont il détenait 30 p. 100 des actions. Durant l'été 1991, il vivait avec son épouse et son beau-frère (le frère de son épouse). Randy Mullen et son épouse avaient décidé d'adopter la suggestion de l'agent immobilier et avaient ainsi, en septembre 1991, emménagé au 35, Armcrest, de manière que la maison ait l'air “ habitée ”. À compter de septembre 1991, le 35, Armcrest était resté en vente. Le 20 mars 1992, l'appelante avait conclu un contrat de vente avec Jacques et Deanna LaPierre, soit un contrat visant la vente de la maison et du terrain du 35, Armcrest, à un prix de 101 900 $. L'opération de vente s'était conclue le 12 juin 1992 et, juste avant la date de clôture, Randy Mullen et son épouse avaient déménagé du 35, Armcrest.

[3] Le contrat de vente entre l'appelante en tant que vendeur et Jacques et Deanna LaPierre en tant qu'acheteurs a été déposé en preuve sous la cote A-1. Il est difficile de déterminer à partir de la pièce A-1 si les parties s'attendaient que la TPS s'applique à l'opération, à cause de deux conditions contradictoires énoncées aux alinéas 1a) et 1h) figurant à la deuxième page de la pièce A-1, soit :

[TRADUCTION]

1a) Le solde du prix d'achat — sous réserve des ajustements habituels — doit être payé au vendeur à la date de la conclusion de l’opération. Le prix d'achat doit inclure la TPS.

1h) Si cette opération est assujettie à la TPS en vertu de la partie IX de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. 1985, ch. E-15, la TPS ne sera pas incluse dans le prix d’achat mis s'ajoutera au prix d'achat et sera perçue et versée conformément à la loi applicable. Si cette opération n'est pas assujettie à la TPS, le vendeur a convenu qu’il fournira à l'acheteur ou à l'avocat de ce dernier, au plus tard à la date de la conclusion de l’opération, une attestation, sous une forme raisonnablement satisfaisante pour l'acheteur ou l'avocat de ce dernier, certifiant que l'opération n'est pas assujettie à la TPS.

[4] M. David Melnick, qui était l'avocat de l'appelante dans l'opération de vente, a témoigné à l'audience et a dit que lui et l'avocat représentant les acheteurs étaient d'avis que la condition 1a) s'appliquait et que le prix d'achat de 101 900 $ incluait la TPS. Il a également dit que, par rapport à la condition 1h), c'était là le point de vue le plus favorable à l'acheteur. L'état des ajustements et la déclaration de fiducie qui l'accompagne concernant la conclusion de la vente figurent ensemble dans la pièce A-2. L'état des ajustements rend compte de l'opération comme suit :

[TRADUCTION]

ÉTAT DES AJUSTEMENTS

SOMMES PORTÉES AU CRÉDIT DU VENDEUR

PRIX D'ACHAT 95 233,64 $

TAXES PAYÉES D'AVANCE

AJUSTEMENT POUR MAZOUT

TPS 6 666,36 $

COÛT TOTAL POUR L'ACHETEUR 101 900,00 $

SOMMES PORTÉES AU CRÉDIT DE L'ACHETEUR

ACOMPTE 3 000,00 $

CALCUL DE LA PARTIE DE

TAXES COURANTES

DU VENDEUR :

ARRIÉRÉ DE TAXES

INTÉRÊTS SUR TAXES IMPAYÉES

CERTIFICAT DE TAXES 40,00 $

REMBOURSEMENT HYPOTHÉCAIRE

ENREGISTREMENT DE MAINLEVÉE(S) 42,00 $

TOTAL DES SOMMES PORTÉES AUX CRÉDITS DE L'ACHETEUR 3 082,00 $

SOLDE REQUIS POUR LA CONCLUSION DE L'OPÉRATION 98 818,00 $

[5] Considéré isolément, l'état des ajustements indique que de la TPS était payable sur la vente et que le montant de la TPS était de 6 666,36 $. Il y a cependant une contradiction entre la pièce A-1 (contrat de vente) et la pièce A-2 (état des ajustements), car la pièce A-1 indique que le prix d'achat est de 101 900 $, alors que la pièce A-2 indique qu'il est de 95 233,64 $. Aucun élément de preuve n'indique que le vendeur, les acheteurs ou les agents immobiliers étaient au courant du prix d'achat fictif de 95 233,64 $ figurant dans la pièce A-2. La pièce A-1 et la preuve orale de M. Melnick et de Randy Mullen me convainquent que le vendeur et les acheteurs n'ont jamais eu à l'esprit le montant de 95 233,64 $ lorsqu'ils ont signé la pièce A-1. Ils avaient seulement en tête le prix convenu de 101 900 $. S'ils pensaient réellement que la condition 1a) s'appliquait et non la condition 1h), le prix convenu de 101 900 $ était le montant maximum que les acheteurs seraient tenus de payer, et le vendeur paierait de la taxe en utilisant le produit de la vente. Il se peut que, au printemps 1992, la juste valeur marchande du 35, Armcrest Drive ait été de 101 900 $.

[6] Je conclus que le montant de 95 233,64 $ a été fixé lorsque l'avocat du vendeur a présumé que le prix convenu de 101 900 $ figurant dans la pièce A-1 incluait 7 p. 100 de TPS. Si l'on divise le prix convenu de 101 900 $ par 107 et que l'on multiplie le résultat par 100, le montant final est 95 233,64 $. À mon avis, les montants de 95 233,64 $ et de 6 666,36 $ figurant dans la pièce A-2 ont été déterminés par extrapolation, à partir du prix d'achat convenu de 101 900 $ figurant dans la pièce A-1.

[7] D'après le témoignage de Randy Mullen, que la TPS s'applique ou non, le prix relatif à la vente faite aux LaPierre resterait le même. Randy Mullen a également témoigné que, s'il avait su que l'appelante serait assujettie à une “ autocotisation ” (la vente qui est réputée avoir été faite en vertu de l'article 191 est appelée “ fourniture à soi-même ”), le prix de vente aurait été accru. En contre-interrogatoire, il a donné les réponses suivantes :

[TRADUCTION]

Q. Monsieur Mullen, soutenez-vous que le libellé du contrat de vente indique que vous entendiez que le prix reste le même, que la TPS s'applique ou non?

R. Oui. En fait, ce prix d'achat a été établi de manière à inclure la TPS, le remboursement étant cédé à l'acheteur, ce qui, essentiellement, représentait une somme portée au crédit de l'acheteur et réduisait le prix. Si j'avais su que nous serions assujettis à une autocotisation, le prix aurait en fait augmenté. Comme nous n'avions pas droit au remboursement en tant que société, il aurait fallu que j'augmente le prix d'un montant correspondant au remboursement. Donc, le prix aurait en fait été supérieur.

[...]

Nous avons ce que nous appelons des “ coûts essentiels ” dans le domaine de la construction. Cela va du coût du terrain, de l'excavation et des matériaux de construction jusqu'au coût de la plomberie et de l'électricité. Dès que nous sommes assujettis comme compagnie à une autocotisation et que nous devons payer la TPS à Revenu Canada, cela devient un autre coût essentiel, que nous ne pouvons recouvrer. Donc, ce coût doit être ajouté aux coûts essentiels. Par conséquent, le prix d'achat serait alors effectivement supérieur. Si c'est une habitation neuve qui est vendue et que le remboursement de la TPS est accordé, l’acheteur reçoit ce remboursement, ce qui fait que nous réduisons le prix en conséquence.

(Transcription — pages 40-41)

Ces réponses montrent que Randy Mullen était au courant en 1992 du remboursement pour habitations neuves (36 p. 100 de la TPS), mais il n'était pas au courant de la règle relative à la vente réputée avoir été faite (fourniture à soi-même).

[8] Je passe maintenant aux dispositions pertinentes de la loi relative à la TPS, entrée en vigueur le 1er janvier 1991. Cette façon de taxer des opérations commerciales était nouvelle et compliquée. Il y a une disposition spéciale (article 254 de la Loi sur la taxe d'accise, laquelle renferme les dispositions législatives relatives à la TPS) qui prévoit un remboursement de 36 p. 100 de la TPS sur la vente d'une habitation neuve. Cette disposition spéciale fonctionne comme ceci. Le taux de la TPS est fixé à 7 p. 100. Appliquée à la vente d'une habitation neuve, la TPS accroît de 7 p. 100 le coût d'une telle habitation. Pour atténuer l'effet de cette augmentation de coût (et, je présume, pour encourager la construction d'habitations neuves), le législateur a prévu un remboursement correspondant à 36 p. 100 des 7 p. 100 de TPS, soit 2,52 p. 100. Une fois le remboursement pris en considération, la TPS nette sur la vente d'une habitation neuve n'est que de 4,48 p. 100 (7 p. 100 moins 2,52 p. 100). Pour l'essentiel, le remboursement donne lieu à une taxe nette d'environ 4,5 p. 100 sur la vente d'une habitation neuve. La disposition législative autorisant ce remboursement est l'article 254 de la Loi sur la taxe d'accise, dont je ne citerai que les passages les plus pertinents :

254(2) Le ministre verse un remboursement à un particulier dans le cas où, à la fois :

a) le constructeur d'un immeuble d'habitation à logement unique [...] effectue, par vente, la fourniture taxable au profit du particulier;

b) au moment où le particulier devient responsable ou assume une responsabilité aux termes du contrat de vente [...] conclu entre le constructeur et le particulier, celui-ci acquiert l'immeuble [...] pour qu'il lui serve de lieu de résidence habituelle [...]

c) le total [... de] la contrepartie payable pour la fourniture de l'immeuble [...] effectuée au profit du particulier [...] est inférieur à 450 000 $;

[...]

f) entre le moment où les travaux sont achevés en grande partie et celui où la possession de l'immeuble [...] est transférée au particulier en vertu du contrat de vente :

(i) l'immeuble n'a pas été occupé à titre résidentiel ou d'hébergement,

[...]

g) selon le cas :

(i) le premier particulier à occuper l'immeuble [...] à titre résidentiel, à un moment après que les travaux sont achevés en grande partie, est :

(A) [...] le particulier ou son proche,

[...]

Le remboursement est égal au montant suivant :

h) si la contrepartie totale est de 350 000 $ ou moins, un montant égal au moins élevé de 8 750 $ et de 36 % du total de la taxe visée à l'alinéa d);

[...]

Lorsque l'appelante avait produit sa déclaration de TPS pour la période se terminant le 30 juin 1992, elle avait retenu 2 400 $ au titre du remboursement de 36 p. 100 et n'avait payé que 4 266 $ (6 666 $ moins 2 400 $) relativement à la vente effectivement faite aux LaPierre.

[9] Il y a une autre disposition dans la législation portant sur la TPS qui influait directement sur la vente du 35, Armcrest. Si le constructeur d'une habitation en transfère la possession à une personne à titre résidentiel aux termes d'un bail ou d'un accord semblable ou l'occupe lui-même, il est réputé avoir vendu l'habitation à la date à laquelle il en a transféré la possession ou l'a occupée lui-même. La vente ainsi réputée avoir été effectuée en vertu de l'article 191 fait que le constructeur contracte une obligation en matière de TPS. Les passages pertinents de l'article 191 se lisent comme suit :

191(1) Pour l'application de la présente partie, lorsque les conditions suivantes sont réunies :

a) la construction ou les rénovations majeures d'un [...] immeuble d'habitation à logement unique [...] sont achevées en grande partie,

b) le constructeur de l'immeuble :

(i) soit en transfère la possession à une personne aux termes d'un bail, d'une licence ou d'un accord semblable (sauf un accord qui est connexe à un contrat de vente visant l'immeuble et qui porte sur la possession ou l'occupation de l'immeuble jusqu'au transfert de sa propriété à l'acheteur aux termes du contrat) conclu en vue de l'occupation de l'immeuble à titre résidentiel,

[...]

(iii) soit, s'il est un particulier, occupe lui-même l'immeuble à titre résidentiel,

c) le constructeur, la personne ou le particulier locataire de celle-ci ou titulaire d'un permis de celle-ci est le premier à occuper l'immeuble à titre résidentiel après que les travaux sont achevés en grande partie,

le constructeur est réputé :

d) avoir effectué et reçu, par vente, la fourniture taxable de l'immeuble au dernier en date du jour où les travaux sont achevés en grande partie et du jour où la possession de l'immeuble est transférée à la personne ou l'immeuble est occupé par lui;

e) avoir payé à titre d'acquéreur et perçu à titre de fournisseur, au dernier en date de ces jours, la taxe relative à la fourniture, calculée sur la juste valeur marchande de l'immeuble ce jour-là.

[10] Lorsque Randy Mullen et son épouse ont emménagé au 35, Armcrest, soit en septembre 1991, ni l'appelante ni Randy Mullen n'étaient au courant de la “ vente réputée avoir été faite ” en vertu de l'article 191. Vers le début de l'été 1992, Revenu Canada avait effectué une vérification en matière de TPS auprès de l'appelante. À cette époque, Revenu Canada avait appris que Randy Mullen et son épouse avaient occupé le 35, Armcrest, de septembre 1991 à juin 1992. Par voie d'avis de cotisation en date du 7 août 1992, l'appelante avait été l'objet d'une cotisation en vertu du paragraphe 191(1) relativement à l'occupation du 35, Armcrest, par Randy Mullen et son épouse de septembre 1991 à juin 1992. La vente réputée avoir été faite remontait à septembre 1991. L'appelante avait payé la TPS de 6 666 $ concernant la vente réputée avoir été faite, mais elle avait déposé un avis d'opposition à la cotisation du 7 août 1992. L'opposition de l'appelante avait été rejetée par le ministre du Revenu national par voie d'avis de décision en date du 15 février 1993. L'appelante n'avait pas interjeté appel à l'encontre du rejet, par le ministre, de son opposition. Il semble que le remboursement de 36 p. 100 prévu à l'article 254 ne s'applique pas à la vente d'habitations neuves réputée avoir été faite en vertu de l'article 191, le remboursement n'étant accordé que relativement à une vente effective dans les cas où l'habitation n'a pas été occupée à titre résidentiel avant que la possession en soit transférée à l'acheteur véritable. Voir le sous-alinéa 254(2)f)(i), précité.

[11] Comme je l'ai mentionné précédemment, l'appelante avait retenu le montant du remboursement (2 400 $) lorsque, en juillet 1992, elle avait payé 4 266 $ relativement à la vente effectivement faite aux LaPierre. Après avoir établi une cotisation pour le montant intégral de la TPS sur la vente réputée avoir été faite (fourniture à soi-même) en raison de l'occupation de l'habitation en septembre 1991, le ministre avait établi une autre cotisation à l'égard de l'appelante, pour le montant du remboursement (2 400 $) qui avait été retenu sur la vente effective. Randy Mullen a dit dans son témoignage :

[TRADUCTION]

R. Eh bien, pour revenir au 35, Armcrest, lorsque nous avons vendu la maison, puis versé la TPS, nous avons versé la TPS qui avait été perçue sur la vente, moins le montant du remboursement. On nous a ultérieurement assujettis à une autocotisation, on nous a obligés à payer encore le pourcentage intégral de la TPS, soit 7 p. 100, puis une cotisation a été établie à notre égard pour la partie du remboursement que nous avions retenue sur le versement de TPS, ce qui fait que nous avons payé 14 p. 100 de TPS sur le 35, Armcrest.

(Transcription - pages 36-37)

[...]

Q. Et ils ont également reçu six mille six cents dollars (6 600 $) de votre compagnie, soit le montant payé relativement au fait que vous aviez emménagé dans la maison en septembre.

R. Oui. Puis, dans le cadre d'une cotisation ultérieure, ils m'ont nié le droit au montant du remboursement que j'avais retenu en faisant notre versement et m'ont ainsi assujetti à un paiement supplémentaire de deux mille cinq cents dollars (2 500 $).

(Transcription - page 58)

[12] L'appelante est maintenant en difficulté financière en ce qu'elle a payé le montant de 6 666,36 $ deux fois relativement à la construction, à l'occupation et à la vente du 35, Armcrest Drive. Chronologiquement, l'appelante a d'abord payé 4 266 $ en juillet 1992 par suite de la vente effectivement faite aux LaPierre le 12 juin. Après l'avis de cotisation en date du 7 août 1992 pour la période de déclaration de l'appelante se terminant le 30 septembre 1991, l'appelante a payé 6 666,36 $ par suite de l'occupation de la maison, par Randy Mullen et son épouse, à partir du début de septembre 1991. Puis l'appelante a été l'objet d'une cotisation et a payé le montant du remboursement (2 400 $) qui avait été retenu sur le paiement de 4 266 $ en juillet.

[13] L'intimée admet à l'alinéa 4f) de la réponse à l'avis d'appel que l'appelante n'était pas tenue de percevoir ou de payer de la TPS sur la vente effective du 35, Armcrest, en juin 1992. Elle l'admet en raison du fait que la maison a été occupée par Randy Mullen et son épouse de septembre 1991 à juin 1992. La TPS ne s’applique pas à la vente d’une maison qui a déjà servi; elle ne s'applique qu'à la vente d'une maison neuve. Comme de la TPS a été fixée par voie de cotisation et payée sur la vente réputée avoir été faite en septembre 1991 (en raison de l'occupation de la maison par le constructeur), la vente effectivement faite aux LaPierre en juin 1992 est considérée comme la vente d'une maison qui a déjà servi, sur laquelle aucune TPS n'est payable.

[14] Pour ce qui est de la première question en litige, l'appelante cherche à recouvrer le montant (6 666,36 $) qu'elle payé relativement à la vente effective du 35, Armcrest, en juin 1992.

[15] Dans le cadre de l'argumentation, on m'a renvoyé à seulement deux dispositions grâce auxquelles l'appelante pourrait obtenir une mesure de redressement. L'article 232 pourrait permettre à l'appelante de déduire le montant de 6 666,36 $ en déterminant la taxe nette pour une période de déclaration actuelle ou future. En vertu de l'article 261, le ministre pourrait être tenu de rembourser 6 666,36 $ à l'appelante. Je traiterai d'abord de l'article 232 :

232(1) La personne qui, au cours de sa période de déclaration, exige ou perçoit d'une autre personne un montant au titre de la taxe prévue à la section II qui dépasse celui qu'elle pouvait percevoir peut, au cours de cette période ou dans les quatre ans suivant la fin de celle-ci :

a) si l'excédent est exigé mais non perçu, redresser la taxe exigée;

b) si l'excédent est perçu, le rembourser à l'autre personne ou le porter à son crédit.

[...]

232(3) Les règles suivantes s'appliquent dans le cas où une personne redresse un montant en faveur d'une autre personne en application des paragraphes (1) [...], le lui rembourse ou le porte à son crédit :

a) elle remet à l'autre personne, dans un délai raisonnable, une note de crédit, contenant les renseignements réglementaires, pour le montant remboursé ou le montant du redressement ou du crédit, à moins que cette dernière ne lui remette une note de débit, contenant les renseignements réglementaires, pour un tel montant;

b) le montant est déductible dans le calcul de la taxe nette de la personne pour sa période de déclaration au cours de laquelle elle remet la note de crédit ou reçoit la note de débit, dans la mesure où il a été inclus dans le calcul de sa taxe nette pour cette période ou pour une de ses périodes de déclaration antérieures;

[...]

[16] L'intimée soutient que l'appelante ne peut déduire le montant de 6 666,36 $ en vertu de l'alinéa 232(3)b) à moins de rembourser d'abord ce même montant à Jacques et Deanna LaPierre. Dans les circonstances de l'espèce, l'argument de l'intimée est absurde, et ce, pour les raisons suivantes. Seule l'appelante a payé la TPS de 6 666,36 $ en vertu de l'article 191 sur la vente réputée avoir été faite relativement à l'occupation du 35, Armcrest, par Randy Mullen et son épouse en septembre 1991. C'est l'occupation de la maison par Randy Mullen et son épouse qui a fait de la vente effective aux LaPierre une opération exonérée de taxe. Comme il s'agissait d'une nouvelle mesure législative et que l'appelante n'était pas au courant de son assujettissement à de la taxe sur la vente réputée avoir été faite en vertu de l'article 191, l'appelante a payé 6 666,36 $ en utilisant le produit effectif de la vente aux LaPierre. D'après la preuve que Randy Mullen a présentée et qui n'a pas été contestée, que la TPS s'applique ou non, le prix convenu de 101 900 $ resterait le même. Je crois ce que dit Randy Mullen et conclus que seul l'avocat du vendeur était arrivé au montant de 6 666,36 $, par extrapolation, à partir du prix convenu de 101 900 $. L'appelante a déboursé 13 333 $ (deux fois 6 666,36 $) par suite de la construction, de l'occupation et de la vente du 35, Armcrest. L'intimée soutient que, si elle paie un troisième montant de 6 666,36 $, à Jacques et Deanna LaPierre, l'appelante pourra, en vertu de l'alinéa 232(3)b), déduire ce troisième montant en déterminant sa taxe nette pour une période de déclaration actuelle ou future. Encore là, l'appelante aurait déboursé 13 333 $ de TPS pour la construction, l'occupation et la vente d'une maison sur laquelle seulement 6 666,36 $ de TPS auraient dû être payés.

[17] Il n'y a aucune raison que l'appelante rembourse 6 666,36 $ à Jacques et Deanna LaPierre si cela ne l'avance pas. Me basant sur le témoignage de Randy Mullen, je suis convaincu que, au printemps 1992, la juste valeur marchande du 35, Armcrest, était de 101 900 $. Bien que Jacques et Deanna LaPierre n'aient pas témoigné dans l'appel en instance, je conclus qu'ils estimaient payer la juste valeur marchande du 35, Armcrest, lorsque, le 20 mars 1992, ils ont signé la pièce A-1, acceptant de payer la maison 101 900 $. Ils ne se souciaient probablement pas de savoir si l'appelante devait payer de la TPS sur l'argent qu'ils lui versaient pour leur achat, pas plus qu'une personne qui achète une bouteille d'alcool au Canada ne se soucie de savoir si le vendeur paiera de la taxe d'accise sur cette bouteille. Dans l'esprit d'un acheteur, par des termes comme “ Le prix d'achat doit inclure la TPS ” (alinéa 1a) de la pièce A-1), tout assujettissement à de la taxe est simplement refilé au vendeur, et le montant que l'acheteur est tenu de payer se trouve plafonné. Un des aspects négatifs d'une taxe cachée ou indirecte est que l'acheteur qui paie indirectement la taxe n'en connaît pas le montant et que, souvent, il ne se soucie pas de savoir quel en est le montant. Le montant de la taxe se fond simplement dans la juste valeur marchande d'un produit donné.

[18] L'article 232 ne s'applique que si une personne exige ou perçoit d'une autre personne un montant “ au titre de la taxe [...] qui dépasse celui qu'elle pouvait percevoir ”. C'est un fait qu'aucune taxe n'était percevable sur la vente aux LaPierre du 35, Armcrest, même si le vendeur ne le savait pas au moment de la vente, en juin 1992. Me basant sur la pièce A-1 et sur la preuve orale de Randy Mullen, je conclus que le montant de 101 900 $ représentait la juste valeur marchande du 35, Armcrest, à l'époque de la vente de celui-ci, soit au printemps 1992. Autrement dit, que la TPS s'applique ou non à la vente, le prix de vente serait resté le même. Donc, de la façon dont j'interprète l'article 232, on ne peut dire que l'appelante a exigé ou perçu de la TPS de M. et Mme LaPierre si aucune TPS n'était percevable et que les LaPierre estimaient payer la juste valeur marchande. L'article 232 ne s'applique pas à la vente faite par l'appelante aux LaPierre en juin 1992.

[19] L'article 232 traite principalement du cas d'une personne qui a perçu trop de taxe d'une autre personne. L'article 261 traite principalement du cas d'une personne qui a payé trop de taxe au ministre.

261(1) Dans le cas où une personne paie un montant au titre de la taxe, de la taxe nette, des pénalités, des intérêts ou d'une autre obligation selon la présente partie alors qu'elle n'avait pas à le payer ou à le verser, ou paie un tel montant qui est pris en compte à ce titre, le ministre lui rembourse le montant, indépendamment du fait qu'il ait été payé par erreur ou autrement.

L'appelante et l'intimée conviennent que, sur la vente faite aux LaPierre en juin 1992, un montant de 6 666,36 $ a été payé au ministre au titre de la taxe; elles conviennent en outre qu'aucune taxe n'était payable relativement à cette vente. L'intimée soutient que tout montant payé au titre de la taxe par erreur au sens de l'article 261 a été payé par Jacques et Deanna LaPierre. L'intimée se fonde sur l'état des ajustements (pièce A-2). L'appelante soutient que tout montant qui a ainsi été payé l'a été par elle, et elle se fonde sur le fait que la juste valeur marchande du 35, Armcrest, était en juin 1992 de 101 900 $, montant que les acheteurs étaient tenus de payer, que la TPS s'applique ou non. J'accepte l'argument de l'appelante et rejette celui de l'intimée. À mon avis, le montant de 6 666,36 $ figurant dans la pièce A-2 était une création de l'imagination de l'avocat du vendeur qui a établi l'état des ajustements. Le vendeur, soit l'appelante, ou les acheteurs (Jacques et Deanna LaPierre) n'ont jamais eu à l'esprit un prix de vente de 95 233,64 $. Le prix de 101 900 $ dont ils avaient convenu représentait la juste valeur marchande. Le vendeur a, par l'intermédiaire de son avocat, commis une erreur en établissant l'état des ajustements et en faisant état d'un prix de vente fictif de 95 233,64 $ et d'un montant de 6 666,36 $ au titre de la taxe. Les acheteurs ont payé ce qu'ils avaient accepté de payer (101 900 $) lorsque, le 12 juin 1992, ils ont conclu l'opération, et ce, sans se soucier de savoir si le vendeur (l'appelante) pouvait ou non être tenu de payer un certain montant au titre de la TPS. Je conclus que l'appelante a payé un montant au titre de la taxe par erreur au sens de l'article 261.

[20] On n'a présenté aucun argument selon lequel une disposition quelconque des paragraphes (2) et (3) de l'article 261 empêcherait le versement d'un remboursement par le ministre. J'ordonnerai donc que le ministre effectue un remboursement de 6 666,36 $ à l’appelante.

[21] Le deuxième point en litige concerne la vente d'une autre maison, soit le 30, Armcrest Drive. Lorsque Randy Mullen et son épouse ont déménagé du 35, Armcrest, juste avant la vente de celui-ci le 12 juin 1992, ils ont emménagé avec les parents de Mme Mullen. Vers le début de juillet, la construction du 30, Armcrest, était achevée en grande partie, et cette maison a été mise en vente. Par voie de contrat de vente (pièce R-3) en date du 20 juillet 1992, l'appelante a accepté de vendre le 30, Armcrest Drive, à Dale et Marie Lowe, à un prix de 115 000 $; l'opération devait se conclure le 25 août. Conformément à une contre-offre (pièce R-4), les parties avaient convenu de porter le prix à 115 500 $. La contre-offre prévoyait également ce qui suit :

[TRADUCTION]

Les acheteurs savent que le vendeur emménagera dans ladite maison et que celle-ci sera toutefois vacante lorsque, à la date de la conclusion de la vente, la possession leur en sera transférée.

Randy Mullen a témoigné que, lorsque M. et Mme Lowe avaient accepté d'acheter le 30, Armcrest, et qu'ils avaient appris que Randy Mullen et son épouse vivaient avec des beaux-parents, les Lowe avaient dit qu'ils n'avaient aucune objection à ce que Randy Mullen et son épouse vivent au 30, Armcrest, jusqu'à la date de la conclusion de la vente. Tel est le fondement de l'adjonction, à la contre-offre, de la disposition précitée.

[22] Randy Mullen et son épouse ont emménagé au 30, Armcrest, la dernière semaine de juillet 1992 et en ont déménagé avant la date de la conclusion de la vente du 25 août 1992. Ils ont vécu là environ 30 jours. Lorsque, au cours de l'été 1992, Revenu Canada a effectué une vérification en matière de TPS et a appliqué la règle de la fourniture à soi-même de l'article 191 à l'occupation, en septembre 1991, du 35, Armcrest, il a également appliqué cette règle à l'occupation du 30, Armcrest, par Randy Mullen et son épouse de la fin de juillet au 24 août 1992. L'appelante a déposé un avis d'opposition, soit une opposition à l'application de la règle de la fourniture à soi-même au 30, Armcrest. Le ministre a admis l'opposition de l'appelante en raison de la disposition du sous-alinéa 191(1)b)(i) qui permet une possession ou une occupation si cela se fait aux termes d'un accord qui est connexe à un contrat de vente et que la possession ou l'occupation cesse avant le transfert de la propriété de l'habitation. Voir le texte intégral, précité, du sous-alinéa en question.

[23] Ayant eu gain de cause dans son opposition relative à la fourniture à soi-même, l'appelante avait demandé le remboursement de 36 p. 100 de la TPS payée sur la vente effective du 30, Armcrest, du 25 août 1992. Le ministre a refusé de verser le remboursement parce que l'une des conditions prévues au sujet du remboursement au sous-alinéa 254(2)f)(i) est que la maison n'ait pas été occupée à titre résidentiel entre le moment où les travaux sont achevés en grande partie et celui où la possession est transférée à un acheteur en vertu d'un contrat de vente. L'appelante soutient que le ministre est inconséquent, car il a admis l'opposition de l'appelante et n'a pas appliqué la règle de la fourniture à soi-même dans le cas du 30, Armcrest, cas dans lequel la maison n'avait été occupée que pendant environ 30 jours.

[24] Je conclus que le ministre n'est pas inconséquent dans son refus de verser le remboursement et que l'appelante n'a pas droit à un remboursement concernant la vente effective du 30, Armcrest. Les termes du sous-alinéa 254(2)f)(i) sont réellement différents de ceux du sous-alinéa 191(1)b)(i). En vertu de l'article 254, le ministre est obligé de verser un remboursement à la condition que l'habitation n'ait pas été occupée à titre résidentiel entre le moment où les travaux sont achevés en grande partie et celui où la possession est transférée au premier acheteur véritable. En vertu de l'article 191, une vente est réputée avoir été faite si le constructeur transfère la possession de l'habitation à une personne à titre résidentiel aux termes d'un bail ou d'un accord semblable après que les travaux sont achevés en grande partie. Une claire exception est toutefois prévue au sous-alinéa 191(1)b)(i) lorsque la possession de l'habitation est prévue aux termes d'un bail ou d'un accord semblable qui est connexe à un contrat de vente.

[25] Compte tenu de l'application de ces dispositions au 30, Armcrest Drive, l'occupation de cette maison par Randy Mullen et son épouse de la fin juillet au 24 août 1992 était prévue aux termes d'un accord qui était connexe au contrat de vente conclu avec Dale et Marie Lowe. La contre-offre (pièce R-4) dit : [TRADUCTION] “ [...] emménagera dans ”. L'occupation de la maison par Randy Mullen et son épouse entrait dans le cadre de l'exception prévue à l'article 191; il n’y avait donc pas de vente réputée avoir été faite. À l'article 254, une telle exception n'existe pas. La simple occupation de l'habitation à titre résidentiel ne satisfait pas à la condition prévue et dégage le ministre de toute obligation de verser un remboursement. Le ministre n'est pas tenu de verser un remboursement aux termes de l'article 254 parce que Randy Mullen et son épouse ont occupé le 30, Armcrest, à titre résidentiel de la fin de juillet au 24 août 1992.

[26] En résumé, l'appel est accueilli pour ce qui est du remboursement d'un montant de 6 666,36 $ en vertu de l'article 261 concernant la vente effective du 35, Armcrest Drive, mais il est rejeté pour ce qui est du remboursement d'un montant en vertu de l'article 254 concernant la vente effective du 30, Armcrest Drive. Aucune ordonnance quant aux frais ne sera rendue.

Signé à Ottawa, Canada, ce 10e jour de décembre 1997.

“ M. A. Mogan ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 23e jour de février 1998.

Benoît Charron, réviseur

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