Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date: 19980615

Dossier: 98-30-UI

ENTRE :

ISABELLE OUELLET,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Motifs du jugement

Le juge suppléant Watson, C.C.I.

[1] Cet appel a été entendu à Rivière-du-Loup (Québec), le 5 juin 1998.

[2] L'appelante interjette appel de la décision du ministre du Revenu national, le “Ministre”, du 16 octobre 1997, selon laquelle l'emploi exercé au cours de la période en cause, soit du 27 février au 23 juin 1995, lorsqu'au service de Mme Denise Ouellet, exploitant “Dépanneur Ouellet Enr.”, la payeuse, est exclu des emplois assurables au sens de la Loi sur l'assurance-chômage (la “Loi”), au motif qu'il existait un lien de dépendance entre eux.

[3] Le paragraphe 3(2) de la Loi se lit en partie comme suit :

“3(2) Les emplois exclus sont les suivants

[...]

c) sous réserve de l'alinéa d), tout emploi lorsque l'employeur et l'employé ont entre eux un lien de dépendance, pour l'application du présent alinéa :

(i) la question de savoir si des personnes ont entre elles un lien de dépendance étant déterminée en conformité avec la Loi de l'impôt sur le revenu,

(ii) l'employeur et l'employé, lorsqu'ils sont des personnes liées entre elles, au sens de cette loi, étant réputés ne pas avoir de lien de dépendance si le ministre du Revenu national est convaincu qu'il est raisonnable de conclure, compte tenu de toutes les circonstances, notamment la rétribution versée, les modalités d'emploi ainsi que la durée, la nature et l'importance du travail accompli, qu'ils auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable s'ils n'avaient pas eu un lien de dépendance;

[...]”

[4] L'article 251 de la Loi de l'impôt sur le revenu se lit en partie comme suit :

Article 251 : Lien de dépendance.

(1) Pour l'application de la présente loi,

a) des personnes liées sont réputées avoir entre elles un lien de dépendance;

[...]

(2) Définition de “personnes liées”. Pour l'application de la présente loi, sont des “personnes liées” ou des personnes liées entre elles :

a) des particuliers unis par les liens du sang, du mariage ou de l'adoption;

[...]”

[5] Décary, J.A. de la Cour d'appel fédérale, dans la cause Ferme Émile Richard et Fils Inc. c. Le Ministre du Revenu national (1994) 178 N.R. 361, a indiqué que lorsqu'il s'agit d'appliquer le sous-alinéa 3(2)c)(ii) de la Loi, la Cour doit se demander si la décision du Ministre “résulte d'un exercice approprié de son pouvoir discrétionnaire”. La Cour doit exiger dans un premier temps que l'appelante “fasse la preuve d'un comportement capricieux ou arbitraire du Ministre, preuve qui n'est généralement pas chose facile”.

[6] Dans la cause Bayside Drive-In Ltd. et Sa Majesté la Reine (1997) 218 N.R. 150, signée le 25 juillet 1997, le juge en chef Isaac de la Cour d'appel fédérale a indiqué :

“À la première étape de l'analyse, l'examen effectué par la Cour de l'impôt doit se limiter à s'assurer que le ministre a exercé son pouvoir discrétionnaire d'une façon légale. Si, et seulement si, le ministre a exercé son pouvoir discrétionnaire d'une façon qui est contraire à la loi, la Cour de l'impôt pourra ensuite procéder à une analyse du bien-fondé de la décision.”

[7] Le Ministre s'est fondé, pour rendre sa décision, sur les faits suivants :

“a) La payeuse, mère de l'appelante, a acheté le dépanneur en mai 1994 et l'a exploité jusqu'au 30 septembre 1996.

b) La payeuse a acquis le commerce pour la somme de 85 000 $ en faisant deux emprunts : un premier emprunt de 35 000 $ par le biais de l'aide à la petite entreprise en donnant la marchandise en garantie et le second, au montant de 50 000 $ consenti par la Caisse Populaire en donnant en garantie hypothécaire la maison appartenant à son conjoint, M. Claude Ouellet.

c) Le commerce de la payeuse ouvrait de 7 h 30 à 23 h 00, 7 jours par semaine; la payeuse prétend avoir été au commerce en tout temps durant les heures d'ouverture.

d) La payeuse embauchait son conjoint et l'appelante régulièrement en ne les rémunérant que très sporadiquement pour les services rendus.

e) L'appelante travaillait comme gérante au commerce de la payeuse; elle s'occupait de la comptabilité, travaillait à la caisse, appelait pour les commandes, remplissait les réfrigérateurs et tablettes, s'occupait des fournisseurs, faisait du ménage, etc...

f) L'appelante prétend qu'elle faisait 45 heures par semaine selon un horaire variable.

g) Uniquement pour le travail de comptabilité, l'appelante consacrait 20 heures par semaine à cette tâche.

h) L'appelante reconnaît qu'elle faisait la comptabilité depuis l'ouverture du commerce de la payeuse; elle faisait donc un minimum de 20 heures par semaine, avant et après la période en litige et ce, sans rémunération.

i) En 1994 et 1995, l'appelant a reçu des prestations d'assurance-chômage pendant 35 semaines se terminant le 18 février 1995; elle a été inscrite au livre de paie de la payeuse le 27 février 1995.

j) Durant les semaines où elle a été inscrite au livre de paie de la payeuse, l'appelante recevait une rémunération hebdomadaire de 540 $; durant toutes les autres semaines, elle travaillait bénévolement.

k) L'appelante aurait été mise à pied le 23 juin 1995 pour manque de travail alors que la payeuse embauchait son conjoint, père de l'appelante le 3 juillet 1995.

l) Le relevé d'emploi soumis par l'appelante ne reflète pas le réalité quant à la période réellement travaillée.”

[8] À l'audience, l'avocate de l'appelante a reconnu les allégations faites aux paragraphes a) à c) et e) à j), et il a nié les faits allégués aux paragraphes d), k) et l).

[9] Le fardeau de la preuve incombe à l'appelante. Cette dernière doit établir, selon la prépondérance de la preuve, que la décision du Ministre est mal fondée en fait et en droit. Chaque cas est un cas d'espèce.

[10] Compte tenu de toutes les circonstances de l'espèce, notamment les témoignages, les admissions et la preuve documentaire, je suis convaincu que l'appelante n'a pas réussi à établir, selon la prépondérance de la preuve, que le Ministre a agi d'une façon capricieuse ou arbitraire ou d'une manière contraire à la Loi, en rendant sa décision.

[11] En conséquence, l'emploi de l'appelante est exclu des emplois assurables selon l'alinéa 3(2)c) de la Loi.

[12] En conséquence, l'appel est rejeté et la décision du Ministre en date du 16 octobre 1997 est confirmée.

[13] Les témoins ont témoigné d'une façon ouverte, honnête et digne de crédibilité; ils ont agi de bonne foi suivant les renseignements obtenus des agents du bureau local de Développement Ressources Humaines Canada (assurance-chômage). Je me dois de faire une forte recommandation à la Commission d'étudier ce dossier à la lumière du Règlement 60(1)f) du Règlement sur l'assurance-chômage qui se lit en partie comme suit :

“60.(1) La Commission peut défalquer [...] une somme due [...] si, selon le cas :

[...]

f) la Commission estime, compte tenu des circonstances :

[...]

(ii) soit que le remboursement [...] de la somme imposerait au débiteur un préjudice abusif.”

Signé à Ottawa, Canada ce 15e jour de juin 1998.

“D.R. Watson”

J.S.C.C.I.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.