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Date: 19980902

Dossier: 97-2020-IT-I

ENTRE :

STÉPHANE CÔTÉ,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Lamarre Proulx, C.C.I.

[1] Il s’agit d’un appel par voie de la procédure informelle concernant l’année d’imposition 1994.

[2] La question en litige est de savoir si l’appelant est ministre régulier d’une confession religieuse et s’il a la charge d’une congrégation au sens de l’alinéa 8(1)c) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi » ), qui se lit ainsi :

(1) Éléments déductibles — Sont déductibles dans le calcul du revenu d'un contribuable tiré, pour une année d'imposition, d'une charge ou d'un emploi ceux des éléments suivants qui se rapportent entièrement à cette source de revenus, ou la partie des éléments suivants qu'il est raisonnable de considérer comme s'y rapportant :

...

c) Résidence des membres du clergé — lorsque le contribuable est membre du clergé ou d'un ordre religieux ou ministre régulier d'une confession religieuse, et qu'il dessert un diocèse, une paroisse ou a la charge d'une congrégation, ou s'occupe exclusivement et à plein temps du service administratif, du fait de sa nomination par un ordre religieux ou une confession religieuse, un montant égal :

(i) soit à la valeur de la résidence ou autre logement qu'il a occupé en vertu ou au cours de l'exercice de sa charge ou de son emploi, à titre de membre ou ministre qui ainsi dessert un diocèse, une paroisse ou a la charge d'une congrégation, ou est ainsi occupé à un service administratif, dans la mesure où cette valeur est incluse dans le calcul de son revenu pour l'année en vertu de l'article 6,

(ii) soit au loyer qu'il a payé pour une résidence ou autre logement qu'il a loué et occupé ou à la juste valeur locative d'une résidence ou autre logement lui appartenant et occupé par lui durant l'année, jusqu'à concurrence, dans chaque cas, de la rémunération provenant de sa charge ou de son emploi ainsi qu'il est indiqué au sous-alinéa (i);

[3] Les faits sur lesquels le ministre du Revenu national (le « Ministre » ) s’est appuyé pour établir sa nouvelle cotisation sont décrits aux paragraphes 3 et 4 de la Réponse à l’avis d’appel (la « Réponse » ) comme suit :

3. Pour établir cette nouvelle cotisation, le Ministre a tenu notamment pour acquis les faits suivants :

a) lors de la production de sa déclaration de revenus pour l'année d'imposition 1994, l'appelant a réclamé un montant de 4 500 $ à titre de résidence des membres du clergé;

b) au cours de l'année d'imposition 1994, l'appelant était à l'emploi de Hôtel Château Neuville;

c) l'appelant n'étant pas le pasteur en chef ni le responsable du service administratif, le Ministre a refusé la déduction de 4 500 $ réclamée à titre de résidence des membres du clergé.

4. Au stade de l'opposition, l'appelant a soumis une déclaration amendée de revenus pour l'année d'imposition 1994, en révisant sa déduction de résidence des membres du clergé à 3 250 $, soit l'équivalent du revenu qu'il a reçu de l'Assemblée Chrétienne du Nord pour cette année là.

[4] L’avis d’appel de l’appelant dit notamment ceci :

...

Je suis pasteur pour l'Assemblée Chrétienne du Nord, église affiliée aux Assemblées de la Pentecôte du Canada. Je suis un détenteur de lettres d'accréditation avec cet organisme religieux, donc membre d'un ordre religieux reconnu. J'ai la charge d'une congrégation et je défraie moi-même les coûts de location de mon appartement.

[5] Lors de son témoignage, l’appelant s’est décrit comme pasteur de jeunesse à l’Assemblée Chrétienne du Nord. Il exerce cette fonction depuis 1993. Il avait offert ses services à la fin de l’année 1993 au comité de cette église qui a décidé de l’engager pour lui confier la responsabilité de la congrégation jeunesse. Il s’agit d'environ 20 jeunes de 13 à 20 ans. Les réunions avaient lieu à l’école secondaire A.N. Morin, à Mont-Roland, le vendredi de 19 h à 22 h. Pendant la semaine et en fin de semaine il faisait des visites auprès des jeunes.

[6] L’appelant participait aussi aux réunions de la congrégation le dimanche de 10 h à 12 h 30. Il y assistait le pasteur principal, monsieur Jocelyn Binette, qui lui était pasteur à plein temps.

[7] Pour cette charge de pastorale l’appelant était payé par chèque tous les mois pour un montant annuel de 3 250 $.

[8] L’appelant a admis les alinéas 3 a) et 3 b), ainsi que le paragraphe 4 de la Réponse. Au sujet de l’énoncé de l’alinéa 3 b), il a expliqué qu’il était réceptionniste et directeur social à l’hôtel pour vacances à temps partagé du dimanche soir au jeudi soir de 18 h à minuit. La rémunération globale a été au montant de 12 345,92 $.

[9] Il a aussi été animateur sur les heures du midi à l’école St-Joseph, de la Commission scolaire des Laurentides, trois jours par semaine, soit les lundis, mercredis et vendredis. Il a reçu une rémunération de 1 233,21 $ pour ce travail. La pièce I-1 est constituée des différents T4 qui montrent les rémunérations payées par les différents employeurs.

[10] Dans l’année d’imposition en cause, l’appelant complétait ses cours d’études bibliques pour obtenir une licence ministérielle et devenir ministre ordonné. Il était à cette époque à l’échelon de prédicateur laïque. Il dit qu’il aurait pu célébrer des mariages s’il en avait demandé l’autorisation au gouvernement. Le pasteur principal lui était autorisé.

[11] L’appelant décrit ainsi les différentes étapes à franchir pour devenir ministre ordonné et je le cite à partir des notes sténographiques, à la page 16 : ... il y a plusieurs, plusieurs étapes, il y a la première qui est à titre de prédicateur laïque, la deuxième qui est une reconnaissance ministérielle, après ça il y a une licence ministérielle qui est accordée jusqu’à être ministre ordonné.

[12] Madame Marielle Gélinas, agent des appels a témoigné à la demande de l’avocat de l’intimée. Elle a expliqué que le 20 juin 1996 elle avait téléphoné à monsieur Binette, le pasteur à plein temps de la congrégation. Ce dernier lui a dit que l’appelant était pasteur à temps partiel, qu’il était responsable de trois cellules jeunesse de la région Nord. Il a aussi expliqué que la congrégation n’avait pas les moyens de payer l’appelant plus qu’elle ne le faisait. Il a ajouté que l’appelant faisait des études bibliques et qu’il lui fallait deux ans de pratique avant d’obtenir la consécration pastorale. Le pasteur principal lui a dit que lui-même avait le droit de célébrer des mariages et que cela le distinguait de l’appelant.

[13] La pièce I-2 est constituée de différentes lettres reçues par l’agent aux appels ou mises à sa disposition. Les premières sont en date du 14 septembre 1995 et du 24 novembre 1995 et écrites par le Comité de l’Assemblée Chrétienne du Nord et signée par deux directeurs. Leur contenu est identique. Elles y disent ce qui suit :

...

La présente est pour confirmer que Stéphane Côté est à notre emploi depuis décembre 1993. Durant l'année 1994 (à compter du 1 janvier), il a :

1) Détenu des lettres d'accréditation au statut de prédicateur laïque (en voie de reclassification plus élevée de reconnaissance ministérielle) en règle avec les Assemblées de la Pentecôte du Canada, un organisme de charité incorporé selon la Loi sur les corporations religieuses, auquel Le District de l'est de l'Ontario et du Québec est affilié.

2) Exercé des fonctions pastorales au sein de notre corporation, l'Assemblée Chrétienne du Nord (affiliée aux Assemblées de la Pentecôte du Canada), incorporée par des lettres patentes sous la Loi des corporations religieuses (L.R.Q., chap. C-71, a.2). Il a travaillé à ces fonctions un minimum de 25 heures par semaine au cours de l'année 1994.

3) Oeuvré au sein de notre église à titre de pasteur de jeunesse et directeur musical durant l'année 1994.

4) Prêché l'évangile dans d'autres assemblées affiliées aux Assemblées de la Pentecôte du Canada.

[14] Une lettre en date du 27 novembre 1995 signée par les mêmes directeurs dit ce qui suit :

La présente est pour vous confirmer qu'un des pasteurs associés à notre église, M. Stéphane Côté, est au service de l'Assemblée Chrétienne du Nord depuis 1993 et dirige plusieurs réunions hebdomadaires, certaines rencontres-maisons, et toutes les activités reliées à la bonne marche d'un programme de jeunesse. De plus, il coordonne les activités musicales.

[15] La dernière lettre est en date du 11 avril 1996 et est signée par monsieur Jocelyn Binette, pasteur senior. Il y dit notamment ceci :

...

Par la présente, nous désirons vous reconfirmer à nouveau que pasteur Stéphane Côté occupe un emploi à notre église, l'Assemblée Chrétienne du Nord, depuis décembre 1993.

Celui-ci est membre en règle de notre confession religieuse et à titre de pasteur associé, est responsable de plusieurs fonctions le mettant à la charge de notre congrégation. Vous trouverez ci-joint à la présente un résumé de ses responsabilités qu'il exerce depuis son engagement.

...

L'Assemblée Chrétienne est dûment incorporée sous la Loi des corporations religieuses (L.R.Q., chap. C-71, a.2) et elle est affiliée aux Assemblées de la Pentecôte du Canada.

...

FONCTIONS ET RESPONSABILITÉS

DU PASTEUR STÉPHANE CÔTÉ

- Pasteur responsable de la jeunesse de notre congrégation.

- A l'occasion, il enseigne et prêche l'évangile à notre congrégation, lors de nos assemblées du dimanche.

- Il est en charge des rencontres de prières offertes à notre congrégation.

- Il est prend part activement au déroulement de nos assemblées régulières.

- Il partage la responsabilité de la visitation auprès des gens de la congrégation et des nouveaux venus.

Analyse

[16] La preuve aurait dû être plus complète. Il aurait été essentiel de connaître le texte constitutif et les règlements de l’Assemblée Chrétienne du Nord. Les directeurs de cette assemblée disent dans leur lettre du 24 novembre 1995, rapportée au paragraphe 13 de ces motifs, qu’elle est affiliée aux Assemblées de la Pentecôte du Canada. Mais, il n’y a pas la description des règles établies par cette confession religieuse relativement aux divers échelons que doivent gravir les personnes qui veulent exercer un ministère sacerdotal au sein de la confession religieuse. Cette même lettre dit que l’appelant a au sein de leur communauté le statut de prédicateur laïque, (en voie de reclassification plus élevée de reconnaissance ministérielle). Il n’y a pas eu d’explication ni dans les lettres ni à l’audience sur le statut d’un prédicateur laïque au sein de la congrégation, ainsi que les études et la formation requises pour devenir prédicateur laïque. En ce qui concerne le statut de ministre, l’appelant a expliqué, ainsi que l’avait fait le pasteur principal à l’agent du ministre, qu’il faisait présentement des études bibliques afin d’obtenir la consécration pastorale et devenir ministre ordonné.

[17] L’alinéa 8(1)c) de la Loi n’exige pas qu’un ministre exerce ses fonctions à plein temps contrairement à ce qui est exigé de celui qui s’occupe du service administratif d’une confession religieuse. L’appelant ne consacre pas tout son temps à ses occupations pastorales mais il y consacre régulièrement du temps et ce n’est pas sous ce chef que son appel peut faillir.

[18] L’alinéa 8(1)c) ne veut pas dire non plus que seul celui qui est en tête du service sacerdotal auprès de la congrégation peut bénéficier de la déduction permise à cet article. Dans l’ordre ecclésiastique, il y a des fonctions et à ces fonctions correspondent des pouvoirs. Qu’une personne n’ait pas tous les pouvoirs en ce qui concerne l’exercice de la liturgie ne me paraît pas nécessairement une condition essentielle de l’alinéa 8(1)c) de la Loi. Ce qui est important c’est que cette personne soit ministre régulier de la confession religieuse.

[19] La signification de « ministre régulier » a été étudiée en profondeur dans la cause de Walsh v. Lord Advocate [1956] 3 All E.R. 129 (C.L.). En vertu d’une disposition de la législation sur le service militaire d’Angleterre, un ministre régulier d’une confession religieuse pouvait être exempté du service militaire. Il s’agissait donc de déterminer la signification de ministre régulier. Monsieur Walsh était Témoin de Jehovah. Or, chez les Témoins de Jéhovah tous les membres ont le titre de ministre ou de serviteur de Dieu et de son évangile et il n’y aurait pas dans cette dénomination religieuse une distinction entre le clergé et les laïcs. La Chambre des lords a décidé à l’unanimité comme l’avaient fait les tribunaux inférieurs que ministre régulier au sens de la loi réfère à un membre de la confession religieuse occupant dans cette confession un rang supérieur et distinct au plan spirituel et que si dans une confession religieuse il n’y a pas de distinction entre le clergé et les laïcs, il ne peut y avoir de ministre régulier d’une confession religieuse.

[20] Je cite les extraits suivants des motifs du jugement de lord MacDermott dans l'affaire Walsh (supra) à la page 135 :

D'après moi, les termes « ministre régulier » désignent une classe formant seulement une partie de la confession en question et reconnue par cette confession comme ayant un rang supérieur et distinct sur le plan spirituel ... Lord MacKintosh a très clairement établi cette exigence lorsqu'il a dit, au sujet des « ministres réguliers » :

... il doit avoir, en vertu de sa qualité de ministre, ce qui pourrait être appelé un « statut d'ecclésiastique » qui le met à part et au-dessus des laïcs de sa confession sur le plan spirituel.

[21] Cette décision a été citée et suivie par le juge Beaubier de cette Cour dans Kolot c. Canada, 92 DTC 2391, à la page 2394 et par le juge Goetz dans l'affaire Jacob Small and William J. McRae v. The Minister of National Revenue, 89 DTC 663, à la page 669.

[22] Nous savons que l’appelant dans sa confession religieuse n’est pas un ministre ordonné mais qu’il est un prédicateur laïque. Nous savons aussi qu’à ce titre il participe à la pastorale de son église. Toutefois, comme nous venons de le lire, ce n’est pas le titre qui détermine la qualité de ministre régulier mais l’appartenance de la personne au groupe qui au sein de son église, occupe, au plan spirituel, un rang supérieur et distinct. J’appellerai par la suite ce groupe « clergé » pour faciliter la lecture de ces motifs.

[23] Il est connu qu’au sein d’une église, il y a des laïcs qui aident les membres du clergé ou qui exercent des fonctions para-ecclésiastiques. Ceci n’en fait pas des membres du clergé de cette église. Pour en arriver à déterminer quels sont les membres qui appartiennent au clergé par opposition à ceux qui appartiennent à l’assemblée des laïcs, il est essentiel de connaître la structure de l’église ou de la confession religieuse en cause.

[23] La preuve n’a pas établi cette structure de la confession religieuse à laquelle appartient l’appelant. Ainsi, nous ne savons pas comment une personne accède au statut de membre du clergé de son église ni ce qu’un membre de son clergé a droit de faire par opposition aux laïcs de son église. Il n’y a pas eu de preuve non plus sur la formation d’un prédicateur laïque ni de son rôle selon les règles de l’église de l’appelant. Je n’ai donc aucune certitude que l’appelant appartienne à la catégorie du clergé de son église par opposition à l’assemblée des laïcs de cette église.

[24] En conséquence l’appel doit être rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour de septembre, 1998.

« Louise Lamarre Proulx »

J.C.C.I.

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