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Date: 19980318

Dossier: 96-2221-UI

ENTRE :

LA FERME RIOMIL INC.,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Motifs du jugement

Le juge suppléant Somers, C.C.I.

[1] Cet appel a été entendu le 11 février 1998 à Sherbrooke (Québec).

[2] L’appelante interjette appel de la décision du ministre du Revenu national (le « Ministre » ), selon laquelle l’emploi exercé par Michel Isabelle, le travailleur, au cours de la période du 13 novembre 1995 au 1er mars 1996, auprès de l’appelante était un emploi assurable au sens de la Loi sur l'assurance-chômage (la « Loi » ), au motif qu'il existait une relation employeur-employé entre eux. Il a été déterminé que l’appelante était l’employeur réputé du travailleur car elle payait les salaires.

[3] Le paragraphe 3(1) de la Loi se lit en partie comme suit :

« 3(1) Un emploi assurable est un emploi non compris dans les emplois exclus et qui est, selon le cas :

a) un emploi exercé au Canada pour un ou plusieurs employeurs, en vertu d’un contrat de louage de services ou d’apprentissage exprès ou tacite, écrit ou verbal, que l’employé reçoive sa rémunération de l’employeur ou d’une autre personne et que la rémunération soit calculée soit au temps ou aux pièces, soit en partie au temps et en partie aux pièces, soit de toute autre manière;

[...] »

[4] En rendant sa décision, le Ministre s’est basé sur les faits suivants :

« a) l’appelante exploitait une ferme laitière, possédant une centaine de vaches;

b) l’actionnaire unique de l’appelante était Paul-Émile Laliberté;

c) le 3 novembre 1995, la ferme passait au feu;

d) l’appelante avait recours aux services de Denis Guay pour la reconstruction des bâtiments agricoles;

e) l’appelante achetait les matériaux requis par Denis Guay;

f) l’appelante payait chaque vendredi, le salaire des ouvriers de Denis Guay;

g) Denis Guay n’engageait aucun déboursé d’argent;

h) le travailleur était l’ami de la fille de Paul-Émile Laliberté;

i) Paul-Émile Laliberté présenta le travailleur à Denis Guay;

j) le travailleur était embauché à titre de manoeuvre;

k) le travailleur avait un horaire de 7 h 30 à 17 h 30, 5 jours par semaine;

l) Denis Guay donnait les directives au travailleur;

m) le travailleur était supervisé et contrôlé par Denis Guay;

n) le travailleur était rémunéré 8,00 $ de l’heure;

o) l’appelante versait, par chèque, le salaire sur réception de la feuille de temps du travailleur;

p) il existait un contrat de louage de services entre Denis Guay et le travailleur;

q) au cours de la période en litige, l’appelante était l’employeur réputé du travailleur. »

[5] Tous les faits allégués aux alinéas du paragraphe 5 de la Réponse à l’avis d’appel ont été admis par l’appelante, sauf le fait allégué à l’alinéa q).

[6] Le seul témoin a être entendu à cette audience, est Paul-Émile Laliberté, président de La Ferme Riomil Inc. La principale occupation de Paul-Émile Laliberté est agriculteur. L’appelante détient 400 acres cultivables. En 1995, il y a eu un feu majeur détruisant les bâtiments agricoles; n’ayant pas de connaissance en construction, Paul-Émile Laliberté a retenu les services de Denis Guay pour la reconstruction des bâtiments. Denis Guay a engagé 12 ouvriers.

[7] Les matériaux ont été payés par l’appelante, et non par Denis Guay. Les ouvriers étaient payés à la semaine à un taux de 8 $ l’heure et travaillaient de 7 h à 17 h 30, cinq jours par semaine, et ce pour une durée de trois mois. L’appelante payait le salaire des ouvriers selon la feuille de temps préparée par Denis Guay. Le travailleur était supervisé et contrôlé par Denis Guay.

[8] L’appelante, par l’entremise de son procureur, prétend que l’emploi du travailleur était exclu car c’était un emploi occasionnel. L’appelante s’appuie sur le paragraphe 3(2)b) de la Loi qui se lit comme suit :

« 3(2) Les emplois exclus sont les suivants :

[...]

b) tout emploi occasionnel à des fins autres que celles de l’activité professionnelle ou de l’entreprise de l’employeur;

[...] »

[9] Pour que l’emploi soit exclu il doit rencontrer deux conditions : d’une part, il doit être occasionnel et d’autre part, il doit être à des fins autres que celles de l’activité professionnelle ou de l’entreprise de l’employeur. À première vue, l’emploi du travailleur rencontre les deux conditions prévues à l’alinéa 3(2)b) de la Loi.

[10] Dans la cause d’Evelyn et Manuel Roussy et M.R.N., la Cour d’appel fédérale, une décision signée le 7 octobre 1992 (A-123-91), a statué ainsi à la page 5 :

« ... En revanche, lorsqu’une personne est engagée pour effectuer un nombre précis d’heures de travail pendant une période déterminée ou jusqu’à l’achèvement d’un projet particulier, il ne s’agit pas d’un emploi occasionnel, même si le laps de temps est court. »

[11] Dans la présente cause, Michel Isabelle est un employé. Cet emploi rencontre toutes les exigences des critères établis par la décision dans la cause Wiebe Door Services Ltd. c. M.N.R. [1986] 3 C.F. 553. L’employé était payé à l’heure, supervisé et contrôlé par Denis Guay dont les services étaient retenus par Paul-Émile Laliberté.

[12] Par contre, il y a lieu de décider qui est l’employeur réputé. L’alinéa 3(1)a) de la Loi, permet qu’un emploi est assurable peu importe que l’employé reçoive sa rémunération de l’employeur ou d’une autre personne.

[13] L’intention du législateur est confirmé par les alinéas 75(1)d) et f) de la Loi, qui se lisent comme suit :

« 75.(1) Le ministre peut, avec l’approbation du gouverneur en conseil, prendre des règlements :

[...]

d) concernant la manière dont toute disposition de la présente loi applicable à un employeur d’un assuré sera applicable d’une part à cet employeur et d’autre part à toute personne qui verse tout ou partie de la rétribution de l’assuré pour services rendus dans l’exercice d’un emploi assurable;

[...]

f) prévoyant qu’en tout cas ou toute catégorie de cas où des assurés travaillent :

(i) soit sous la direction générale ou la surveillance directe d’une personne qui n’est pas leur véritable employeur ou sont payés par une telle personne,

(ii) soit de l’assentiment d’une personne qui n’est pas leur véritable employeur dans des lieux ou locaux sur lesquels cette personne a certains droits ou privilèges aux termes d’une licence, d’un permis ou d’une convention,

cette personne est réputée, aux fins du versement des cotisations en vertu de la présente loi, être l’employeur de ces assurés conjointement avec le véritable employeur, et prévoyant en outre le paiement des cotisations pour ces assurés et, le cas échéant, le remboursement des cotisations faisant double emploi; »

[14] L’article 18 du Règlement sur l’assurance-chômage fut adopté en vertu de l’article 75 de la Loi et se lit comme suit :

« 18(1) Lorsque, dans un cas qui n’est prévu par aucune disposition du présent règlement, un assuré fournit ses services

a) sous la direction générale ou sous la surveillance directe d’une personne qui n’est pas son véritable employeur ou est payé par une telle personne, ou

b) avec l’assentiment d’une personne qui n’est pas son véritable employeur, dans des lieux ou locaux sur lesquels cette personne a certains droits ou privilèges aux termes d’une licence, d’un permis ou d’une convention,

cette autre personne est réputée, aux fins du calcul de la rémunération de l’assuré, ainsi que du paiement, de la retenue et du versement des cotisations exigibles à cet égard aux termes de la Loi et du présent règlement, être l’employeur de l’assuré conjointement avec le véritable employeur, mais le montant de toute cotisation patronale payée par cette autre personne, conformément au présent paragraphe, est recouvrable par elle auprès du véritable employeur. »

[15] À la lumière de l’article 75 de la Loi et de l’article 18 du Règlement sur l’assurance-chômage (Perception des cotisations), on peut conclure que l’employeur réputé est l’appelante.

[16] Même si le travailleur, Michel Isabelle, était supervisé et contrôlé par Denis Guay dont les services ont été retenus par l’appelante, celle-ci est l’employeur réputé. L’appelante a payé pour les matériaux et les salaires des employés. Denis Guay a fait aucun déboursé pour la reconstruction des bâtiments pendant une période de trois mois. L’employé a été engagé pour accomplir un certain projet dans un certain laps de temps. En vertu des articles précités, cet emploi n’est pas un emploi occasionnel; en plus, l’employeur réputé du le travailleur est bien l’appelante.

[17] L’appel est rejeté et la décision rendue par le Ministre est confirmée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour de mars 1998.

« J.F. Somers »

J.S.C.C.I.

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