Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date: 19980916

Dossier: 96-77-GST-G

ENTRE :

MITCHELL VERIFICATION SERVICES GROUP INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Bowie, C.C.I.

[1] L'appel en l'instance est interjeté à l'encontre d'une cotisation établie en vertu des dispositions de la Loi sur la taxe d'accise relatives à la taxe sur les produits et services (TPS). La cotisation datée du 26 janvier 1995 se rapporte à des services fournis par la compagnie appelante à différents clients de l'industrie de l'assurance entre 1990 et 1994. Le montant exact de la cotisation n'a pas été établi, et il n'est pas nécessaire de l'établir aux fins de la décision en l'espèce, mais j'ai été informé qu'un montant de 150 000 $ environ au titre de la taxe, des intérêts et d'une pénalité était en jeu. Il s'agit de déterminer si les services fournis par l'appelante relèvent, en tout ou en partie, de la définition de “ service financier ” énoncée au paragraphe 123(1) de la Loi, et s'ils sont par conséquent exclus de l'application des dispositions qui prévoient l'imposition de la taxe parce que l'expression “ service financier ” figure à l'annexe V de la partie VII. Si les services ne répondent pas à cette définition, ils sont taxables, et l'appel doit être rejeté.

[2] Dès le départ, les avocats m'ont informé au cours d'une conférence téléphonique que la compagnie appelante était inactive depuis environ deux ans et qu'il n'était possible d'avoir accès à ses livres que sous la contrainte de la Cour, soit au moyen d'une ordonnance de production en vertu de l'article 86 des Règles, soit au moyen d'une assignation. Pour cette raison, m'a-t-on dit, il serait très long et très coûteux d'obtenir tous les dossiers d'enquête de l'appelante pour la période pertinente et d'examiner chacun d'eux au procès pour déterminer la nature exacte du service fourni dans chaque cas afin de décider s'il relève de la définition de “ service financier ”. J'ai par conséquent convenu que le procès devait se dérouler en deux étapes. Il s'agit premièrement de déterminer, dans chaque cas, si les services fournis par l'appelante à un assureur sont exonérés parce que l'appelante a fait une recommandation à l'assureur dans le cadre des services fournis. Si la réponse à cette question est négative, l'appel sera rejeté. Si la réponse est affirmative, le procès se poursuivra et il faudra examiner chaque cas pour déterminer dans quelle mesure les services fournis par l'appelante au cours de la période de cotisation relèvent de la catégorie des fournitures exonérées. Le cas échéant, je rendrai une ordonnance en vertu de l'article 86 des Règles, laquelle sera suivie par d'autres interrogatoires préalables avant que le procès ne se poursuive.

[3] La définition en question, dans la mesure où elle est pertinente en l'espèce[1], était formulée dans les termes suivants à l'époque pertinente :

123(1) In section 121, this Part and Schedules V, VI and VII,

...

123(1) Les définitions qui suivent s’appliquent à l’article 121, à la présente partie et aux annexes V, VI et VII.

...

financial service means

...

service financier

...

(j) the service of investigating and recommending the compensation in satisfaction of a claim under an insurance policy where the service is supplied by an insurer or by another person who, except in the case of a claim under a marine insurance policy, is licenced under the laws of a province to provide such service,

j) le service consistant à faire des enquêtes et des recommandations concernant l’indemnité accordée en règlement d’une réclamation faite aux termes d’une police d’assurance, qui est fourni par un assureur ou par une autre personne qui, sauf s’il s’agit d’une réclamation faite aux termes d’une police d’assurance maritime, est autorisée par permis obtenu en application de la législation provinciale à rendre un tel service.

[4] Au cours de la première étape du procès, j'ai entendu le témoignage de M. Robert Gutwein, directeur des sinistres à la retraite d'une importante compagnie d'assurance qui avait eu recours aux services de l'appelante au cours de la période pertinente, et de M. Kenneth Mitchell, président et fondateur de la compagnie, sur la nature des services que l'appelante fournissait aux assureurs. J'ai aussi entendu le témoignage de M. Reginald Riddles, directeur des sinistres à la retraite chevronné, qui a témoigné sur la nature des services que, selon son expérience, les assureurs achètent des entreprises d'enquêteurs privés et d'experts d'assurance autonomes aux termes de contrats d'entreprise.

[5] L'entrée en vigueur, en Ontario, de ce que l'on appelle l'assurance automobile sans égard à la responsabilité, a entraîné des changements considérables dans le secteur de l'assurance pour ce qui est des deux types de demandes d'indemnité (ou réclamations automobile) faites contre les assureurs et de la façon dont chaque assureur traite ces demandes. M. Mitchell a passé un certain temps dans l'état du Michigan, où le régime sans égard à la responsabilité était en vigueur depuis quelques années. Il y a étudié les pratiques de l'industrie et celles des enquêteurs et des experts d'assurance fournissant des services aux assureurs. Puis, il est revenu en Ontario, où il a cherché à mettre ses nouvelles connaissances à profit en offrant aux compagnies d'assurance incendie accidents risques divers (I.A.R.D.) de l'Ontario un service d'enquête adapté à leurs besoins, particulièrement à ceux découlant du nouveau régime sans égard à la responsabilité.

[6] Le service offert par M. Mitchell reposait sur un document qu'il avait rédigé et intitulé “ Investigation of First Party Claim ”. Ce document a été décrit dans la preuve comme un protocole régissant les enquêtes et le règlement des demandes d'indemnité dans le cadre du nouveau régime sans égard à la responsabilité de l'Ontario. L'ouvrage, d'une épaisseur d'un pouce environ et comprenant 24 parties, pourrait être qualifié de marche à suivre pour faire l'enquête sur les demandes d'indemnité. Il renferme des modèles d'entrevues avec les demandeurs, les témoins et d'autres personnes dont on doit obtenir des renseignements. Il donne des directives sur la façon de tracer le schéma des lieux d'un accident, de prendre des photographies et de faire l'inspection de biens endommagés. Certaines parties de l'ouvrage portent sur la détection des cas de simulation et d'autres formes de fraude. Ce protocole était offert par la compagnie de M. Mitchell à l'industrie, à la fois pour aider les compagnies d'assurance à orienter le travail de leurs experts d'assurance et de leurs employés de la section des sinistres et pour décrire la façon dont le personnel enquêteur de l'appelante effectuait son travail pour le compte des assureurs qui avaient retenu les services de la compagnie. Il s'agit d'un document très complet, et je ne doute pas que les enquêtes menées par la compagnie conformément à ce protocole soient très exhaustives et très fiables.

[7] Au plus fort de ses activités, la compagnie appelante comptait environ 30 employés, au nombre desquels il y avait des enquêteurs, au moins une kinésithérapeute et un comptable. L'appelante soutient que, dans le cadre des services fournis aux assureurs, ce personnel vérifiait les aspects factuels des demandes d'indemnité et faisait aussi des recommandations aux assureurs concernant l'indemnité à accorder en règlement des demandes d'indemnité. Je n'ai aucun doute que l'appelante fournissait un vaste éventail de services d'enquête à l'industrie et que ces services étaient fort précieux pour les assureurs. Ainsi que l'a dit M. Gutwein, un directeur des sinistres à la retraite d'une importante compagnie d'assurance I.A.R.D., les services de l'appelante étaient très précieux pour sa compagnie, et ils constituaient un élément essentiel de la détermination de la valeur des demandes d'indemnité faites contre elle. Le comptable fournissait des estimations de la perte du revenu de certains assurés qui étaient des travailleurs autonomes. La kinésithérapeute pouvait analyser les enregistrements de surveillance vidéo et ainsi déterminer l'amplitude du mouvement que l'on pourrait attendre de la part des demandeurs ayant subi un préjudice corporel. Elle pouvait du même coup détecter les simulations, recommander un traitement de réadaptation ou déterminer, compte tenu de l'amplitude du mouvement, quels emplois une personne blessée pouvait occuper.

[8] Très peu d'éléments de preuve directe ont cependant été soumis pour établir que les recommandations concernant l'indemnisation faisaient partie du service fourni par l'appelante à ses clients de l'industrie de l'assurance. M. Gutwein a déclaré dans son témoignage que, selon son expérience, sa compagnie avait effectivement reçu à l'occasion des recommandations des enquêteurs dans le cadre de leurs enquêtes. Il n'a cependant cité aucun cas où un enquêteur aurait fait une recommandation à sa compagnie sur le montant à verser en règlement d'une demande d'indemnité. Les recommandations qu'il a dit avoir reçues des enquêteurs portaient, par exemple, sur la nécessité de poursuivre l'enquête, le caractère excessif d'une demande d'indemnité ou la demande d'indemnité frauduleuse d'une personne. Dans un cas en particulier, la surveillance vidéo d'un demandeur à qui la compagnie d'assurance versait une indemnité de remplacement de revenu a révélé que l'intéressé exerçait en fait un emploi et qu'il ne déclarait pas son revenu à l'assureur. Par suite de cette enquête, les paiements ont été interrompus sur la recommandation de l'appelante.

[9] Dans son témoignage, M. Mitchell n'a mentionné aucun cas où sa compagnie avait expressément recommandé à une compagnie d'assurance de verser un certain montant en règlement d'une demande d'indemnité donnée. Il a cependant déclaré qu'à un certain nombre d'occasions sa compagnie, ayant obtenu la preuve qu'une demande d'indemnité était frauduleuse, avait recommandé qu'aucun montant ne soit versé au demandeur. Il a aussi déclaré que, à certaines occasions, la kinésithérapeute avait fait des recommandations aux assureurs quant au genre de travail qu'un demandeur pouvait effectuer à la suite d'un accident, et au genre de traitement que l'assureur devrait fournir à l'assuré compte tenu de son obligation légale de fournir un traitement de réadaptation. L'avocate de l'appelante a fait valoir que, dans ces deux types de cas, au moins, une recommandation précise avait été faite au sujet de l'indemnité à accorder; dans le premier type de cas, on avait recommandé de ne rien verser et, dans le deuxième, on avait recommandé d'assortir l'indemnité d'un traitement ou d'une thérapie.

[10] Je conclus, sur le fondement de ces témoignages, que, dans le cadre des services fournis à ses clients de l'industrie de l'assurance, la compagnie appelante a au moins une fois fourni des renseignements et fait des recommandations sur la conduite à adopter. Elle n'avait pas à donner de conseils précis sur le montant à verser en règlement final d'une demande d'indemnité, mais, dans certains cas, ses recommandations abordaient la question de l'indemnité, quoique dans une faible mesure. Cela est conforme à ce que l'on trouve dans la pièce R-1, qui est une copie d'une brochure préparée par l'appelante aux fins de distribution à des clients potentiels. Elle énonce de façon assez détaillée les services qui sont offerts à différents groupes de clients potentiels. Nulle part dans la description des services offert aux compagnies d'assurance n'est-il fait état de recommandations concernant le montant qu'il convient d'offrir en règlement des demandes d'indemnité.

[11] Reginald Riddles a témoigné sur les rôles respectifs joués par les experts d'assurance et les enquêteurs privés dans le règlement de demandes d'indemnité par des compagnies offrant des assurances contre les accidents. Il compte plus de 40 ans d'expérience dans le domaine des demandes d'indemnité, dont 38 à titre d'employé d'une importante compagnie d'assurance I.A.R.D., où il a occupé le poste de directeur des sinistres de 1980 à 1992, année au cours de laquelle il a pris sa retraite. Depuis, il a fourni des services de consultant à deux autres compagnies d'assurance I.A.R.D. Il est suffisamment qualifié pour témoigner sur la pratique des compagnies d'assurance I.A.R.D. relative au traitement des demandes d'indemnité. Son témoignage sur les rôles respectifs des experts d'assurance et des enquêteurs privés est reproduit dans trois paragraphes de la transcription écrite de son témoignage :

[TRADUCTION]

D'après mon expérience, les compagnies emploient leurs propres experts d'assurance, qui agissent en différentes qualités en vertu du permis de la compagnie; on établit fréquemment une distinction entre eux; d'une part, il y a les experts d'assurance qui font leur travail au téléphone et qui s'occupent en général des demandes d'indemnité peu élevées directement avec l'assuré et, d'autre part, il y a les experts d'assurance qui font leur travail sur la route, qui vont voir l'assuré, inspectent les biens endommagés et consignent des déclarations. Dans l'un et l'autre cas, lorsque ces experts d'assurance, qui sont des employés de la compagnie, reçoivent un rapport de sinistre, ils recueillent des renseignements, vérifient que le sinistre déclaré est couvert par la police d'assurance, établissent la valeur du sinistre et négocient un règlement. Les experts d'assurance qui font leur travail au téléphone ont normalement un pouvoir de régler des demandes d'indemnité peu élevées alors que les experts d'assurance qui sont sur la route s'occupent fréquemment des demandes d'indemnité plus élevées et peuvent également traiter avec des avocats. Normalement, les experts d'assurance travaillant sur la route, qui détiennent leur propre pouvoir de régler, rendent des comptes au rédacteur-sinistres de la compagnie, dont le pouvoir de règler est généralement plus élevé et l'expérience, plus vaste. Ce rédacteur-sinistres donne des directives à l'expert d'assurance qui est sur la route et lui accorde le pouvoir de régler la demande d'indemnité lorsque cela est nécessaire.

Certaines compagnies d'assurance comptent parmi leurs employés un grand nombre d'experts d'assurance, d'autres n'en ont pas. Les experts d'assurance autonomes, qui doivent détenir un permis, sont engagés par des compagnies pour accomplir une tâche semblable à celle de l'expert d'assurance qui fait partie du personnel de la compagnie. Les experts d'assurance doivent suivre des cours d'assurance et passer un examen avant d'obtenir leur permis. Ils effectuent des enquêtes, rédigent des rapports, recommandent la poursuite de l'enquête par des spécialistes comme des estimateurs ou des ingénieurs, la surveillance par des enquêteurs privés, le renvoi du dossier à un avocat, ou le règlement du sinistre dont ils déterminent le montant; ces recommandations sont faites au rédacteur-sinistres de la compagnie à qui ils rendent compte et qui leur donne ensuite le pouvoir de négocier un règlement. En général, le pouvoir de régler n'est conféré à l'expert d'assurance autonome qu'au moment où le rédacteur-sinistres de la compagnie lui confie un dossier en particulier.

D'après mon expérience, les compagnies d'assurance retiennent les services des enquêteurs privés pour effectuer la surveillance de personnes, en général dans les cas de demandes d'indemnité portant sur un préjudice corporel. Ils retiennent aussi leurs services pour faire enquête sur les lieux d'un accident, consigner des déclarations et effectuer des vérifications de crédit et d'antécédents, particulièrement lorsque les circonstances éveillent certains soupçons. Les enquêteurs rendent ensuite des comptes soit à l'expert d'assurance de la compagnie, soit à l'expert en sinistres autonome, soit au rédacteur-sinistres, soit à l'avocat qui a retenu leurs services. D'après mon expérience, les enquêteurs ne sont pas appelés à faire des recommandations concernant l'indemnité à accorder en règlement d'un sinitre aux termes d'une police d'assurance. Il revient à l'expert d'assurance ou au rédacteur-sinistres de décider de la conduite à adopter, dont le montant de l'indemnité à accorder, compte tenu des renseignements fournis dans le rapport des enquêteurs.

[12] Cette opinion n'a aucunement été remise en cause lors du contre-interrogatoire, et je crois qu'elle décrit fidèlement les fonctions normales des experts d'assurance et des enquêteurs privés dans le contexte qui nous intéresse.

[13] Personne ne conteste que, pendant toutes les périodes pertinentes, la compagnie appelante détenait une licence conformément à la Loi sur les enquêteurs privés et les gardiens[2] de l'Ontario, et qu'elle ne détenait pas de licence l'autorisant à fournir les services d'un expert d'assurance sous le régime de la Loi sur les assurances[3] de l'Ontario.

[14] L'avocate de l'appelante a fait valoir que, pour déterminer si les services de l'appelante ou certains d'entre eux relevaient de la définition énoncée à l'alinéa j), je devais examiner tant la nature des services que l'appelante fournissait, que les services qu'elle était autorisée à fournir. La licence comme telle délivrée à l'appelante ne m'a pas été soumise, mais l'étendue des services qu'elle était autorisée à fournir peut être vérifiée grâce au libellé de la loi. La licence de l'appelante est délivrée sous le régime de la Loi sur les enquêteurs privés et les gardiens qui, à l'article premier, définit dans les termes suivants l'expression “ enquêteur privé ” :

“enquêteur privé” Personne qui enquête et fournit des renseignements contre salaire ou rétribution. S'entend notamment de quiconque :

a) recherche et fournit des renseignements sur la moralité ou les actions d'une personne, ou sur la nature de l'entreprise ou de la profession d'une personne,

b) recherche des contrevenants,

c) recherche des personnes disparues ou des biens perdus.

[15] De l'avis de l'avocate, les fonctions d'enquêter et de fournir des renseignements incluent celles de donner des conseils et, dans le contexte de l'appel en l'instance, de donner des conseils concernant l'indemnité à accorder relativement à un sinistre. À l'appui de cet argument, elle invoque un certain nombre de décisions portant sur les principes d'interprétation législative.

[16] À mon avis, il n'est pas nécessaire de recourir aux principes d'interprétation. Les verbes utilisés dans la définition en question sont “ enquêter ”, “ fournir ” et “ rechercher ”. Ce sont des termes clairs dont le sens est raisonnablement certain, et je ne peux pas faire fi de leur sens ou m'en écarter pour tenter de trouver une supposée intention du législateur[4].

[17] Dans l'examen de l'alinéa j) de la définition, il y a lieu de garder un certain nombre de choses à l'esprit. Premièrement, cet alinéa n'exonère qu'un seul service, “ le service consistant à faire des enquêtes et des recommandations concernant l'indemnité accordée en règlement d'une réclamation [...] ”. Par conséquent, la mention d'“ une personne qui [...] est autorisée par permis obtenu en application de la législation provinciale à rendre un tel service ” suppose que le permis (ou la licence) provincial s'applique précisément tant à la fonction d'“ enquêter ” qu'à celle de “ recommander ”. L'article 8 de la Loi sur les enquêteurs privés et les gardiens autorise la délivrance d'une licence d'agir en tant qu'enquêteur privé, une fonction qui, comme la définition d'enquêteur privé le montre, n'inclut pas celle de faire des recommandations. Par conséquent, toute recommandation faite par un enquêteur privé titulaire d'une licence en Ontario n'est pas au nombre des fonctions que la licence autorise.

[18] Ce n'est pas par hasard si le législateur a défini la fonction qui est décrite à l'alinéa j) de la définition dans les termes qu'il a utilisés. Les rôles de l'enquêteur privé et de l'expert d'assurance sont distincts, même si, dans la pratique, il peut y avoir un certain chevauchement. Ce qui distingue l'un de l'autre est l'élément de négociation et de recommandation du règlement des sinistres, qui fait partie de la fonction de l'expert d'assurance, mais pas de celle de l'enquêteur privé. Cela ressort clairement du témoignage de M. Riddles auquel j'ai fait référence précédemment. Voir aussi The Atlas Assurance Company v. Brownell[5].

[19] La loi provinciale n'utilise pas le terme “ recommander ”. Elle reconnaît en revanche les différentes fonctions de l'enquêteur privé et de l'expert d'assurance et prévoit un régime distinct de délivrance de licences à chacun d'eux. C'est le cas non seulement en Ontario, où la présente affaire a pris naissance, mais aussi dans les neuf autres provinces[6]. Le législateur a choisi ses termes soigneusement, pour faire en sorte que les services des experts d'assurance titulaires d'une licence provinciale, et non pas ceux des enquêteurs privés titulaires d'une licence provinciale, soient exclus de l'application des dispositions de la Loi qui prévoient l'imposition de la taxe.

[20] Ainsi que je l'ai signalé précédemment, il y avait des éléments de preuve que la compagnie de l'appelante faisait de temps en temps des recommandations à ses clients, les assureurs. À une occasion au moins, la recommandation portait sur un élément au moins de l'indemnité à accorder à un demandeur aux termes de la police d'assurance automobile sans égard à la responsabilité, soit sur le traitement de réadaptation à offrir. Dans la mesure où elle a fait cette recommandation, l'appelante a fourni un service qui excédait les limites de sa licence. Cependant, ce n'est pas seulement l'étendue du service fourni, mais à la fois l'étendue du service fourni et la portée de la licence l'autorisant à fournir ce service qui déterminent si le service relève de l'alinéa j) de la définition.

[21] Par conséquent, même dans les cas où l'appelante a fait des recommandations concernant l'indemnité, ses services ne sont pas visés par le libellé de l'alinéa j) et ils ne sont par conséquent pas exonérés.

[22] L'appel est rejeté, avec frais.

Signé à Ottawa ce 16e jour de septembre 1998.

“ E. A. Bowie ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifié conforme ce ième jour de avril 1999.

Mario Lagacé, réviseur

ANNEXE A

Insurance Adjusters Act, R.S.N. 1990, ch. I-8.

Private Investigation and Security Services Act, R.S.N. 1990, ch. P-24.

Insurance Act, R.S.P.E.I, 1988, ch. I-4, art. 1, 369 à 375.

Private Investigators and Security Guards Act, R.S.P.E.I 1988, ch.P-20.

Insurance Act, R.S.N.S. 1989, ch. 231, art. 3, 53 à 63.

Private Investigators and Private Guards Act, R.S.N.S. 1989, ch. 356.

Loi sur les assurances, L.R.N.B. 1973, ch. I-12, art. 1, 358.

Loi sur les détectives et les gardiens, L.R.N.B. 1973, ch. P-16.

Loi sur les intermédiaires de marché, L.R.Q., ch. I-15.1, art.1, 7 à 28.

Loi sur les agences d’investigation ou de sécurité, L.R.Q., ch. A-8.

Loi sur les assurances, L.R.M. 1987, ch. 140, art. 1, 385 à 392.

Loi sur les détectives privés et les gardiens de sécurité, L.R.M. 1987, ch. P-132.

The Saskatchewan Insurance Act, R.S.S. 1978, ch. S-26, art. 2, 447 à 462.

The Private Investigators and Security Guards Act, R.S.S. 1978, ch.P-26.

The Insurance Act, R.S.A. 1980, ch. I-5, art. 1, 512, 530 à 535.

The Private Investigators and Security Guards Act, R.S.A. 1980, ch. P-16.

Financial Institutions Act, R.S.B.C. 1996, ch.141, art. 161, 179 à 185.

The Private Investigators and Security Agencies Act, R.S.B.C. 1996, ch. 374.



[1]               Plus de 20 alinéas forment la définition de “ services financiers ” au paragraphe 123(1). Le seul qu'a invoqué l'appelante et le seul qui est pertinent est l'alinéa j). Je l'appellerai simplement l'alinéa j) de la définition.

[2]               L.R.O. 1990, ch. P.25.

[3]               L.R.O. 1990, ch. I.8.

[4]               Canada c. Antosko, [1994] 2 R.C.S. 312, aux pages 326 et 327. Voir aussi Hodson v. The Queen, 88 DTC 6001, à la page 6003 (C.A.F.).

[5]               (1899) 29 R.C.S. 537, à la page 545.

[6]               Voir l'annexe A.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.