Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 19981030

Dossiers: 96-1338-UI; 96-1341-UI

ENTRE :

C.A. MATHESON ENTERPRISES LTD.,

CHERYL PHILLIPS,

appelantes,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

CHERYL PHILLIPS,

C.A. MATHESON ENTERPRISES,

intervenantes.

Avocat des appelantes : Me Eric Atkinson

Avocate de l'intimé : Me Dominique Gallant

Pour l'intervenante Cheryl Phillips : l'intervenante elle-même

Avocat de l'intervenante C.A. Matheson Enterprises Ltd. : Me Eric Atkinson

Motifs du jugement

(rendus oralement à l'audience le 29 juin 1998 à New Glasgow (Nouvelle-Écosse))

Le juge Margeson, C.C.I.

[1] Il y a deux affaires que la Cour doit maintenant trancher, soit C.A. Matheson Enterprises Ltd. c. Ministre du Revenu national, dans laquelle l'intervenante est Cheryl Phillips (96-1338(UI)), et Cheryl Phillips c. Ministre du Revenu national, dans laquelle l'intervenante est C.A. Matheson Enterprises (96-1341(UI)).

[2] Il a été convenu au départ que les deux causes seraient entendues sur preuve commune; dans les deux cas, l'employeur et l'employée sont exactement les mêmes. Dans une des deux causes, la travailleuse est l'appelante, et l'employeur est l'intervenante; dans l'autre, l'employeur est l'appelante et la travailleuse est l'intervenante.

[3] La seule question devant être tranchée par la Cour est de savoir si, au cours des périodes allant du 12 janvier 1994 au 11 février 1995 et du 12 mars 1995 au 18 novembre 1995, l'emploi que la travailleuse exerçait prétendument pour la C.A. Matheson Enterprises Ltd. était un emploi assurable.

[4] Les parties ont en outre convenu au départ que la seule question soumise à la Cour est une question prévue au sous-alinéa 3(2)c)(ii) de la Loi sur l'assurance-chômage (la « Loi » ), soit la question du « lien de dépendance » ; le ministre soutient qu'il s'agissait d'un emploi exclu en vertu de la Loi parce que les parties avaient un lien de dépendance, étant des personnes liées entre elles en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu, et que le contrat qui existait n'était pas un contrat qui aurait été conclu par des parties non liées entre elles.

[5] On n'a nullement fait valoir en vertu de l'alinéa 3(1)a) qu'il n'existait pas de contrat de louage de services.

[6] Cheryl Phillips était l'appelante dans cette affaire-ci, et l'entreprise était une entreprise de réparations et une station-service. La C.A. Matheson Enterprises Ltd. était une entité constituée en société dont le principal actionnaire et exploitant était Charles Matheson. Il s'agissait manifestement d'une entreprise individuelle en ce sens que Charles Matheson contrôlait complètement toutes les actions de la compagnie et qu'il contrôlait complètement l'entreprise.

[7] Rien n'indiquait que la travailleuse appelante avait une participation quelconque dans la propriété, la gestion ou le contrôle de cette compagnie ou qu'elle avait des actions dans la compagnie, et la seule rétribution qu'elle recevait de la compagnie était son salaire.

[8] La preuve indique clairement que, malgré le fait que la travailleuse appelante était la fille du principal actionnaire de la compagnie, il y avait eu une certaine absence d'interactions et de contacts immédiats entre les parties pendant un certain temps. La travailleuse appelante était autonome depuis un certain nombre d'années; elle avait quitté la ville pour aller suivre un cours d'assistante dentaire pendant un an, puis elle était revenue et avait travaillé dans ce domaine dans la région du comté de Pictou. Elle a dit qu'elle était financièrement indépendante de son père. Elle n'a jamais reçu d'aide financière de sa mère ou de son père après être revenue dans la région et n'a alors jamais vécu avec l'un ou l'autre des deux. Elle est mariée depuis 1986. Elle a décrit la relation entre son père et elle comme étant plus professionnelle que personnelle. En dépit du fait qu'ils se réunissent durant la période des fêtes, ils ne se rendent pas visite fréquemment.

[9] Le témoignage présenté ultérieurement par M. Matheson indiquait clairement que la relation existant depuis le retour de la travailleuse appelante était plus étroite qu'avant que la travailleuse appelante ne commence à travailler là, mais rien ne contredisait le témoignage de la travailleuse appelante selon lequel c'était essentiellement durant la période des fêtes qu'ils avaient une interaction personnelle.

[10] Un certain nombre de documents ont été déposés par consentement, dont le curriculum vitae de la travailleuse appelante, qui indiquait bel et bien que cette dernière avait suivi un certain nombre de cours. Elle avait une assez bonne instruction, une assez bonne formation, elle était certainement qualifiée pour un certain nombre de postes différents et, assurément, elle semblait être bien qualifiée pour le poste qu'elle occupait et qui a donné lieu à la présente espèce. Elle a dit qu'elle avait commencé à travailler pour l'employeur en 1991. Depuis 1996, elle travaille à temps plein. Elle avait déjà présenté des demandes d'assurance-chômage avant celles qui sont en cause dans la présente espèce. Elle n'a jamais demandé de prestations d'assurance-chômage pendant qu'elle travaillait.

[11] Elle a dit qu'elle travaillait par « blocs de temps » . Cela avait donné une mauvaise impression au ministre. De prime abord, cela peut être suspect, et il faut examiner d'autres éléments de preuve pour déterminer à quoi cela correspond en définitive et pour déterminer si le ministre a tenu compte de ce facteur d'une manière raisonnable.

[12] Un calendrier pour 1994 et 1995 a été déposé. En janvier 1994, la travailleuse appelante a travaillé 12 semaines. La 12e semaine était une semaine de référence. Il lui fallait seulement 10 semaines. C'est ce qu'elle a déclaré dans son témoignage. Les deux périodes où elle a travaillé et pour lesquelles elle a cherché à obtenir des prestations d'assurance-chômage étaient des périodes d'une durée presque équivalente au temps requis pour être admissible, mais pas exactement. La travailleuse appelante a dit : « J'étais payée pour les heures travaillées et je recevais 10 $ l'heure » .

[13] Le grand livre de la paye était tenu par un certain Don Gardiner, soit quelqu'un de l'extérieur dont on avait retenu les services pour qu'il s'occupe de certains des registres. Les heures de la travailleuse appelante étaient consignées sur une feuille de temps que la travailleuse appelante remettait à l'aide-comptable, M. Gardiner. La pièce A-4 a été déposée par consentement, soit le registre des heures de la travailleuse appelante. « L'horaire de travail était établi avant que je travaille » , a-t-elle dit. Après qu'elle a commencé à travailler, pour lui permettre de s'absenter une heure pour manger le midi ou pour autre chose de ce genre, soit des heures qu'elle ne réclamait pas, certaines modifications ont été apportées à son horaire de travail. « Je n'étais pas payée pour le repas de midi » , a-t-elle dit. Les registres étaient remis à l'aide-comptable, qui les transcrivait dans son grand livre, puis ces registres étaient détruits.

[14] Les registres pour 1994 et 1995 n'étaient apparemment pas disponibles. La travailleuse appelante a dit : « C'est Don Gardiner qui établissait la paye » . Le père de la travailleuse appelante ne s'occupe pas de cela. « Habituellement, je suis payée à toutes les semaines » , a-t-elle dit. Il y a des exceptions si M. Gardiner n'est pas là. Il est là habituellement, mais, s'il n'y est pas une fin de semaine, elle n'est pas payée. Une fois, elle avait fait en sorte que la compagnie retienne sa paye en vue de pouvoir payer son bois, mais la compagnie lui avait alors simplement servi de moyen pour économiser de l'argent en vue de pouvoir payer cette facture-là. Cela n'a aucune conséquence en l'espèce, et la Cour est convaincue qu'il n'y avait pas d'autre raison pour retenir ce chèque de paye.

[15] Des éléments de preuve ont été présentés concernant les chèques remis à la travailleuse appelante en 1994 et en 1995, soit la pièce A-5. Ces chèques étaient signés par Don Gardiner. Le père de la travailleuse appelante ne signait pas les chèques de cette dernière. Il signait bel et bien ceux des autres personnes.

[16] La pièce A-7 a été admise par consentement, soit une lettre en date du 23 juin 1996 de la travailleuse appelante à la division des appels. En envoyant cette lettre, la travailleuse appelante voulait montrer que les chèques correspondaient aux semaines travaillées, conformément aux renseignements requis. On ne lui a jamais demandé de différer la réception de sa paye. Pour ce qui est du bois, c'est elle qui avait décidé de faire en sorte que le chèque soit retenu, pour économiser en vue de payer le bois. « M. Gardiner n'était peut-être pas là » , a-t-elle dit. « Il se peut que j'aie demandé à être payée pour deux semaines en un seul chèque. » Elle a bel et bien admis que les autres travailleurs étaient payés le jeudi. Initialement, elle avait dit qu'elle était payée le samedi normalement. Toutefois, la preuve a ensuite révélé qu'elle n'était pas toujours payée le samedi, et la déclaration initiale a donc été modifiée à cet effet. « Actuellement, a-t-elle dit, je suis payée tous les samedis, mais il peut arriver que je n'aie pas un chèque s'il est absent. » Je crois qu'elle voulait parler de M. Don Gardiner; il en est ainsi depuis 1996, c'est-à-dire depuis qu'elle est devenue une employée à temps plein. « Il se peut que je n'aie pas eu le chèque lorsque j'ai dressé la liste » (a-t-elle dit en parlant d'un des chèques). Il n'y a jamais eu de chèque sans provision. Il ne semble pas que le payeur ait eu de difficultés financières.

[17] M. Matheson a déclaré dans son témoignage qu'il n'y avait aucun problème de trésorerie. L'entreprise semblait à tout le moins se maintenir.

[18] Le taux de salaire était de dix dollars (10 $) l'heure. Paul Judge (un autre travailleur) recevait 8,50 $ l'heure, d'après la travailleuse appelante. M. Matheson comptait beaucoup sur la travailleuse appelante et sur Don Gardiner, qui était cosignataire relativement au compte bancaire. Paul Judge était un ouvrier.

[19] Les heures d'ouverture sont maintenant du lundi au samedi, de 8 heures à 18 heures; pour ce qui est du soir, l'entreprise est ouverte le mercredi, le jeudi et le vendredi jusqu'à 21 heures. Il y avait eu un changement entre 1993 et 1995. Initialement, les heures d'ouverture de l'entreprise étaient réglementées par l'Association des détaillants d'essence. « Maintenant, nous sommes à l'ère de la déréglementation, et les gens qui ont des stations peuvent rester ouverts aussi longtemps qu'ils le veulent et quand ils le veulent » , d'après le témoin.

[20] La travailleuse appelante a déposé la pièce A-8, soit un calendrier de la station-service. Elle connaissait bien ce document. Des notes y avaient été inscrites concernant les relevés du réservoir d'essence et concernant les dates auxquelles ces relevés avaient été effectués. Les relevés étaient faits par elle et par d'autres. Ils étaient effectués une fois par jour, lorsque la station était ouverte. Initialement, la semaine d'ouverture était modifiée à toutes les six semaines, puis les choses ont changé. En octobre 1994, la station était ouverte à toutes les deux semaines. À l'occasion, l'entreprise restait ouverte durant d'autres périodes. Par exemple, elle était ouverte le samedi en novembre, après la fin de semaine du jour du Souvenir, de manière à faire plus d'affaires. Après décembre 1994, elle était ouverte tous les samedis durant la période des fêtes, conformément aux heures d'ouverture des autres entreprises du centre-ville.

[21] La pièce A-9 a été admise par consentement, soit le calendrier de 1995. En 1994 ou 1995, M. Matheson avait demandé à la travailleuse appelante de travailler. Elle ne prenait pas part à la décision de savoir quand l'entreprise resterait ouverte. Il le lui disait quand elle était à la station-service ou par téléphone ou quand il la voyait. On l'a interrogée au sujet des circonstances entourant son travail. Elle a dit que, au début, elle faisait des remplacements, lors de vacances, d'heures prolongées, de congés de décès. « Je ne travaillais pas toujours durant les heures prolongées. » M. Matheson s'en chargeait au lieu de faire appel à elle. Elle n'a jamais discuté d'admissibilité à l'assurance-chômage avec M. Matheson. Elle a dit qu'elle avait bel et bien établi un résumé des périodes où elle travaillait et de la preuve y afférente pour 1994 et 1995, soit les années en cause.

[22] La pièce A-10 a été déposée en preuve par consentement. Il s'agissait d'un horaire de travail d'autres travailleurs, et la pièce A-11 était un horaire pour 1994. La pièce A-12 était un calendrier pour Cheryl Philipps pour la période allant de 1995 à 1996, et la période de décembre correspondait aux heures d'ouverture dans le « centre-ville » .

[23] La pièce A-14 a été admise sous réserve de la preuve qui en serait faite et du poids qui y serait accordé. Cela se fondait sur les registres déposés. On a renvoyé expressément la travailleuse appelante à certaines dates où elle avait travaillé pour Paul, soit des dates qui ne sont pas si pertinentes en l'espèce, et à d'autres périodes où Barry était en vacances. Il ressortait clairement de la preuve que la travailleuse appelante ne travaillait pas toujours lorsque tout le monde partait en vacances ou qu'elle ne travaillait pas nécessairement lorsque d'autres personnes n'étaient pas disponibles. On lui a demandé pourquoi elle n'avait pas travaillé durant l'été 1993; l'année 1993 n'était pas une des années en cause, mais la travailleuse appelante a dit qu'elle avait alors suivi un cours financé par l'Assurance-chômage, soit un cours qui durait jusqu'en septembre inclusivement et qu'elle avait rapidement abandonné pour faire des remplacements occasionnels pour Paul Judge. Le travail est maintenant à temps plein. On lui a demandé pourquoi. Elle a dit que cela permettait à M. Matheson et à M. Judge de faire d'autres travaux. Maintenant, ces derniers sont interrompus moins souvent.

[24] Elle a renvoyé à une photo, qu'elle reconnaissait, laquelle photo montrait un certain nombre de travailleurs que l'entreprise a depuis un certain temps. L'une des raisons pour lesquelles la travailleuse appelante est maintenant à temps plein tient au fait qu'elle traite beaucoup avec Irving Oil. Elle commande des approvisionnements. Paul Judge ne s'occupe pas de ce genre de choses. Paul Judge travaille essentiellement aux changements d'huile et de graisse et aux changements de pneus. De 1994 à 1995, la travailleuse appelante s'occupait de rendez-vous pour le garage seulement. Elle ne connaissait pas le degré d'activité à la station et n'avait rien à voir là-dedans. On l'a interrogée au sujet des profits et des pertes. Elle n'avait aucune idée de ce qu'il en était.

[25] En contre-interrogatoire, elle a dit qu'elle ignorait combien de semaines il lui fallait pour avoir des prestations d'assurance-chômage. Elle aurait pu appeler pour essayer de le savoir. « J'ignore ce qu'il me fallait pour être admissible en 1993. » Elle a dit qu'elle était payée le samedi.

[26] « Si M. Gardiner allait s'absenter, » a-t-elle dit, « il se peut que j'aie reçu mon chèque pour des heures prédéterminées. » Il s'agirait d'heures à l'égard desquelles on savait quand elle allait travailler ou combien de travail elle allait accomplir; donc, elle peut avoir reçu un chèque avant que M. Gardiner ne s'absente. Les pièces A-14 et A-8 n'étaient que des comparaisons.

[27] La travailleuse appelante a débuté à temps partiel en 1991. Personne n'était embauché pour remplacer les autres personnes qui quittaient l'entreprise. On a demandé à la travailleuse appelante pourquoi elle avait été mise à pied. Elle a dit qu'elle était une employée occasionnelle et non une employée à temps plein à cette époque. Elle était l'employée subalterne.

[28] La pièce R-1 a été déposée par consentement. Il s'agissait du questionnaire. Celui-ci parlait des « maîtres techniciens » Barry et Butch. « Comment les avez-vous remplacés? » , a-t-on demandé à la travailleuse appelante. Elle a dit qu'elle ne les avait pas remplacés. Rien n'indiquait qu'elle les remplaçait, mais sa présence libérait M. Matheson de sorte qu'il puisse prendre leur place lorsqu'ils n'étaient pas là ou s'ils n'étaient pas disponibles. Elle s'occupait d'autres travaux, et M. Matheson était libre pour accomplir du travail de maître technicien. On a demandé à la travailleuse appelante pourquoi elle n'avait pas participé au régime d'avantages sociaux. Elle a dit qu'elle ne pouvait se l'offrir. M. Gardiner s'occupe de la paye pour d'autres. Une certaine Shirley établit les chèques, et M. Matheson les signe. Elle s'était entretenue avec Mme Beverley Gaudet, de l'un des ministères.

[29] La pièce R-2 a été déposée par consentement. Il s'agissait d'un questionnaire et des réponses que la travailleuse appelante avait données aux questions qui lui étaient posées. On lui a demandé pourquoi son chèque était différent de certains des autres, c'est-à-dire pourquoi elle recevait le chèque à différents moments, et elle a dit que ses heures étaient différentes. « Leurs heures étaient plutôt régulières. » Ses heures changeaient. « J'avais simplement le taux ordinaire. »

[30] M. Charles Matheson, l'employeur, a témoigné. Il était le seul actionnaire de la compagnie employeur, laquelle a été constituée en 1981. Il était mécanicien. En 1994 et en 1995, soit les années en question, il avait cinq à six employés, sans Cheryl. Il avait un apprenti, trois mécaniciens et un préposé à la pompe. Les mécaniciens recevaient 15 $ l'heure, d'après lui. Cela différait un peu de ce qui avait été dit précédemment, mais c'est ce qu'il a dit qu'ils recevaient au cours de ces années-là. Cheryl avait commencé en 1992-1993. Elle recevait 10 $ l'heure. On a demandé à M. Matheson combien elle reçoit maintenant, et il a dit qu'elle ne recevait pas davantage. Elle était autonome depuis l'âge de 19 ou 20 ans. « Pourquoi a-t-elle été embauchée? » Elle ne travaillait pas, et M. Matheson avait des problèmes concernant le personnel à temps partiel. Il avait besoin de quelqu'un pour les périodes où il était occupé, pour les périodes où des personnes étaient en vacances ou pour les périodes où l'entreprise débordait d'activité.

[31] Il a dit qu'il téléphonait à la travailleuse appelante s'il avait besoin de quelqu'un. Vers 1994, Bernie était parti. On a demandé à M. Matheson pourquoi la travailleuse appelante avait été embauchée à temps plein en 1996. Il a dit : « Elle était devenue indispensable à mon entreprise. Elle est le pivot de mon entreprise. » Elle prend part à certaines des fonctions relatives au service : elle met de l'huile dans les voitures, remet des fluides, mesure des fluides. Elle traite avec le public. Elle a une belle personnalité. Elle a un beau sourire. Elle est bonne dans les relations publiques. « Paul ne sait rien faire en ce qui a trait aux livres. Il n'est pas bon dans les relations publiques ou pour les rendez-vous. » La travailleuse appelante commande des pièces, traite avec Irving Oil. Normalement, Paul ou quelqu'un comme lui recevrait 5 $ à 6 $ l'heure, mais il reçoit 8,50 $ l'heure.

[32] En 1994 et en 1995, M. Matheson a établi l'horaire. Il s'agit de l'horaire de la travailleuse appelante. On lui a demandé si la travailleuse appelante avait déjà été payée pour quelque chose qu'elle n'avait pas fait. Il a répondu que non. « Lorsque l'activité était grande, je faisais appel à elle. Je devais accomplir des travaux de mécanique, de sorte que j'avais besoin d'elle en première ligne » , pour ainsi dire. « Je n'avais aucune discussion avec elle au sujet des prestations d'assurance-chômage. Elle ne m'a jamais rendu de l'argent. Je la considérais plus comme une travailleuse que comme ma fille. » Il y a eu une amélioration dans leur relation personnelle depuis qu'elle a commencé à travailler là, mais cela n'a pas influé sur le travail auquel il s'attendait d'elle. Il s'attendait à au moins autant et peut-être à plus d'elle que d'autres personnes. On a demandé à M. Matheson : « Embaucheriez-vous quelqu'un d'autre dans les mêmes conditions? » Il a dit que oui.

[33] Initialement, la création du régime d'heures prolongées était la raison pour laquelle la travailleuse appelante travaillait. Il a dit : « Elle travaillait toujours lorsque les gars étaient en vacances » . Ce n'est pas exactement ce qu'indiquaient d'autres éléments de preuve, mais elle travaillait bel et bien parfois lorsque d'autres étaient en congé. Elle ne faisait aucune partie de leur travail. « Pourquoi Don Gardiner signe-t-il les chèques? » , a-t-on demandé à M. Matheson. M. Matheson a dit qu'il n'était pas là le samedi. « Don Gardiner signe les chèques parce que je suis souvent absent la fin de semaine. Si Donnie n'était pas aux alentours, Cheryl pourrait ne pas recevoir de paye. » Il n'avait jamais eu à retenir de l'argent, à retenir un chèque ou un paiement. Il n'y avait aucun problème de trésorerie.

[34] On l'a renvoyé à la pièce R-3, soit un questionnaire. « Votre période de grande activité se situe à quelle époque? » , lui a-t-on demandé. Il a dit : « À l'époque de la première neige et parfois aussi au printemps; parfois également, si je suis complètement pris et que quelqu'un ne se présente pas, je finis par devoir accomplir plus de travail que je ne pensais devoir en faire. La période de grande activité se situe également à la fin du printemps et au début de l'automne, époque à laquelle les changements de pneus sont très fréquents. »

Arguments présentés au nom de l'appelante

[35] Dans sa plaidoirie, l'avocat de l'appelante soutenait que la seule question litigieuse en l'espèce tient à l'alinéa 3(2)c) de la Loi sur l'assurance-chômage. Les pièces et la preuve verbale montrent qu'il n'y avait en l'espèce aucune combine.

[36] La pièce A-15 montre que, pour les périodes en cause, la somme dont il s'agit ici est de 7 000 $ à 10 000 $. Ce serait payer bien cher une personne qui ne travaillerait pas, a-t-il dit. Les deux seuls points de la réponse à l'avis d'appel qui sont vraiment en litige sont les alinéas h) et i). Il était d'accord sur toutes les hypothèses de fait énoncées dans la réponse à l'avis d'appel, sauf pour ce qui est des alinéas h), i) et l). L'alinéa h) était une allégation selon laquelle :

[TRADUCTION]

L'appelante ne recevait pas son chèque de paye [...]

[37] L'alinéa i) dit :

[TRADUCTION]

Une fois que l'appelante avait accumulé suffisamment de semaines pour être admissible à des prestations d'assurance-chômage, elle était mise à pied, et un relevé d'emploi était délivré par le payeur.

[38] L'avocat soutenait que la travailleuse appelante n'était pas payée comme les autres, qu'elle n'était pas payée exactement comme les autres et que, toutefois, il n'y avait rien d'incorrect là-dedans. Le père de la travailleuse appelante ne signait pas le chèque de cette dernière. C'est Don Gardiner qui le faisait. Il n'y avait rien d'incorrect à cela. Elle recevait son chèque à différentes dates. Suffisamment d'explications ont été données à cet égard. Il n'y avait rien de mal à cela. Elle était rétribuée périodiquement, même si les périodes pouvaient être différentes.

[39] La pièce A-7 a été expliquée. Un chèque avait été donné deux mois plus tard, et la raison en a été expliquée, à savoir que la travailleuse appelante voulait faire en sorte de pouvoir payer son bois. Concernant l'alinéa i), cette allégation a été réfutée. L'emploi de la travailleuse appelante était jugé nécessaire par M. Matheson, nécessaire par rapport aux conditions et aux besoins de l'entreprise.

[40] Suffisamment d'éléments de preuve ont été présentés à la Cour quant à savoir pourquoi on retenait les services de la travailleuse appelante quand on le faisait. L'entreprise était cyclique, et l'horaire de la travailleuse appelante correspondait aux besoins de l'entreprise.

[41] En ce qui a trait à la pièce A-14, il semblait s'agir d'illogismes, mais ces incohérences apparentes ne signifient pas que l'emploi n'était pas un véritable emploi. Il y avait des semaines où la travailleuse appelante n'était pas là. Des éléments de preuve indiquent pourquoi elle n'était pas là. Cela a été expliqué.

[42] Le règlement du ministre était erroné en droit. Le ministre n'a pas pris en compte tous les faits. Les faits sur lesquels il s'est fondé n'appuient pas la conclusion qu'il a rendue. Le ministre n'a pas bien pris en compte certains faits. Le ministre a mal interprété les faits et a commis une erreur en droit. Il y a deux étapes que doit considérer la Cour pour décider d'une question en vertu du sous-alinéa 3(2)c)(ii).

[43] La Cour doit d'abord déterminer s'il lui faut conclure que le ministre a eu tort de rendre la décision qu'il a rendue, de sorte que la Cour peut ensuite passer à un examen de la preuve dans sa totalité pour déterminer si le contrat de louage de services (dont l'existence a été admise) était un contrat qui aurait été conclu par des parties non liées entre elles. Il s'agit d'un processus à deux étapes. L'appel devrait être accueilli et le règlement du ministre infirmé.

Arguments présentés au nom de l'intimé

[44] L'avocate de l'intimé a dit que ce sont des renseignements envoyés au ministre qui sont à la base des hypothèses du ministre et de sa décision selon laquelle il ne s'agissait pas d'un emploi assurable. C'était une situation dans laquelle il y avait un lien de dépendance.

[45] La présomption relative au sous-alinéa 3(2)c)(ii) s'applique. Le ministre avait été saisi des renseignements sur lesquels il s'est fondé. C'était les lettres et autres documents envoyés sur demande, les questionnaires. Ce sont là des facteurs sur lesquels le ministre s'est appuyé dans sa décision, et à juste titre. Il s'agit de savoir s'il était fondé à rendre la décision qu'il a rendue. C'est à la travailleuse appelante qu'il incombe d'établir que la décision ne devrait pas être maintenue. Y a-t-il eu de la mauvaise foi? Le ministre a-t-il pris en compte tous les renseignements pertinents? A-t-il omis de prendre en considération certains renseignements pertinents ou a-t-il tenu compte de renseignements non pertinents? Sa décision était-elle déraisonnable?

[46] La Cour doit considérer toutes les circonstances de l'emploi. Le ministre a un pouvoir discrétionnaire. La Cour ne doit pas intervenir là-dedans à la légère. La travailleuse appelante était l'employée subalterne et était la première à être mise à pied. Le ministre avait les registres de paye. Il n'y avait pas de paye pour les heures supplémentaires. La travailleuse appelante travaillait de longues heures. Elle travaillait par groupes d'heures, ce qui donne à entendre qu'elle travaillait de manière à pouvoir obtenir des prestations plus élevées, c'est-à-dire qu'elle travaillait de longues heures étalées sur de plus courtes périodes. Elle travaillait de longues heures un certain temps, puis était mise à pied pour un temps considérable. Il y a quelque chose d'incorrect là-dedans. C'est suspect. Cela donne à entendre qu'il existait une combine. C'était suffisant pour que le ministre conclue qu'il existait une combine. Il n'était pas normal que la travailleuse appelante ne soit pas supervisée pendant de longues périodes. La preuve faisait état de ce facteur. Il n'y avait aucune supervision pendant de longues périodes. Les modalités étaient telles que l'on pourrait conclure qu'il existait une combine.

[47] La Cour doit également prendre en compte la durée des périodes de travail de la travailleuse appelante. La Cour a été saisie des renseignements indiqués sur les calendriers, de certaines indications quant à savoir quand la période de prestations de la travailleuse appelante expirait. La travailleuse appelante a elle-même admis que c'est elle qui a inscrit ces données là-dessus. Le fait que sa demande de prestations devait expirer peu de temps après est suspect. Lorsque la demande expirait, la travailleuse appelante devenait admissible à la présentation d'une autre demande : elle avait suffisamment de semaines pour cela.

[48] La preuve indique que les périodes étaient d'une durée presque équivalente au nombre de semaines requis, mais pas exactement. Ce n'était pas toujours le cas. Parfois, on ne faisait pas appel à la travailleuse appelante pour des périodes de vacances. Parfois, on ne faisait pas appel à elle pour le remplacement de quelqu'un qui était en congé. Il y avait des fins de semaine où l'entreprise était ouverte et où la travailleuse appelante n'était pas là. Elle a essentiellement travaillé 14 semaines durant la période en question, du moins au cours d'une des périodes.

[49] Les registres de 1995 montrent que le garage était ouvert presque tous les samedis et qu'il n'était pas nécessaire que la travailleuse appelante soit là tout le temps. Pourquoi n'était-ce pas nécessaire? Les conditions de l'employeur changeaient, mais pas les heures de travail de la travailleuse appelante. Si l'activité de l'entreprise était plus grande à certains moments de l'année, durant les périodes de changements de pneus, pourquoi n'était-elle pas là en train de travailler? Les fonctions étaient importantes pour le garage. Elle l'a admis. Si elles étaient si importantes, pourquoi n'avait-on besoin d'elle que pour 14 semaines? Elle se présentait seulement pour une semaine complète à la fois. Elle ne se présentait pas pour un certain nombre d'heures à la fois. C'est suspect. Il y avait là plus que suffisamment de renseignements pour que le ministre rende la décision qu'il a rendue. La question de savoir si le ministre a agi de mauvaise foi ne se pose pas.

[50] L'avocate de l'intimé a renvoyé à l'affaire Procureur général du Canada c. Jencan Ltd., A-599-96, Cour d'appel fédérale, 24 juin 1997, à la page 25, et à l'affaire Wilga Parrill et M.R.N., 95-2644(UI), C.C.I., 16 décembre 1996. Dans la présente espèce, le ministre avait suffisamment de renseignements pour rendre la décision qu'il a rendue. La Cour ne devrait pas intervenir là-dedans. Il s'agissait d'un emploi exclu.

[51] L'avocate de l'intimé a comparé les renseignements des pièces A-8 et A-9 à A-14. Elle soutenait que le résultat est que l'ensemble de la situation factuelle est suspect. La travailleuse appelante ne travaillait pas toujours pendant les vacances d'autres personnes. Elle ne travaillait pas lorsque les autres étaient absents. Elle ne travaillait pas toujours durant les semaines d'ouverture; elle ne travaillait pas lorsqu'il y avait du travail supplémentaire à accomplir.

[52] L'appel devrait être rejeté, et le règlement du ministre confirmé.

[53] En réponse, l'avocat de l'appelante a renvoyé à l'affaire Jencan, précitée. Nous devons considérer l'ensemble de la preuve. Les personnes qui ont témoigné dans la présente espèce étaient crédibles. Il n'y avait pas d'incohérences entre la preuve de la travailleuse appelante et celle de l'employeur. Il n'y avait rien de suspect concernant le nombre de semaines travaillées. Cela a été expliqué.

[54] Pour ce qui est des heures prolongées en 1995, le garage n'a pas été ouvert de nombreuses fins de semaine. Il n'y avait assurément pas là-dedans un degré d'incohérence suffisant pour permettre à la Cour d'avoir des soupçons.

Analyse et décision

[55] C'est un lieu commun que de dire que, dans une affaire de cette nature, c'est à la partie appelante qu'il incombe d'établir selon la prépondérance des probabilités qu'il s'agissait d'un emploi assurable. S'il s'agit d'un emploi exclu, ce n'est évidemment pas un emploi assurable. Dans l'affaire soumise à notre cour, le seul point en litige tient au sous-alinéa 3(2)c)(ii).

[56] Les parties admettent que l'alinéa 3(1)a) n'est pas en cause. Cela signifie qu'il existait un contrat de louage de services. La Cour a deux questions à trancher. En vertu du sous-alinéa 3(2)c)(ii), devrait-elle intervenir dans la décision du ministre selon laquelle il ne s'agissait pas d'un emploi exercé en vertu d'un contrat de louage de services semblable à celui qui aurait été conclu avec des parties non liées entre elles? L'appelante doit démontrer qu'un contrat semblable aurait été conclu avec des parties non liées entre elles et que la Cour devrait intervenir dans la décision du ministre.

[57] La Cour est convaincue qu'il est bien établi dans la jurisprudence qu'à ce stade de la procédure, que l'on parle de discrétion ministérielle ou de quelque chose de ce genre, il est indubitable que l'article dispose que le ministre a le droit de conclure que, dans une situation donnée, il y avait un lien de dépendance. La question de la présomption se pose alors. À moins qu'il ne détermine que les modalités étaient telles qu'un contrat de louage de services semblable aurait été conclu entre des parties non liées entre elles, le ministre peut décider qu'il s'agissait d'un emploi exclu.

[58] La question est de savoir s'il a eu raison de rendre une telle décision dans la présente espèce. La Cour est convaincue que, à cette première étape, avant de casser la décision du ministre, elle doit être convaincue que le ministre a omis de prendre en considération les faits appropriés, qu'il a pris en compte des faits non pertinents, qu'il n'a pas agi de façon judiciaire, qu'il n'a pas agi raisonnablement ou que la décision qu'il a rendue était déraisonnable eu égard à l'ensemble de la preuve.

[59] La Cour est convaincue que, pour que la décision du ministre soit infirmée, elle n'a pas à être persuadée que tous les faits sur lesquels le ministre s'était fondé ont été réfutés. Dans la présente espèce, il y a très peu d'hypothèses dont on n'a pas convenu. Les seules questions sur lesquelles on n'était pas d'accord figurent aux alinéas 11h) et i). La réponse elle-même à l'avis d'appel n'énonce évidemment pas tous les faits. De nombreux faits ne sont pas mentionnés dans la réponse à l'avis d'appel.

[60] Les hypothèses du ministre sont intéressantes, car le ministre a manifestement rendu une décision fondée sur un certain nombre d'hypothèses figurant dans la réponse à l'avis d'appel. Parmi celles qui sont en cause, il y a évidemment l'hypothèse énoncée à l'alinéa h), qui dit :

[TRADUCTION]

L'appelante ne recevait pas son chèque de paye régulièrement comme le reste des travailleurs du payeur.

[61] La Cour est convaincue sur la foi de la preuve que la travailleuse appelante recevait bel et bien son chèque de paye régulièrement. Elle peut ne pas l'avoir reçu à la même date que les autres travailleurs, et le chèque peut ne pas avoir été signé par la même personne. Il était manifeste que son père signait les chèques des autres travailleurs et que c'est M. Gardiner qui signait ceux de la travailleuse appelante. Toutefois, la Cour est convaincue qu'il n'y avait rien d'incorrect à cet égard dans les circonstances. Cela a été expliqué.

[62] La Cour est convaincue que le ministre a manifestement considéré cela comme une circonstance très suspecte et que c'est l'un des fondements de sa décision. La Cour est convaincue qu'il n'y avait rien de mal à ce que l'on procède de la sorte. Donc, le ministre ne pouvait rendre une décision raisonnable en se fondant sur cette hypothèse.

[63] Le ministre a en outre conclu ou présumé ceci, soit l'un des fondements de sa décision :

[TRADUCTION]

Une fois que l'appelante avait accumulé suffisamment de semaines pour être admissible à des prestations d'assurance-chômage, elle était mise à pied, et un relevé d'emploi était délivré par le payeur.

[64] Ce n'était pas parfaitement exact, mais, si ce l'était, cela ne signifie pas qu'il y ait quoi que ce soit d'incorrect là-dedans. Il pourrait y avoir quelque chose d'incorrect là-dedans tout comme il est possible qu'il n'y ait rien d'incorrect là-dedans. Ici, la Cour doit considérer l'ensemble de la preuve présentée en l'espèce et déterminer s'il était raisonnable de la part du ministre de se fonder sur cette hypothèse et de rendre une décision basée sur cette hypothèse, entre autres. La Cour est convaincue que le ministre a bel et bien considéré cela comme incorrect, mais elle est convaincue que ce n'était pas incorrect.

[65] Sur la foi de la preuve qui lui a été présentée, la Cour est convaincue que la travailleuse appelante n'a pas eu exactement le nombre de semaines qu'il lui fallait pour être admissible à des prestations d'assurance-chômage. Il y avait une différence d'au moins deux semaines. Ce peut être suffisant pour que le ministre ait des soupçons, mais le fait d'avoir des soupçons n'est pas suffisant. Ces soupçons se dissipent lorsque la Cour considère l'ensemble de la preuve et quand elle tient compte de la crédibilité qu'elle accorde au témoignage de M. Matheson et à celui de la travailleuse appelante. Les explications fournies étaient plus que suffisantes pour démontrer qu'il n'y avait rien d'incorrect à ce que cela se passe de la sorte.

[66] Le ministre formulait en outre l'hypothèse suivante à l'alinéa e), soit une hypothèse à laquelle il doit évidemment avoir accordé du poids, quel que soit ce poids :

[TRADUCTION]

avant, pendant et après les périodes en question, il y a eu des semaines où, lorsque l'appelante n'était pas embauchée par le payeur, aucune autre personne n'était embauchée à sa place pour remplir ses fonctions; ces fonctions étaient remplies par d'autres travailleurs du payeur ou par le père de la travailleuse appelante.

[67] C'est vrai. Toutefois, même sans les éléments de preuve qui lui ont été présentés aujourd'hui, la Cour ne voit pas comment cela aurait amené le ministre à conclure raisonnablement qu'il y avait quoi que ce soit d'incorrect là-dedans. C'est l'une de ces choses dans lesquelles il pourrait y avoir quelque chose d'incorrect tout comme il pourrait n'y avoir rien d'incorrect. La preuve présentée à la Cour aujourd'hui montre qu'il n'y avait rien de mal à cela. L'alinéa f) dit :

[TRADUCTION]

l'appelante n'a travaillé pour personne d'autre durant les années 1993, 1994 et 1995.

[68] Encore là, c'est exact. C'est indubitable. Ce pourrait être suspect s'il y avait d'autres circonstances indiquant que tout n'était pas dans les règles, mais tel n'est pas le cas. La travailleuse appelante cherchait du travail. Elle n'a pas refusé de travailler pour d'autres afin de tirer profit de sa situation auprès d'une personne avec qui elle était liée, de manière à pouvoir devenir admissible à des prestations d'assurance-chômage. S'il y avait eu quelque chose du genre dans l'allégation et que des éléments de preuve avaient été présentés à cet effet, ce facteur aurait eu plus d'importance. Cependant, en soi, cette allégation, si elle a été prise en compte par le ministre, et elle l'a manifestement été, n'était pas un motif raisonnable pour que le ministre conclue qu'il ne s'agissait pas d'un type de contrat de louage de services qui aurait été conclu par des parties non liées entre elles.

[69] L'alinéa g) dit :

[TRADUCTION]

l'appelante recevait dix dollars (10 $) l'heure pour les heures effectivement travaillées.

[70] En soi, ce n'est pas une conclusion accablante. La Cour ne voit pas comment le ministre pouvait se fonder là-dessus de quelque manière pour conclure que l'appelante exerçait un emploi exclu.

[71] Comme je l'ai déjà dit, l'alinéa h) se lisait comme suit :

[TRADUCTION]

L'appelante ne recevait pas son chèque de paye régulièrement [...]

[72] Cela a été contesté. La Cour est convaincue que le ministre s'est fondé là-dessus. Cette conclusion du ministre était inexacte. Les faits montrent que c'était inexact, de sorte que le ministre a tenu compte de considérations inappropriées.

[73] L'alinéa i) dit :

[TRADUCTION]

Une fois que l'appelante avait accumulé suffisamment de semaines pour être admissible [...]

[74] Cette conclusion du ministre était inexacte. Le ministre s'est manifestement fondé là-dessus. Ce n'était pas approprié, même en l'absence de la preuve qui a été présentée aujourd'hui. La preuve montrait que c'était inexact. La travailleuse n'a pas été mise à pied parce qu'elle avait acquis le nombre de semaines nécessaire aux fins des prestations. Le nombre de semaines se rapprochait du nombre requis et, encore une fois, aucun élément de preuve n'indique que telle était la raison pour laquelle la travailleuse appelante avait été mise à pied.

[75] S'il y avait eu dans l'hypothèse quelque chose de plus sur quoi le ministre aurait pu se fonder et qui n'aurait pas été réfuté, la Cour aurait été dans une situation différente, mais tel n'est pas le cas. L'alinéa l) est évidemment une question de droit que la Cour doit trancher.

[76] La Cour conclut que le ministre a eu tort de rendre la décision qu'il a rendue. La Cour a tenu compte de tous les jugements qui ont été cités.

[77] Dans l'arrêt Procureur général c. Jencan Ltd., certifié, la Cour d'appel fédérale disait en renvoyant à la décision rendue en première instance :

Ayant conclu que certaines des hypothèses de fait sur lesquelles le ministre s'était fondé avaient été réfutées au procès, le juge suppléant de la Cour de l'impôt aurait dû se demander si les autres faits qui avaient été établis au procès étaient suffisants en droit pour justifier la conclusion du ministre suivant laquelle les parties n'auraient pas conclu un contrat de louage de services à peu près semblable si elles n'avaient pas eu un lien de dépendance.

[78] Dans la présente espèce, la Cour est convaincue, premièrement sur la foi des hypothèses et deuxièmement sur la foi de la preuve, que les faits restants prouvés au procès n'étaient pas suffisants en droit pour que le ministre rende le règlement qu'il a rendu. Donc, le ministre n'a pas agi de façon judicieuse et sa décision ne saurait être maintenue. Du point de vue de la Cour, il n'y avait pas assez d'éléments pour étayer le règlement du ministre, même si la Cour avait conclu que les hypothèses étaient exactes.

[79] La Cour est convaincue que le règlement du ministre n'avait pas un fondement probant raisonnable, qu'elle est habilitée à intervenir et que la présente espèce justifie son intervention.

[80] Cela nous amène donc à la deuxième question que la Cour doit prendre en considération. Sur la foi de l'ensemble de la preuve, des parties non liées entre elles auraient-elles conclu un contrat de louage de services à peu près semblable? La Cour est plus que convaincue que tel aurait été le cas.

[81] Ici, la Cour prend en compte les modalités normales de l'emploi, ainsi que le salaire. Le salaire n'était pas injustifié. Suffisamment d'éléments de preuve ont été présentés à la Cour pour convaincre celle-ci que le salaire n'était pas déraisonnable. Le salaire était versé. Bien que le chèque de paye n'ait pas été signé par la même personne, il n'y avait rien du point de vue de la Cour qui lui fasse mettre en doute le fait que Don Gardiner signait le chèque de la travailleuse appelante plutôt qu'une autre personne, plutôt que le père, qui signait pour les autres employés. Il n'y avait rien dans le taux salarial qui fasse que la Cour ait des soupçons. Il est vrai que Paul Judge recevait moins d'argent. Il était manifestement là plus longtemps. Toutefois, on a suffisamment expliqué pourquoi Paul Judge recevait le montant qu'il recevait. Son travail ne pouvait d'aucune manière correspondre à celui de la travailleuse appelante.

[82] M. Matheson a dit que Paul Judge n'aurait probablement pas reçu ce montant s'il avait travaillé pour quelqu'un d'autre. Il aurait reçu 5 $ ou 6 $ l'heure. Ce peut être exact ou non, mais telle était l'opinion exprimée par M. Matheson.

[83] La Cour est convaincue que les registres tenus étaient importants et suffisants pour appuyer la thèse selon laquelle l'appelante a travaillé, était payée, n'a jamais renoncé à son droit de recevoir une paye, n'a jamais été payée pour une période où elle ne travaillait pas et était payée à temps. La Cour est convaincue que la travailleuse appelante était supervisée par M. Matheson, que ce dernier la surveillait considérablement, qu'il exerçait un contrôle sur l'horaire de la travailleuse appelante et qu'il déterminait si elle devait être embauchée, malgré le fait qu'elle avait son mot à dire. Elle avait du moins discuté avec lui du salaire et avait dit qu'elle voulait 10 $ l'heure. Il y a habituellement des négociations entre l'employeur et l'employé sur la question du salaire. Dans le cas qui nous occupe, il est évident que la travailleuse appelante avait dit à son employeur ce qu'elle voulait en raison de son expérience et de sa formation et que cela n'avait pas été jugé excessif. C'était une conclusion raisonnable de la part de l'employeur.

[84] La Cour est convaincue que l'expérience et la formation de la travailleuse appelante commandaient que cette dernière reçoive 10 $ l'heure dans les circonstances. On n'a présenté aucun élément de preuve quant à savoir quel était le taux de salaire normal pour ce poste particulier. La travailleuse appelante était incapable de le préciser. Elle a dit qu'elle en avait discuté avec des gens et que, toutefois, elle n'avait pu découvrir ce que recevaient d'autres personnes qui étaient dans les mêmes circonstances. Quoi qu'il en soit, la Cour est convaincue que la somme que la travailleuse appelante recevait était raisonnable dans les circonstances. On n'a présenté à la Cour aucun élément de preuve indiquant que la somme que la travailleuse appelante recevait comme paye n'était pas raisonnable.

[85] En ce qui a trait aux heures de travail, il y a assurément des éléments de preuve à cause desquels le ministre avait certaines préoccupations, ce qui n'était pas déraisonnable. Peut-être que, dans une faible mesure, les horaires ont été une source de préoccupation, ainsi que le fait que les chèques de la travailleuse appelante étaient signés par quelqu'un d'autre que M. Matheson. La travailleuse appelante peut ne pas avoir travaillé tous les jours alors qu'il y avait des travaux supplémentaires à accomplir. Elle peut ne pas avoir travaillé au cours de toutes les périodes où des gens étaient en vacances. Elle peut ne pas avoir travaillé toutes les fois que quelqu'un était en congé, mais des explications suffisantes au sujet de ces anomalies apparentes ont été fournies.

[86] Dans l'ensemble, la Cour est convaincue que la travailleuse appelante travaillait un nombre d'heures raisonnable, qu'elle recevait un salaire raisonnable, qu'elle était payée pour ce qu'elle faisait et qu'elle n'était pas payée pour autre chose. La Cour est convaincue que la travailleuse appelante n'a pas été embauchée ni maintenue dans son emploi parce qu'elle était liée au payeur. La travailleuse appelante n'a pas été embauchée simplement pour qu'elle puisse être admissible à des prestations d'assurance-chômage, quoique ses périodes de travail se rapprochent beaucoup des périodes de référence minimales.

[87] Compte tenu des témoignages de M. Matheson et de la travailleuse appelante et compte tenu de la crédibilité que la Cour accorde à ces témoignages, la Cour est convaincue que l'horaire de la travailleuse appelante, ses heures de travail, la durée des périodes de travail et les moments auxquels elle travaillait correspondaient aux besoins de l'entreprise et aux besoins de M. Matheson, qui dirigeait l'entreprise comme il le jugeait bon.

[88] La Cour ne voit aucune raison pour discréditer le témoignage de l'une ou l'autre de ces deux personnes. Malgré le fait que, de prime abord, des doutes pouvaient être soulevés, ils n'étaient assurément pas suffisants pour que le ministre rende la décision qu'il a rendue. La Cour est également convaincue, sur la foi de l'ensemble de la preuve, qu'un contrat de louage de services semblable aurait été conclu par des parties non liées entre elles.

[89] La Cour accueille les appels et infirme les décisions du ministre.

Signé à Ottawa, Canada, ce 30e jour d'octobre 1998.

« T. E. Margeson »

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 16e jour de juin 1999.

Mario Lagacé, réviseur

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