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Date: 20001117

Dossier: 2000-1567-GST-I

ENTRE :

SYLVIA HENDERSON,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge O'Connor, C.C.I.

[1] Le présent appel a été entendu à Thunder Bay (Ontario), le 16 octobre 2000.

QUESTION

[2] La question en l’espèce est de savoir si, en sa qualité de conjointe de Brian Henderson (“ Brian ”), l’appelante est, en vertu du paragraphe 325(1) de la Loi sur la taxe d’accise (la “ Loi ”), obligée de payer un certain montant au titre de la taxe sur les produits et services (“ TPS ”) établi à l’égard de Brian, en raison de certains transferts de biens immobiliers que celui-ci a effectué à l’égard de l’appelante.

FAITS

[3] Les faits pertinents sont les suivants.

1. Durant toute la période pertinente, l’appelante était un particulier qui résidait à Thunder Bay, en Ontario, et était la conjointe de Brian.

2. Durant toute la période pertinente, Wheel Alignment and Service Centre Limited (la “ société ”), appartenant à Brian Henderson, était une société exploitant une concession Esso à Thunder Bay.

3. Durant toute la période pertinente, Brian était un particulier qui résidait à Thunder Bay, en Ontario. Il était le principal actionnaire de la société ainsi que son président-directeur général. Il était certainement l’âme dirigeante de la société et gérait tous les aspects de l’entreprise. Il était également un administrateur.

4. Avant le 15 décembre 1992, l’appelante et Brian avaient deux biens en tant que tenants conjoints, à savoir a) un bien immeuble situé au 641, croissant Thistle (le “ bien de Thistle ”) et b) un bien immeuble situé dans le canton de Shuniah (le “ bien de Shuniah ”).

5. La société éprouvait des difficultés financières en 1992 et a également connu un litige avec Esso. À la suite de ce litige, Esso à mis fin au contrat de concession et a expulsé la société des locaux commerciaux le 23 janvier 1993 ou vers cette date.

6. Dans une cotisation datée du 21 août 1997, Revenu Canada a établi que, en sa qualité d’administrateur, Brian était responsable d’un montant de 73 718,82 $ aux termes du paragraphe 323(1) de la Loi portant sur l’omission par une société de remettre l’impôt net ainsi qu’elle est tenue de le faire en vertu du paragraphe 228(2) de la Loi.

7. Le 9 décembre 1992, Brian et l’appelante ont transféré le bien de Thistle à l’appelante uniquement (pièce A-1) et, le même jour, Brian et l’appelante ont fait de même avec le bien de Shuniah (pièce A-3).

8. Le 5 mars 1998 ou vers cette date, un avis de cotisation – Tierce partie a été délivré par le ministre à l’appelante pour un montant de 68 575,96 $. Les détails suivants figuraient dans la cotisation; les calculs auraient été faits le 15 décembre 1992 :

(a) Bien situé au 641, croissant Thistle

(i) valeur du bien 130 000,00 $

(ii) hypothèque en cours 101 189,12 $

(iii) contrepartie 2,00 $

(iv) avantage reçu par l’appelante 14 403,44 $

(b) Bien du canton de Shuniah

(i) valeur du bien 140 000,00 $

(ii) hypothèque en cours 22 288,90 $

(iii) contrepartie 2,00 $

(iv) avantage reçu par l’appelante 58 853,55 $

8. À l’audience, les avocats des parties ont indiqué qu’il n’y avait plus de litige concernant les chiffres susmentionnés, à l’exception de la valeur de l’avantage qu’a reçu l’appelante.

9. En ce qui concerne le bien de Shuniah, après la date de transfert susmentionnée, l’appelante a consenti sur ledit bien une hypothèque de 98 000 $ en faveur de la Banque de Montréal.

ARGUMENTS DE L’APPELANTE

[4] L’avocat de l’appelante soutient qu’essentiellement, Brian, au moyen de différents prêts et hypothèques consentis sur les deux biens, avait épuisé son intérêt sur ces biens et qu’au moment où les transferts ont été effectués, soit le 15 décembre 1992, l’appelante n’a reçu aucun avantage, lesdits prêts ayant fourni des fonds qui ont été utilisés pour rembourser les dettes de la société. À cet égard, l’avocat de l’appelante a déclaré ce qui suit :

[TRADUCTION]

M. et Mme Henderson sont d’avis que la moitié des biens est à monsieur et que l’autre moitié est à madame. La moitié de monsieur a servi à financer l’entreprise afin de la maintenir à flot et, par conséquent, M. Henderson était d’avis que sa moitié, qui avait été hypothéquée au maximum, avait nécessairement une valeur égale à zéro et, en conséquence, il l’a transférée à sa conjointe, comme cette dernière l’a indiqué dans son témoignage, en raison de la menace que constituaient nécessairement certains problèmes au sein du foyer au sujet de son utilisation de ce bien.

[5] L’avocat a ajouté ce qui suit :

[TRADUCTION]

L’argument subsidiaire, si vous n’êtes pas prêt, Monsieur le juge, à accepter l’idée selon laquelle il y a cet élément relatif à l’intérêt qui existe à l’extérieur de ce qui pourrait être considéré comme une certaine forme de connaissance d’office du droit relatif aux biens matrimoniaux et que les conjoints ont droit à parts égales à tous les biens, peu importe lequel avait la propriété au début, alors certainement, Monsieur le juge, la Loi sur le droit de la famille prévoit la contrepartie relative à des biens familiaux possédés en copropriété, et je sais Monsieur le juge, je ne souhaite en aucun cas introduire des éléments du droit provincial en traitant de questions visées par le droit fédéral comme la Loi sur la taxe d’accise et la Loi de l’impôt sur le revenu, mais le paragraphe 4(1) de la Loi sur le droit de la famille porte sur les biens familiaux nets. Il ne fait pas mention de la personne qui les apporte au mariage ni nécessairement de celle à qui ils appartiennent à la fin du mariage, parce qu’il ne fait référence qu’à l’augmentation sensible et égale de la valeur des biens appartenant à chacun des conjoints, ce qui est nécessairement quelque peu compatible avec la situation de M. et de Mme Henderson, soit que la moitié des biens est à monsieur, et l’autre moitié, à madame et que la part de monsieur a été hypothéquée pour financer l’entreprise et que, par conséquent, il transfère sa part à madame, part qui nécessairement ne vaut plus rien selon moi ou selon l’auteur du transfert.

Si vous n’êtes pas prêt, Monsieur le juge, à accepter cet argument, j’aimerais vous renvoyer à la page 4 de l’avis d’appel, qui est la page 9, et j’aimerais vous demander d’examiner l’idée suivante. En ce qui concerne l’alinéa b) du paragraphe 9, portant sur le prétendu bien du lac, nous avons obtenu une valeur de 140 000 $, et il est stipulé qu’au moment du transfert, l’hypothèque en cours était de 22 288 $. Je crois que l’argument subsidiaire que vous pourriez être prêt à accepter, Monsieur le juge, si vous êtes prêt à rejeter l’élément relatif à l’intérêt, est qu’au cours des trois mois qui ont suivi, une hypothèque a été consentie sur ce bien, le bien du lac, qui est de 98 000 $, selon la pièce A-4 de l’appelante.

En d’autres termes, Monsieur le juge, le véritable intérêt, à l’égard de ce bien du lac, n’est pas la différence entre 140 000 $ et 22 000 $, mais en réalité, il ressort que [...], le véritable intérêt sur ce bien est d’environ 42 000 $, la différence étant la valeur marchande de 140 000 $ telle qu’elle est stipulée moins l’hypothèque de 98 000 $, qui a été enregistrée sur ce bien environ trois mois après la date du transfert. Alors, l’argument subsidiaire que j’aimerais vous voir examiner, Monsieur le juge, est d’accepter le bien situé sur le croissant Thistle, si vous êtes prêt à rejeter l’élément relatif à l’intérêt, alors je crois que les chiffres indiqués à l’alinéa a) sont exacts. C’est-à-dire que l’alinéa 9a) et le paragraphe (4) portent sur l’avantage reçu par la contribuable, et, si vous êtes prêt, Monsieur le juge, à rejeter l’élément relatif à l’intérêt, je crois que les chiffres indiqués seraient exacts, pour autant que cet aspect particulier de l’article 325 de la Loi sur la taxe d’accise est concerné.

[...]

Mon argument subsidiaire, toutefois, Monsieur le juge, porte sur le bien du lac ou celui du canton de Shuniah et figure à l’alinéa b) du point 9 ou du paragraphe 9, et je soutiens, Monsieur le juge, que la valeur du bien telle qu’elle est stipulée et acceptée est de 140 000 $, mais l’hypothèque en cours doit tenir compte de l’hypothèque de 98 000 $ enregistrée sur le bien trois mois après le fait, étant donné que Mme Henderson a indiqué qu’il était prévu que cela ferait partie de l’ensemble de l’opération. Dans cette situation, Monsieur le juge, l’hypothèque en cours ne devrait pas être de 22 288,90 $, mais en réalité devrait tenir compte du montant de 98 000 $, ce qui signifie que la différence ou l’avantage reçu par la contribuable serait nécessairement la différence entre 140 000 $ et 98 000 $, qui est 42 000 $ et dont la moitié serait environ 21 000 $.

Ainsi, à la page 5, je soutiens subsidiairement, Monsieur le juge, que l’avantage reçu par la contribuable n’est pas de 58 853,55 $, mais d’environ 21 000 $, au motif que l’hypothèque enregistrée en mars 1993 était considérée comme une partie du transfert du bien qui a eu lieu le 9 décembre 1992.

ARGUMENTS DE L’INTIMÉE

[6] L’avocat de l’intimée soutient qu’aucun élément de preuve n’appuie la théorie de l’intérêt et son corollaire, selon lequel aucun avantage n’a vraiment été conféré. L’avocat de l’intimée soutient également qu’il n’y a pas eu de partage des biens matrimoniaux tel que le prévoit le paragraphe 325(4) de la Loi et que l’argument du partage réputé des biens matrimoniaux ne peut l’emporter. Pour ce qui est du bien de Shuniah et de l’argument lié à l’hypothèque subséquente, l’avocat de l’intimée a déclaré ce qui suit :

[TRADUCTION]

Mon savant confrère vous demande d’examiner l’hypothèque qui a été ultérieurement consentie sur le bien. Je soutiens qu’après le transfert, la valeur de l’hypothèque et ce que ce couple a fait avec le bien après le transfert sont totalement hors de propos. Aucune jurisprudence ne suggère – tout d’abord, nous parlons de contrepartie, et ce que nous demandons à la Cour de faire est en quelque sorte de ramener cette contrepartie au moment du transfert, même si elle s’est produite après le transfert. Alors, des types de document ou de frais effectués ou imposés après le transfert ne peuvent faire partie de la contrepartie, et ce ne peut être le cas parce qu’ils ont été effectués ou imposés après les faits, mais plus important, je ne suis pas tout à fait sûr de ce que cela établirait en tout état de cause. Le témoin a déclaré que le bien ou l’hypothèque était détenu en copropriété. Il ne s’agissait que d’une autre tentative pour hypothéquer le bien conjointement, et cela n’a aucune incidence sur la valeur de la contrepartie, étant donné que cela est totalement hors de propos.

ANALYSE ET DÉCISION

[7] Je ne peux accepter l’argument relatif à l’intérêt formulé par l’avocat de l’appelante. Les dettes hypothécaires portaient sur tous les biens, et non sur la moitié de Brian. La preuve ne réfute pas cela. C’est ce que l’appelante a pu comprendre, mais ce n’est tout simplement pas appuyé par la preuve, particulièrement la preuve écrite.

[8] De plus, je ne peux accepter l’argument fondé sur le partage des biens matrimoniaux, puisqu’il est clair que les dispositions du paragraphe 325(4) de la Loi n’ont pas été respectées.

[9] Toutefois, je suis prêt à accepter que, comme l’hypothèque de 98 000 $ consentie sur le bien de Shuniah était, selon les témoignages, clairement envisagée au moment du transfert, elle devrait être prise en considération dans la détermination de l’avantage que l’appelante a reçu de ce bien. En outre, le montant de 98 000 $ a été utilisé pour payer le découvert de la société à la Banque de Montréal en raison de la menace de ladite banque de saisir le bien de Thistle. Ainsi, il est de même nature que le montant de l’hypothèque due sur le bien de Thistle, que le ministre a accordé lorsqu’il est parvenu au montant de l’avantage reçu sur ce bien. En conséquence, l’avantage devrait être la moitié de 140 000 $, moins 98 000 $ et moins 2 $, à savoir 20 999 $. En ce qui concerne le bien de Thistle, à mon avis, le ministre a correctement calculé le montant de l’avantage reçu par l’appelante, soit 14 403,44 $.

[10] En conséquence, l’appel est accueilli au motif suivant : l’avantage reçu par l’appelante pour le bien de Thistle était de 14 403,44 $, et celui reçu par l’appelante pour le bien de Shuniah était de 20 999 $.

[11] Pour différentes raisons, dont en particulier le fait que les résultats sont partagés, il n’y aura aucune adjudication des dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour de novembre 2000.

“ T. O'Connor ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 28e jour de mars 2001.

Isabelle Chénard, réviseure

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