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Date: 19980804

Dossier: 96-2237-GST-I

ENTRE :

L. J. MEIER CO. LTD.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

LE JUGE MOGAN, C.C.I.

[1] Cet appel est interjeté en vertu de la partie IX de la Loi sur la taxe d'accise, mesure législative portant création de la taxe sur les produits et services ( « TPS » ). L'appelante agit pour le compte de certains fabricants en tant qu'agente de ventes. Elle exploite en outre un magasin de détail à Belleville (Ontario), sous le nom de « Meier's Leather » . L'appelante a été l'objet d'une cotisation de TPS à l'égard du revenu de commissions qu'elle avait reçu entre le 1er janvier 1991 et le 31 mars 1994.

[2] M. Leo Meier, président de l'appelante, a décrit le rôle de l'appelante en tant qu'agente commerciale. Pendant des voyages qui l'amenaient de l'Ontario jusqu'en Colombie-Britannique, M. Meier visitait des magasins de détail, boutiques de cadeaux et postes de traite faisant affaire avec des touristes et prenait des commandes, surtout pour des produits en cuir. Il s'est dit « preneur de commandes » . Il transmettait une commande à un fabricant, qui par la suite envoyait le produit directement au magasin ou à la boutique l'ayant commandé à M. Meier. L'appelante gagnait une commission sur chaque commande ainsi obtenue.

[3] La législation relative à la TPS est entrée en vigueur le 1er janvier 1991. Entre cette date et le milieu de 1994, l'appelante envoyait une facture à chaque fabricant au titre des commissions dues mais ne tentait pas de percevoir de la TPS sur les commissions. M. Meier n'avait même pas songé à la question de savoir si les commissions de l'appelante étaient assujetties à la TPS. À l'automne 1994, Revenu Canada a effectué une vérification de TPS auprès de l'appelante, et le 1er décembre 1994 il a établi un avis de cotisation qui, entre autres, exigeait le versement d'un montant supplémentaire de 33 159,64 $ au titre de la TPS sur des commissions totales de 473 709,16 $ touchées au cours de la période allant du 1er janvier 1991 au 31 mars 1994.

[4] Après avoir reçu la cotisation, l'appelante a envoyé des factures à un bon nombre des fabricants qui avaient versé les commissions totales d'environ 473 000 $, leur demandant de payer la TPS appropriée. La pièce A-1 consiste en une liste des fabricants à qui l'on a demandé de payer un total de 16 488 $ à titre de TPS sur des commissions brutes de 235 555 $. Les fabricants énumérés dans la pièce A-1 étaient ceux qui, présumait l'appelante, étaient des inscrits en vertu de la législation relative à la TPS.

[5] L'appelante n'a pas envoyé de factures concernant les montants de TPS en question aux fabricants indiens (c.-à-d. canadiens autochtones) pour le compte de qui elle agissait en tant qu'agente (preneuse de commandes), parce qu'elle présumait ou croyait comprendre qu'ils n'étaient pas inscrits aux fins de la TPS. Un des fabricants indiens est Michelle Sioui, qui exploite une entreprise sous le nom de « Linette & Michelle » , laquelle est située dans une réserve huronne, à Loretteville, tout près de Québec. L'entreprise Linette & Michelle est un fabricant de produits en cuir (sacs à main, vestes et menus articles); l'appelante fait des affaires avec Michelle Sioui depuis environ 15 ans.

[6] Un autre fabricant indien à qui l'appelante n'a pas facturé de TPS est Marcel Sioui, qui exploite une entreprise sous le nom de « Kabir Kouba » . L'appelante ou M. Leo Meier fait des affaires avec Marcel Sioui depuis 1957. L'entreprise Kabir Kouba fabrique des pantoufles et des mocassins en cuir doublés de mouton; elle aussi est située dans la réserve huronne de Loretteville. Les produits pour lesquels Linette & Michelle et Kabir Kouba payaient des commissions à l'appelante étaient fabriqués dans la réserve de Loretteville. Après avoir reçu la cotisation de TPS, l'appelante n'a pas facturé de TPS sur les commissions à Linette & Michelle ou à Kabir Kouba, parce que, disait Leo Meier, [traduction] « je savais d'avance qu'elles n'étaient pas inscrites aux fins de la TPS » .

[7] Pour autant que M. Meier le sache, ni Linette & Michelle ni Kabir Kouba n'étaient des entreprises constituées en sociétés. D'après ce qu'il croyait comprendre de ses nombreuses visites à la réserve de Loretteville, toutes les activités de fabrication de Linette & Michelle et Kabir Kouba étaient effectuées dans la réserve, par des Canadiens autochtones vivant dans la réserve.

[8] Presque toutes les commandes de produits manufacturés sont prises par Leo Meier lui-même; il se rend dans les magasins et boutiques avec des échantillons ou loue un kiosque dans un salon de produits-cadeaux ou encore montre ses échantillons dans une chambre d'hôtel. Il utilise la même méthode pour obtenir des commandes des clients de l'appelante, quel que soit le type de produit qui est commandé.

[9] L'avocat de l'appelante soutenait que le ministre du Revenu national avait établi une cotisation selon laquelle l'appelante devait payer de la TPS sur les commissions alors que l'appelante n'était pas tenue de payer de la TPS là-dessus. La principale disposition d'assujettissement prévue dans la législation relative à la TPS est le paragraphe 165(1), qui dit :

165(1) Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, l'acquéreur d'une fourniture taxable effectuée au Canada est tenu de payer à Sa Majesté du chef du Canada une taxe calculée au taux de 7 % sur la valeur de la contrepartie de la fourniture.

L'appelante soutient que, en vertu du paragraphe 165(1), c'est l'acquéreur d'une fourniture taxable qui est assujetti à la TPS. L'appelante fournit un service à un fabricant en obtenant une commande et reçoit en échange une commission. Dans les circonstances de l'espèce, c'est le fabricant qui est l'acquéreur de la fourniture taxable. Si l'on considère le paragraphe 165(1) isolément, c'est l'acquéreur de la fourniture taxable (expression définie dans la loi) qui est tenu de payer la TPS de 7 p. 100. Il y a toutefois d'autres dispositions de la législation relative à la TPS en vertu desquelles l'appelante peut être tenue de payer de la TPS.

[10] Une « fourniture » est définie comme incluant la prestation de services, et une « fourniture taxable » est une fourniture effectuée dans le cadre d'une activité commerciale. Compte tenu de ces expressions, le paragraphe 221(1) dit :

221(1) La personne qui effectue une fourniture taxable doit, à titre de mandataire de Sa Majesté du chef du Canada, percevoir la taxe payable par l'acquéreur en vertu de la section II.

En vertu du paragraphe 221(1), l'appelante était tenue de percevoir la TPS lorsqu'elle envoyait ses factures au titre des commissions. En vertu du paragraphe 223(1), elle était en outre tenue d'indiquer la taxe sur la facture. L'appelante était aussi tenue de verser la taxe nette, déterminée en vertu du paragraphe 225(1), pour chaque période de déclaration. Enfin, l'alinéa 296(1)a) de la législation relative à la TPS autorisait le ministre à établir une cotisation selon laquelle l'appelante devait payer la taxe nette pour une période de déclaration. Quant à l'argument de l'appelante selon lequel le ministre ne pouvait pas au moyen d'une cotisation obliger l'appelante à payer la taxe nette, et ce simplement parce que cette dernière n'était pas principalement responsable du paiement de la taxe en vertu du paragraphe 165(1), il est sans fondement.

[11] L'avocat de l'appelante soutenait également que l'appelante ne pouvait pas être tenue de payer de la taxe à l'égard de commissions reçues d'un fabricant qui était un Indien exerçant son activité de fabricant dans une « réserve » au sens de la Loi sur les Indiens, L.R.C., ch. I-5. L'appelante invoque la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l'affaire R. c. Sioui, [1990] 1 R.C.S. 1025, où la Cour a confirmé que le traité de 1760 entre les Hurons et les Britanniques constituait un traité au sens de l'article 88 de la Loi sur les Indiens. Selon l'article 224 de la législation relative à la TPS, un fournisseur qui a satisfait à certaines conditions, y compris celle de rendre compte de la taxe ou de la verser, mais « sans la percevoir de l'acquéreur » , peut intenter, devant un tribunal, une action en recouvrement de la taxe de l'acquéreur. L'appelante soutient que, même si elle avait facturé et versé la TPS au titre de commissions reçues de fabricants indiens dans des réserves, ces fabricants n'auraient pas payé la taxe en raison de l'article 87 de la Loi sur les Indiens, et elle n'aurait pas pu intenter devant un tribunal une action en recouvrement de cette taxe, à cause de l'article 89 de la Loi sur les Indiens, qui dit :

89(1) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi, les biens d'un Indien ou d'une bande situés sur une réserve ne peuvent pas faire l'objet d'un privilège, d'un nantissement, d'une hypothèque, d'une opposition, d'une réquisition, d'une saisie ou d'une exécution en faveur ou à la demande d'une personne autre qu'un Indien ou une bande.

[12] Cet argument concernant la capacité de l'appelante de percevoir une somme d'un fabricant indien en intentant une action devant un tribunal soulève la question de savoir si le service fourni par l'appelante à un fabricant indien dans une réserve est taxable en vertu de la législation relative à la TPS. L'article 87 de la Loi sur les Indiens a été l'objet de nombreux litiges depuis quelques années. Les termes pertinents sont les suivants :

87(1) Nonobstant toute autre loi fédérale ou provinciale, mais sous réserve de l'article 83, les biens suivants sont exemptés de taxation :

a) le droit d'un Indien ou d'une bande sur une réserve ou des terres cédées;

b) les biens meubles d'un Indien ou d'une bande situés sur une réserve.

(2) Nul Indien ou bande n'est assujetti à une taxation concernant la propriété, l'occupation, la possession ou l'usage d'un bien mentionné aux alinéas (1)a) ou b) ni autrement soumis à une taxation quant à l'un de ces biens.

Dans l'affaire Williams v. The Queen, 92 DTC 6320, la question en litige concernait le situs de prestations d'assurance-chômage reçues par un Indien qui disait être exempté d'impôt sur le revenu en vertu de l'article 87 de la Loi sur les Indiens et de l'alinéa 81(1)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu. La Cour suprême du Canada s'est prononcée en faveur du contribuable, en vertu d'un critère de « facteurs de rattachement » qu'elle avait élaboré. Le juge Gonthier disait à la page 6326 :

[...] Un facteur de rattachement n'est pertinent que dans la mesure où il identifie l'emplacement du bien en question aux fins de la Loi sur les Indiens. Dans des catégories particulières de cas, un facteur de rattachement peut donc avoir beaucoup plus de poids qu'un autre. On pourrait facilement perdre cette réalité de vue en soupesant les facteurs de rattachement cas par cas.

[...]

[...] Il faut d'abord identifier les divers facteurs de rattachement qui peuvent être pertinents. On doit ensuite analyser ces facteurs pour déterminer le poids à leur accorder afin d'identifier l'emplacement du bien, en tenant compte de trois choses: (1) l'objet de l'exemption prévue dans la Loi sur les Indiens, (2) le genre de bien en cause et (3) la nature de l'imposition de ce bien. Il s'agit donc de déterminer, relativement à chaque facteur de rattachement, le poids qui devrait lui être accordé pour décider si l'imposition en cause de ce type de bien représenterait une atteinte aux droits de l'Indien à titre d'Indien sur une réserve.

Pour déterminer « l'objet de l'exemption prévue dans la Loi sur les Indiens » , le juge Gonthier se fondait sur l'affaire Mitchell c. Bande indienne Peguis, [1990] 2 R.C.S. 85, dans laquelle le juge La Forest a formulé les observations suivantes à la page 131 :

En résumé, le dossier historique indique clairement que les art. 87 et 89 de la Loi sur les Indiens, auxquels s'applique la présomption de l'art. 90, font partie d'un ensemble législatif qui fait état d'une obligation envers les peuples autochtones, dont la Couronne a reconnu l'existence tout au moins depuis la signature de la Proclamation royale de 1763. Depuis ce temps, la Couronne a toujours reconnu qu'elle est tenue par l'honneur de protéger les Indiens de tous les efforts entrepris par des non-Indiens pour les déposséder des biens qu'ils possèdent en tant qu'Indiens, c'est-à-dire leur territoire et les chatels qui y sont situés.

Il est également important de souligner la conséquence de la conclusion que je viens de tirer. Le fait que la loi contemporaine, comme sa contrepartie historique, prenne tant de soin pour souligner que les exemptions de taxe et de saisie ne s'appliquent que dans le cas des biens personnels situés sur des réserves démontre que l'objet de la Loi n'est pas de remédier à la situation économiquement défavorable des Indiens en leur assurant le pouvoir d'acquérir, de posséder et d'aliéner des biens sur le marché à des conditions différentes de celles applicables à leurs concitoyens. Un examen des décisions portant sur ces articles confirme que les Indiens qui acquièrent et aliènent des biens situés à l'extérieur des terres réservées à leur usage le font aux mêmes conditions que tous les autres Canadiens.

Dans l'affaire Mitchell, la question était de savoir si certaines sommes que le gouvernement du Manitoba avait consenti à verser à 54 bandes indiennes pouvaient être saisies-arrêtées par des créanciers de ces bandes.

[13] Dans l'affaire Folster v. The Queen, 97 DTC 5315, la question était de savoir si le revenu d'une Indienne inscrite travaillant pour le Norway House Indian Hospital, qui se trouve non pas dans la réserve indienne de Norway House mais sur un terrain à proximité de cette réserve, était exempté d'impôt en application de l'article 87 de la Loi sur les Indiens. La Cour d'appel fédérale a accueilli l'appel du contribuable en adoptant le critère des « facteurs de rattachement » élaboré par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Williams. Le juge Linden a notamment mentionné les facteurs suivants : (i) le fait que l'hôpital se trouvait à proximité de la réserve de Norway House; (ii) le fait que, vu l'éloignement de la collectivité de Norway House, la différence entre les terres faisant partie de la réserve et les terres qui n'en faisaient pas partie ne sautait pas aux yeux; (iii) le fait que 80 p. 100 de la clientèle de l'hôpital étaient des Indiens inscrits; (iv) le fait que les fonds servant à payer le salaire du contribuable étaient des fonds que la Couronne fédérale avait avancés dans le cadre de sa responsabilité touchant les soins de santé destinés aux Indiens, notamment ceux de la réserve de Norway House.

[14] Dans l'affaire Southwind v. The Queen, 98 DTC 6084, le contribuable, un Indien résidant dans une réserve, dirigeait une entreprise d'exploitation forestière en tant que propriétaire unique. L'entreprise fournissait des services d'exploitation forestière à une société non indienne non située dans une réserve. En 1990, la société avait payé au contribuable 42 000 $ pour des travaux d'exploitation forestière exécutés à trois chantiers non situés sur une réserve. Le contribuable prétendait être exempté de l'impôt sur le revenu en vertu de l'article 87 de la Loi sur les Indiens. En rejetant l'appel du contribuable, la Cour d'appel fédérale a pris en considération environ huit facteurs de rattachement et a conclu que le contribuable exploitait non pas une entreprise faisant partie intégrante de la vie de la réserve, mais une entreprise faisant partie du commerce général.

[15] Dans l'affaire Recalma et al. v. The Queen, 98 DTC 6238, la question était de savoir si certains revenus de placements provenant de fonds mutuels et autres titres achetés par des Indiens inscrits à une succursale de la Banque de Montréal située dans une réserve étaient exemptés d'impôt en vertu de l'article 87 de la Loi sur les Indiens. Rejetant les appels des contribuables, le juge Linden, qui a rendu les motifs du jugement de la Cour d'appel fédérale, a dit à la page 6240 :

[...] Étant un revenu passif, le revenu de placement n'est pas produit par le travail individuel du contribuable. D'une certaine façon, le travail est accompli par l'argent qui est investi partout dans le pays. Le juge de la Cour de l'impôt a à bon droit accordé beaucoup d'importance à des facteurs comme la résidence de l'émetteur des titres, l'endroit où sont exercées les activités génératrices du revenu de l'émetteur, et l'endroit où se trouvent les biens de l'émetteur des titres. Le courtier de ces titres, la succursale locale de la Banque de Montréal, était situé sur la réserve, mais pas les émetteurs des titres; les sociétés qui offraient les acceptations bancaires et les gestionnaires des fonds communs de placement en cause n'avaient aucun lien avec la réserve. Ils se trouvaient dans les sièges sociaux des sociétés dans des villes bien éloignées des réserves. De même, l'activité principale qui génère le revenu des émetteurs est située dans les villes du Canada et partout dans le monde, et non pas dans les réserves. En outre, les biens des émetteurs des titres en question se trouvaient principalement en dehors des réserves ce qui, en cas de défaillance, serait un facteur des plus importants.

[16] Enfin, dans une décision récente, l'arrêt Union of New Brunswick Indians c. Nouveau-Brunswick (Ministre des Finances) (18 juin 1998), la Cour suprême du Canada a majoritairement affirmé l'objet de l'article 87 de la Loi sur les Indiens, tel qu'il avait été décrit par le juge La Forest dans l'affaire Mitchell (précitée).

[17] Je vais maintenant passer à l'examen des principaux faits de l'espèce. L'appelante sert d'agente à des fabricants; elle prend des commandes. M. Meier, en tant qu'employé de l'appelante, visite des magasins de détail et boutiques partout au Canada, prend des commandes et transmet celles-ci à ses mandants, les fabricants, qui expédient les produits directement aux magasins et boutiques. L'appelante envoie une facture à chaque fabricant au titre des commissions qui lui sont dues sur les commandes obtenues. En bref, l'appelante fournit à ses mandants un service pour lequel elle est rémunérée par voie de commissions. Ce service n'est pas fourni sur une réserve indienne. Il est fourni dans les villes canadiennes où des magasins et boutiques veulent acheter des produits aux fabricants représentés par l'appelante. Le service de prise de commandes que fournit l'appelante à ceux de ses mandants qui sont fabricants non indiens est identique au service qu'elle fournit à certains Indiens qui résident dans une réserve indienne et y exercent leur activité de fabricants.

[18] Tous les clients de l'appelante sont à l'extérieur de la réserve. Tous les contrats sont conclus hors de la réserve, c'est-à-dire lorsque l'appelante accepte les commandes des magasins de détail et boutiques. C'est l'appelante qui, en tant qu'agente, transmet les commandes aux mandants, dont certains sont des Indiens et d'autres des non-Indiens. À mon avis, les fabricants indiens que représente l'appelante ne sont pas, en vertu de l'article 87 de la Loi sur les Indiens, exemptés de l'obligation de payer de la TPS sur les commissions touchées par l'appelante en tant que preneuse de commandes. Dans l'affaire Southwind (précitée), le juge Linden a dit à la page 6087 :

En conclusion, soulignons que l'article 87 n'exonère pas tous les Autochtones résidant sur une réserve de l'impôt sur le revenu. Le processus appliqué pour déterminer le statut fiscal du revenu gagné par les Autochtones sur des réserves est devenu assez complexe et dépend d'une analyse subtile d'une série de facteurs. Certains croiront déceler certaines incohérences dans le traitement de différentes situations, mais chacune est tranchée selon les faits qui lui sont propres. Nous ne pouvons qu'évaluer ces facteurs et tracer des limites de notre mieux entre, d'une part, le revenu de l'entreprise et le revenu de l'emploi qui sont situés sur une réserve et font partie intégrante de la vie communautaire et, d'autre part, le revenu tiré principalement d'activités commerciales générales lorsqu'une personne travaille avec des personnes à l'extérieur de la réserve ou traite avec elles.

[19] Je conclus que les fabricants indiens représentés par l'appelante n'exploitent pas une entreprise faisant partie intégrante de la vie de la réserve. Ils exploitent une entreprise faisant partie du commerce général. Ils doivent donc être traités de la même manière que tous les autres Canadiens avec qui ils sont en concurrence.

[20] Quoi que puisse avoir conclu M. Leo Meier quant au point de vue des fabricants indiens de la réserve huronne de Loretteville au sujet de la TPS sur les commissions de l'appelante, ces commissions sont assujetties à la TPS, et l'appelante est tenue en vertu de l'article 221 de percevoir la taxe. La question de savoir si l'appelante peut intenter une action en justice pour percevoir une somme due par un ou plusieurs de ses mandants, les fabricants, n'est pas pertinente aux fins de la détermination de la responsabilité de l'appelante à l'égard de la cotisation portée en appel.

[21] Il y a un autre point litigieux en l'espèce, soit une question concernant la TPS payée par la Meier Leather Limited, une société distincte affiliée à l'appelante. La Meier Leather Limited ( « MLL » ) exploitait une entreprise en janvier 1991 et s'est inscrite aux fins de la TPS. La MLL a cessé ses activités en novembre 1991, mais en décembre 1991 et en janvier 1992 elle payait encore certains fournisseurs relativement à des produits qui avaient été livrés avant le 1er décembre 1991. La MLL a aussi payé de la TPS en décembre 1991 et en janvier 1992 sur les sommes qu'elle a payées aux fournisseurs. Or, la MLL n'a pas demandé de crédits de taxe sur les intrants au titre de la TPS qu'elle avait payée en décembre 1991 et en janvier 1992, parce qu'elle avait cessé ses activités et ne produisait pas de déclarations de TPS. En l'espèce, l'appelante réclame des crédits de taxe sur les intrants au titre de la TPS payée par la MLL en décembre 1991 et en janvier 1992. Malheureusement, je ne trouve aucun article de la législation relative à la TPS qui permettrait à une société de déduire les crédits de taxe sur les intrants non demandés par une société affiliée.

[22] L'appel interjeté à l'encontre de la cotisation de TPS est rejeté. Je crois comprendre qu'on a porté au crédit de l'appelante toute la TPS qu'elle avait perçue de ses mandants, les fabricants, et versée au titre de commissions reçues par elle du 1er janvier 1991 au 31 mars 1994.

Signé à Ottawa, Canada, ce 4e jour d'août 1998.

« M. A. Mogan »

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 29e jour de janvier 1999.

Stephen Balogh, réviseur

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