Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 19991216

Dossier: 98-1898-IT-I

ENTRE :

DONNA MARIE CAMPBELL,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Bell, C.C.I.

QUESTION EN LITIGE

[1] Il s'agit de déterminer si le ministre du Revenu national (le “ ministre ”) a, à juste titre, établi à l'égard de l'appelante une cotisation dans laquelle il lui a imposé une pénalité en vertu du paragraphe 163(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la “ Loi ”) pour l'année d'imposition 1996.

FAITS

[2] L'appelante a reçu des paiements d'assistance sociale en 1996 et dans les trois années d'imposition précédentes. Dans le calcul de son revenu aux fins de sa déclaration de 1996, elle a omis d'inclure le montant de 2 040 $ (le “ montant de 1996 ”) que lui a versé à titre de revenu le Humber College of Applied Arts & Technology (“ Humber ”). Le ministre a établi à l'égard de l'appelante, pour l'année d'imposition 1996, une nouvelle cotisation dans laquelle il a inclus le montant de 1996 à titre de revenu et lui a imposé une pénalité conformément au paragraphe 163(1) de la Loi.

[3] De même, dans le calcul de son revenu aux fins de sa déclaration de 1994, l'appelante avait omis d'inclure le montant de 3 300 $ (le “ montant de 1994 ”) que lui avait versé Humber. Elle avait également omis d'inclure dans le calcul de son revenu aux fins de sa déclaration de 1995 le montant de 3 620 $ (le “ montant de 1995 ”) que lui avait versé Humber. Le ministre a établi à son égard une nouvelle cotisation dans laquelle il a ajouté les montants en question à ses revenus pour chacune des deux années d'imposition.

[4] L'appelante n'avait aucun impôt à payer pour l'année d'imposition 1996, et elle n'a produit sa déclaration de revenu qu'à la seule fin d'obtenir un crédit pour taxe sur les produits et services en vertu du paragraphe 122.5(3). Cette disposition abstruse est libellée en partie dans les termes suivants :

Lorsqu'une déclaration de revenu [...] est produite en vertu de la présente partie pour une année d'imposition relativement à un particulier admissible et que celui-ci en fait la demande par écrit [...]

un montant déterminé à l'aide d'une formule est réputé le montant payé par ce particulier au titre de l'impôt payable par celui-ci en vertu de cette partie[1].

OBSERVATIONS DES PARTIES

[5] L'appelante a fait valoir que la pénalité prévue au paragraphe 163(1) ne peut lui être imposée parce qu'elle n'a pas produit de déclaration conformément à l'article 150 de la Loi. Le paragraphe est reproduit ci-après :

Toute personne qui ne déclare pas un montant à inclure dans le calcul de son revenu dans une déclaration produite conformément à l'article 150 pour une année d'imposition donnée et qui a déjà omis de déclarer un tel montant dans une telle déclaration pour une des trois années d'imposition précédentes est passible d'une pénalité égale à 10 % du montant à inclure dans le calcul de son revenu dans une telle déclaration [...]

L'article 150 est libellé en partie dans les termes suivants :

Est produite auprès du ministre, sans avis ni mise en demeure, une déclaration de revenu sur formulaire prescrit, contenant les renseignements prescrits, [...] dans le cas d'un particulier, pour chaque année d'imposition pour laquelle un impôt est payable ou au cours de laquelle le particulier a un gain en capital imposable ou a disposé d'une immobilisation.

[6] Les quatre circonstances dans lesquelles, conformément à l'article 150, il y a obligation de produire une déclaration, ne s'appliquent pas à l'appelante. Elles sont les suivantes :

il n'y avait aucun impôt payable pour l'année,

il n'y a eu aucun gain en capital imposable,

il n'y a eu disposition d'aucune immobilisation,

il n'y a eu aucune mise en demeure par le ministre de produire une telle déclaration.

[7] L'avocat de l'intimée a fait valoir que l'appelante avait produit sa déclaration conformément à l'article 150[2].

ANALYSE ET CONCLUSION

[8] Il s'agit donc simplement de déterminer si la déclaration de revenu que l'appelante a produite en vue d'être admissible au crédit pour TPS en vertu de l'article 122.5 a été produite conformément à la partie I de la Loi. Il est évident que l'appelante n'était pas tenue de produire quelque déclaration de revenu que ce soit conformément au paragraphe 150(1). Elle a produit une déclaration simplement pour obtenir le crédit en question. Les termes “ [l]orsqu'une déclaration de revenu [...] est produite en vertu de la présente partie ” du paragraphe 122.5(3) semblent simplement signifier ce qui suit :

qu'une déclaration dans la forme normalement produite en vertu de la partie I devait être produite,

que la déclaration dans laquelle on demande le crédit pour taxe ne serait pas une déclaration aux termes des autres parties de la Loi exigeant la production de déclarations.

[9] L'appelante n'était pas tenue de produire une déclaration “ sur formulaire prescrit, contenant les renseignements prescrits ” comme le requiert l'article 150. De fait, un document simplement qualifié de déclaration de revenu ou exposant simplement les raisons pour lesquelles l'appelante est admissible à un crédit pour TPS aurait dû suffire.

[10] L'imposition par le ministre d'une pénalité à l'appelante alors que celle-ci avait touché des paiements d'assistance sociale et un revenu dérisoire de Humber, sur lesquels elle n'était pas tenue de payer de l'impôt, est pour le moins une mesure vindicative. Comme le paragraphe 122.5(1) exige qu'une déclaration soit produite pour avoir droit au crédit, il semble évident que l'idée que cette disposition puisse être interprétée comme permettant au ministre d'imposer des pénalités n'a pas effleuré le législateur. Il est certainement justifié de modifier cette disposition pour permettre au contribuable de produire une déclaration ou un autre document sans être menacé d'une pénalité.

[11] Ainsi qu'il est écrit dans l'arrêt Johns-Manville Canada Inc. c. La Reine, [1985] 2 R.C.S. 46 (85 DTC 5373), à la page 72 :

Une telle décision est de plus conforme à un autre concept fondamental de droit fiscal portant que, si la loi fiscale n'est pas explicite, l'incertitude raisonnable ou l'ambiguïté des faits découlant du manque de clarté de la loi doit jouer en faveur du contribuable.

[12] On peut difficilement imaginer une circonstance plus appropriée que celle en l'espèce pour appliquer ce principe d'interprétation.

[13] L'appel est admis.

Signé à Ottawa, Canada, ce 16e jour de décembre 1999.

“ R. D. Bell ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

raduction certifiée conforme ce 5e jour de septembre 2000.

Isabelle Chénard, réviseure



[1]               Ce qui donne lieu au crédit demandé.

[2]               L'avocat de l'intimée a également tenté de convaincre la Cour que les termes “ déclaration de revenu ” définis à l'article 122.6 devaient s'appliquer à l'article 122.5. Cette prétention n'ayant de toute évidence aucun bien-fondé, je ne m'y attarderai pas.

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