Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date : 19980625

Dossier : 97-1154-IT-I

ENTRE :

GAYLE HENNICK,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Bowman, C.C.I.

[1] Il s'agit d’appels interjetés à l’encontre de cotisations établies pour les années d'imposition 1993 et 1994 de l’appelante.

[2] Au commencement de l’audience, l’avocate de l’intimée a demandé le rejet des appels en soutenant que cette Cour n’avait pas compétence pour les entendre. J’ai demandé aux deux parties de soumettre par écrit leur position à l’égard de la question de la compétence.

[3] La première question est de savoir si l’appelante interjette appel à l’encontre de cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu fédérale ou plutôt en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu de l’Ontario. La position de la Couronne est que l’appelante interjette appel à l’encontre de cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu de l’Ontario et que, par conséquent, la Cour canadienne de l'impôt n’a pas compétence.

[4] Bien qu’aucun élément de preuve n’ait été déposé, à l’exception des déclarations de revenu de l’appelante, les faits suivants paraissent pertinents aux fins de la présente requête.

[5] Quand elle a calculé ses impôts pour les années 1993 et 1994, l’appelante a déclaré une contribution de 2 000 $ au régime d’épargne-logement de l’Ontario (RELO) et a réclamé un crédit de 500 $. Pour ce qui est des premières cotisations établies en 1993 et 1994, le Ministre a admis une demande de crédits du RELO de 422 $ et de 360 $ respectivement, mais il ne les a pas admis lors de l’établissement subséquent de nouvelles cotisations pour les mêmes années d’imposition. L’appelante avait eu droit aux crédits d’impôt relatifs à ses contributions au RELO pour les années d’imposition 1988, 1989, 1990 et 1992.

[6] L’appelante conteste la décision du Ministre de ne pas admettre la demande de crédits en faisant valoir la préclusion et la fausse représentation négligente de la part du Ministre.

[7] Je n’ai pas l’intention de me pencher sur le bien-fondé des prétentions de l’appelante. Il n’existe aucun élément de preuve sur lequel je pourrais m’appuyer et la réponse à l'avis d'appel ne m'éclaire pas particulièrement sur les raisons qui motivent le refus d'admettre la demande de crédits.

[8] L’unique question qui me préoccupe est de savoir si la Cour canadienne de l’impôt a compétence pour entendre ces appels. Je suis arrivé à la conclusion qu’elle n’a pas cette compétence.

[9] Le crédit du RELO est un crédit d’impôt imputable sur l'impôt ontarien qui est accordé en vertu de l’article 8 de la Loi de l’impôt sur le revenu de l’Ontario. En Ontario, l’impôt exigé en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu de l’Ontario est cotisé par le ministre du Revenu national agissant comme mandataire du gouvernement ontarien. L’impôt n’en demeure pas moins un impôt provincial et cette cour n’a pas compétence pour entendre des appels portés à l’encontre de cotisations d’impôt de l’Ontario.

[10] La Cour canadienne de l’impôt, comme la Cour fédérale, est une cour créée par la loi et sa compétence est limitée par la loi. L’article 12 de la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt stipule que :

12. (1) La Cour a compétence exclusive pour entendre les renvois et les appels portés devant elle sur les questions découlant de l’application du Régime de pensions du Canada, de la Loi sur l’exportation et l’importation de biens culturels, de la partie IX de la Loi sur la taxe d’accise, de la Loi de l’impôt sur le revenu, de la Loi sur la sécurité de la vieillesse, de la Loi de l’impôt sur les revenus pétroliers et de la Loi sur l’assurance-emploi, dans la mesure où ces lois prévoient un droit de renvoi ou d’appel devant elle.

(2) La Cour a compétence exclusive pour entendre les appels portés devant elle sur les questions découlant de l’application de la Loi sur les allocations aux anciens combattants et de la Loi sur les avantages liés à la guerre pour les anciens combattants de la marine marchande et les civils et visées à l’article 33 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel).

(3) La Cour a compétence exclusive pour entendre les questions qui sont portées devant elle en vertu des articles 173 et 174 de la Loi de l’impôt sur le revenu ou des articles 310 ou 311 de la Loi sur la taxe d’accise.

(4) La Cour a compétence exclusive pour entendre toute demande de prorogation de délai présentée en vertu des articles 166.2 ou 167 de la Loi de l’impôt sur le revenu, des articles 304 ou 305 de la Loi sur la taxe d’accise, ou de l’article 33.2 de la Loi sur l’exportation et l’importation de biens culturels.

[11] Le juge en chef adjoint Christie a dit, dans l’affaire Lamash Estate v. M.N.R., 91 DTC 9, à la page 16 :

Réflexion faite, je suis encore plus convaincu que la Cour n’a pas la compétence mentionnée. La Cour canadienne de l’impôt est une pure création de la loi et sa compétence se limite à ce qui lui est conféré expressément par le Parlement et à ce qui se déduit nécessairement de ce qui lui est conféré expressément.

[12] La Cour fédérale est assujettie aux mêmes limites. Dans l’arrêt The Queen v. Bowater Mersey Paper Company Limited, 87 DTC 5382 (C.A.F.), le juge Pratte a dit à la page 5384 :

L’avocat de l’intimée prétend également, à l’appui du jugement, que les avis de nouvelles cotisations du 4 janvier 1984 n’ont pas été remplacés par ceux du 6 mars du fait que ces derniers n’ont pas modifié la cotisation d’impôt provincial établie dans les avis du 4 janvier. Cet argument n’a aucune pertinence étant donné que cette Cour n’a pas compétence pour entendre un pourvoi contestant une cotisation d’impôt provincial sur le revenu.

[13] Dans l'arrêt Andrew Paving & Engineering Ltd. et al. v. M.N.R., 84 DTC 1157, le juge en chef adjoint Christie, de la C.C.I. a statué à la page 1161 :

L'existence d'un accord de perception conclu entre le gouvernement du Canada et celui de l'Ontario ne peut modifier ce fait. La section E de la Loi de l'Ontario dispose que les appels des cotisations faites en vertu de cette loi sont portés devant la Cour suprême de l'Ontario. Aucune disposition de la Loi, de la Loi sur la cour canadienne de l'impôt, ou de toute autre loi adoptée par le Parlement du Canada ne vise à conférer cette compétence à la Cour. La Cour canadienne de l'impôt est d'origine purement législative et l'étendue de sa juridiction est délimitée par les dispositions expresses ou nécessairement implicites du texte législatif fédéral. De plus, je suis d'avis que si la loi avait été adoptée par le Parlement en vue de conférer à la Cour canadienne de l'impôt le pouvoir d'entendre les appels des cotisations faites en vertu de la Loi de l'Ontario, le Parlement aurait outrepassé les limites de sa compétence législative. La Cour canadienne de l'impôt a été établie en vertu de l'article 101 de la Loi constitutionnelle, 1867.

[14] Le tribunal devant lequel il convient d'interjeter appel d’une cotisation d'impôt provincial est la Cour de l’Ontario (Division générale) qui a la compétence requise pour entendre ces appels en vertu de l’article 23 la Loi de l’impôt sur le revenu de l’Ontario.

[15] Par conséquent, la requête de l’intimée est accueillie et les appels sont annulés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 25e jour de juin 1998.

« D.G.H. Bowman »

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 8e jour de décembre 1998.

Mario Lagacé, réviseur

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