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Date: 19980331

Dossier: 97-3101-IT-I

ENTRE :

PAUL DUCLOS,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs d'ordonnance

Le juge Tardif, C.C.I.

[1] Je dois disposer du bien-fondé d’une requête soumise par l’intimée et visant à obtenir le rejet de l’appel pour le motif d’absence de juridiction de ce tribunal.

[2] Je dois d’abord souligner qu’il m’apparaît difficile de rejeter un appel si le tribunal n’a pas juridiction.

[3] Au début de l’audition, les parties ont demandé que le contenu du paragraphe b) de l’Affidavit alléguant que l’appelant avait déposé le 25 juin 1997 un avis d’opposition auprès du Ministre du Revenu national relativement à l’avis de la nouvelle cotisation daté du 15 octobre 1996, soit amendé en substituant la date du 10 juin 1997 à celle du 25 juin 1997.

[4] À la suite de l’avis de la nouvelle cotisation en date du 15 octobre 1996, l’appelant adressait par courrier certifié, une lettre (pièce A-1) dont le contenu est le suivant :

Verdun, le 10 juin 1997

Ministère du Revenu

500 Place d’Armes

Bureau 1800

Montréal (Québec)

H2Y 2W2

À qui de droit :

Je tiens à signifier mon opposition malgré mes retards qui se justifient personnellement par mon ignorance sur la loi de l’impôt. Je m’oppose à la pénalité que l’on m’a imposée sur mes impôts de 1995 faisant référence à 2 000 $ de litérations syndicales faites pour l’année 1995. J’attendais toujours de mon exécutif qu’il me donne un relevé de mes litérations, et comme il ne l’a jamais fait, j’ai produis mon rapport d’impôt sans le mentionner. Comme référence, mon numéro d’assurance sociale est le 233-312-396.

De Paul Duclos

896 De l’Église

Verdun, P.Q.

H46 2N2

[5] Le 8 octobre 1997, Revenu Canada répondait par une lettre (pièce I-2) dont la teneur indiquait ce qui suit :

TLA-4(A)

le 08 octobre 1997

M. Paul Duclos

896 ave De L’Église

Verdun (Québec)

H4G 2N5

Bureau de district

de Montréal

Division des Appels

Tél: (514) 283-8004

OBJET: Avis d’opposition portant le cachet postal

du 10 juin 1997                       

L’avis d’opposition ci-inclus ne peut être accepté puisqu’il n’a pas été produit dans le délai accordé.

La Loi de l’impôt sur le revenu exige que votre opposition soit signifiée au plus tard le 90e jour qui suit la date de la mise à la poste de votre avis de cotisation (avis de détermination).

Vous pouvez, cependant, demander une prorogation de délai pour produire votre avis d’opposition.

COMMENT PROCÉDER

Envoyez au soussigné une lettre donnant les raisons pour lesquelles votre opposition n’a pas été produite dans le délai accordé.

QUAND

Votre demande doit être faite dès que possible, mais au plus tard un an après la date à laquelle vous deviez produire votre avis d’opposition.

                 

Le chef des Appels

[6] Le 17 octobre 1997, soit à peine quelques jours de la réception de la lettre du 8 octobre 1997, l’appelant déposait un avis d’appel (pièce I-1) devant cette Cour énonçant ce qui suit :

Le 17 octobre 1997

Cour canadienne de l’impôt

500, place d’armes

Bureau 1800

Montréal, Québec

H2Y 2W2

(514) 283-9912

Objet: Interjection d’avis d’appel

Madame, Monsieur,

Pour faire suite à la lettre envoyée le 8 octobre 1997 (envoyée par Revenu Canada) m’informant de la réponse de mon appel, je désire déposer par écrit mon avis d’appel selon la procédure informelle telle que suggérée dans la correspondance que j’ai reçue.

Donc, cette lettre a pour but de dénoncer le fait que je sois obligé(e) de payer une amende sur les impôts dus durant les années 1995.

Je travaille à l’Hôtel-Dieu de Montréal et a été représentant(e) syndical(e) pendant les années 1995. Or depuis ce temps, le syndicat national des Employés généraux devait se “régulariser” afin que les représentants syndicaux puissent cotiser les impôts comme tous les travailleurs. Des propositions allant dans cette direction furent amenées et adoptées à plusieurs assemblées générales (nov. 1992, sept. 1993, août 1995 et mai 1996), ce qui veut dire que l’exécutif syndical avait le mandat légal de le faire. Ce ne fût pas fait. Il faut aussi noter que la “maison-mère” du Syndicat national des Employés généraux de l’Hôtel-Dieu, la CSN avait, elle aussi le mandat de voir là ce que tous ses syndicats soient régularisés. La CSN a aussi négliger de le faire.

Je me retrouve donc avec un litige qui perdure depuis fort longtemps et qui aurait dû être réglé prioritairement. Malheureusement, l’exécutif syndical de l’Hôtel-Dieu de Montréal et la CSN n’ont pas fait leur devoir et je me retrouve à subir les contrecoups.

Cette lettre signifie donc que l’amende que je dois payer devait être dirigée vers les réels responsables, le Syndicat national des employés généraux et la CSN.

Il est noter que je suis disposé(e) à payer mes cotisations d’impôt pour ces années. Par contre, je conteste l’amende qui m’est injustement donnée. Je me sens donc lésé(e) par tout ce qui m’arrive et malheureusement c’est encore la victime qui doit payée...

Je suis disponible en tout temps pour répondre à vos questions. Espérant le tout conforme, veuillez agréer Monsieur, Madame, l’expression de mes sentiments distingués.

Paul Duclos

NAS:

[7] L’appelant a témoigné et expliqué les circonstances entourant le cheminement de son dossier. Je retiens de son témoignage qu’il avait bel et bien l’intention de soulever et épuiser tous les moyens à sa disposition pour faire valoir le bien-fondé de ses prétentions.

[8] Il ressort également de son témoignage qu’il n’était pas familier avec la procédure et qu’il s’en était remis à des représentants de sa centrale syndicale. Certes, il eut été plus approprié de consulter quelqu’un en mesure de l’avantager de bons renseignements en expliquant adéquatement la procédure à suivre. Bien que relativement simple, je comprends que pour un profane, cela puisse être difficile d’autant plus qu’il s’agit là de procédures assez particulières.

[9] Sans doute en partie pour ces raisons, le législateur a voulu faciliter au maximum la procédure de manière à permettre aux contribuables de faire valoir leurs droits.

[10] En l’espèce, bien qu’imparfait et possiblement incomplet, le contenu de la lettre de l’appelant exprimait véritablement son intention d’obtenir la révision de son dossier, après avoir tenté de justifier son retard par un motif d’ignorance. Il s’agit là de la lecture que je fais de l’extrait suivant de la pièce A-1 :

À qui de droit :

Je tiens à signifier mon opposition malgré mes retards qui se justifient personnellement par mon ignorance sur la loi de l’impôt.

[11] L’intimée avait le devoir de décider du bien-fondé de la demande à savoir si elle répondait ou non aux exigences de la Loi, mais il ne pouvait pas, dans les circonstances, disposer du dossier en concluant qu’il ne s’agissait pas d’une demande de révision. Accepter le raisonnement de l’intimée reviendrait à dire que l’intimée peut, par le biais d’une décision statuant que la demande est non conforme, priver le contribuable de son droit d’appel.

[12] Je suis d’avis que le contenu de la lettre manuscrite, signée par l’appelant n'était certes pas un modèle de clarté; il exprimait, tout de même, une intention bien arrêtée d’obtenir une décision sur le fond, après avoir justifié son retard par l’ignorance.

[13] Dans les circonstances, je suis d’avis que l’intimée avait l'autorité pour décider de rejeter sa prolongation pour le motif que l’ignorance n’est pas une justification; cependant il ne pouvait pas décider que la demande n’était pas une demande de prolongation. En concluant ainsi, l’intimée rendait la situation encore plus complexe pour l’appelant. Bien que la procédure soit fondamentale, je crois qu’elle doit faciliter l’expression des droits et non pas la freiner.

[14] L’intimée devait simplement conclure qu’il n’accordait pas de prolongation, laissant ainsi clairement savoir à l’appelant qu’il pouvait appeler de cette décision.

[15] L’intimée reproche à l’appelant ce qu’il a lui-même privilégié : l’ambiguïté. L'ambiguïté de la lettre du Ministère explique, quant à moi, le contenu de la lettre de l'appelant le 17 octobre.

[16] Dans les circonstances, je conclus que la lettre signée par l’appelant le 17 octobre constituait une demande de révision de la décision de l’intimée communiquée par lettre en date du 8 octobre 1997 (pièce I-2) dont l’effet était de refuser la prolongation sollicitée.

[17] En effet, le contenu de la lettre du Ministère est équivoque. L'ambiguïté peut expliquer voire justifier que l’avis de l’appelant visait plutôt le fond que le droit à la révision.

[18] Conséquemment, je rejette la requête de l’intimée visant à obtenir l’annulation de l’appel et accueille la requête verbale de l’appelant visant à obtenir la prolongation lui donnant droit à la révision de son dossier.

[19] Conséquemment, le Tribunal lui accorde un délai de 60 jours pour faire valoir ses droits auprès du Bureau de révision.

Signé à Ottawa, Canada, ce 31e jour de mars 1998.

« Alain Tardif »

J.C.C.I.

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