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Date: 19980417

Dossiers: 95-2611-IT-G; 95-2677-IT-G

ENTRE :

YOGENDRA CHETA, MINIT-TUNE (PRINCE GEORGE) LTD.,

appelants,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

Motifs du jugement

Le juge O'Connor, C.C.I.

[1] Ces appels ont été entendus sur preuve commune à Prince George (Colombie-Britannique), les 3 et 4 novembre 1997, sous le régime de la procédure générale de cette cour. Après l'audience, tel qu'il avait été convenu, les avocats des deux parties ont présenté de longues observations écrites, dont les dernières ont été déposées le 22 décembre 1997.

[2] Yogendra Cheta ( « M. Cheta » ) et Dean Mason, comptable agréé, ont témoigné pour le compte des appelants. Brian Ellis, qui a effectué la vérification dans la présente affaire, et Gary Bonderud, agent des appels, ont témoigné pour le compte de l'intimée (le « ministre » ). De nombreuses pièces ont été produites.

[3] Dans les actes de procédure, il est fait mention de nombreuses questions, mais lorsque les appels ont été entendus, il ne restait que quatre questions non réglées, à savoir si le ministre a eu raison (1) d'inclure dans le revenu de Minit-Tune (Prince George) Ltd. (la « société » ) pour son exercice ayant pris fin le 28 février 1990, les soi-disant ventes non déclarées de sept véhicules, dont le prix total était de 30 130 $; (2) d'inclure dans le revenu de la société pour cet exercice des ventes non déclarées de véhicules dont le prix total était de 29 994 $; (3) d'inclure dans le revenu de M. Cheta de l'année civile 1989 un montant de 30 130 $ qui lui aurait censément été attribué en sa qualité d'actionnaire; et (4) d'inclure dans le revenu de M. Cheta de l'année civile 1990 un montant de 18 894 $ qui lui aurait censément été attribué en sa qualité d'actionnaire.

[4] Les hypothèses les plus pertinentes figurant dans la réponse à l'avis d'appel établie par le ministre se lisent comme suit :

[TRADUCTION]

a) en 1979, Minit-Tune (Prince George) Ltd. ( « Minit-Tune » ) a commencé à exploiter, à titre de franchisé, un atelier de mise au point de voitures;

b) en 1989, Minit-Tune a commencé à vendre des voitures neuves et des voitures d'occasion tout en continuant à exploiter son centre d'entretien;

c) durant toute la période pertinente depuis 1989, Yogendra Cheta ( « M. Cheta » ) était l'unique actionnaire et directeur de Minit-Tune et était également un employé de Minit-Tune;

d) Minit-Tune n'utilisait pas de procédures comptables établies et ne tenait pas de livres comptables appropriés;

e) les états financiers de Minit-Tune étaient préparés uniquement à l'aide des renseignements financiers fournis par la banque relativement aux comptes de l'entreprise;

f) en octobre 1989, une écriture d’ajustement a été faite dans le journal de Minit-Tune de façon à tenir compte du montant des ventes au comptant de voitures d'occasion conclues par M. Cheta que Minit-Tune ne déposait pas dans son compte;

g) au moyen de cette écriture, on débitait de 30 130 $ le compte de prêts de l'actionnaire et on créditait le compte des ventes de voitures d'un montant identique, mais le montant n'était pas consigné dans les états financiers;

h) dans son exercice qui a pris fin le 28 février 1990, Minit-Tune a inclus à tort un montant de 18 894 $ dans ses stocks en ce qui concerne deux véhicules qu'elle avait retournés à l'ancien concessionnaire;

i) Minit-Tune n'a pas reçu de remboursement pour les deux véhicules, mais M. Cheta a reçu ce remboursement en sa qualité d'actionnaire et de directeur de Minit-Tune;

j) les deux véhicules étaient comptabilisés de façon insuffisante dans les dossiers de Minit-Tune et les frais recouvrés ne sont pas inscrits dans ces dossiers;

k) M. Cheta s'est attribué le montant de 18 894 $ aux termes de la Loi;

Dans la réponse à l'avis d'appel de M. Cheta, il est également soutenu que la somme de 30 130 $ (alinéa g) ci-dessus) a été attribuée à M. Cheta en 1989.

Les faits

[5] Initialement, les dossiers et les livres de la société n'étaient pas tenus d'une façon satisfaisante. La déclaration T2 de la société pour la période qui a pris fin le 28 février 1990 était fondée sur les états financiers préparés par un certain M. Mintenko (onglet B-1 du cahier de documents de l'intimée ( « R-B » )). M. Ellis, pour le compte du ministre, a conclu que ces états financiers ne pouvaient pas être justifiés. Au début de la vérification, M. Ellis a recommandé à M. Cheta de retenir les services d'un comptable agréé en vue de reconstituer les états financiers. M. Cheta a retenu les services de Dean Mason, qui a préparé de nouveaux états financiers ( « R-B-4 » ). Pour ce faire, M. Mason s'est fondé sur les conventions de vente (les feuilles de transaction) et il a fait un rapprochement entre ces conventions et les inscriptions figurant dans les déclarations relatives à la taxe des services sociaux de la Colombie-Britannique (qui sont en fait des déclarations relatives à la taxe de vente) et les inscriptions figurant dans le compte bancaire de la société. Ces états financiers révisés ont été présentés à Revenu Canada et ils ont été acceptés comme point de départ de la vérification.

[6] En ce qui concerne le montant de 30 130 $, le ministre se fonde principalement, sinon uniquement, sur un document d'une page (troisième page du document R-B-6) qui n'était adressé à personne et qui avait été préparé par un inconnu, probablement par un des préposés à la tenue de livres de la société, étant donné que cette feuille de papier a été trouvée dans les documents que M. Cheta avait soumis au moment de la vérification. Sous la rubrique « Ventes de voitures non enregistrées » figure un montant de 30 130 $ et une note mentionnant que ces ventes devraient être enregistrées au moyen d'une écriture d’ajustement pour le mois d'octobre 1989, en inscrivant des ventes de voitures d'un montant de 30 130 $ et en débitant le compte de prêts de l'actionnaire du même montant. Cette feuille de papier et d'autres facteurs ont amené le ministre à conclure que le revenu de la société aurait dû être de 30 130 $ de plus et que M. Cheta s'était attribué ce montant.

[7] La feuille de papier renfermait également des détails au sujet du prix de chacun des sept véhicules, dont le prix total s'élevait à 30 130 $. M. Mason a examiné plusieurs pièces, en rapprochant le prix de vente de chacun des sept véhicules et les ventes consignées et il a conclu que ces ventes avaient bel et bien été consignées et incluses dans le revenu déclaré de la société pour l'exercice ayant pris fin le 28 février 1990. Le témoignage de M. Mason m’a semblé crédible et convaincant, et je le retiens. Je conclus donc que le ministre a eu tort d'ajouter un montant de 30 130 $ au revenu de la société. En outre, étant donné que le montant des ventes a été inclus à titre de revenu de la société et puisque rien n’indique que le montant de 30 130 $ ou un avantage équivalent ait été attribué à M. Cheta, ce montant n'aurait pas dû être inclus dans le revenu de M. Cheta pour l'année civile 1989.

[8] Quant aux soi-disant ventes non déclarées s'élevant en tout à 29 994 $, le ministre a d'abord fixé le montant de ces ventes à 102 009 $, soit un montant beaucoup plus élevé. Après avoir reçu des documents additionnels, il a reconnu qu'un montant de 72 015 $ avait été déclaré, ce qui avait pour effet de réduire le montant initial de 102 009 $ à 29 994 $ (R-B-12).

[9] Sur ce point, M. Mason s'est reporté à la pièce 3 du document R-B-11 et a établi que le montant de 29 994 $ représentait le prix de vente total de huit véhicules. Il a pu établir que quatre inscriptions se rapportaient à quatre des véhicules dans son analyse des ventes et des stocks (pièce 2 du document R-B 11) et il a conclu que les montants de ces quatre véhicules avaient de fait été inclus et déclarés à titre de revenu de la société. Quant aux quatre autres véhicules, M. Mason s'est reporté au cahier de documents de l'appelant ( « A-B » ), onglets B-4 à B-7, où se trouvent quatre conventions de vente. Trois de ces conventions (B-5, B-6 et B-7) ont été signées avant le 1er mars 1989 et, selon les appelants, le revenu tiré des ventes ne devait donc pas être inclus à titre de revenu pour l'exercice de la société ayant pris fin le 28 février 1990. L'autre convention de vente (B-4) et les renseignements sur le crédit qui y sont joints ne sont pas datés. Toutefois, M. Mason a conclu, d’après d'autres documents, que la convention de vente avait été signée en février 1989, et aucune preuve contraire n'a été présentée. J'ai donc conclu que les conventions de vente se rapportant à quatre des huit véhicules avaient été conclues pendant l'exercice 1989 et que le revenu tiré des ventes ne devait pas être inclus dans le revenu de la société de l'exercice 1990. Quant aux quatre autres véhicules, le témoignage est compliqué, car il est question d'échange de véhicules avec d'autres concessionnaires d’automobiles (des écoulements), de dates auxquelles le revenu aurait dû être comptabilisé, d'autres activités d'un concessionnaire et d'éléments de preuve écrits fort peu détaillés. M. Mistry, qui a entamé l'enquête sur les ventes de voitures manquantes pour le compte du ministre, n'était pas présent pour contredire le témoignage de M. Mason, que je retiens. Ce témoignage a permis d'établir que le revenu tiré de ces quatre autres ventes a été inclus dans le revenu de la société de l'exercice 1990. Le ministre a donc eu tort d'ajouter un montant de 29 994 $ au revenu de la société de l'exercice ayant pris fin le 28 février 1990.

[10] Il reste à trancher la question de la soi-disant attribution par M. Cheta d'un montant de 18 894 $ dans l'année civile 1990. Il est possible de résumer les événements s'y rapportant en citant les plaidoiries écrites des appelants :

[TRADUCTION]

8. En octobre 1989 ou à peu près à ce moment-là, Minit-Tune a conclu avec Hyundai Canada un accord en vue d'avoir le droit de vendre des véhicules neufs et des véhicules d'occasion Hyundai à Prince George.

M. Cheta a témoigné à l'audience que Hyundai Canada avait encouragé Minit-Tune à acheter toutes les pièces chez elle. M. Cheta a également témoigné qu'il hésitait à le faire parce que Minit-Tune avait déjà conclu un accord reposant sur l'honneur avec le propriétaire de Pine Centre Hyundai, M. Al Fleury, en vue d'acheter des pièces.

9. En octobre 1989 ou à peu près à ce moment-là, l'appelante Minit-Tune a conclu avec Pine Centre Hyundai un autre accord en vue d'acheter des pièces. Les conditions de cette convention d'achat-vente (ci-après appelée la « convention relative aux pièces » ) sont énoncées dans une lettre du 25 avril 1990 que le gérant de Minit-Tune, M. Doug Revell, a envoyée au propriétaire de Pine Centre Hyundai, M. Al Fleury (onglet A-1 du cahier de documents des appelants).

10. La convention relative aux pièces est essentiellement énoncée comme suit au deuxième paragraphe de la lettre de M. Revell :

[...] Comme nous en avons convenu lors de notre rencontre, l'offre finale inconditionnelle de Prince George Hyundai en ce qui concerne l'achat de pièces du stock de Pine Centre Hyundai est la suivante :

30 000 $

Cela comprend les pièces, les accessoires et les outils spéciaux livrés à Prince George Hyundai ainsi que la marque du fabricant Pine Centre Hyundai et les documents que Pine Centre Hyundai a en sa possession relativement aux commandes passées par les clients à l'égard de l'entretien et de la réparation.

11. C'est le seul document concernant la convention relative aux pièces dont dispose la Cour, mais M. Cheta a témoigné que dans sa lettre, M. Revell énonce de façon exacte l’accord reposant sur l'honneur qu'il a conclu avec M. Fleury, de Pine Centre Hyundai.

M. Cheta a également témoigné que la convention relative aux pièces a été conclue en octobre 1989 ou à peu près à ce moment-là, soit à l’époque où Minit-Tune a obtenu de Hyundai Canada le droit de vendre des véhicules Hyundai.

12. Les modalités de financement, en ce qui concerne la convention relative aux pièces, sont expliquées à la deuxième page de la lettre de M. Revell :

[...] Les dispositions financières suivantes seront prises :

Vous nous devez

Nous vous devons

1. Pièces, accessoires et outils spéciaux du stock de Pine Centre

30 000,00 $

2. Dettes non acquittées
Passport/Pine Centre

1 353,28 $

3. Véhicules Hyundai en consignation

a) VINLF 31-526053

8 181,22 $

b) VINLD 21-255725

8 934,30 $

Sous-total

17 115,52 $ au 16 avril

4. Créances de Passport/

Pine Centre

407,58 $

5. Paiement partiel initial des pièces du stock

Chèque 0235, 9 janv. 1990

10 838,71 $

Chèque 0112, déc. 1989

2 513,89 $

Sous-total

13 352,60 $

Total

30 875,70 $

31 353,28 $

Différence

477,58 $

Selon les documents comptables fournis, nous devons à Pine Centre Hyundai une somme de 477,58 $. La documentation finale et les pièces justificatives seront fournies [...]

13. À l'audience, M. Cheeta a témoigné qu'il avait été donné suite aux dispositions qui avaient été prises avec M. Fleury telles qu'elles étaient énoncées dans la lettre de M. Revell. En d'autres termes, Minit-Tune a acheté des pièces d'une valeur de 30 000 $ chez Pine Centre Hyundai. Ces pièces ont été payées à M. Fleury par Minit-Tune en trois versements, de 10 838,71 $, de 42 513,89 $ et de 477,58 $. De plus, M. Fleury a conservé deux véhicules comme le montre l'énoncé des dispositions financières précité, au numéro 3.

Minit-Tune a remboursé les prêts bancaires concernant ces véhicules.

14. M. Dean Mason a témoigné que des paiements de 10 838,71 $, de 2 513,89 $ et de 477,58 $ avaient été correctement enregistrés dans les états financiers de Minit-Tune que son bureau avait préparés.

15. À l'audience, MM. Mason et Cheta ont tous les deux témoigné que les deux véhicules dont il était fait mention dans la lettre de M. Revell n'avaient jamais fait partie des stocks de Minit-Tune. Toutefois, les montants s'y rapportant avaient été inclus dans les stocks de façon inexacte, les valeurs inscrites étant :

9 848 $

9 046 $

18 894 $

16. Lorsqu'on lui a demandé pourquoi la somme était de 18 894 $ plutôt que de 17 115,52 $ comme il en était fait mention dans la lettre de M. Revell, M. Mason a déclaré que puisque les chiffres mentionnés étaient d’une précision rigoureuse et que la lettre de M. Revell faisait état d’un montant « au 16 avril 1990 » , la somme de 17 115,52 $ indiquait probablement ce qu'il restait à payer sur le prêt sur stock consenti à l'égard des véhicules en question. M. Fleury a donc pris possession des deux véhicules en question et Minit-Tune a remboursé le solde du prêt qui était dû à l'égard des véhicules.

M. Mason a également témoigné que les valeurs inscrites pour les stocks de véhicules étaient souvent différentes du prix de vente ou du prêt sur stock impayé à l'égard d'un véhicule particulier.

17. Lorsqu'on lui a demandé d'expliquer ce qu'était un « prêt sur stock » , M. Mason a témoigné que les concessionnaires tels que Minit-Tune concluaient des ententes financières avec une banque en vue de l'achat de nouveaux véhicules. Ces ententes s'appellent des « prêts sur stock » . En fait, la banque prête de l'argent au concessionnaire pour lui permettre d'acheter de nouveaux véhicules chez Hyundai Canada, et le prêt est remboursé à la banque par le concessionnaire à l'aide du produit de la vente du nouveau véhicule.

Le témoignage qui a été présenté correspond à peu près aux observations précitées et je le retiens dans la mesure où les deux véhicules, qui valaient 18 894 $, ont été transférés à Hyundai Canada en paiement partiel du prix total des pièces, qui était de 30 000 $. Je suis en outre convaincu, compte tenu des observations précitées, que la société devrait être considérée comme ayant vendu (ou échangé contre des pièces) ces véhicules, de sorte que le montant de 18 894 $ aurait dû être inclus dans son revenu brut. En d'autres termes, je n'ai vu dans la preuve rien qui puisse étayer la conclusion que le ministre a tirée, à savoir que le montant de 18 894 $ a été attribué à M. Cheta. Ce montant n'aurait donc pas dû être inclus à titre de montant attribué en 1990 à M. Cheta en sa qualité d'actionnaire.

[12] Comme il en a été fait mention ci-dessus, les appels initiaux et les réponses traitaient de nombreuses questions, en plus des quatre questions qui ont été examinées ci-dessus, mais ces questions ont été réglées avant l'audience. En conclusion, les appels sont admis et les affaires sont déférées au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation compte tenu du fait :

1. que les sommes de 30 130 $ et de 29 994 $ doivent être exclues du revenu de la société de l'année 1990;

2. que les sommes de 30 130 $ en 1989 et de 18 894 $ en 1990 doivent être exclues du revenu de M. Cheta.

[13] Dans leurs observations écrites, les avocats des deux parties demandent l'adjudication des frais et dépens, quelle que soit l'issue de l'affaire. J'ai conclu qu'étant donné qu'il n'aurait probablement pas été nécessaire d'interjeter appel ou que la procédure d'appel n'aurait pas duré aussi longtemps si les dossiers des appelants avaient été en ordre, et qu'étant donné que, comme l'intimée l'a dit dans ses observations, l'avocat des appelants a à maints égards été lent à agir avant l'audience, les appelants n'ont droit ni aux frais ni aux dépens. Toutefois, je ne crois pas qu'il existe des motifs suffisants pour adjuger les frais et dépens à l'intimée. Par conséquent, il n’y aura aucune adjudication de frais.

Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour d'avril 1998.

T. P. O'Connor

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 10e jour de décembre 1998.

Philippe Ducharme, réviseur

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