Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date : 19971124

Dossiers : 97-183-IT-I; 97-184-IT-I

ENTRE :

KATHLEEN CHAMBERS, DAVID ALLEN,

appelants,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Brulé, C.C.I.

[1] Les deux appels en l'instance, entendus sur preuve commune, font suite au refus du ministre du Revenu national (le “ministre”) d'admettre certaines dépenses dont les appelants ont demandé la déduction dans le calcul de leur revenu. Toutes les dépenses ont été faites dans le cadre de la rénovation d'un immeuble de location délabré et elles ont été déduites dans les années d'imposition 1992 et 1993. Les montants de 10 866,46 $ en 1992 et de 1 681 $ en 1993 sont en litige pour chaque appelant.

Question en litige

[2] L'unique question à trancher est de savoir si toutes les dépenses dont le ministre a refusé la déduction étaient des dépenses locatives déductibles au sens de la Loi de l'impôt sur le revenu (la “Loi”) pour les années d'imposition 1992 et 1993.

Les faits

[3] La propriété en cause est située à Chatham (Ontario), alors que les copropriétaires, c'est-à-dire les appelants, vivaient à Brampton (Ontario), et elle était leur seul bien locatif. Les trois principaux points en litige sont les suivants : 1) les réparations et l'entretien, 2) les frais de communication téléphonique et

3) les frais de déplacement entre Brampton et Chatham.

[4] Le ministre a établi à l'égard des appelants une cotisation dans laquelle il a indiqué que les dépenses dont la déduction avait été demandée pour les réparations et l'entretien étaient des dépenses en capital et devaient être traitées comme telles. Les frais de communications téléphoniques et de déplacement étaient des frais personnels ou de subsistance des appelants et, par conséquent, ils n'étaient pas déductibles aux termes de l'alinéa 18(1)h) de la Loi.

Analyse

[5] Dans l'examen de cette question, les tribunaux sont arrivés au fil des ans à différentes conclusions en différentes occasions.

[6] Les appelants ont présenté avec succès à la Société d'hypothèques de l'Ontario une demande de financement pour rénover la propriété. Le prêt sans intérêt a été garanti par une hypothèque de deuxième rang, le ministre ayant renoncé aux intérêts parce que les appelants avaient contracté le prêt en vue de tirer un revenu.

[7] En plaidoirie, le représentant des appelants s'est reporté au Bulletin d'interprétation IT-128R. Si la Cour est consciente que ces bulletins ne reflètent pas le droit dans son intégralité, sous la rubrique “Dépenses en capital pour des biens amortissables par opposition aux dépenses courantes pour des réparations et de l'entretien”, on peut lire ceci :

Les lignes directrices suivantes peuvent servir à déterminer si une dépense est imputable au capital parce que le bien amortissable a été acquis ou amélioré ou si elle est déductible parce qu'elle a été engagée pour réparer ou entretenir un bien:

[...]

b) Entretien ou amélioration - Lorsqu'une dépense est engagée à l'égard d'un bien dans le seul but de le restaurer à son état d'origine, ce fait constitue une indication qu'il s'agit d'une dépense courante. Ce cas se présente souvent lorsque, par exemple, on remplace un plancher ou un plafond. Toutefois, lorsqu'une dépense a pour résultat d'améliorer sensiblement le bien par rapport à ce qu'il était à l'origine, par exemple un nouveau plancher ou un nouveau plafond nettement de meilleure qualité et plus durable que l'ancien, il faut alors considérer la dépense comme une dépense en capital. Le fait que la valeur marchande du bien augmente ou non par suite de la dépense n'est pas un facteur important dans la décision. Si la dépense comprend à la fois des éléments de dépense courante et de dépense en capital qui peuvent être identifiés, il faut procéder à la répartition pertinente des frais. Si seulement une faible partie de la dépense est une dépense en capital, le Ministère est prêt à considérer la dépense totale comme une dépense courante.

c) Partie intégrante ou bien séparé - Il peut y avoir lieu de déterminer également si la dépense a été engagée pour réparer une partie d'un bien ou pour acquérir un bien qui constitue en soi un bien distinct. Dans le premier cas, la dépense est vraisemblablement une dépense courante et dans le deuxième, une dépense en capital. Par exemple, le coût de remplacement d'un gouvernail ou d'une hélice de bateau est considéré comme une dépense courante, car il s'agit d'une partie intégrante du bateau et il n'y a pas d'amélioration; mais le coût de remplacement d'une machine dans une usine est considéré comme une dépense en capital, car la machine n'est pas une partie intégrante de l'usine mais un bien qui peut être vendu séparément. Entre ces cas bien tranchés, il y en a d'autres où un article remplacé peut être une partie essentielle d'un bien entier sans en être une partie intégrante. En pareil cas, d'autres facteurs, comme la valeur relative, doivent entrer en ligne de compte.

[8] Le représentant a également reporté la Cour à l'affaire Gold Bar Developments Ltd. v. The Queen, 87 DTC 5152, où la Cour a conclu, après avoir pris en considération l'objectif des réparations, que, parce que celles-ci ne constituaient qu'une partie seulement de la valeur du bien, le coût des réparations était une dépense courante.

[9] L'avocat de l'intimée a cité plusieurs affaires à la Cour, dont Better Plumbing Company Limited. v. M.N.R., 52 DTC 146. Dans cette affaire, la Cour a jugé que les biens étaient des immobilisations puisqu'ils devaient durer longtemps dans l'immeuble loué, qui n'était pas un lieu résidentiel.

[10] Dans l'affaire Minister of National Revenue v. Haddon Hall Realty Inc., 62 DTC 1001, on peut lire ceci :

[TRADUCTION]

[...] Parmi les critères qui peuvent servir à déterminer si une dépense est faite en vue de tirer un revenu ou si elle est une dépense en capital, on a statué qu'une dépense faite une fois pour toutes et en vue de créer un bien ou un avantage pour le bénéfice durable d'une entreprise est une dépense en capital.

Les dépenses faites pour remplacer des biens immobilisés usés ou désuets sont tout à fait différentes des dépenses annuelles ordinaires faites au titre des réparations, lesquelles entrent naturellement dans la catégorie des dépenses faites en vue de tirer un revenu. [...]

[11] La Cour a dit à la page 1002 que les dépenses faites pour remplacer des réfrigérateurs, des cuisinières et des stores étaient manifestement des dépenses en capital.

[12] Dans l'affaire Boyd Building Limited v. M.N.R., 54 DTC 271, on a conclu que les réparations qui sont de la nature d'un remplacement, qui prolongent sensiblement la vie du bien et en retardent la détérioration devraient entrer dans la catégorie des dépenses en capital. Dans cette affaire, c'est d'un immeuble à bureaux dont il était question, et la Cour a conclu que toutes les réparations étaient des dépenses en capital.

[13] Outre ce qui précède, on a mentionné les affaires suivantes : Coleman v. M.N.R., 84 DTC 1637; Audrey B. Wager v. M.N.R., 85 DTC 222; Jean Méthé v. M.N.R., 86 DTC 1360.

[14] Il semblerait que, si les réparations permettent de garder l'immeuble dans un état pour ainsi dire identique à celui dans lequel il se trouvait avant que les réparations soient effectuées, ces réparations ont alors été, à bon droit, portées au compte des dépenses courantes mais que, si les réparations ont pour résultat un nouvel immeuble, pour ainsi dire, ou un immeuble à tout le moins très différent, elles doivent être considérées comme des dépenses en capital.

[15] L'un des critères qui permet de prendre une décision à cet égard, mis à part l'apparence intérieure et extérieure de la structure et la nécessité de quitter ou non les lieux avant d'entreprendre les travaux, est le montant en dollars des réparations relativement à la valeur du bien. En l'espèce, les réparations n'étaient pas extraordinairement considérables compte tenu de ce que valait l'immeuble. Les frais de déplacement et de communications téléphoniques doivent être admis. Les appelants n'avaient pas le moindre intérêt personnel dans ces dépenses, lesquelles ont toutes été effectuées pour rendre la propriété propre à la location.

[16] Par conséquent, mis à part les réfrigérateurs, cuisinières ou stores ayant fait partie des réparations, l'appel est admis. Les autres dépenses mentionnées dans ce paragraphe doivent être considérées comme des dépenses en capital. Les affaires doivent être déférées au ministre pour nouvel examen et nouvelles cotisations.

“J. A. Brulé”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 15e jour de mai 1998.

Mario Lagacé, réviseur

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