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Date: 20001003

Dossier: 1999-1745-IT-G

ENTRE :

ROBIN MARK CAMPBELL,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Hamlyn, C.C.I.

[1] Le présent appel concerne les années d'imposition 1994 et 1995.

[2] Dans la déclaration de revenu qu'il a produite pour l'année d'imposition 1994, l'appelant a indiqué une perte déductible au titre d'un placement d'entreprise (“ PDTPE ”) de 28 722 $ relativement à une perte alléguée au titre d'un placement d'entreprise de 38 296 $.

[3] Dans la cotisation qu'il a établie à l'égard de l'appelant pour l'année d'imposition 1994 par voie d'avis de cotisation en date du 7 janvier 1997, le ministre du Revenu national (le “ ministre ”) n'a pas admis la PDTPE de 28 722 $ que l'appelant avait indiquée.

[4] Dans la nouvelle cotisation qu'il a établie à l'égard de l'appelant pour les années d'imposition 1994 et 1995 par voie d'avis de cotisation simultanés en date du 3 décembre 1998, le ministre a admis des montants de 5 168 $ et de 2 247 $, respectivement, au titre des PDTPE indiquées par l'appelant.

FAITS ÉNONCÉS DANS LES ACTES DE PROCÉDURE ET ADMIS

[5] Le point en litige tient à la PDTPE de 28 722 $ indiquée par l'appelant pour l'année d'imposition 1994.

[6] L'appelant est détenteur de 101 actions de catégorie “ A ” de 873665 Ontario Inc. (la “ société ”). Les statuts constitutifs de la société autorisent uniquement l’émission d’actions de catégorie “ A ”. L'appelant est en outre le vice-président et un administrateur de la société. Cette dernière compte trois autres actionnaires. Elle était exploitée sous le nom de Maple City Contracting et oeuvrait dans le domaine de la construction-charpenterie.

[7] Le 19 décembre 1991, l'appelant a obtenu un prêt de 33 000 $. Les frais juridiques et autres débours relatifs à l'obtention de ce prêt ont été de 2 816,55 $. Ainsi, le produit net du prêt pour l'appelant a été de 30 183,45 $ (33 000 $ - 2 816,55 $).

[8] Le 20 décembre 1991, l'appelant a consenti à la société un prêt d'actionnaire de 30 183,45 $.

[9] Au cours des années d'imposition 1994 et 1995, l'appelant a versé au ministre des retenues à la source de 5 296 $ dues par la société.

[10] Dans sa déclaration de revenu de 1994, l'appelant a indiqué une PDTPE de 28 722 $, basée sur la perte au titre d'un placement d'entreprise qu’il avait évaluée à 38 296 $ (33 000 $ + 5 296 $).

FAITS SE DÉGAGEANT DE LA PREUVE

[11] L'état financier de la société en date du 30 novembre 1992 indique qu'un solde de 4 591 $ est dû à l'appelant. Ce dernier conteste la légitimité de cet état financier.

[12] La société n'a pas établi d'états financiers après le 30 novembre 1992.

[13] La société n'a pas produit de déclarations d'impôt sur le revenu des sociétés relativement à une année postérieure à l'exercice se terminant le 30 novembre 1992.

[14] La société n'a pas produit de feuillets T4 pour les années d'imposition 1991, 1992 et 1993.

[15] L'appelant n'a fourni au ministre aucun livre ou registre de la société.

POINT EN LITIGE

[16] La question est de savoir si l'appelant a droit à une PDTPE de 28 722 $, basée sur une perte au titre d'un placement d'entreprise qu’il évaluait à 38 296 $, pour l'année d'imposition 1994.

ANALYSE

[17] L'appelant était constructeur-charpentier; il a 10 années d'études et travaillait pour la société. Il était devenu actionnaire et administrateur de la société. Sa connaissance des structures et de l'actionnariat de sociétés était très limitée et sa connaissance de ce qu'est et de ce que fait un administrateur se limitait à des réunions hebdomadaires tenues sur place au sujet des travaux en cours de la société.

[18] Un des trois autres actionnaires, Chris Molengraaf, était responsable de la comptabilité et était notamment chargé de tenir les livres et registres de la société et de produire les déclarations d'impôt au nom de la société. Cette dernière est devenue insolvable en octobre 1993, et Chris Molengraaf a quitté l'Ontario avec les actifs et avec les livres et registres de la société. Aucune somme n'a été payée à l'appelant au titre du montant principal du prêt ou des intérêts sur le prêt.

[19] La seule preuve contraire à la position de l'appelant est la pièce R-2, soit un bilan (en date du 30 novembre) pour Maple City Contracting. Ce bilan indique que la société devait seulement 4 591 $ à l'appelant au 30 novembre 1992. L'appelant ignorait également tout de ce document et maintenait simplement que les faits allégués concernant la somme qui lui était due étaient inexacts. Son comptable maintenait que les recherches qu'il avait faites après coup avaient révélé que ce bilan était inexact à l'égard d'une autre obligation déclarée, soit une dette correspondant à un prêt de Chatham Kent destiné à la petite entreprise.

[20] La définition d'une PDTPE n'est pas en litige dans la présente affaire. Le ministre ne conteste pas le fait que la société soit une société privée sous contrôle canadien en vertu du paragraphe 125(7) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la “ Loi ”) ou qu'elle soit une société exploitant une petite entreprise au sens du paragraphe 248(1) de la Loi. Ainsi, la Cour présume que l'appelant est en droit de déclarer une perte au titre d'un placement d'entreprise et une PDTPE à l'égard de créances qu'il avait sur la société et qui sont devenues irrécouvrables. Le ministre ne conteste pas le fait que, au cours de l'année d'imposition 1991, l'appelant ait consenti à la société un prêt de 30 183,45 $ et qu'il ait engagé à cet égard 2 816,55 $ en frais juridiques et autres débours, soit un montant total de 33 000 $. En outre, le ministre ne conteste pas le fait que, au cours de l'année d'imposition 1994, l'appelant lui ait versé des retenues à la source de 5 296 $ au nom de la société.

[21] La principale question en litige dépend de la conclusion tirée quant à la crédibilité de l'appelant à l'égard des questions soumises à la Cour.

[22] L'appelant est constructeur-charpentier; il ne s'y connaissait guère en administration, voire pas du tout, comme cela a été indiqué précédemment. Son manque de documentation était en fait un obstacle. Cependant, il a témoigné d'une manière directe, crédible et convaincante. Il a été clairement établi grâce aux registres bancaires et hypothécaires de l'appelant que ce dernier avait emprunté l'argent pour le prêter à la société et qu'il avait effectivement prêté l'argent à la société. La société a reçu l'argent, et je conclus que l'argent était encore dû à l'appelant au mois d'octobre 1993, soit à l'époque où la société est devenue insolvable. Peu après, l'appelant a, en 1994, déterminé et déclaré qu'il s'agissait d'une créance irrécouvrable.

[23] Le ministre soutenait en outre que, si une PDTPE est admise, elle ne devrait l'être que pour l'année au cours de laquelle la perte a été subie.

[24] Le paragraphe 50(1) de la Loi se lit en partie comme suit :

(1) Pour l'application de la présente sous-section, lorsque, selon le cas :

a) un contribuable établit qu'une créance qui lui est due à la fin d'une année d'imposition [...] s'est révélée être au cours de l'année une créance irrécouvrable; [...]

le contribuable est réputé avoir disposé de la créance [...] à la fin de l'année pour un produit nul et l'avoir acquise de nouveau immédiatement après à un coût nul.

[25] L'alinéa 39(1)c) de la Loi, qui figure dans la même sous-section, se lit comme suit :

c) une perte au titre d'un placement d'entreprise subie par un contribuable, pour une année d'imposition, résultant de la disposition d'un bien quelconque s'entend de l'excédent éventuel de la perte en capital que le contribuable a subie pour l'année résultant d'une disposition, après 1977 :

(i) soit à laquelle le paragraphe 50(1) s'applique [...]

[26] Selon le paragraphe 50(1) de la Loi, un contribuable est, relativement à une créance irrécouvrable, réputé avoir disposé de la créance dans l'année au cours de laquelle celle-ci est devenue irrécouvrable. Selon l'alinéa 39(1)c), la perte correspondante est réputée une perte au titre d'un placement d'entreprise pour la même année.

[27] Une créance est habituellement considérée comme étant devenue irrécouvrable après que le contribuable a épuisé tous les moyens juridiques de recouvrement. La question de savoir quand une créance doit être considérée comme irrécouvrable relève du jugement qu'exercent les contribuables en tant que gens d'affaires pratiques et prudents. La Cour doit toutefois être convaincue que des contribuables ont agi comme des gens d'affaires pratiques dans la détermination du caractère irrécouvrable d'une créance. Voir l'affaire Berreti c. M.R.N., C.C.I., no 84-1711, 2 octobre 1986, à la p. 11 (86 DTC 1719, à la p. 1723). Je conclus que l'appelant a fait cette détermination de la manière appropriée en 1994.

CONCLUSION

[28] Je conclus que le montant du prêt d'actionnaire qui était dû à l'appelant comme l'a indiqué ce dernier a été établi et n'a pas été remboursé et que l'appelant a, à la manière d'un homme d'affaires prudent agissant opportunément, déterminé que la créance était devenue une créance irrécouvrable en 1994.

DÉCISION

[29] L'appel est admis et les cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation au motif que la perte au titre d'un placement d'entreprise de 38 296 $ réclamée dans l'année d'imposition 1994 a été établie et que l'appelant a par conséquent droit à une perte déductible au titre d'un placement d'entreprise. L'appelant a droit à l'adjudication de ses dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 3e jour d'octobre 2000.

“ D. Hamlyn ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 19e jour de février 2001.

Philippe Ducharme, réviseur

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