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Référence : 2004CCI696

Date : 20041029

Dossier : 2003-3687(GST)I

ENTRE :

RICHARD ESSERY,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

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Pour l'appelant : L'appelant lui-même

Avocate de l'intimée : Me Nimanthika Kaneira

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MOTIFS DU JUGEMENT

(Rendus oralement à l'audience

à Toronto (Ontario), le 30 mars 2004)

Le juge Miller

[1]      Il s'agit d'un appel interjeté par M. Richard Essery sous le régime de la procédure informelle à l'égard d'une cotisation relative à la taxe sur les produits et services (la « TPS » ) se rapportant à la période allant du 1er avril 1998 au 31 décembre 2001. L'Agence du revenu du Canada a refusé d'accorder à M. Essery des crédits de taxe sur les intrants d'un montant de 3 711,57 $ pour le motif qu'il n'exploitait pas d'entreprise. M. Essery maintient qu'il exploitait une entreprise en tant que conseiller en informatique et que les crédits de taxe sur les intrants se rapportent principalement aux frais d'utilisation d'une voiture et de bureau à domicile engagés dans le cadre de l'exploitation de cette entreprise. M. Essery a reconnu que sa tenue de livres laissait à désirer étant donné qu'il ne pouvait pas fournir de pièces à l'appui de sa demande. La chose peut de fait lui nuire en l'espèce. J'aurai d'autres remarques à faire à ce sujet.

[2]      En 1995, M. Essery a établi une entreprise individuelle appelée R.Y.E. Enterprises. Il s'occupait initialement de réingénierie de logiciels et, ce qui est curieux, de la vente d'aéroglisseurs et d'accessoires pour chalets. En 1997 et en 1998, l'entreprise de réingénierie était chancelante. M. Essery a cherché à obtenir des ententes de mandataire auprès de plusieurs fabricants de logiciels moyennant une rémunération à commission. Il a fourni des copies de six contrats conclus avec les sociétés suivantes :

          -         Scarborough Enterprises, Inc. (contrat conclu en 1999);

-         Windsor Industries Ltd., qui vendait des accessoires pour chalets (contrat également conclu en 1999);

-         Advance Multimedia IT Company Ltd. (contrat conclu en 1999);

          -         CRT Multimedia Ltd. (contrat conclu en 1999);

          -         TFPL Multimedia Ltd. (contrat conclu en 1998);

          -         JR Inkjet Limited (contrat conclu en 1997);

          -         EuroPress (contrat conclu en 1997).

Aucune de ces ententes n'était signée. Les ententes étaient toutes similaires. Compte tenu de ces ententes, les seules ventes que M. Essery a pu confirmer avec une certaine confiance, au cours de la période de quatre ans, se rapportaient à une centaine de cartouches à jet d'encre pour le compte d'Inkjet. Toutefois, en 1999, en 2000 et en 2001, aucun revenu d'entreprise n'a été déclaré à l'égard de ces contrats. De plus, aucun relevé bancaire, aucune facture, aucun grand livre, aucun chèque oblitéré et même aucun état financier de base n'a été produit à l'appui pour indiquer qu'il exerçait ce genre d'activité à titre de mandataire.

[3]      Pendant les années en question, M. Essery a également effectué ce qu'il a appelé du travail à forfait. L'examen des déclarations relatives aux années 1998, 1999, 2000 et 2001 révèle qu'il avait conclu des contrats de travail avec les entreprises suivantes :

          -         Shiva Technologies Inc. (en 1998 et en 1999);

          -         Open Storage Solutions Inc. (en 1998);

          -         EYA (en 1999);

          -         Clinicare Corporation (en 2001);

          -         DMR Consulting Inc. (en 2001);

          -         Computer Associates Canada Company (en 2000 et en 2001); et

          -         OAO Canada Limited (en l'an 2000).

[4]      Dans ses déclarations relatives aux années 1998, 1999, 2000 et 2001, M. Essery a déduit certaines dépenses d'emploi semblables à celles pour lesquelles il demande des crédits de taxe sur les intrants, soit principalement les frais d'utilisation d'une voiture et de bureau à domicile. Pour les années en cause, il a également présenté des formulaires T2200 confirmant que son employeur l'obligeait à engager ces dépenses. En fait, il a signé deux de ces formulaires pour le compte de l'employeur EYA. Toutes ces personnes morales ont remis des feuillets T4 à M. Essery. Certaines tâches, comme le travail de formation informatique, devaient être effectuées au lieu d'affaires de l'employeur. M. Essery a indiqué que d'autres tâches pouvaient être accomplies à domicile.

[5]      M. Essery a maintenu avoir toujours cru fournir un service. Il a donné deux raisons pour lesquelles ces dernières ententes avaient été rédigées sous la forme de contrats de travail : premièrement, pour que des retenues à la source puissent être effectuées, de façon à éviter le problème auquel il avait antérieurement dû faire face lorsqu'il avait accusé un retard dans le paiement de son impôt et, deuxièmement, parce que les personnes morales ne voulaient pas avoir à payer la TPS aux personnes qu'il a désignées comme étant des employés contractuels. M. Essery n'a pas produit de contrats écrits à l'appui; il a laissé entendre qu'il s'agissait d'ententes verbales. En 2001, M. Essery a demandé et obtenu des prestations d'assurance-emploi d'un montant d'environ 7 400 $.

[6]      La question en litige se rapporte simplement au droit de M. Essery à des crédits de taxe sur les intrants. Pour avoir droit à ces crédits, M. Essery doit s'être livré à une activité commerciale. S'il peut surmonter cet obstacle, M. Essery doit établir le montant de sa demande. À cet égard, il faut se reporter aux paragraphes 169(4) et 286(1) de la Loi.

[7]      J'examinerai maintenant la première question, à savoir si, pendant les années pertinentes, M. Essery se livrait à une activité commerciale. L'expression « activité commerciale » est définie à l'article 123, qui est rédigé comme suit :

123(1) Les définitions qui suivent s'appliquent à l'article 121, à la présente partie et aux annexes V et X.

            [...]

            « activité commerciale » Constituent des activités commerciales exercées par une personne :

a)          l'exploitation d'une entreprise (à l'exception d'une entreprise exploitée sans attente raisonnable de profit par un particulier [...]), sauf dans la mesure où l'entreprise comporte la réalisation par la personne de fournitures exonérées;

Il existe deux sphères d'activité possibles : les ententes de mandataire que M. Essery affirme avoir conclues et les contrats de travail ou le travail à forfait, comme M. Essery l'a appelé. Premièrement, en ce qui concerne les ententes de mandataire, M. Essery n'a pas tiré de revenu de pareil travail en 1999, en 2000 et en 2001. Il croyait avoir vendu des cartouches à jet d'encre en 1999, mais sa déclaration indiquait qu'il ne l'avait pas fait. Il a qualifié ce volet de son travail de tentative visant à lui permettre d'obtenir un peu d'argent supplémentaire. La tentative a échoué. M. Essery n'a pas réalisé de revenu. Il n'a soumis aucun plan. Je conclus qu'il n'exploitait pas d'entreprise à cet égard et que, même s'il exploitait une entreprise, il n'y avait pas d'attente raisonnable de profit, soit un élément qui pourrait avoir une incidence moindre dans le domaine de l'impôt sur le revenu, mais qui est certes présent dans la définition même de l'expression « activité commerciale » qui a ci-dessus été reproduite.

[8]      Quant au travail à forfait, qui a généré un revenu pour M. Essery, il est clair que les payeurs et M. Essery ont convenu d'organiser l'entente comme un contrat de travail. Des feuillets T4 ont été remis et des retenues ont été effectuées. L'entente présentait certes les caractéristiques d'un contrat de travail et elle était libellée sous la forme d'un contrat de travail, comme l'a supposé la Couronne dans sa réponse. Il incombe à M. Essery de me convaincre qu'il s'agissait d'autre chose que des contrats de travail à court terme. Or, M. Essery ne l'a pas fait. En toute déférence, M. Essery tente de l'emporter à tout prix; il affirme d'une part avoir exercé un emploi du point de vue de l'impôt sur le revenu et d'autre part avoir conclu un contrat indépendant pour ce qui est de la TPS. Or, il ne peut tout simplement pas en être ainsi, et ce, même si je reconnais que M. Essery croyait que la chose était possible.

[9]      La Cour suprême du Canada a récemment clarifié le critère applicable à la question de l'employé et de l'entrepreneur indépendant. Il s'agit de savoir si M. Essery exploitait une entreprise pour son propre compte. Les facteurs à prendre en considération sont les suivants : le contrôle, les chances de tirer un bénéfice de chaque contrat, les risques de perte, la propriété des instruments de travail, la possibilité de demander à quelqu'un d'autre de faire le travail et tout autre facteur que la Cour estime pertinent.

[10]     M. Essery a soumis à ce sujet fort peu d'éléments de preuve qui puissent m'aider et il n'a pas cité de représentants des personnes morales avec qui il avait conclu des contrats qui auraient pu être utiles. Selon le seul élément de preuve mis à ma disposition, l'entente était assimilable à un projet. M. Essery devait à certains moments faire rapport à la personne morale. Personne d'autre ne pouvait faire le travail à sa place, et les deux parties considéraient qu'il s'agissait d'un contrat de travail. M. Essery n'a pas réussi à me convaincre selon la prépondérance des probabilités que ces contrats étaient de la nature de contrats conclus avec un entrepreneur indépendant. Je conclus donc que M. Essery n'exerçait pas d'activité commerciale lui donnant droit à des crédits de taxe sur les intrants.

[11]     Si M. Essery avait soumis une preuve plus forte au sujet de la nature de la relation et s'il avait réussi à me convaincre qu'il agissait de fait à titre d'entrepreneur indépendant, il aurait néanmoins été obligé de produire suffisamment d'éléments de preuve au sujet du montant qu'il demande. Or, il n'a soumis aucun document justificatif, à part le sommaire des calculs qu'il avait lui-même effectués au sujet des crédits de taxe sur les intrants. Cela n'est pas suffisant. La Loi prévoit clairement qu'il incombe à M. Essery de tenir des registres appropriés permettant de vérifier ces montants.

[12]     Le régime fiscal est principalement un régime d'autocotisation. Or, ce régime s'effondrerait complètement si les contribuables laissaient tous autant à désirer que M. Essery sur le plan de la tenue de livres. Je comprends bien qu'un expert en informatique puisse compter fortement sur son ordinateur, mais à cet égard, la déclaration de M. Essery selon laquelle un virus a effacé ses fichiers montre le danger intrinsèque fort réel que comporte la chose. M. Essery a affirmé que sa femme, qui est comptable en management accréditée, a abandonné la partie devant une tenue de livres si peu adéquate. Je recommande fortement à M. Essery de convaincre sa femme de mettre de l'ordre dans ses dossiers, de façon qu'il ne soit pas pris dans un tel dilemme dans l'avenir.

[13]     M. Essery a en fait à plusieurs reprises fait une remarque curieuse, à savoir qu'il ne serait pas dans une telle situation s'il avait reçu un feuillet T4E plutôt qu'un feuillet T4. Pour sa gouverne, je dirai qu'un feuillet T4E est un feuillet T4 indiquant les prestations d'assurance-emploi qui ont été touchées. Aucun feuillet T4 n'indiquerait l'existence d'un contrat conclu avec un entrepreneur indépendant. Je me contenterai de faire remarquer que je ne sais pas à qui M. Essery a demandé conseil, mais si sa conjointe hésite à l'aider, M. Essery voudra peut-être débourser des sommes additionnelles en vue d'obtenir de bons conseils professionnels dans l'avenir.

[14]     L'appel interjeté par M. Essery est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 29e jour d'octobre 2004.

« Campbell J. Miller »

Juge Miller

Traduction certifiée conforme

ce 23e jour de juin 2005.

Sara Tasset


RÉFÉRENCE :

2004CCI696

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2003-3687(GST)I

INTITULÉ :

Richard Essery et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :

Le 30 mars 2004

MOTIFS DU JUGEMENT :

L'honorable Campbell J. Miller

DATE DU JUGEMENT :

Le 7 avril 2004

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :

Me Nimanthika Kaneira

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l'appelant :

Nom :

S/O

Cabinet :

S/O

Pour l'intimée :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

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