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Date: 20000728

Dossier: 1999-2640-IT-I

ENTRE :

ROBERT UPSHAW,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Hamlyn, C.C.I.

[1] Le présent appel concerne les années d'imposition 1993 et 1994.

[2] Le ministre du Revenu national (le “ ministre ”) avait fixé l'obligation fiscale de l'appelant pour 1993 et 1994 le 31 mars 1994 et le 30 mai 1995 respectivement, admettant des déductions de pension alimentaire de 17 000 $ pour 1993 et de 19 000 $ pour 1994 (les “ montants en litige ”).

[3] Au moyen d’un avis en date du 10 septembre 1996, une nouvelle cotisation a été établie à l’égard de l'obligation fiscale de l'appelant pour 1993 et 1994, refusant des déductions de pension alimentaire de 12 000 $ pour 1993 et de 4 050 $ pour 1994.

[4] L'appelant a déposé un avis d'opposition valable à l'égard des cotisations pour 1993 et 1994, et le ministre a ratifié les cotisations par voie d'avis de ratification daté du 4 février 1998.

[5] En établissant les cotisations pour les années d'imposition 1993 et 1994, le ministre s'est fondé sur les hypothèses suivantes (qui, pour l'essentiel, ont été acceptées par l'appelant) :

a)                    l'appelant avait quitté la résidence conjugale le 31 décembre 1992;

b)                    en vertu d'une ordonnance provisoire datée du 16 mars 1993, Sheila Earlene Upshaw, conjointe de l'appelant, s'était vu confier la garde provisoire du seul enfant, et l'appelant était tenu de verser une prestation alimentaire provisoire de 500 $ par mois pour l'enfant;

c)                    en vertu d'une ordonnance datée du 5 janvier 1994, Sheila Upshaw s'est vu confier la garde de cet enfant ainsi que d'un deuxième enfant, né en juin 1993, et l'appelant était tenu de prendre des mesures pour régler ses dettes [TRADUCTION] “ en vue de mettre à la disposition de la requérante et des enfants plus d'argent par mois [...] ”;

d)                    en vertu de cette ordonnance du 5 janvier 1994, l'appelant était en outre tenu de continuer à payer la prestation alimentaire provisoire de 500 $ par mois pour subvenir aux besoins des enfants et de continuer à payer, au profit de la requérante et des enfants issus du mariage, toutes les dépenses liées à l'entretien de la résidence conjugale, y compris concernant l'hypothèque, l’impôt foncier, le chauffage, l'éclairage, le téléphone et les assurances sur la maison, et ce, jusqu'à ce qu'il en soit ordonné autrement par la Cour (environ 1 200 $ par mois);

e)                    l'appelant et Sheila Upshaw ont divorcé le 3 novembre 1994;

f)                     l'ancienne conjointe de l'appelant a déménagé de la résidence conjugale en mai 1994, et la pleine propriété de la maison a alors été rendue à l'appelant.

AUTRES ÉLÉMENTS DE PREUVE

[6] Les montants en litige ont été payés entre mars 1993 et mai 1994 conformément à une ordonnance rendue à une audience par un juge du tribunal de la famille de la Nouvelle-Écosse (le juge Deborah Gass, 16 mars 1993) et conformément à l'ordonnance signée par le juge Nancy J. Bateman, de la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse, en date du 5 janvier 1994.

[7] Les montants en litige couvraient des frais payables à des tiers concernant l'entretien de la résidence conjugale. Les paiements incluaient les paiements hypothécaires, l’impôt foncier, les frais de chauffage, les frais d'éclairage, les frais de téléphone et les frais d'assurance relatifs à la résidence conjugale.

[8] L'ordonnance provisoire que le juge Deborah Gass a rendue le 16 mars 1993 concernant les paiements de pension alimentaire ne faisait pas état des montants en litige et ne faisait pas référence au paragraphe 60.1(2) ou au paragraphe 56.1(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.) (la “ Loi ”).

[9] L'ordonnance signée par le juge Nancy J. Bateman, de la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse, en date du 5 janvier 1994 ne faisait pas référence au paragraphe 60.1(2) ou au paragraphe 56.1(2) de la Loi.

[10] En ce qui a trait à l'ordonnance du 5 janvier 1994, on a déposé une lettre que l'avocat de la conjointe de l'appelant avait écrite au juge Nancy Bateman (7 septembre 1993) et dont il avait envoyé une copie à l'avocat de l'appelant, soit une lettre faisant état d'un consentement à une ordonnance à l'égard des montants en litige et reconnaissant les conséquences fiscales pour les deux parties. Cette lettre avait conduit à l'ordonnance du 5 janvier 1994.

THÈSE DE L'APPELANT

[11] La position de l'appelant est que, du 16 mars 1993 au 2 mai 1994, il était tenu en vertu d'une ordonnance du tribunal de la famille de la Nouvelle-Écosse et d'une ordonnance de la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse de payer toutes les dépenses liées à l'entretien de la résidence conjugale, y compris concernant l'hypothèque, l’impôt foncier, le chauffage, l'éclairage et les assurances sur la maison, soit 1 200 $ par mois. L'appelant dit en outre que cet aspect de l'ordonnance du tribunal de la famille de la Nouvelle-Écosse ne faisait pas partie de l'ordonnance écrite du tribunal en date du 16 mars 1993, mais avait été ordonné verbalement par le juge présidant le procès. Comme je l'ai mentionné, l'appelant a bel et bien déposé auprès de notre cour une lettre que l'avocat de la conjointe de l'appelant avait écrite à un juge de la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse en date du 7 septembre 1993 et dont cet avocat avait envoyé une copie à l'avocat de l'appelant, soit une lettre faisant état du consentement de toutes les parties à cette ordonnance et reconnaissant les aspects fiscaux d'une telle ordonnance pour les parties respectives. L'ordonnance du 5 janvier 1994 de la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse reflétait le consentement des avocats des deux parties, mais pas la reconnaissance des aspects fiscaux.

[12] L'appelant a versé 1 200 $ par mois de mars 1993 à mai 1994. Il est à noter que l'intimée dans la présente espèce n’a pas contesté la somme de 1 200 $ par mois qui a été versée à l'égard des frais indiqués.

THÈSE DE L'INTIMÉE

[13] La position de l'intimée est que les montants en litige ne sont pas déductibles du revenu de l'appelant pour les années d'imposition 1993 et 1994.

[14] Les paiements faits par l'appelant à des tiers n'entrent pas dans le cadre des dispositions des paragraphes 60.1(1), 60.1(2) et 56.1(2) de la Loi et ne sont pas admissibles comme allocations au sens du paragraphe 56(12) de la Loi.

ANALYSE

[15] Les paragraphes 56.1(1) et 60.1(1) sont des dispositions réciproques qui étendent la portée de l'alinéa 60b) à des paiements faits à des tiers au profit d'une personne et / ou d'enfants confiés à la garde de cette personne. En vertu des paragraphes 56.1(1) et 60.1(1), des paiements faits à un tiers au profit de l'ancienne conjointe de l'appelant et / ou d'enfants confiés à la garde de cette dernière pourraient être réputés avoir été faits par l'appelant et reçus par la conjointe de l'appelant.

[16] Les paragraphes 60.1(2) et 56.1(2) de la Loi sont également des dispositions réciproques, en vertu desquelles les paiements contestés, faits à des tiers, pourraient être réputés représenter des allocations pouvant être utilisées à la discrétion de l'ancienne conjointe de l'appelant aux fins de l'article 60.1.

[17] Conformément à l'arrêt Armstrong c. La Reine, C.A.F., no A-189-95, 10 mai 1996 (96 DTC 6315), les paragraphes 60.1(1) et 56(12) doivent être lus ensemble. Ainsi, bien que le paragraphe 60.1(1) ne mentionne pas expressément le mot “ allocation ”, un paiement qui serait par ailleurs déductible en vertu du paragraphe 60.1(1) doit aussi être admissible comme “ allocation ” au sens du paragraphe 56(12) de la Loi. Donc, dans la présente espèce, pour permettre que les paiements en litige soient déduits par l'appelant en vertu du paragraphe 60.1(1), la Cour doit être convaincue que les paiements en question étaient des allocations conformément au paragraphe 56(12) de la Loi.

[18] Les allocations définies au paragraphe 56(12) excluent les montants que le contribuable ne pouvait utiliser à sa discrétion.

[19] Comme en fait foi la lettre du 7 septembre 1993, l'ancienne conjointe de l'appelant a consenti à ce que l'appelant fasse des paiements à des tiers. Le jugement qui a été rendu par Mme le juge Bateman l'a été conformément à cette lettre indiquant que l'appelant et son ancienne conjointe étaient d'accord sur la méthode des paiements à des tiers et en reconnaissaient les conséquences fiscales. Dans son jugement, Mme le juge Bateman utilisait les termes “ [...] continuer à payer [...] ”, ce qui, conclus-je, faisait allusion à l'ordonnance rendue à l'audience par le tribunal de la famille de la Nouvelle-Écosse et à l'accord préalable au jugement qui avait été conclu entre l'appelant et son ancienne conjointe concernant les paiements à des tiers. Ainsi, la lettre du 7 septembre 1993 et l'ordonnance de paiement du 5 janvier 1994 reconnaissaient bel et bien ces paiements antérieurs, vu l'utilisation des termes “ continuer à payer ”. Donc, les paiements en litige, faits à des tiers, ont d'abord été faits par l'appelant aux termes de l'ordonnance rendue par le juge à l'audience en mars 1993, ordonnance qui, bien que n'ayant jamais été signée par le tribunal, a été incorporée à l'ordonnance de la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse.

[20] Vu le consentement des parties, ces paiements ont été faits au profit de la conjointe de l'appelant et des enfants de l'appelant confiés à la garde de la conjointe de l'appelant, au sens du paragraphe 60.1(1) de la Loi.

[21] De plus, je conclus que le consentement de la conjointe de l'appelant à l'ordonnance de paiement à des tiers et la reconnaissance des conséquences fiscales dans la lettre adressée au juge de la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse indiquent que les paiements à des tiers pouvaient être utilisés à la discrétion de la conjointe de l'appelant. Les paiements sont donc des allocations, au sens du paragraphe 56(12) de la Loi, pouvant être utilisées à la discrétion de l'ancienne conjointe de l'appelant aux fins du paragraphe 60.1.

DÉCISION

[22] L'appel est admis et les cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation au motif que les paiements faits à des tiers en 1993 (12 000 $ de plus) et en 1994 (4 050 $ de plus) à l'égard de dépenses liées à l'entretien de la résidence conjugale où habitaient l'ancienne conjointe et les enfants sont des allocations et sont déductibles.

Signé à Ottawa, Canada, ce 28e jour de juillet 2000.

“ D. Hamlyn ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 28e jour de février 2001.

Isabelle Chénard, réviseure

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