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Date: 20000804

Dossier: 1999-1768-IT-I

ENTRE :

PHILIP FOLEY,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge en chef adjoint Bowman, C.C.I.

[1] Les présents appels sont interjetés à l’encontre des cotisations établies pour les années d’imposition 1995 et 1996. La question en litige porte sur la déductibilité en vertu de l’alinéa 60b) de la Loi de l’impôt sur le revenu, tel qu’il était rédigé pendant ces années, de paiements versés par l’appelant à sa conjointe de qui il était séparé à titre de pension alimentaire pour leurs deux enfants.

[2] En 1995 et en 1996, l’alinéa 60b) permettait la déduction de montants payés à titre de pension alimentaire de la manière suivante :

b) un montant payé par le contribuable au cours de l’année, en vertu d’une ordonnance ou d’un jugement rendus par un tribunal compétent ou en vertu d’un accord écrit, à titre de pension alimentaire ou autre allocation payable périodiquement pour subvenir aux besoins du bénéficiaire, d’enfants de celui-ci ou à la fois du bénéficiaire et de ces enfants, si le contribuable, pour cause d’échec de son mariage, vivait séparé de son conjoint ou ancien conjoint à qui il était tenu d’effectuer le paiement, au moment où le paiement a été effectué et durant le reste de l’année.

[3] L’appelant a versé à sa conjointe en 1995 pendant huit mois un montant de 710 $ par mois pour subvenir aux besoins de ses enfants et, pendant un mois, un montant de 690 $. En janvier 1996, il lui a payé 710 $. À partir de février, il lui a versé un montant de 900 $ par mois jusqu’en octobre 1996 et en novembre et en décembre 1996, il lui a versé 900 $ par mois par l'entremise du Régime des obligations alimentaires envers la famille. Il a par conséquent été établi qu’il a payé à sa conjointe un montant de 6 370 $ en 1995 et de 10 610 $ en 1996 pour subvenir aux besoins de ses enfants.

[4] En produisant ses déclarations de revenus pour ces années, l’appelant s’est prévalu d’une déduction de 6 370 $ pour 1995 et de 9 000 $ pour 1996. On ne sait pas très bien pourquoi il n’a pas demandé le montant complet versé en 1996. Son conseiller en matière fiscale a déclaré dans l’avis d’opposition que le paiement de 1996 totalisait 8 810 $. L’appelant soutient dans une déclaration annexée à une lettre datée du 2 octobre 1997 envoyée par son avocat à Revenu Canada qu’il a payé 10 655 $.

[5] La meilleure preuve devant moi est celle établissant que les montants totaux en 1996 étaient de 10 610 $. De ce montant, les deux paiements de 900 $ de novembre et décembre 1996 ont été versés directement au Régime des obligations alimentaires envers la famille.

[6] Le ministre a rejeté tous les paiements faits en 1995 et tous ceux de 1996 à l’exception d’un montant de 2 700 $. Il a refusé un montant de 6 300 $ qui représentait la différence entre le montant de 9 000 $ demandé et celui de 2 700 $ admis.

[7] En particulier, la réponse à l’avis d’appel ne nous apprend rien puisqu’elle ne précise pas quels paiements ont été admis et lesquels ne l’ont pas été.

[8] Une ordonnance de la Cour de l’Ontario a été rendue le 25 septembre 1996 et elle précise ce qui suit :

[TRADUCTION]

1. CETTE COUR ORDONNE que le défendeur paie une pension alimentaire provisoire temporaire pour les enfants fixée au montant de 900 $ par mois à partir du 1er août 1996.

[9] Il semble évident que la cotisation permettait la déduction des paiements des mois d’août, de septembre et d’octobre 1996. La raison pour laquelle la cotisation n’a pas permis la déduction des paiements des mois de novembre et de décembre 1996 versés au Régime des obligations alimentaires envers la famille n’est pas claire. Même selon la théorie de la Couronne, ils auraient dû être admis. Ils ont incontestablement été payés. Peut-être que le répartiteur ne les a pas permis parce qu’il n’a pas vu les reçus ou parce que l’appelant n’a demandé que la déduction de 9 000 $.

[10] Le 16 décembre 1996, un jugement a encore une fois été rendu, ordonnant à l’appelant de payer une pension alimentaire de 900 $ par mois. Ce jugement ne se rapporte pas particulièrement à la question en litige en l’espèce.

[11] Je me penche maintenant sur la question des paiements faits avant le 1er août 1996. Ils n’ont pas été effectués en vertu d’un arrêt, d’une ordonnance ou d’un jugement rendus par un tribunal compétent. Les ordonnances qui ont été rendues en septembre et en décembre 1996 ne contenaient pas de disposition rétroactive du type prévu par le paragraphe 60.1(3), lequel était ainsi rédigé à l’époque :

Pour l’application du présent article et de l’article 60, lorsqu’une ordonnance ou un jugement d’un tribunal compétent ou un accord écrit, établi à un moment d’une année d’imposition, prévoit que tout montant payé avant ce moment et au cours de l’année ou de l’année d’imposition précédente est considéré comme payé et reçu au titre de l’ordonnance, du jugement ou de l’accord, le montant est réputé payé à ce titre.

[12] La question de savoir si cette omission était involontaire ou intentionné est une chose sur laquelle je ne peux spéculer. Je remarque que M. Foley a comparu en personne sans être représenté au moment de l’audition de la requête le 25 septembre 1996.

[13] La question est alors de savoir si les paiements faits en 1995 et jusqu’au prononcé de l’ordonnance le 25 septembre 1996 l’ont été conformément à un accord écrit.

[14] Le 2 octobre 1997, l’avocat de M. Foley, Me J. Mark Coffey, a écrit à Revenu Canada. Sa lettre contient un résumé raisonnablement précis de la position de l’appelant. Elle est ainsi rédigée :

[TRADUCTION]

J’ai d’abord rencontré M. Foley à mon bureau le 24 avril 1995. Il m’a informé que la date de séparation des parties était le 26 mars 1995 et qu’il payait une pension alimentaire pour les enfants de 710 $ par mois conformément à un accord informel intervenu entre lui et son ancienne conjointe.

Le 26 mai 1995, les parties et leurs avocats respectifs avaient eu une rencontre portant sur le règlement du litige à Milton. Le point litigieux entre les parties concernait le montant de la pension alimentaire pour les enfants. M. Foley soutient que les parties s’étaient entendues pour qu’il verse la pension alimentaire en payant l’hypothèque tous les mois, soit un total de 750 $ par mois. Je comprends que Mme Foley souhaitait une pension alimentaire pour les enfants plus élevée, mais qu’elle a accepté cette pension. M. Foley possède les reçus et des chèques payés portant la mention “ pension alimentaire pour 1995 ” confirmant cet accord.

J’annexe la lettre envoyée par l’avocat de Mme Foley à moi-même en date du 12 juin 1995. Je vous renvoie au paragraphe 11 de ladite lettre portant sur la pension alimentaire pour les enfants. Je crois que cette lettre est la confirmation écrite de l’accord concernant la pension.

En janvier 1996, Mme Foley a intenté une action en matière de droit familial réclamant, entre autres choses, une pension alimentaire pour les enfants.

Le 2 février 1996, mon client a fait parvenir une offre afin d’établir, entre autres choses, une pension alimentaire pour les enfants au montant de 900 $ par mois, débutant le 8 février 1996 en attendant les résultats des contre-interrogatoires. J’annexe à la présente une copie conforme de ladite offre de règlement.

Le 6 février 1996, ladite offre de règlement a été acceptée. J’annexe à la présente la lettre envoyée par l’avocat de Mme Foley en date du 6 février 1996 confirmant la pension alimentaire provisoire temporaire pour les enfants de 900 $ par mois débutant le 8 février 1996 en attendant les résultats des contre-interrogatoires. Donc, à partir du 6 février 1996, il existait un accord écrit concernant une pension alimentaire accrue pour les enfants.

Le 8 février 1996, j’ai accusé réception de l’acceptation de l’offre de règlement et j’ai demandé à l’autre avocat de préparer la requête sur consentement nécessaire. J’annexe à la présente ladite lettre.

Le 25 septembre 1996, Mme Foley est retournée en cour pour tenter d’annuler l’accord antérieur conclu relativement à la garde et à la pension alimentaire. Je me souviens que M. Foley est allé de lui-même à la cour, qu’il a négocié la question, ce qui a finalement abouti à l’ordonnance du juge Mossop datée du 25 septembre 1996. En dépit de la décision du juge Mossop, l’ordonnance aurait dû tenir compte de la pension alimentaire provisoire temporaire pour les enfants de 900 $ par mois débutant le 8 février 1996 conformément à l’offre de règlement acceptée.

En résumé, en 1995, M. Foley a payé une pension alimentaire pour les enfants variant entre 710 $ par mois et 800 $ par mois conformément à un accord conclu lors de la rencontre de règlement du litige tenue le 26 mai 1995. Le montant de la pension était temporaire et ne représentait pas le montant définitif. Il a été convenu que la pension alimentaire pour les enfants consisterait essentiellement en des paiements de l’hypothèque effectués par lui. Cet accord a été confirmé par la lettre susmentionnée du 12 juin 1995.

En 1996, M. Foley a payé une pension alimentaire provisoire temporaire pour les enfants de 900 $ par mois débutant le 8 février 1996, conformément à une offre de règlement acceptée et constatée par écrit par les avocats de Mme Foley dans une lettre datée du 6 février 1996. M. Foley a continué de payer le montant de 900 $ par mois conformément à l’accord susmentionné jusqu’à ce que cette question soit finalement réglée, et il continue de payer une pension alimentaire pour les enfants à raison de 900 $ par mois plus le rajustement de vie chère.

[15] Le 12 juin 1995, Me Mazzorato, l’avocat de Mme Foley, a écrit à Me Coffey en partie de la manière suivante :

[TRADUCTION]

OBJET : FOLEY c. FOLEY

La présente va confirmer notre rencontre de règlement du litige tenue le 26 mai 1995. Nous souhaitons présenter les domaines dans lesquels les parties en sont venues à un accord. Ce sont les suivants :

[...]

11. Pension alimentaire pour les enfants :

Il semble que la pension alimentaire pour les enfants soit une question litigieuse à ce moment-ci. M. Foley effectue un paiement d’hypothèque par mois, ce qui totalise environ 750 $. [...]

J’ai récemment eu une conversation téléphonique avec Mme Foley qui m’a informé du fait qu’elle souhaitait conclure la question sans délai. En conséquence, j’ai pour instructions d’engager une requête en divorce si nous ne recevons pas dans un délai de cinq jours la confirmation que les modalités des paragraphes 1 à 10 sont acceptables. Mme Foley a proposé que la question du montant de la pension alimentaire pour les enfants soit réglée par voie de requête, sur une base provisoire, et par le biais d’un procès portant sur la question, sur une base permanente.

[16] Loin d’attester de l’existence d’un accord de quelque sorte, écrit ou autre, en ce qui concerne les paiements de la pension alimentaire pour les enfants, la lettre de l’avocat de Mme Foley constitue une preuve claire du fait qu’en juin 1995, il n’y avait pas d’accord. Les paiements de 1995 n’ont pas été faits en vertu d’un accord écrit. L’appel pour 1995 doit par conséquent être rejeté.

[17] Le 2 février 1996, Me Coffey a écrit à Me Mazzorato. Sa lettre est ainsi rédigée en partie :

[TRADUCTION]

OBJET : FOLEY c. FOLEY

Mon client offre de régler les requêtes et l’action de la manière suivante :

[...]

11. Pension alimentaire pour les enfants

M. Foley paie la pension alimentaire pour les enfants de 900 $ par mois (450 $ par mois par enfant) à partir du 8 février 1996 sur une base provisoire temporaire en attendant les résultats des interrogatoires ou, si cela est accepté, de 900 $ par mois à partir du 8 février 1996 plus les augmentations liées au rajustement de vie chère annuel si M. Foley reçoit la même chose au travail.

[18] Le 6 février 1996, Me Mazzorato a répondu à Me Coffey. Sa lettre est ainsi rédigée en partie :

[TRADUCTION]

J’accuse réception de votre télécopie du 2 février 1996. Je suis heureux de vous informer que ma cliente a accepté les modalités qui y sont contenues.

Je vais préparer l’ordonnance nécessaire concrétisant le règlement. Plus particulièrement, en ce qui concerne le paragraphe 11, Mme Foley accepte qu’il y ait une pension alimentaire provisoire temporaire pour les enfants d’un montant de 900 $ par mois débutant le 8 février 1996 en attendant les résultats des contre-interrogatoires.

[19] Le 8 février 1996, Me Coffey a répondu à Me Mazzorato de la manière suivante :

[TRADUCTION]

J’accuse réception de l’acceptation de votre cliente par télécopie datée du 6 février 1996 de l’offre de règlement de mon client datée du 2 février 1996.

Mon client va emprunter un montant de 900 $ pour payer directement Mme Foley le vendredi 9 février 1996, à condition que votre cliente fournisse un reçu écrit concernant cette pension alimentaire pour les enfants portant la mention “ février 1996 ”. Ses documents tels qu’ils sont présentés dans sa requête sont prêts à être recueillis vendredi prochain (si possible), et les interrogatoires seront complétés dans un délai de 21 jours. Ma secrétaire va communiquer avec votre secrétaire aujourd’hui afin de planifier les contre-interrogatoires à Milton avant la fin du mois de février 1996.

Je ne recommande pas que les paiements soient directement versés aux bénéficiaires de la pension alimentaire parce que cela cause des problèmes avec le Régime des obligations alimentaires envers la famille, mais mon client fait preuve de bonne foi en le faisant. J’espère que vous fournirez le projet de l’ordonnance sur consentement afin de finalement régler toutes les questions à l’exception de celle relative à la pension alimentaire pour les enfants qui est de 900 $ débutant le 8 février 1996 sur une base provisoire temporaire en attendant les résultats des contre-interrogatoires.

Je propose que vous prépariez une requête sur consentement accompagnée d’un consentement annexé au projet de l’ordonnance sur consentement afin que je l’approuve. Je m’occuperai de la présentation de la requête sur consentement. Le plus tôt cette ordonnance sera produite et le plus tôt mon client pourra effectuer des versements au Régime des obligations alimentaires envers la famille.

[20] Le reçu écrit pour février 1996 a réellement été donné.

[21] L’intimée soutient que l’échange de lettres entre les avocats ne constitue pas un accord écrit au sens de l’alinéa 60b) de la Loi. L’avocat soutient qu’un “ accord écrit ” en vertu de cette disposition est une entente signée par les deux parties et ne peut équivaloir à un échange de lettres entre les avocats des parties.

[22] Au soutien de cette conclusion, il a cité un certain nombre d’affaires auxquelles je vais brièvement renvoyer.

[23] L’affaire Hodson v. The Queen, 88 DTC 6001, est une décision de la Cour d’appel fédérale qui a conclu qu’il devait y avoir un accord écrit ou une ordonnance judiciaire afin de soutenir une déduction en vertu de l’alinéa 60b). Je souscris à cette décision. C’est ce que la loi déclare.

[24] Dans l’affaire Kapel v. M.N.R., 79 DTC 199 à la page 200 (Commission de révision de l'impôt), le commissaire M. J. Bonner, tel était alors son titre (maintenant le juge Bonner) a déclaré en référence à un accord de séparation déposé sous la cote A-1 :

[TRADUCTION]

On remarquera que la pièce A-1 a été signée par l’appelant seulement. L’original signé du document a été remis par l’appelant à sa conjointe qui est partie immédiatement pour Toronto avec sa fille.

[...]

À mon avis, peu importe ce qui peut être nécessaire pour constituer un accord écrit de séparation au sens de l’alinéa 60b), la signature des deux parties à un accord constitue un seuil minimum irréductible. Cette conclusion, à mon avis, découle de la décision du juge Collier dans l’affaire William Edward Horkins v. Her Majesty the Queen, 76 DTC 6043. L’appelant a été obligé, en raison de l’absence de la signature de Mme Kapel, de se fonder sur sa conduite pour établir l’acceptation de la pièce A-1 qui ne peut être lue, en elle-même, comme une offre écrite. À la lumière de cette conclusion, il n’est pas nécessaire d’examiner les autres arguments avancés. Toutefois, je ferai remarquer que l’une des autres difficultés qui se trouvaient sur le chemin de l’appelant était l’omission de Mme Kapel d’accepter par écrit de vivre séparée de son conjoint.

[25] On fera remarquer que seule une partie a signé l’accord. Ce n’est pas la situation en l’espèce.

[26] La décision dans l’affaire Kapel a été citée et approuvée par le juge en chef adjoint Christie (tel était alors son titre) dans l’affaire Knapp v. M.N.R., 85 DTC 424. Dans cette affaire, il n’y avait rien qui pouvait être appelé un accord écrit signé par l’une ou l’autre des parties. L’appelant a soutenu que les chèques signés par le conjoint et les reçus signés par la conjointe constituaient un accord écrit. Un tel argument était de toute évidence voué à l’échec. Le mot “ accord ” indique à tout le moins une obligation contraignante.

[27] Le juge en chef adjoint Christie a cité une décision du juge Collier dans l’affaire Horkins v. the Queen, 76 DTC 6043 à la page 6046 :

L'avocat a prétendu que l'ensemble des faits suivants équivaut à une convention écrite de séparation en conformité de laquelle le demandeur était séparé et vivait séparé de sa femme et que les paiements en question ont été effectués en conformité d'une convention écrite :

a) les conjoints avaient convenu verbalement de vivre séparés l'un de l'autre;

b) leurs représentants ont échangé des projets écrits de convention de séparation et il y a eu échange de lettres directement entre les parties sur les mêmes questions. Ces documents et ces lettres, affirme-t-on, constituaient une confirmation écrite de la séparation et de la cessation de la cohabitation;

c) l'acceptation par la femme des chèques de pension alimentaire pour les mois en question et la référence faite en termes généraux aux paiements dans la lettre reproduite ci-dessus (pièce 5 jointe à l'exposé conjoint des faits).

À mon avis, on a beau chercher par tous les moyens à conclure en faveur du demandeur, il est impossible de décider que ces faits constituent une convention écrite ou une convention écrite de séparation (ou les deux). Ils ne répondent pas selon moi, aux exigences de l'alinéa 11(1)l).

[28] Le juge en chef adjoint Christie a également cité une autre décision de R.S.W. Fordham, c.r., de la Commission de révision de l'impôt dans l’affaire Kostiner v. M.N.R., 63 DTC 478 à la page 479 :

[TRADUCTION]

La Commission a conclu de façon constante que les documents écrits informels comme la correspondance et les notes échangées entre le conjoint et la conjointe et entre les avocats respectifs ne seront pas acceptables comme preuve du droit de déduire les paiements de la pension alimentaire du revenu imposable du contribuable. Le libellé de l’alinéa 11(1)l) est raisonnablement clair et signifie seulement ce qu’il veut dire. Il ne contient pas de référence à une quelconque correspondance ou à d’autres documents écrits informels.

[29] Je ne crois pas que M. Fordham pourrait avoir voulu dire qu’un échange de lettres entre les avocats des parties donnant lieu à une entente ayant force obligatoire ne pouvait constituer un accord écrit.

[30] L’avocat s’est appuyé dans une large mesure sur une décision du président de la Commission de révision de l'impôt, l’honorable Lucien Cardin, dans l’affaire Ardley v. M.N.R., 80 DTC 1106. Ce dernier a déclaré aux pages 1108 et 1109 :

[TRADUCTION]

Un examen de la preuve mène inévitablement à la conclusion que l’appelant, qui vivait séparé de sa conjointe, est parvenu à un certain accord avec sa conjointe séparée prévoyant qu’il lui paierait une indemnité mensuelle de 500 $.

L’engagement manuscrit de payer le montant mensuel signé par l’appelant, la reconnaissance par la conjointe de ce dernier du fait qu’ils avaient conclu ladite entente et du fait qu’elle avait bien reçu les paiements ne laissent aucun doute quant à l’existence d’un accord entre l’appelant et sa conjointe.

La preuve démontre également clairement que l’appelant et sa conjointe ont tenté d’officialiser leur accord. L’appelant avait retenu les services de la société d’avocats Goldberg, Shinder, et autres, et sa conjointe avait retenu ceux de Me Mary Jane Binks Rice. L’appelant et sa conjointe ont reçu et payé des relevés de compte de leurs avocats respectifs portant sur le travail accompli par les deux sociétés d’avocats relativement à l’accord proposé de séparation.

Le problème, tel que je l’envisage, n’est pas qu’un accord écrit de séparation signé par l’appelant et sa conjointe n’a pas été produit comme preuve, c’est que l’appelant a omis d’établir que l’accord proposé de séparation a jamais été signé.

[...]

Les cours et la Commission ont de façon uniforme conclu que l’accord écrit de séparation selon lequel des paiements de pension alimentaire sont versés à un conjoint séparé doit être signé par les deux parties dans le but d’être visé par les dispositions de l’alinéa 60b).

[31] Je n’ai bien entendu pas vu les documents qui se trouvaient devant l’honorable Lucien Cardin, mais en tout état de cause il ne s’agit pas de la situation dont je suis saisi en l’espèce.

[32] À la lumière de ces affaires, l’avocat affirme qu’un accord écrit doit a) être signé par les deux parties et doit b) constituer un seul document. En examinant cette question, un certain nombre de cas hypothétiques me viennent à l’esprit.

a) Un accord signé au nom des deux parties par leurs avocats respectifs pourrait-il constituer un accord écrit au sens de l’alinéa 60b)? Cela de toute évidence, à mon avis, pourrait être le cas. Les accords conclus par des représentants agissant à l’intérieur des limites de leur compétence lient les débiteurs. Il existe une importante jurisprudence portant sur la signification de [TRADUCTION] “ note ou mémorandum ” tel que cela est utilisé dans la loi relative aux preuves littérales (Statute of Frauds) au XVIIe siècle en Angleterre. Les affaires à cet égard sont peu utiles en l’espèce parce que dans la loi relative aux preuves littérales, à la fois en Angleterre et dans les provinces du Canada où cette loi survit, il apparaît également, à la suite de “ note ou mémorandum ”, les mots [TRADUCTION] “ signée par la partie devant acquitter le prix ou par son représentant dûment autorisé [...] ” (ou des mots à cet effet).

Il existe une certaine doctrine anglaise selon laquelle ce “ contrat écrit ” signifie qu’il est signé par les parties. Par exemple, le maître du rôle Jessel a déclaré dans Firmstone's Case, (1875) L.R. 20 Eq. 524 à la page 526 :

[TRADUCTION]

... “ dûment consigné par écrit ” signifie, je suppose, fait par une partie au contrat.

Il a répété cette opinion dans l’affaire Pooley v. Driver, (1877) Ch.D. 458.

Je ne crois pas que les expressions “ contrat écrit ” et “ accord écrit ” exigent l’apposition physique de la signature des parties. Lorsque les législateurs exigent qu’une entente écrite doive être signée par les parties, ils sont tout à fait en mesure de l’affirmer, comme dans la loi relative aux preuves littérales. La signature physique du contrat par les deux parties constitue évidemment la preuve de leur intention d’être liées, mais n’est pas une condition prévue à l’alinéa 60b) de la Loi de l’impôt sur le revenu.

La définition du terme “ écrit ” au paragraphe 35(1) de la Loi d’interprétation est la suivante :

“ écrit ” Mots pouvant être lus, quel que soit leur mode de présentation ou de reproduction, notamment impression, dactylographie, peinture, gravure, lithographie ou photographie. La présente définition s’applique à tout terme de sens analogue.

Cela inclurait à mon avis une transmission par télécopieur ou du courrier électronique. Le dernier du moins ne pourrait comporter une signature manuscrite.

Même si, contrairement à mon opinion, une signature était requise, les avocats des parties ont signé les lettres avec l’intention et l’effet de lier leur client respectif.

Il existe un examen très complet effectué par le juge Cattanach de la question de la signature des actes de procédure par un avocat qui a signé au nom du sous-ministre dans R. v. Fredericton Housing Ltd., 73 C.T.C. 160.

Dans l’affaire Morton v. Copeland, 16 C.B. 517, 24 L.J.C.P. 169, 139 E.R. 861 (1855), l’expression [TRADUCTION] “ consentement par écrit de l’auteur ou du propriétaire ” a été examinée. Le juge Maule, avec lequel les trois autres membres de la cour étaient d’accord, a déclaré aux pages 868 et 869 :

[TRADUCTION]

Ce que la loi exige est “ le consentement par écrit de l’auteur ou du propriétaire ”. Maintenant, il me semble qu’il s’agissait du consentement de l’auteur et qu’il était par écrit. La loi ne dit pas que le consentement doit être écrit par l’auteur ou signé par lui ou en fait par personne. Une objection a été soulevée à l’égard de ce document selon laquelle il n’a pas été écrit par l’auteur ni signé par lui. La loi ne fait qu’exiger que le consentement doit être son fait et qu’il doit être par écrit. L’un des objectifs de cette exigence est de toute évidence que les modalités du consentement peuvent aller au-delà de la possibilité de l’existence d’un doute ou d’un litige. Cet objectif est parfaitement atteint, que la signature soit de la main de la partie elle-même ou non. Cette exigence peut sous-tendre un autre objectif, à savoir celui de déterminer que le fait est celui de la partie, comme dans le cas d’un testament, et dans d’autres exemples mentionnés dans la loi relative aux preuves littérales, 29 Car. 2, ch. 3, où l’instrument doit expressément être signé par la partie qui fera l’objet de l’accusation. Dans ces cas, la signature de la partie sert à déterminer que l’écrit est celui de la partie qui sera liée. Dans certains des cas prévus par cette loi, la signature peut être celle de la partie elle-même ou celle d’un “ représentant y légalement autorisé par écrit ”, comme dans le cas des baux, art. 3; ou de “ une autre personne y légalement autorisée par lui ”, comme dans le cas des ententes, art. 4; ou par “ une autre personne en sa présence et agissant selon ses instructions expresses ”, comme dans le cas du legs d’un terrain, art. 5; ou “ en sa présence et selon ses instructions relatives au consentement ”, art. 6; ou par “ leurs représentants y légalement autorisés ”, comme dans le cas de la vente de marchandises, art. 17. La nécessité de la signature découle dans chaque cas de l’exigence expresse de la loi. La signature ne signifie pas nécessairement la rédaction du prénom et du nom de famille d’une personne, mais de toute marque qui détermine qu’il s’agit du fait de la partie. Je ne peux me rappeler un document qui doit selon la loi de notre pays être entièrement écrit par la personne qui doit être liée par lui, un document olographe. Dans la loi actuellement examinée, rien n’est dit à propos de la personne qui doit écrire le document, la loi semble simplement conçue de manière à exclure ce genre de doute et d’incertitude qui découle des circonstances entourant une chose qui n’est pas du tout attestée par écrit.

b) Supposons qu’un accord de séparation officiel a été préparé et qu’un exemplaire a été signé par un conjoint et l’autre signé par l’autre conjoint. Cela serait contraignant et à mon avis constitue un accord écrit. Les accords signés en exemplaires font partie de la vie commerciale.

c) Supposons qu’un conjoint prépare un accord et l’envoie à l’autre en disant : “ J’offre de régler nos différends matrimoniaux sur la base du présent accord ” et que l’autre conjoint lui répond par écrit “ J’accepte ”. Cela constitue à mon avis une entente ayant force obligatoire et cela est par écrit. Pourtant, la théorie de l’intimée est qu’il ne s’agit pas d’un accord écrit parce qu’elle ne comporte pas la signature des deux parties sur la même feuille de papier.

d) Supposons qu’un courriel est envoyé par un conjoint à l’autre offrant de régler le différend matrimonial, y compris les paiements de la pension alimentaire et que l’autre conjoint envoie un autre courriel qui dit “ J’accepte ”. Les problèmes de preuve mis de côté, cela est de toute évidence exécutoire et de même par écrit, même si aucune signature manuscrite n’est déposée en preuve. Si l’échange de courriels s’était fait entre les avocats des parties, le résultat aurait à mon avis été le même.

[33] Le droit sur ce point selon moi est correctement déclaré par le juge Reed de la Cour fédérale dans l’affaire Burgess v. The Queen (91 DTC 5076) à la page 5081 :

Pour ce qui est de la jurisprudence qui existe relativement à l'interprétation de l'alinéa 60b) et de son prédécesseur 11(1)l), on n'y fait pas toujours la distinction entre l'exigence d'un “ accord écrit ” et l'exigence d'“ un accord écrit de séparation ”. En fait d'interprétation de la loi, je pourrais accepter que, pour la première exigence, un accord écrit puisse être formé par suite d'un échange de lettres entre les avocats, tout comme les contrats se forment souvent au moyen d'un échange de lettres. Et, en l'espèce, on peut soutenir à tout le moins qu'un tel accord existait. Toutefois, il n'existe aucune documentation qui puisse étayer l'argument selon lequel “ un accord écrit de séparation ” existait. Ainsi donc, même si la première condition de l'alinéa 60b) a été remplie, la seconde ne l'est pas.

[34] Les mots “ accord écrit de séparation ” figuraient à l’alinéa 60b) pendant les années d’imposition au cours desquelles le juge Reed était saisi de la question. Ils n’y figurent plus.

[35] À mon avis, les lettres échangées entre les avocats constituent un accord écrit au sens de l’alinéa 60b). En conséquence, l’appelant a le droit de déduire les paiements de 900 $ versés pour les mois de février à décembre 1996 et s’élevant à 9 900 $. Les paiements pour les mois de février à juillet ont été effectués en vertu de cet accord écrit. La cotisation semble avoir été établie au motif que les paiements des mois d’août, de septembre et d’octobre ont été versés en vertu de l’ordonnance judiciaire du 25 septembre 1996, même si les paiements des mois d’août et de septembre ont été effectués avant le prononcé de l’ordonnance et qu’aucune mention du paragraphe 60.1(3) n’a été faite. Que cette hypothèse ait été vraie ou non, les paiements des mois d’août et de septembre ont été effectués en tout état de cause en vertu de l’accord écrit, ainsi que les paiements des mois de février à juillet. Les paiements pour les mois d’octobre, de novembre et de décembre ont été faits en vertu de l’ordonnance judiciaire.

[36] L’appel pour 1995 est rejeté. L’appel pour 1996 est admis, et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation au motif que l’appelant a le droit de déduire dans le calcul de son revenu pour 1996 en vertu de l’alinéa 60b) de la Loi de l’impôt sur le revenu les paiements de 900 $ par mois versés pour les mois de février à décembre 1996.

[37] L’appelant, ayant obtenu gain de cause dans une proportion supérieure à 50 p. 100, a droit à l’adjudication de ses dépens, s’il y en a, en conformité avec le tarif.

Signé à Ottawa, Canada, ce 4e jour d'août 2000.

“ D. G. H. Bowman ”

J.C.A.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 29e jour de janvier 2001.

Mario Lagacé, réviseur

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