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Date: 19980420

Dossier: 97-2404-IT-I

ENTRE :

MARC DROUIN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Guy Tremblay, C.C.I.

Point en litige

[1] Selon l’avis d’appel et la réponse à l’avis d’appel, il s’agit de savoir si l’appelant est bien fondé dans le calcul de son revenu de l’année d’imposition 1995 de réclamer un montant de 7 000 $ à titre de crédit d’impôt pour frais de scolarité à l’Institut ÉCO-Conseil de Strasbourg en France.

[2] Selon l’intimée, cet Institut n’est pas une université. Or, à la disposition 118.5(1)b), la Loi de l'impôt sur le revenu (la Loi) ne permet ce crédit qu’à une université située hors du Canada.

Fardeau de la preuve

[3] L'appelant a le fardeau de démontrer que la cotisation de l'intimée est mal fondée. Ce fardeau de la preuve découle de plusieurs décisions judiciaires dont un jugement de la Cour suprême du Canada rendu dans l'affaire Johnston c. Le ministre du Revenu national[1].

[4] Dans le même jugement, la Cour a décidé que les faits assumés par l'intimée pour appuyer les cotisations ou nouvelles cotisations sont également présumés vrais jusqu'à preuve du contraire. Dans la présente cause, les faits présumés par l'intimée sont décrits aux alinéas a. à d. du paragraphe 4 de la Réponse à l'avis d'appel. Ce paragraphe se lit comme suit :

4. Pour établir cette nouvelle cotisation, pour l’année d’imposition 1995, le Ministre a tenu notamment pour acquis les faits suivants :

a. l’appelant a soumis un certificat de frais de scolarité signé par un officier d’une école étrangère du nom de l’Institut ÉCO-Conseil de Strasbourg en France, au montant de 7 000 $; [admis]

b. au cours de l’année d’imposition 1995, l’appelant a suivi des cours à une école étrangère; [admis]

c. l’Institut ÉCO-Conseil de Strasbourg en France n’est pas une université située à l’étranger; [nié]

d. l’appelant n’a pas droit en conséquence, pour l’année d’imposition 1995, aux frais de scolarité au montant de 7 000 $, provenant de l’Institut ÉCO-Conseil dans le calcul des crédits d’impôt non remboursables. [nié]

Preuve des faits

[5] L’appelant témoigne qu’en plus d’étudier à l’Institut ÉCO-Conseil de Strasbourg en France, il a aussi étudié à l’École nationale supérieure des arts et industries de Strasbourg (ENSAIS). Cette école forme des ingénieurs et des architectes. L’appelant s’est mérité le « Mastère Éco-Conseiller, analyse et gestion de l’environnement » à la session de 1995 (pièce A-2).

[6] Ce Mastère est signé par le président de l’Institut ÉCO-Conseil, M. Jean-Pierre Massue, et par le directeur de l’ENSAIS, M. André Colson.

[7] L’appelant confirme ce qu’il avait émis dans son avis d’appel :

• Une institution d’enseignement postsecondaire étrangère qui est reconnue aux fins du programme de prêts et bourses du ministère de l’Éducation du Québec devrait être reconnue par Revenu Canada pour fins de crédits d’impôt pour frais de scolarité.

• La Direction générale de l’aide financière aux étudiants du ministère de l’Éducation du Québec a reconnu l’institution étrangère fréquentée soit, l’Institut pour le Conseil en environnement de Strasbourg, en 1994. Elle lui a attribué un numéro d’institution aux fins de son programme de prêts et bourses soit, 08686-A.

• Le programme suivi à l’étranger est reconnu aux fins d’équivalences par le directeur du programme de la maîtrise en sciences de l’environnement de l’Université du Québec à Montréal (UQAM).

[8] L’intimée soutient que les deux écoles où l’appelant a étudié en France et obtenu son mastère ne sont pas considérées comme étant des universités situées à l’étranger au sens de l’alinéa 118.5(1)b) de la loi. Elle s’est référée à l’annexe VIII du Règlement de l’impôt sur le revenu.

[9] Selon l’intimée, pour être considérées comme telles au sens de ces dispositions, ces institutions d’enseignement doivent avoir été acceptées à ce titre par Revenu Canada (art. 3503 du Règlement de l’impôt sur le revenu) :

3503. Pour l’application du sous-alinéa 110.1(1)a)(vi) et de l’alinéa f) de la définition de « total des dons de bienfaisance » au paragraphe 118.1(1) de la Loi, les universités situées à l’étranger qui comptent d’ordinaire, parmi leurs étudiants, des étudiants venant du Canada sont celles qui sont visées à l’annexe VIII.

Annexe VIII

3. Les universités situées en France qui sont prescrites par l’article 3503 sont les suivantes :

American University in Paris, Paris.

École Nationale des Ponts et Chaussées, Paris.

École Supérieure de Commerce de Paris, Paris.

Hautes Études Commerciales, Paris.

Les Facultés Catholiques de Lille, Lille.

Les Facultés Catholiques de Lyon, Lyon.

L’Institut Catholique de Paris, Paris.

L’Institut Européen d’Administration des Affaires

(INSEAD), Fontainebleau.

L’Université d’Aix-Marseille, Aix-en-Provence.

L’Université de Paris, Paris.

[10] Ainsi, il appert donc que la liste des institutions ou écoles qui apparaît à l’annexe VIII du Règlement de l’impôt sur le revenu concerne l’application du sous-alinéa 110.1(1)a)(vi) et de l’alinéa f) relativement aux dons de bienfaisance. Il n’y a rien dans la Loi et le Règlement de l’impôt sur le revenu stipulant que la liste de l’annexe VIII du Règlement s’applique à l’alinéa 118.5(1)b).

[11] Par ailleurs, le bulletin d’interprétation IT-516R2 du 9 décembre 1996 qui n’a pas force de loi fait la lumière sur l’application de l’alinéa 118.5(1)b) de la Loi. Il se lit comme suit :

Établissements d’enseignement situés à l’extérieur du Canada

5. Les alinéas 118.5(1)b) et 118.5(1)c) décrivent les types d’établissements d’enseignement situés à l’étranger et dont les frais donnent droit au crédit d’impôt pour frais de scolarité. Con-formément à l’alinéa 118.5(1)b), l’étudiant doit fréquenter à temps plein « ... une université située à l’étranger, où il suit des cours conduisant à un diplôme ... » . Un établissement d’enseigne-ment situé dans un autre pays que le Canada est réputé être admissible en vertu de l’alinéa 118.5(1)b) s’il est reconnu, par un organisme d’accréditation reconnu dans ce pays, comme un éta-blissement d’enseignement offrant des cours menant au moins à l’obtention d’un baccalauréat ou d’un diplôme de niveau équivalent (voir le point 9a) ci-dessous). Ainsi, un établissement figurant dans l’édition courante du document intitulé Accredited Institutions of Postsecondary Education publié par l’American Council on Education et indiqué, dans cette publication, comme étant un établissement offrant des cours menant à l’obtention d’un diplôme de niveau B (baccalauréat ou équivalent), de niveau M (maîtrise ou l’équivalent), de niveau D (doctorat) ou de niveau P (premier diplôme professionnel, notamment J.S.D., M.D. ou M.Div.) est considéré comme une université admissible en vertu de l’alinéa 118.5(1)b). Un établissement figurant à l’annexe VIII du Règlement de l’impôt sur le revenu est également considéré comme un établissement respectant les exigences de l’alinéa 118.5(1)b).

[12] Ainsi, une école ou institution citée à la liste de l’annexe VIII est considérée comme un établissement respectant les exigences de l’alinéa 118.5(1)b) mais ce n’est pas le seul critère. Ainsi, le paragraphe 9 du même bulletin se lit comme suit :

9. Un étudiant qui est inscrit à un établissement d’enseignement situé à l’étranger, tel qu’il est décrit à l’alinéa 118.5(1)b) ou c), peut demander un crédit d’impôt pour frais de scolarité à l’égard des frais de scolarité payés à cet établissement pour l’année, sous réserve des conditions et des limites suivantes :

a) Conformément à l’alinéa 118.5(1)b), un étudiant qui, durant l’année, fréquente à temps plein (voir les numéros 10 à 12 ci-dessous) une université située à l’étranger, où il poursuit des études en vue d’obtenir au moins un baccalauréat ou un diplôme de niveau équivalent, peut demander un crédit d’impôt pour frais de scolarité à l’égard des frais de scolarité payés pour l’année à cette université, à condition que les frais aient été payés pour un cours d’une durée d’au moins 13 semaines consé-cutives (voir le numéro 24 ci-dessous). Toutefois, les frais de scolarité ne sont pas admissibles aux fins de l’alinéa 118.5(1)b) dans les cas suivants :

• les frais payés par l’employeur de l’étudiant, pour le compte de ce dernier, et qui ne sont pas inclus dans la déclaration de revenus de l’étudiant;

• les frais payés pour le compte de l’étudiant, par l’employeur de son père ou de sa mère, et qui ne sont pas inclus dans le revenu du père ou de la mère en vertu du sous-alinéa 6(1)b)(ix).

[13] Relativement à la valeur des cours, l’appelant a produit une lettre de M. Patrick Béron, directeur, Maîtrise en sciences de l’environnement à l’Université du Québec à Montréal. La lettre du 28 mars 1994 est adressée à l’appelant et se lit comme suit :

Monsieur,

Suite à votre intention d’aller étudier durant environ un an à l’Institut pour le Conseil en environnement à Strasbourg (France), je vous confirme que la formation dispensée par cet Institut, d’après la documentation que j’ai pu consulter, satisfait aux exigences de la Maîtrise en sciences de l’environnement. Le contenu pédagogique des différents modules trouve son équivalent dans la formation que nous dispensons et je n’aurai aucune difficulté, lors de votre retour, à vous reconnaître cette formation dans le cadre de votre maîtrise.

[14] L’appelant a obtenu un « Mastere Éco-Conseiller, Analyse et Gestion de l’Environnement » . Ce document « équivaut au moins à un baccalauréat » (Bulletin d’interprétation IT-516R2, par. 9, alinéa a) cité ci-dessus au paragraphe [12]). Lorsque la Loi est ambiguë, la Cour peut prendre en considération une opinion verbale ou écrite émanant de l’intimée (Bulletin d’interprétation) pour appuyer sa décision[2].

[15] Il est vrai que les institutions où a étudié l’appelant ne portent pas le nom de « université » . Plus de 40 p. cent des institutions américaines listées à l’annexe VIII du Règlement sont des « colleges » et des « schools » .

[16] Il n’y a rien dans la Loi et Le Règlement de l’impôt sur le revenu stipulant que seule la liste des institutions de l’annexe VIII constitue le critère pour l’application de l’alinéa 118.5(1)b).

[17] La Cour est d’avis que la preuve est prépondérante en faveur de la thèse soutenue par l’appelant.

Conclusion

[18] L’appel est admis, avec frais, et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation.

Signé à Québec (Québec) ce 20 avril 1998.

« Guy Tremblay »

J.C.C.I.



[1] [1948] R.C.S. 486, 3 DTC 1182, [1948] C.T.C. 195.

[2] J. Camille Harel v. Deputy Minister of Revenue of the Province of Quebec,

1977 DTC 5438 (Cour suprême du Canada).

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