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Date: 19980807

Dossier: 95-1591-IT-G

ENTRE :

F.A.S. SEAFOOD PRODUCERS LTD.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

LE JUGE BOWIE, C.C.I.

[1] La question soulevée par cet appel est de savoir si les sommes dépensées par la compagnie appelante durant son année d'imposition 1992 pour l'achat de deux permis de pêche doivent être considérées comme des dépenses d'exploitation ou comme des dépenses en capital.

Faits

[2] M. Robert Fraumeni est le président et le seul actionnaire de la compagnie appelante. Il oeuvre dans le domaine de la pêche depuis plus de 20 ans. L'appelante a été constituée en 1984 et compte actuellement environ 50 employés. Son entreprise consiste à prendre et à vendre du poisson sur la côte Ouest du Canada. Au fil des ans, M. Fraumeni a, soit à titre personnel ou par l'intermédiaire de sa compagnie, acheté et vendu à un certain nombre d'occasions des bateaux de pêche ainsi que des permis de pêche. Les achats auxquels se rapporte cet appel ont été effectués le 30 juin 1992.

[3] À cette date-là, l'appelante a conclu avec Ocean Triumph Seafood Products Ltd. ( « OTSP » ) et John Gordon Sanderson une convention en vertu de laquelle elle achetait à OTSP le bateau Ocean Tribune, ainsi que deux permis de pêche, soit un permis de catégorie C et un permis de catégorie ZN. Le prix d'achat des deux permis indiqué dans la convention était de 150 000 $. D'après M. Fraumeni — mais il n'était pas certain —, ce montant représentait 50 000 $ pour le permis de catégorie C et 100 000 $ pour le permis de catégorie ZN. Par cette même convention, l'appelante achetait à M. Sanderson quatre permis à un prix total de 1 009 000 $.

[4] L'exercice de l'appelante se termine chaque année le 30 juin. Dans sa déclaration de revenus pour l'année 1992, l'appelante avait d'abord traité l'acquisition des permis de OTSP comme correspondant à une dépense en capital. Elle avait indiqué ces permis du côté de l'actif sur son bilan, dans la catégorie « permis » figurant sous la rubrique « autres actifs » . Environ deux semaines plus tard, elle a produit une déclaration modifiée fondée sur des états financiers révisés pour l'année. Aucun élément d'actif appelé « permis » ne figure dans ces états révisés. L'état des résultats révisé impute aux dépenses d'exploitation un montant de 159 050 $ décrit comme afférent à des « permis » . Les parties reconnaissent que, sur ce montant, 150 000 $ représentent le prix d'acquisition des permis de OTSP. La preuve n'explique pas la disparition du reste du montant indiqué sur le premier bilan comme correspondant à un élément d'actif appelé « permis » . Toutefois, la nouvelle cotisation du ministre, qui fait l'objet de l'appel en l'espèce, ne faisait rien de plus que de refuser la déduction de frais de permis de 150 000 $, soit le montant attribuable au prix d'acquisition des permis de OTSP. Comme je l'ai dit précédemment, la seule question dont je sois saisi est de savoir si l'appelante était en droit de traiter ces acquisitions comme correspondant à des dépenses d'exploitation ou s'il faut les considérer comme représentant des dépenses en capital. S'il s'agit de dépenses en capital, ce sont des dépenses en capital admissibles au sens du paragraphe 14(5) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ).

[5] Au Canada, la pêche commerciale est réglementée de façon stricte et ne peut se faire qu'avec un permis. L'article 7 de la Loi sur les pêches[1] accorde au ministre des Pêches et des Océans (le « ministre » ) de très vastes pouvoirs discrétionnaires en matière de délivrance de permis de pêche. Ces pouvoirs sont exercés au niveau local par des fonctionnaires du ministère des Pêches et des Océans (MPO). Chacune des parties a appelé un fonctionnaire d'expérience du MPO pour qu'il témoigne sur les pratiques en matière d'octroi de permis. Les faits suivants concernant le fonctionnement du régime d'octroi de permis se dégagent de leurs témoignages et de celui de Robert Fraumeni.

[6] Initialement, il y avait relativement peu de types de permis de pêche, mais, au fil des ans, le système est devenu beaucoup plus complexe, de sorte qu'il y a maintenant 15 ou 20 types différents de permis qui sont délivrés. Chaque type de permis autorise la pêche d'une ou plusieurs espèces de poissons. Les permis de catégorie C sont pour les bateaux et permettent de pêcher de la morue-lingue et certaines autres espèces de poissons de fond. Les permis de catégorie ZN sont délivrés aux particuliers pour la pêche du sébaste. Les permis peuvent être assortis d'un grand nombre de restrictions destinées à réglementer notamment où l'on peut pêcher, la longueur du bateau pouvant être utilisé, le type de matériel pouvant être employé et la quantité de poissons pouvant être prise. Pour chaque espèce, la pêche est limitée à des saisons déterminées. Le régime réglementaire a principalement pour objet d'assurer la viabilité des pêcheries, si bien que les restrictions sont devenues plus lourdes avec le temps.

[7] En 1992, lorsque l'appelante a acquis les permis donnant lieu à cet appel, il était pratiquement impossible d'obtenir de nouveaux permis du MPO, du moins pour ce qui est des deux types de permis ici en cause. Les personnes qui voulaient se lancer dans la pêche ou élargir leurs activités en obtenant l'augmentation de leurs prises admissibles ne pouvaient le faire qu'en acquérant de quelqu'un d'autre un permis existant. En théorie, les permis sont délivrés pour une période d'un an, moyennant le paiement de droits annuels relativement peu élevés. En pratique, toutefois, le MPO accorde le renouvellement des permis année après année aux personnes qui les détenaient l'année précédente. Pourvu qu'une demande de renouvellement soit présentée en temps voulu et que le détenteur du permis ne soit pas l'objet de sanctions pour ne s'être pas conformé à toutes les conditions du permis, il y a en temps normal de fortes chances que le permis soit renouvelé pour une année. Ce n'est toutefois pas une certitude absolue, et M. Fraumeni a mentionné un cas dans lequel le renouvellement avait été refusé à l'égard d'un permis qui n'avait pas été utilisé l'année précédente. Cependant, la très forte probabilité d'un renouvellement est confirmée par le fait que des hommes d'affaires d'expérience comme M. Fraumeni sont disposés à payer des sommes très importantes pour obtenir le droit d'être la personne qui demande le renouvellement d'un permis.

[8] Pour des raisons qui n'ont pas été précisées dans la preuve, le MPO considère que certaines catégories de permis sont transférables et que d'autres ne le sont pas. Certains permis se rattachent à un bateau donné, tandis que d'autres sont des permis personnels, c'est-à-dire propres à leur détenteur. S'il s'agit d'un permis personnel et transférable, le MPO considérera l'acquéreur de ce permis comme la personne qui est en droit d'en demander le renouvellement et traitera la demande de la même façon qu'il le ferait dans le cas d'une demande présentée par le détenteur initial du permis. S'il s'agit d'un permis transférable mais rattaché à un bateau, il faut alors soit acheter, avec le permis, le bateau auquel ce permis se rattache, soit demander au MPO de transférer le permis de ce bateau à un autre bateau, de même taille, appartenant à l'acquéreur du permis. Si le permis n'est pas considéré comme transférable par le MPO, ce qui est le cas des permis de catégorie ZN, l'usage est le suivant : le vendeur détient le permis en fiducie pour l'acheteur et s'engage à le renouveler au profit de l'acheteur d'année en année et à le transférer à l'acheteur s'il devient transférable à un moment donné. Comme l'a fait remarquer M. Fraumeni dans son témoignage, de telles ententes peuvent donner lieu à des difficultés d'exécution dans le cas du décès du vendeur, même s'il est stipulé que les héritiers du vendeur sont liés par l'entente. Dans au moins une décision publiée[2], le MPO a, au moment du renouvellement, accordé la préférence à l'héritier du détenteur décédé plutôt qu'à l'acheteur, et la Cour suprême de la Colombie-Britannique a refusé de faire respecter les droits de l'acheteur. Néanmoins, comme on peut le voir en l'espèce, ce genre d'achats se font effectivement et à des prix bien supérieurs aux droits de renouvellement annuels.

[9] M. Fraumeni a témoigné que la valeur des permis de pêche est extrêmement volatile, le prix tenant à la loi de l'offre et de la demande. La valeur du poisson qu'un acheteur peut s'attendre à prendre dans l'avenir grâce au permis doit inévitablement influer sur le prix que l'acheteur est disposé à payer. La volatilité de la valeur des permis résulte de l'incertitude quant aux prises futures, qui elle-même résulte de la perspective de restrictions réglementaires accrues visant à empêcher l'épuisement des stocks de poissons.

Le cadre législatif

[10] En vertu des alinéas 18(1)a) et b) de la Loi, seules les dépenses engagées ou effectuées en vue de tirer un revenu d'une entreprise ou d'un bien peuvent être déduites. Une dépense en capital ne peut être déduite que dans la mesure où le règlement prévoit une déduction pour amortissement ou pour autant que l'alinéa 20(1)b) prévoit une déduction au titre des dépenses en immobilisations admissibles. Ces dispositions se lisent comme suit :

18(1) Dans le calcul du revenu du contribuable tiré d'une entreprise ou d'un bien, les éléments suivants ne sont pas déductibles :

a) les dépenses, sauf dans la mesure où elles ont été engagées ou effectuées par le contribuable en vue de tirer un revenu de l'entreprise ou du bien;

b) une dépense en capital, une perte en capital ou un remplacement de capital, un paiement à titre de capital ou une provision pour amortissement, désuétude ou épuisement, sauf ce qui est expressément permis par la présente partie [...]

20(1) Malgré les alinéas 18(1)a), b) et h), sont déductibles dans le calcul du revenu tiré par un contribuable d'une entreprise ou d'un bien pour une année d'imposition celles des sommes suivantes qui se rapportent entièrement à cette source de revenus ou la partie des sommes suivantes qu'il est raisonnable de considérer comme s'y rapportant :

[...]

b) la somme qu'un contribuable peut déduire au titre d'une entreprise, mais ne dépassant pas les 7 % du montant cumulatif des immobilisations admissibles au titre de l'entreprise à la fin de l'année.

Principes

[11] La ligne de démarcation entre les dépenses courantes et les dépenses en capital est ténue. Si l'on s'entend sur une chose, c'est sur le fait qu'il n'y a aucune règle simple qu'on peut appliquer pour distinguer un type de dépense de l'autre. La dernière fois que la Cour suprême du Canada s'est penchée sur cette question c'est dans l'affaire Johns-Manville[3]. Après avoir passé en revue la jurisprudence anglaise, australienne et américaine dans ce domaine, le juge Estey a dit au nom de la cour, qui se prononçait à l'unanimité, à la page 65 :

Après cette analyse de la jurisprudence, on peut constater que les principes énoncés par les tribunaux et les explications apportées quant à l'application de ces principes ne sont pas très utiles lorsqu'il est nécessaire, comme en l'espèce, d'appliquer ces principes à un ensemble précis de faits quelque peu inhabituels.

Néanmoins, une certaine orientation se dégage de la jurisprudence. Dans l'affaire Sun Newspapers[4], le juge Dixon (titre qu'il portait alors) a mentionné trois facteurs à prendre en considération :

[TRADUCTION]

[...] a) la nature de l'avantage recherché (son caractère permanent peut alors entrer en ligne de compte), b) son utilisation, son importance ou la façon d'en jouir (comme pour le critère précédent, la fréquence de l'emploi peut représenter un élément à considérer) et c) les moyens adoptés pour l'obtenir; par exemple, des compensations ou des débours ont-ils été effectués périodiquement en contrepartie de l'utilisation ou de la jouissance et pour une durée proportionnée au paiement? Ou encore, existe-t-il une clause définitive pour en garantir à l'avenir l'utilisation ou la jouissance, ou un paiement final à cet effet?

Quelques années plus tard, il a dit, dans l'affaire Hallstroms Pty. Ltd. v. Federal Commissioner of Taxation[5], que la réponse à la question :

[TRADUCTION]

[...] dépend de l'effet envisagé de la dépense d'un point de vue pratique et commercial plutôt que de la classification juridique des droits, s'il en est, garantis, employés ou épuisés en cours de route.

Dans l'affaire Commissioner of Taxes v. Nchanga Consolidated Copper Mines[6], le vicomte Radcliffe a fait remarquer qu'il était nécessaire d'établir une distinction entre le coût de création ou d'élargissement de la structure permanente productive d'un revenu d'une part et le coût de production de ce revenu d'autre part.

[12] Dans l'affaire British Columbia Electric Railway Limited v. M.N.R.[7], le juge Abbott a expliqué la distinction comme suit :

[TRADUCTION]

Une fois qu'il est établi qu'une dépense donnée a été effectuée pour gagner un revenu, il faut, aux fins du calcul de l'obligation fiscale, déterminer ensuite si cette dépense représente une dépense d'exploitation ou une dépense en capital. Le principe qui sous-tend une telle distinction est évidemment celui selon lequel, comme le revenu est déterminé sur une base annuelle aux fins de l'impôt, une dépense d'exploitation est une dépense engagée pour gagner le revenu de l'année dans laquelle cette dépense a été engagée et doit pouvoir être déduite du revenu brut pour cette année-là. La plupart des dépenses en capital, par contre, peuvent être amorties sur un certain nombre d'années, selon que l'élément d'actif à l'égard duquel la dépense a été effectuée relève ou non du règlement en matière de déduction pour amortissement pris en vertu de l'alinéa 11(1)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu.

[...]

Les principes généraux à appliquer pour déterminer si une dépense qui serait admissible en vertu de l'alinéa (12)(1)a) est une dépense en capital sont maintenant plutôt bien établis. Appliquant le principe énoncé par le vicomte Cave dans l'affaire British Insulated and Helsby Cables, Limited v. Atherton, le juge Kerwin (titre qu'il portait alors) a fait remarquer dans l'arrêt Montreal Light, Heat & Power Consolidated v. M.N.R. que, pour déterminer si une dépense est une dépense en capital, le critère habituel consiste à se demander si elle a été effectuée « en vue de produire un avantage pour le bénéfice durable de l'entreprise de la partie appelante » . (Notes de bas de page omises.)

Le passage tiré de l'arrêt Johns-Manville que j'ai cité plus haut reprend en grande partie le point de vue que le juge en chef Fauteux a exprimé dans l'affaire M.N.R. v. Algoma Central Railway[8],où il a fait siens les propos de lord Pearce[9] selon lesquels on doit, dans chaque cas, chercher la réponse dans une appréciation saine de toutes les circonstances plutôt que dans l'application d'un critère rigide.

Analyse

[13] Les circonstances de la présente espèce m'amènent à conclure que la dépense effectuée pour obtenir les droits relatifs aux deux permis de pêche achetés par l'appelante doit être considérée comme une dépense en capital. Deux de ces circonstances ont une importance primordiale.

[14] Premièrement, les permis sont des éléments de base nécessaires pour une entreprise de pêche, tout comme le bateau et les filets ou d'autres articles d'équipement. Une personne désireuse de se lancer dans la pêche se retrouve immédiatement face à une situation aberrante : bien que les droits annuels de permis soient relativement peu élevés — ils varient entre un maximum de 2 000 $ pour un permis de pêche au hareng rogué et aux oeufs de hareng sur varech et un minimum de 10 $ pour un certain nombre de catégories différentes de permis —, il est, mis à part quelques exceptions mineures, impossible d'obtenir un permis, si ce n'est en décaissant d'un coup une somme très importante pour acheter un permis existant.

[15] Deuxièmement, la réalité commerciale est que l'appelante a conclu les opérations avec OTSP et M. Sanderson non seulement pour pouvoir exploiter à court terme les permis, mais aussi pour acquérir l'expectative d'une longue série de renouvellements dans l'avenir. C'est la perspective d'obtenir cette série de renouvellements qui constitue un actif de caractère durable et qui a incité l'appelante à payer 150 000 $ pour les deux permis. Ce montant contraste vivement avec les droits annuels de 10 $ dans le cas du permis de catégorie C et de 50 $ dans le cas du permis de catégorie ZN payables au MPO pour le renouvellement. Ces deux montants représentent évidemment des dépenses directement attribuables aux prises de l'année.

[16] Le fait que la valeur de réalisation de ces permis puisse connaître des variations considérables ne pèse pas lourd, à mon avis, dans l'examen du caractère de ces éléments d'actif. On peut s'attendre à ce que la valeur d'un bon nombre d'immobilisations appartenant à des entreprises fluctue grandement de temps à autre. Le cas le plus évident est peut-être celui d'un titre de participation dans une entreprise en exploitation, titre dont la valeur peut être vraiment très erratique; cela ne veut pas dire toutefois que son acquisition doit être imputée aux charges d'exploitation.

[17] Dans son argumentation, l'avocat de l'appelante a invoqué la décision rendue par notre cour dans l'affaire Buston v. The Queen[10], ainsi que la décision du juge Cattanach dans l'affaire Williams Brothers Canada Ltd. v. M.N.R.[11] et celle du juge en chef adjoint Thurlow dans l'affaire Oxford Shopping Centres Ltd. c. La Reine[12]. Aucun de ces jugements n'est selon moi déterminant en l'espèce. L'affaire Buston a une ressemblance superficielle avec la présente espèce en ce sens que, dans cette affaire-là, l'appelant avait conclu trois contrats de louage à long terme portant sur le droit d'utiliser des permis de pêche au hareng rogué. Il avait payé en tout 46 000 $ pour les trois permis et avait témoigné qu'il espérait en tirer un avantage pendant au moins deux ou trois ans. Toutefois, il ne semble pas que, dans cette affaire-là, on ait présenté à la Cour la même preuve qu'en l'espèce quant à la forte probabilité du renouvellement des permis pour les années à venir.

[18] Le paiement d'environ 230 000 $ en cause dans l'affaire Williams Brothers avait été fait par le contribuable pour obtenir d'une autre compagnie la cession de son intérêt dans un contrat de construction d'un pipeline. En accueillant l'appel que le contribuable avait interjeté contre une cotisation dans laquelle ce montant était assimilée à une dépense en capital, le juge Cattanach a fait remarquer que l'appelante réalisait ses bénéfices en posant des canalisations et que, pour ce faire, elle devait d'abord obtenir le travail, puis l'accomplir. La dépense en question avait été effectuée pour obtenir un travail particulier, qui a été achevé au cours de l'exercice. Contrairement à ce qu'il en est en l'espèce, l'appelante n'avait obtenu aucun avantage de caractère durable par suite du paiement.

[19] Le paiement en cause dans l'affaire Oxford Shopping Centresavait été fait par l'appelante à la ville de Calgary en vertu d'une convention aux termes de laquelle la ville consentait à construire un échangeur et à apporter certaines autres améliorations touchant l'accès au centre commercial de l'appelante, en échange de quoi l'appelante a payé à la ville 490 050 $. Il a été statué que ce paiement représentait un apport à l'acquittement du coût, pour la ville, des améliorations routières, lesquelles, a conclu le juge en chef adjoint Thurlow, étaient nécessaires pour décongestionner les alentours du centre commercial de l'appelante, de manière à rendre celui-ci plus attrayant pour le consommateur. Le juge en chef adjoint Thurlow a dit que ce n'était là que :

[...] l'un des nombreux besoins qui surgissent lorsqu'on fait marcher une entreprise et qui, pour que celle-ci réussisse, doivent être comblés à même ses revenus.[13]

On ne peut en dire autant du prix d'achat des permis de pêche en l'espèce, qui a été payé pour permettre à l'appelante d'élargir ses activités.

[20] Un jugement plus utile est celui que le juge Cattanach a rendu dans l'affaire Metropolitan Taxi Ltd. v. M.N.R.[14] Dans cette affaire-là, l'appelante avait payé 104 000 $ pour les taxis d'un concurrent et pour les permis de taxi y afférents. Sur ce prix, elle avait attribué 72 000 $ à l'acquisition des permis. Ces permis devaient expirer dans le mois suivant la date d'achat, mais il a été statué que la dépense était une dépense en capital. Tout comme dans la présente affaire, la preuve présentée dans cette affaire-là établissait qu'il n'existait qu'un nombre limité de permis, que l'organe de réglementation ne délivrait pas de nouveaux permis et que le renouvellement de permis existants était, en l'absence d'une inconduite quelconque de la part du détenteur du permis, une quasi-certitude, même si ce n'était pas, du point de vue juridique, un droit.

[21] Comme l'ont reconnu la Cour suprême du Canada, le Conseil privé et la Haute Cour de l'Australie, le juge de première instance doit dans chaque cas se faire une opinion quant à savoir de quel côté faire pencher la balance, en gardant présent à l'esprit les principes dont j'ai parlé plus haut. Les circonstances de la présente affaire et une appréciation saine de ce que l'appelante visait à accomplir d'un point de vue pratique et commercial m'amènent à conclure que les sommes payées par l'appelante pour les permis doivent être considérées comme une dépense en capital et que c'est en faveur de cette hypothèse qu'il faut faire pencher la balance.

[22] L'appel est rejeté, avec frais.

Signé à Ottawa, Canada, ce 7e jour d'août 1998.

« E. A. Bowie »

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 22e jour de mars 1999.

Erich Klein, réviseur



[1] L. R., ch. F-14.

[2] Smith v. Humchitt Estate (1990), 48 B.C.L.R. (2d) 361.

[3] Johns-Manville Canada c. La Reine, [1985] 2 R.C.S. 46.

[4] Sun Newspapers Limited v. Federal Commissioner of Taxation (1938), 61 C.L.R. 337, à la p. 363.

[5] (1946), 72 C.L.R. 634, à la p. 648.

[6] [1964] A.C. 948, à la p. 960.

[7] [1958] R.C.S. 133.

[8] [1968] R.C.S. 447, à la p. 449.

[9] B.P. Australia Ltd. v. Commissioner of Taxation, [1966] A.C. 224.

[10] 93 DTC 1048.

[11] [1962] R.C. de l'É. 375.

[12] [1980] 2 C.F. 89; conf. par [1982] 1 C.F. 97.

[13] À la page 103.

[14] [1967] 2 R.C. de l'É. 32.

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