Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 19980430

Dossier: 97-1193-UI

ENTRE :

CHECKMATE CABS LIMITED,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

JENNIFER SANTO,

intervenante.

Motifs du jugement

Le juge Beaubier, C.C.I.

[1] L'appel en l'instance a été entendu à Kelowna (Colombie-Britannique), le 20 avril 1998. L'appelante a appelé à témoigner Lloyd Zudel, son président, Paul Bulmer, un chauffeur, et Ken Lowry, un propriétaire. L'intimé n'a appelé aucun témoin. L'appelante ( « C.C. » ) a interjeté appel d'une décision rendue le 20 mars 1997, selon laquelle, sous le régime de la Loi sur l'assurance-chômage, elle [TRADUCTION] « est réputée être l'employeur » , pour les années civiles 1995 et 1996, de « chauffeurs » qui n'étaient pas propriétaires des taxis dont l'appelante se chargeait de faire la répartition, mais qui les conduisaient.

[2] Selon la preuve, C.C. est propriétaire d'une mini-fourgonnette pour personnes handicapées et elle s'occupe de la répartition de douze taxis qui sont la propriété de personnes et de sociétés à Kelowna (Colombie-Britannique), et c'est ce qu'elle faisait également en 1995 et en 1996. Les propriétaires conduisent leur propre taxi pendant un quart de travail de 12 heures, tous les jours. Pendant l'autre quart de 12 heures, les propriétaires louent leur taxi 60 $ à des chauffeurs qui doivent faire le plein à la fin du quart de travail. Ce sont ces chauffeurs qui sont réputés être les employés de C.C.

[3] Les propriétaires et les chauffeurs utilisent la mini-fourgonnette de C.C. pour répondre aux appels des clients handicapés. À cette fin, ils stationnent leur taxi, conduisent la mini-fourgonnette à l'endroit requis, la ramènent et reprennent leur taxi.

[4] Les propriétaires concluent avec C.C. des contrats relatifs à la répartition, au zonage et à d'autres services moyennant 360 $ par semaine. Tous les chiffres sont ceux de 1998; en 1995 et en 1996, ils étaient légèrement plus bas, mais les autres modalités étaient identiques. C.C. tenait une liste d'environ 100 chauffeurs qualifiés, détenteurs de permis leur permettant de conduire des taxis pour les propriétaires. La liste avait été dressée par C.C., qui avait choisi parmi des candidats approuvés. Cependant, les propriétaires concluaient individuellement des contrats avec chaque chauffeur. Ces derniers et les propriétaires se conformaient de façon générale à une série de normes ([TRADUCTION] « Guide des politiques et des procédures » , pièce R-1) élaborées et rédigées par C.C. En droit et en pratique, C.C. ne pouvait faire respecter ces normes que par les propriétaires, en annulant son contrat de répartition. En droit et en pratique, chaque propriétaire traitait individuellement avec chaque chauffeur avec qui il avait conclu un contrat. Selon la preuve, chaque propriétaire concluait un contrat avec un chauffeur pour chaque quart de travail. Par conséquent, si le travail du chauffeur n'était pas satisfaisant, le propriétaire ne louait simplement pas de taxi à ce chauffeur et cela mettait fin au contrat conclu avec ce dernier.

[5] Si l'on se reporte à la preuve, les chauffeurs n'étaient pas des employés de C.C. ni des propriétaires selon les critères établies dans l'arrêt Wiebe Door Services v. M.N.R., 87 DTC 5025. Chaque chauffeur était un entrepreneur autonome rendant des services à un propriétaire. Chaque chauffeur était inscrit aux fins de la T.P.S. en tant qu'entrepreneur autonome, ainsi qu'il y était tenu. Le contrat de chaque chauffeur était conclu avec un propriétaire et non avec C.C. Les chauffeurs n'avaient qu'à se conformer aux règles énoncées dans le document produit sous la cote R-1. Ces règles étaient appliquées à un chauffeur par le propriétaire ayant conclu un contrat avec celui-ci. Par conséquent, les chauffeurs n'étaient pas des employés de C.C. La décision dont il est interjeté appel est claire. Les chauffeurs ont été jugés être des employés « réputés » de C.C. sous le régime de la Loi sur l'assurance-chômage. La question de savoir si cette décision est juste est une question de droit.

[6] Le paragraphe 17(1) du Règlement sur l'assurance-chômage (perception des cotisations) se lit comme suit :

Le propriétaire ou l'exploitant d'une entreprise privée ou d'un établissement public qui occupe une personne à un emploi visé à l'alinéa 12e) du Règlement sur l'assurance-chômage est réputé, aux fins de la tenue des registres, du calcul de la rémunération assurable et du paiement des cotisations aux termes de la Loi et du présent règlement, être l'employeur de toute personne qu'il occupe ainsi et dont l'emploi est inclus dans les emplois assurables en vertu dudit alinéa.

L'alinéa 12e) du Règlement sur l'assurance-chômage est libellé comme suit :

Sont inclus dans les emplois assurables, s'ils ne sont pas des emplois exclus en vertu du paragraphe 3(2) de la Loi ou d'une disposition du présent règlement, les emplois suivants :

[...]

e) l'emploi exercé par une personne à titre de chauffeur de taxi, d'autobus commercial, d'autobus scolaire ou d'un autre véhicule utilisé par une entreprise privée ou une administration publique pour le transport de passagers, lorsque cette personne n'est pas le propriétaire du véhicule ni l'exploitant, ni le patron de l'entreprise privée ou de l'administration publique;

[...]

[7] Dans l'arrêt Canada v. Skyline Cabs (1982) Ltd., (C.A.F.) [1986] F.C.J. no 335, le juge MacGuigan a conclu que le terme « emploi » utilisé dans les dispositions réglementaires en question avait une portée à ce point large qu'il s'appliquait aux chauffeurs qui louaient leurs taxis de Skyline Cabs (1982) Ltd. en vertu de modalités très semblables. En l'espèce, la différence tient au fait que les chauffeurs louent les taxis des propriétaires. Or, C.C. n'est pas un propriétaire. Elle est le répartiteur. Il n'existe pas le moindre lien contractuel entre elle et les chauffeurs. Plutôt, C.C. conclut des contrats avec les propriétaires. Elle est malgré tout tenue de payer les cotisations en tant qu'employeur réputé de chaque chauffeur ayant conclu un contrat avec un propriétaire.

[8] Aussi, la question est-elle de savoir si C.C. est, pour reprendre le libellé du paragraphe 17(1), « l'exploitant d'une entreprise privée [...] qui occupe une personne à un emploi visé à l'alinéa 12e) du Règlement sur l'assurance-chômage » .

[9] La réponse est négative. C.C. exploite une entreprise qui conclut des contrats avec chaque propriétaire. Chaque propriétaire exploite une entreprise qui conclut des contrats avec chaque chauffeur. Il se peut que ce propriétaire soit réputé être l'employeur d'un chauffeur suivant la décision rendue dans l'arrêt Skyline. Toutefois, il n'y a aucun contrat de quelque nature que ce soit entre C.C. et les chauffeurs. Par conséquent, C.C. ne peut être réputée être l'employeur de ces derniers.

[10] L'appel est accueilli et la décision du ministre du Revenu national est annulée selon les présents motifs.

Signé à Ottawa, Canada, ce 30e jour d'avril 1998.

« D. W. Beaubier »

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 20e jour de juillet 1998.

Benoît Charron, réviseur

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