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Date: 19971028

Dossier: 96-1968-UI

ENTRE :

PAULINE DOMPIERRE ROY,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Motifs du jugement

Le juge Tardif, C.C.I.

[1] L'appelante n'a pas témoigné au soutien de son appel. Seul son conjoint et M. Omer Rioux, représentant de l'entreprise qui assumait la responsabilité de la rémunération versée à l'appelante ont témoigné.

[2] Il est ressorti de ces deux témoignages que l'appelante et son conjoint avaient exploité durant de nombreuses années une tourbière jusqu'en 1983. Leurs enfants n'ayant aucun intérêt pour assumer la relève, M. Daniel Roy, conjoint de l'appelante a décidé de louer son entreprise à la famille Rioux dont deux des fils avaient acquis une certaine expérience au cours de la période où M. Roy et son épouse exploitaient la tourbière.

[3] La location fut scellée en 1983 au moyen de trois conventions signées la même journée, produites sous les cotes respectives de A-1, A-2 et A-3. Aux termes de l'une des conventions, la tourbière, faisant dorénavant affaires sous le nom et raison sociale de “Tourbière Rio-Val Inc.”, était louée pour une période de 15 ans moyennant une considération annuelle de 7 450 $. Aucune augmentation du coût de location ne fut prévu.

[4] Outre la convention ayant trait au loyer, les parties intervenaient à une autre convention, intervenue le même jour soit le 20 juin 1983, laquelle prévoyait ce qui suit :

CONTRAT DE SERVICE

(CONVENTION III)

L'AN MIL NEUF CENT QUATRE-VINGT-TROIS, le vingt juin,

ONT COMPARU:-

Monsieur DANIEL ROY, industriel, domicilié au 13, 9ième Avenue sud, à Saint-Fabien, en le comté de Rimouski, GOL 2Z0,

- et -

Madame PAULINE DOMPIERRE, épouse contractuellement séparée de biens dudit monsieur ROY, du même lieu,

ci-après appelés: M. & Mme ROY,

- ET -

LA TOURBIERE RIO-VAL INC., (adresse C.P. 34, 1ère Rue, St-Fabien, Rimouski, G0L 2Z0), corporation légalement constituée, ayant son siège social à Saint-Fabien, ici représentée par monsieur Omer Rioux, son président, se disant dûment autorisé aux termes d'une résolution adoptée par le conseil d'administration de ladite compagnie, le 20 juin 1983, dont copie certifiée demeure annexée à la minute des présentes, après avoir été reconnue véritable par ledit représentant et contresignée par lui et le notaire soussigné, pour fins d'identification,

ci-après appelée: LA COMPAGNIE,

LESQUELS ont déclaré et convenu:-

DÉCLARATIONS

A. - Ledit M. Roy et la compagnie ont exécuté, devant le notaire Georges-Henri Dubé, ce jour, un bail aux termes duquel le locateur a loué au locataire, pour une période de quinze (15) ans, la tourbière qu'il exploite à Saint-Fabien, dans le comté de Rimouski;

B. - Il es important pour la compagnie de retenir les services desdits M. et Mme Roy pour leur expertise dans le domaine de la tourbe en vue de développer sa tourbière.

CONVENTIONS

CES DÉCLARATIONS ÉTANT FAITES, les parties ont convenu:-

1. - La compagnie a par les présentes retenu les services de M. & Mme Roy, présents et acceptant, pour une période de vingt-six (26) semaines par année, commençant le premier avril pour se terminer le trente septembre de chaque année, et ce, pour une période de quinze (15) ans à compter du premier avril mil neuf cent quatre-vingt-trois.

2. - Les services rendue par M. & Mme Roy à la compagnie consisteront à agir à titre d'administrateurs, conseillers en gestion et promoteurs des ventes des produits de la tourbière.

3. - La compagnie s'est engagée à payer auxdits M. & Mme Roy, pour leur rémunération, une somme de QUATRE CENTS DOLLARS ($400.00) par semaine.

4. - Pendant toute la durée de la convention, M. & Mme Roy se sont engagés à ne pas s'intéresser, directement ou indirectement, comme employé ou comme actionnaire, à tout commerce ou entreprise de même nature ou s'en rapprochant, autre que celui ou celle de la compagnie, dans toute la province de Québec, la province du Nouveau-Brunswick et tous les États américains.

5. - Advenant le décès de M. Roy, ou de madame Roy, la compagnie continuera à verser à la succession du premier mourant ainsi qu'au survivant des deux la somme de QUATRE CENTS DOLLARS ($400.00) par semaine, pendant vingt-six (26) semaines par année, et ce, pendant toute la durée de la présente convention.

Toutefois, la présente convention sera résiliée, si le bail précité de la tourbière est annulé, ou si l'option d'achat y stipulée est exercée par la compagnie.

6. - Si le locataire n'a pas payé au locateur, à la fin de chacune des années d'opération commençant le premier avril de chaque année, toutes les rémunérations hebdomadaires dues auxdits M. et Mme Roy durant ladite année d'exploitation, le locateur pourra mettre fin au bail précité après avoir envoyé au locataire un avis écrit lui indiquant qu'à défaut par lui de payer les rémunérations dues dans un délai de soixante (60) jours, le bail précité sera résilié.

Les sommes ainsi dues auxdits M. & Mme Roy pourront être compensées à même la valeur des améliorations et additions apportées aux bâtisses dudit M. Roy ou de sa succession, ainsi que la valeur des additions d'équipements fixés à fer et à clous dans les immeubles dudit M. Roy, tel que prévu au bail précité.

S'il existe encore des sommes dues auxdits M. & Mme Roy, à titre de rémunération après les calculs effectués en vertu du paragraphe précédent, la compagnie s'est engagée à payer telles sommes auxdits M. * Mme Roy, au moyen de versements annuels de MILLE DOLLARS ($1,000.00) chacun, dont le premier deviendra échu et payable, un an après l'annulation de la présente convention, et les autres, successivement, à la même époque de chaque année suivante, jusqu'au parfait paiement, avec, en outre, intérêt sur tout solde dû, au taux de DIX POUR CENT (10%) l'an, devant être calculé et payable annuellement, en même temps et en plus de chacun des versements annuels.

La compagnie a convenu avec lesdits M. & Mme Roy qu'un cas de défaut aux termes du présent acte sera considéré comme étant un cas de défaut aux termes des actes suivants et vice-versa:-

a) Acte de bail consenti par Daniel Roy à La Tourbière Rio-Val Inc., reçu devant Georges-Henri Dubé, notaire, le 20 juin 1983, sous le numéro 13,788 de ses minutes;

b) Option d'achat intervenue entre les même parties, sous seing privé, le 20 juin 1983.

Fait et signé à Rimouski, ce vingtième jour de juin, mil neuf cent quatre-vingt-trois. (Quatre mots rayés sont nuls).

____________________________________

Daniel Roy

____________________________________

Pauline Dompierre

LA TOURBIERE RIO-VAL INC.

par:________________________________

Omer Rioux

_____________________________

témoin

______________________________

témoin

GHD/bd.

[5] S'appuyant sur cette convention, l'époux de l'appelante, d'ailleurs non présente à l'audition a soutenu qu'il y avait là les éléments constituant un véritable contrat de louage de services entre son épouse Pauline Dompierre et la compagnie La Tourbière Rio-Val Inc.

[6] Il a fait une très sommaire description du travail exécuté par l'appelante au cours des périodes en litige; l'appelante agissait comme interprète pour les locateurs qui vendaient la pratique totalité de la production de “peat moss” à des clients anglophones.

[7] Elle s'occupait également des relations publiques dans le but de développer de nouveaux marchés et identifier de nouveaux clients pour l'entreprise locateur La Tourbière Rio-Val Inc. Tout le travail était fait à partir de la résidence privée de l'appelante. Quant à l'importance du travail, son conjoint a expliqué que le travail était exécuté de façon sporadique sans cédule de travail selon les besoins de la compagnie La Tourbière Rio-Val Inc.

[8] Le représentant de l'entreprise qui payait chaque semaine un montant de 400 $ n'a pu fournir de description de tâches précises; il a simplement indiqué que l'appelante agissait à l'occasion comme interprète. Quant à son implication auprès des clients et d'éventuels acheteurs, il a indiqué que les producteurs de “peat moss” s'étaient associés pour mettre sur pied une agence de vente devenue effective à partir de 1987. Il a des lors indiqué que les services de l'appelante furent par la suite beaucoup moins utilisés. Contrainte par la convention, la compagnie payait toujours le montant de 400 $ à chaque semaine même si le travail avait beaucoup diminué.

[9] Quant à la répartition du fameux 400 $, le conjoint de l'appelante a révélé qu'il avait cédé sa part du 400 $ à son épouse, l'appelante, à compter de 1991 en considération des services qu'elle lui avait rendu à l'époque où elle travaillait activement pour la tourbière qu'il exploitait.

[10] Soutenir que le travail de l'appelante constituait un véritable contrat de louage de services au sens de la Loi sur l'assurance-chômage (la “Loi) serait faire fi de toute la jurisprudence en matière d'assurabilité. Il ne s'agissait aucunement d'un contrat de travail mais d'une compensation déguisée et maquillée en contrat de travail. Il n'y avait aucun lien de subordination ni aucun pouvoir de contrôle sur le présumé travail exécuté par l'appelante. Le montant que la compagnie remettait à l'appelante n'était d'ailleurs pas un véritable salaire puisque le montant n'avait strictement rien à voir avec la qualité et quantité de travail exécuté. Le payeur ne pouvait diminuer le montant et ne pouvait mettre fin à l'entente à moins d'obtenir l'assentiment de ceux qui en profitaient, soit l'appelante et son conjoint. D'ailleurs la convention est très explicite sur la nature des obligations des parties qui n'ont rien à voir avec un véritable contrat de louage de services; je fais notamment référence au paragraphe 5 et 6 se lisant comme suit :

5. - Advenant le décès de M. Roy, ou de madame Roy, la compagnie continuera à verser à la succession du premier mourant ainsi qu'au survivant des deux la somme de QUATRE CENTS DOLLARS ($400.00) par semaine, pendant vingt-six (26) semaines par année, et ce, pendant toute la durée de la présente convention.

Toutefois, la présente convention sera résiliée, si le bail précité de la tourbière est annulé, ou si l'option d'achat y stipulée est exercée par la compagnie.

6. - Si le locataire n'a pas payé au locateur, à la fin de chacune des années d'opération commençant le premier avril de chaque année, toutes les rémunérations hebdomadaires dues auxdits M. et Mme Roy durant ladite année d'exploitation, le locateur pourra mettre fin au bail précité après avoir envoyé au locataire un avis écrit lui indiquant qu'à défaut par lui de payer les rémunérations dues dans un délai de soixante (60) jours, le bail précité sera résilié.

Les sommes ainsi dues auxdits M. & Mme Roy pourront être compensées à même la valeur des améliorations et additions apportées aux bâtisses dudit M. Roy ou de sa succession, ainsi que la valeur des additions d'équipements fixés à fer et à clous dans les immeubles dudit M. Roy, tel que prévu au bail précité.

S'il existe encore des sommes dues auxdits M. & Mme Roy, à titre de rémunération après les calculs effectués en vertu du paragraphe précédent, la compagnie s'est engagée à payer telles sommes auxdits M. * Mme Roy, au moyen de versements annuels de MILLE DOLLARS ($1,000.00) chacun, dont le premier deviendra échu et payable, un an après l'annulation de la présente convention, et les autres, successivement, à la même époque de chaque année suivante, jusqu'au parfait paiement, avec, en outre, intérêt sur tout solde dû, au taux de DIX POUR CENT (10%) l'an, devant être calculé et payable annuellement, en même temps et en plus de chacun des versements annuels.

La compagnie a convenu avec lesdits M. & Mme Roy qu'un cas de défaut aux termes du présent acte sera considéré comme étant un cas de défaut aux termes des actes suivants et vice-versa:-

a) Acte de bail consenti par Daniel Roy à La Tourbière Rio-Val Inc., reçu devant Georges-Henri Dubé, notaire, le 20 juin 1983, sous le numéro 13,788 de ses minutes;

b) Option d'achat intervenue entre les même parties, sous seing privé, le 20 juin 1983.

[11] Le montant décrit comme un salaire était essentiellement une partie de la considération convenue pour la location de l'entreprise. Libres étaient les parties de convenir entre eux une répartition particulière du loyer. Cela n'avait cependant pas pour effet de créer un contrat de louage de services assurable.

[12] Que le locateur, ait assujetti la location à des clauses et engagements particuliers pour s'assurer que les locataires agissent en bon père de famille avec les biens loués, cela n'était pas en soi répréhensible mais certainement pas suffisant pour constituer un véritable contrat de louage de service au sens de la Loi.

[13] Un véritable contrat de louage de services requiert la présence d'éléments essentiels telle une véritable rémunération définie en relation avec une véritable prestation de travail. De plus le responsable de la rémunération doit avoir un pouvoir de contrôle et ou d'intervention sur celui ou celle qui exécute le travail faisant l'objet de la rémunération. En l'espèce, il n'y avait aucun lien de subordination et la rémunération n'avait rien à voir avec le supposé travail.

[14] Pour ces motifs, je rejette sans hésitation l'appel de l'appelante.

"Tardif"

J.C.C.I.

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