Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 20000823

Dossiers: 1999-2824-IT-I; 1999-2825-IT-I

ENTRE :

CHUNG JA HUH,HUN HUH,

appelants,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

Intimée.

Motifs du jugement

Le juge Teskey, C.C.I.

[1] Les deux appelants, Chung Ja Huh (“ Grace ”) et Hun Huh (“ David ”), qui sont mari et femme, ont, dans leurs avis d'appel des nouvelles cotisations d'impôt sur le revenu établies à leur égard pour les années 1991, 1992 et 1993, opté pour la procédure informelle.

[2] Ces appels ont été entendus sur preuve commune.

Cotisation

[3] Le ministre du Revenu national (le “ ministre ”) a établi des cotisations identiques pour chaque appelant.

[4] Dans les cotisations établies à l'égard de chaque appelant pour les années d'imposition 1991 et 1992, le ministre a majoré le revenu total des appelants en y incluant des montants de 25 857 $ et de 25 897 $ et 23 508 $, respectivement, a infligé des pénalités en application du paragraphe 163(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la “ Loi ”) et a établi des cotisations de 1 235,92 $ et de 1 392 $, respectivement, au titre des gains tirés d'un travail indépendant en application du Régime de pensions du Canada.

[5] Dans la nouvelle cotisation établie à l'égard de chaque appelant pour l'année d'imposition 1993 (l'avis de nouvelle cotisation a été envoyé par la poste le 6 mars 1997), le ministre a majoré le revenu total des appelants en y incluant une somme de 23 508 $, a infligé une pénalité en application du paragraphe 163(2) de la Loi et a établi des cotisations de 1 175,32 $ au titre des gains tirés d'un travail indépendant en application du Régime de pensions du Canada.

Questions soumises à la Cour

[6] La première question consiste à déterminer le lieu de résidence des appelants au cours des trois années en cause.

[7] Si la Cour conclut que, pendant la totalité ou une partie de ces années, les appelants résidaient au Canada pour l'application de la Loi, la deuxième question, rattachée aux pénalités infligées en application du paragraphe 163(2) de la Loi, devra elle aussi être tranchée, c'est-à-dire : est-ce que les appelants, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, ont fait des faux énoncés dans leurs déclarations de revenu?

Position des appelants

[8] Les appelants déclarent tous deux qu'ils ne résidaient pas au Canada durant les années en cause, ce qui signifie qu'ils n'avaient pas à payer d'impôt au Canada — de sorte que, si la Cour devait leur donner raison, les pénalités infligées devraient évidemment être supprimées. Les appelants affirment qu'ils résidaient aux États-Unis durant ces années, que leur revenu était par le fait même assujetti à l'impôt des États-Unis et qu’ils n'étaient pas tenus légalement de produire de déclaration de revenu au Canada.

[9] Les appelants ne contestent pas les montants inclus dans la cotisation et admettent que, si la Cour devait conclure qu'ils résidaient au Canada durant les années en cause, les pénalités infligées en application du paragraphe 163(2) auraient été imposées à bon droit.

[10] Lors de l'établissement des cotisations, le ministre a émis certaines hypothèses de fait, qui sont exposées au paragraphe 10 des réponses aux avis d'appel. Les hypothèses suivantes ont été confirmées par la preuve ou n'ont été l'objet d'aucune contestation :

[TRADUCTION]

a) Au cours des années d'imposition 1991, 1992 et 1993, les appelants exploitaient en tant qu'associés une entreprise dont le nom était “ Sam's Variety Store ” (“ Sam's ”) et qui était située au 128, rue Queen Sud, Streetsville (Ontario);

b) durant toutes les périodes pertinentes, les appelants étaient associés à parts égales dans Sam's;

c) durant toutes les périodes pertinentes, la date de fin d'exercice de Sam's était le 31 mars;

d) pour leurs années d'imposition 1991, 1992 et 1993, les appelants ont produit des déclarations de revenu dans lesquelles ils indiquaient que leur province de résidence était l'Ontario et que c'était également là qu'ils exerçaient un travail indépendant;

e) au cours des années d'imposition 1991, 1992 et 1993, les appelants ont continué d'exploiter Sam's au Canada [...];

[...]

g) dans le cadre d'une vérification des comptes de Sam's pour les années d'imposition 1991, 1992 et 1993, le ministre a constaté que ces comptes ne permettaient pas de calculer le revenu imposable;

h) pour toutes les périodes pertinentes, le ministre a calculé le revenu des appelants en appliquant la méthode de l'avoir net;

[11] Les faits, tels qu'ils ont été présentés lors de l'audience, sont les suivants :

Les appelants ont quatre enfants :

Nom Date de naissance

Christine Novembre 1965

Janet Août 1967

Joseph Mai 1969

John Mai 1971

[12] Les appelants et leurs enfants ont quitté la Corée et immigré au Canada en 1976. Ils ont obtenu la citoyenneté canadienne en 1980.

[13] C'est en 1983 que les appelants ont ouvert Sam's Variety, qu'ils ont entièrement mis sur pied, au 128, rue Queen, à Mississauga (Ontario), et qu'ils ont acheté une maison située au 4442, croissant Shelby, dans la même ville.

[14] Sam's Variety est un magasin populaire où sont vendus tous les articles que l'on retrouve habituellement dans ce genre de magasin; le magasin possède également un permis d'exploitation d'un comptoir postal de Postes Canada. Les locaux de l'entreprise au 128, rue Queen, font partie d'un mail linéaire sans étage supérieur.

[15] Avant 1987, les appelants étaient des membres très actifs d'une église presbytérienne coréenne, à Toronto. Il est évident que le pasteur Chung, un Coréen ordonné ministre du culte, exerçait une grande influence religieuse sur eux.

[16] En 1987, le pasteur Chung a eu l'occasion de présider aux destinées d'une église beaucoup plus importante à New York où le pasteur, un ami, voulait poursuivre ses études religieuses.

[17] Trois familles de la paroisse du pasteur Chung ont déménagé à New York afin que ce dernier continue de guider leur vie religieuse.

[18] Le pasteur Chung est retourné à Toronto en 1989 et y a établi une nouvelle église.

[19] Le témoignage de Grace n'est guère instructif; elle a simplement déclaré que, chaque fois qu'elle avait signé des documents, c'était à la demande de David, qu'elle n'avait pas demandé d'explications et qu'elle est incapable de lire l'anglais.

[20] Le témoignage de David a été long et détaillé. J'accepte les faits mentionnés lors de son témoignage qui ont été confirmés par la documentation, et je rejette les allégations qui auraient aisément pu être confirmées au moyen de documents.

[21] Les deux appelants sont encore propriétaires de Sam's Variety et continuent de l'exploiter au 128, rue Queen, à Mississauga.

[22] En août 1987, ils ont vendu leur maison située au 4442, croissant Shelby, et ont déménagé dans la région métropolitaine de New York.

[23] Janet, qui était inscrite à l'Université de Toronto, n'a pas déménagé avec ses parents à New York, contrairement aux trois autres enfants. Les deux garçons, qui allaient à l'école secondaire, ont fréquenté une école secondaire de New York.

[24] Les appelants n'ont pas cherché à obtenir une carte verte ni la citoyenneté américaine. Ils n'ont pas fourni la moindre preuve qu'ils avaient demandé un quelconque permis de travail ou qu'ils avaient cherché à obtenir le statut officiel d'immigrants. Je conclus donc qu'ils avaient le statut de visiteurs aux États-Unis.

[25] Les appelants occupaient des logements loués à New York. Ils n'ont présenté aucun bail écrit. Je conclus donc que les trois résidences étaient louées au mois.

[26] Ils n'ont apporté que de menus articles avec eux à New York.

[27] Je rejette l'allégation des appelants selon laquelle ils avaient l'intention de demeurer de façon permanente aux États-Unis, parce qu'aucun élément de preuve présenté à la Cour ne démontre qu'ils ont été quoi que ce soit d'autre que des visiteurs là-bas. Je crois savoir qu'ils se présentaient eux-mêmes comme des visiteurs chaque fois qu'ils entraient aux États-Unis.

[28] David déclare qu'ils exploitaient une entreprise de cartes de souhaits à l'intersection des rues Broad et Beaver, à New York, par l'intermédiaire d'une société appelée Broad & Beaver Enterprises Inc.

[29] Le seul document présenté à l'appui de l'existence d'une société est un grand livre général. David déclare avoir vu ce grand livre général pour la première fois au moment de son départ de New York, lorsque le commis comptable le lui a remis, ajoutant l'avoir conservé comme souvenir.

[30] Il n'a jamais présenté de documents établissant qu'il était administrateur ou actionnaire de cette société, précisant l'identité des fondateurs ou indiquant si la société avait été constituée par un prête-nom.

[31] Bien que David et Grace affirment tous deux avoir résidé à New York de septembre 1987 jusqu’au milieu de 1994, ni l'un ni l'autre n'ont présenté la moindre copie de déclarations de revenu produites aux États-Unis pour les années en question. Compte tenu du fait que David avait tout le temps voulu, entre l'avis d'appel et la présente audience, pour demander à l'Internal Revenue Service américain d'envoyer des copies de déclarations de revenu produites aux États-Unis, je rejette cette affirmation et conclus qu'aucune déclaration de ce genre n'a été produite.

[32] J'admets que David ait acheté une Cadillac d'occasion en novembre 1990, étant donné que son véhicule à moteur canadien avait été volé et que les deux appelants avaient obtenu des permis de conduire de l'État de New York.

[33] Les deux fils sont revenus au Canada à l'hiver 1989 et les appelants ont acheté, en mars de la même année, un logement en copropriété comptant trois chambres à coucher à Etobicoke, plus précisément au 366, East Mall, logement 138. Les trois plus jeunes enfants y habitaient.

[34] Les appelants ont présenté un accord de vente de Sam's Variety daté du 4 septembre 1990. Le témoignage donné verbalement contredit l'accord écrit. Je rejette le témoignage verbal et conclus que l'accord était conditionnel et a été résilié.

[35] En janvier 1993, les appelants ont acheté à Mississauga une maison, qu'ils ont payée 404 000 $, et l'ont utilisée comme résidence familiale à leur retour au Canada, en octobre 1994. Avant le retour des appelants, la maison était habitée par la mère de Grace ainsi que par Janet, à l'occasion.

[36] Je rejette l'allégation de David voulant qu'il ait eu un compte personnel à la Chase Manhattan Bank à New York, puisqu'elle n'est étayée par aucun document, par exemple des copies de relevés de compte ou une lettre de confirmation de la banque, alors qu'il aurait été facile de présenter de tels documents.

[37] Je constate que, au cours des trois années en cause, les appelants se sont rendus dans la région de Toronto au moins une fois par mois, qu'ils occupaient avec leurs trois enfants le logement en copropriété d'Etobicoke et qu'ils s'occupaient de leur magasin, Sam's Variety Store. J'admets que, pendant leurs visites, ils aient fréquenté l'église du pasteur Chung.

[38] La vérification portant sur l'entreprise des appelants au Canada et sur leurs comptes bancaires personnels a révélé l'existence de dépôts importants pour lesquels aucune explication n'était fournie. Une fois la vérification achevée, David a convenu de l'existence de revenus non déclarés en 1992 et en 1993, mais pas en 1991.

[39] Le 27 juin 1994, environ quatre mois avant la réexpédition de leurs meubles au Canada par l'entreprise de transport North American Van Lines, les appelants ont tous deux produit une déclaration de revenu T1 pour les années 1991 et 1992. Grace a également produit, le 7 juillet 1994, une déclaration de revenu pour 1993.

[40] Il est indiqué dans les cinq déclarations de revenu en question que les appelants étaient résidents de l'Ontario au 31 décembre des années en cause et qu'ils exerçaient un travail indépendant en Ontario durant ces années.

[41] La déclaration de revenu T1 de David pour 1992 est accompagnée d'un formulaire T5 délivré par la Banque Korea Exchange du Canada, faisant état d’intérêts de source canadienne de 1 400,69 $, l'adresse indiquée étant celle du logement en copropriété acheté en 1989 à Etobicoke : 366, East Mall, no 138.

[42] On trouve également avec la déclaration un reçu officiel établi aux fins de l'impôt sur le revenu des particuliers par la Korean Hallelujah Church de Willowdale (Ontario), au montant de 1 750 $. Le pasteur Chung a dit qu'il considérait les appelants comme faisant partie de sa congrégation.

[43] David a affirmé que, de 1987 à 1994, son médecin était le docteur Moogo, de Mississauga (Ontario).

[44] Ni l'un ni l'autre des appelants n'a renvoyé sa carte du Régime d'assurance-santé de l'Ontario, et tous deux sont demeurés membres du régime. Ils n'ont souscrit aucune forme d'assurance-santé aux États-Unis.

[45] David soutient qu'il n'a pas lu les deux déclarations de revenu T1 préparées par son commis comptable et qu'il n'en a discuté avec personne, se contentant de les signer.

[46] David a déclaré qu'ils étaient membres d'une église de New York, mais aucun reçu de dons n'a été présenté.

Loi

[47] Voici les dispositions pertinentes de la Loi :

2(1) L'impôt payable par les personnes résidant au Canada Un impôt sur le revenu doit être payé, ainsi qu'il est prévu ci-après, pour chaque année d'imposition, sur le revenu imposable de toute personne résidant au Canada à une date quelconque dans l'année.

3. Revenu pour l'année d'imposition – Le revenu d'un contribuable pour une année d'imposition, aux fins de la présente Partie, est son revenu pour l'année, déterminé selon les règles suivantes :

a) en calculant le total des sommes qui constituent chacune le revenu du contribuable pour l'année (autre qu'un gain en capital imposable résultant de la disposition d'un bien), dont la source se situe à l'intérieur ou l'extérieur du Canada, y compris, sans restreindre la portée générale de ce qui précède, le revenu tiré de chaque charge, emploi, entreprise et bien;

[...]

250(1) Extension du mot “ résident ” – Aux fins de la présente loi, une personne est réputée, sous réserve du paragraphe (2), avoir été un résident du Canada pendant toute une année d'imposition si

a) elle a séjourné au Canada au cours de l'année pendant une période ou des périodes dont l'ensemble est de 183 jours ou plus,

[...]

250(3) Résident habituel – Dans la présente loi, la mention d'une personne résidant au Canada vise aussi une personne qui, à l'époque considérée, résidait habituellement au Canada.

Jurisprudence

[48] L'arrêt qui fait jurisprudence sur la question de la résidence est la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans Thomson v. M.N.R., 2 DTC 812. Le juge Estey écrivait à la page 813, dans la colonne de gauche :

[TRADUCTION]

[...] un individu est un “ résident habituel ” du lieu où, dans sa vie de tous les jours, il réside d'une manière régulière, normale ou habituelle. On “ séjourne ” à un endroit que l'on visite ou dans un lieu où l'on demeure exceptionnellement, occasionnellement ou par intermittence. Dans le premier cas, c'est le caractère permanent qui prédomine, et dans le second, le caractère temporaire. La différence ne peut être énoncée en termes précis, chaque cas devant être jugé d'après l'ensemble des facteurs pertinents; néanmoins, les considérations qui précèdent expriment de façon générale la différence essentielle qui existe. La durée de la visite ou du séjour n'est pas le facteur déterminant. [...]

Il déclarait également, à la même page, dans la colonne de droite cette fois :

[TRADUCTION]

[...] une personne peut avoir plus d'une résidence [...]

Dans la colonne de droite de la page 815 et dans la colonne de gauche de la page 816, on peut lire les propos suivant du juge Rand :

[TRADUCTION]

La gradation d'éléments comme le temps, l'objet, l'intention, la continuité et les autres circonstances pertinentes montre à mon avis que, dans le langage courant, le terme “ résider ” ne correspond pas à des éléments fixes, devant tous invariablement être présents dans chaque cas. Il est à peu près impossible de formuler une définition précise et universelle. Il s'agit d'un terme très souple, qui revêt de multiples nuances selon non seulement la situation considérée, mais également les différents aspects d'une même situation. Parfois, ce sont certains éléments qui seront concluants, parfois d'autres; certains de ces éléments seront courants, d'autres seront nouveaux.

[...]

Pour les fins de la législation fiscale, on doit présumer que chaque personne possède une résidence, en tout temps. Pour ce faire, il n'est pas nécessaire que la personne ait une maison, un lieu de résidence particulier ou même un abri. Elle peut dormir à l'extérieur. Il importe seulement de déterminer les limites territoriales à l'intérieur desquelles elle vit ou celles qui sont reliées à son mode de vie organisé ou habituel. La meilleure façon de qualifier une résidence de “ normale ” est de la comparer aux notions opposées de résidence occasionnelle ou inhabituelle. Ces dernières, de toute évidence, sembleraient non seulement être temporaires et exister en raison de circonstances exceptionnelles, mais aussi teintées d'une notion de “ transition ” et de “ retour ”.

Mais dans les différentes situations où il est question de “ résidence permanente ”, de “ résidence temporaire ”, de “ résidence normale ”, de “ résidence principale ” ou autres résidences du même type, les qualificatifs n'empêchent pas le fait qu'il s'agisse, dans tous les cas, de résidence. Cette qualité de “ résidence ” est principalement une question de degré auquel une personne, dans son esprit et dans les faits, adopte, maintient et centralise son mode de vie habituel, avec tout ce que cela comporte : relations sociales, intérêts, commodités et confort du lieu choisi. Il se peut que la situation soit limitée dans le temps dès le départ, ou indéfinie, ou au contraire illimitée. À un niveau plus terre à terre, les expressions impliquant la notion de résidence devraient se détacher des notions de “ séjour ” et de “ visite ”, comme elles le sont dans le langage ordinaire.

[...]

[49] La question de la résidence est une question de fait; elle dépend donc des faits propres à chaque cas. Voici une liste de certains indices pertinents dans les cas où il faut déterminer si une personne est résidente du Canada, aux fins de l'impôt canadien sur le revenu. Il faut signaler qu'aucun point pris isolément, ou deux, ou trois, ne permettront, en soi, de déterminer si la personne est résidente d'un pays ou de pays donnés. Toutefois, la présence d'un certain nombre de facteurs pourrait permettre de déterminer que la personne est résidente du Canada aux fins de l'impôt canadien sur le revenu :

- les habitudes de vie passées et actuelles;

- la régularité et la durée des visites sur le territoire de résidence;

- les liens entretenus sur ce territoire;

- les liens entretenus ailleurs;

- la permanence du séjour et les raisons;

- la possession d'un logement au Canada ou la location à long terme d'un logement (par exemple, un bail d'un an ou plus);

- une épouse, des enfants et d'autres personnes à charge de la famille résidant dans un logement conservé par la personne au Canada;

- l'adhésion au Canada à des églises ou à des synagogues, à des clubs récréatifs et sociaux, à des syndicats et à des organismes professionnels;

- l'immatriculation et l'entretien d'automobiles, de bateaux et d'avions au Canada;

- la détention de cartes de crédit émises par des institutions financières du Canada et par d'autres entités commerciales canadiennes, notamment des magasins et des agences de location d'automobiles;

- des abonnements à des journaux locaux livrés à une adresse canadienne;

- la location au Canada d'un coffre bancaire ou d'une case postale;

- des polices d'assurance multirisques ou sur la vie, y compris une assurance-santé, émises par une société d'assurances canadienne;

- une adresse postale au Canada;

- la publication du nom dans un annuaire téléphonique du Canada;

- l'impression d'une adresse canadienne sur du papier à lettres et des cartes professionnelles;

- des abonnements à des magazines et à d'autres périodiques, lesquels sont envoyés à une adresse canadienne;

- des comptes bancaires au Canada, à part un compte bancaire pour non-résident;

- des comptes actifs chez des courtiers canadiens en valeurs mobilières;

- un permis de conduire canadien;

- l'adhésion à un régime de pension canadien;

- des fonctions d'administrateur de sociétés canadiennes;

- l'adhésion à des partenariats canadiens;

- des visites fréquentes au Canada pour des raisons sociales ou professionnelles;

- un terrain dans un cimetière du Canada;

- un testament rédigé au Canada;

- de la documentation juridique indiquant la résidence au Canada;

- la production d'une déclaration de revenu à titre de résident du Canada;

- la possession au Canada d'une propriété de vacances;

- la participation active au milieu des affaires au Canada;

- un emploi au Canada;

- l'entretien ou l'entreposage au Canada de biens personnels, y compris des vêtements, du mobilier ou des animaux domestiques;

- l'obtention du statut d'immigrant reçu au Canada ou de permis de travail appropriés;

- la rupture d'à peu près tous les liens avec l'ancien pays de résidence.

[50] Le juge Iacobucci a écrit au paragraphe 46 du jugement rendu par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Crown Forest Industries Ltd c. La Reine, [1995] 2 R.C.S. 802 :

[46] À ce stade-ci de l'analyse, il importe de prendre un léger recul et de déterminer avec exactitude qui devait bénéficier de la Convention. Font partie du groupe visé les Canadiens qui travaillent aux États-Unis (ou l'inverse) et les compagnies canadiennes exploitées aux États-Unis (ou l'inverse là encore). Afin de promouvoir le commerce international entre le Canada et les États-Unis, on a jugé important de soustraire ces personnes physiques et morales à la double imposition (et donc de promouvoir la répartition équitable des profits des entreprises exploitées dans les deux pays) : voir le préambule de la Convention; voir également Utah Mines Ltd. c. La Reine, 92 D.T.C. 6194 (C.A.F.), et le Sénat américain (Comité sur les relations étrangères), Tax Convention and Proposed Protocols with Canada, à la p. 2 : [TRADUCTION] “ Le projet de traité fiscal entre les États-Unis et le Canada vise principalement à réduire ou à éliminer la double imposition du revenu tiré, par les citoyens et les résidents de l'un ou l'autre pays, de sources situées dans l'autre pays, et à parer à tout évitement fiscal ou à toute évasion fiscale dans les deux pays. ” La Convention viserait également, de façon accessoire, à réduire les complexités administratives engendrées par l'obligation de produire simultanément des déclarations d'impôt sur le revenu dans deux régimes fiscaux non coordonnés.

[51] Dans l'affaire Sanchez c. La Reine, C.C.I., no 98-2703(IT)I, 18 février 2000 (2000 DTC 2151), mon collègue le juge Bowie a fait observer que l'appelante, une citoyenne canadienne qui avait déménagé aux États-Unis, devait revenir au Canada pour renouveler son permis de travail aux États-Unis, ce permis devant être renouvelé tous les six mois hors des États-Unis.

[52] Dans la présente affaire, les appelants n'ont pas demandé de carte verte ni de permis de travail aux États-Unis. J'en conclus qu'ils sont chaque fois allés aux États-Unis en tant que visiteurs.

Conclusion

[53] D'après l'ensemble des faits exposés précédemment, je suis convaincu que les appelants étaient des résidents du Canada durant les années en question. Leurs liens étaient beaucoup plus étroits avec le Canada qu'avec les États-Unis. Même s'ils exploitaient une entreprise constituée en société, ils ne sont pas parvenus à me convaincre qu'ils en étaient les propriétaires ou les administrateurs aux termes des actes constitutifs. Ils n'ont pas fait la preuve qu'ils avaient des comptes bancaires personnels aux États-Unis. Ils vivaient dans des logements loués au mois. Ils n'ont pas souscrit d'assurance-santé et ont conservé leur carte du Régime d'assurance-santé de l'Ontario. Ils n'ont pas établi de relation professionnelle avec un médecin américain au cours de la période en question. Ils n'ont pas produit de déclaration de revenu aux États-Unis au cours de cette période, alors qu'un résident américain y aurait été obligé par la loi. Leur adresse postale relativement à un placement au Canada en 1992 était celle de leur logement en copropriété d'Etobicoke.

[54] Aux États-Unis, ils avaient le statut de visiteurs. Je suis convaincu qu’ils n'y ont pas établi leur résidence; ils ne faisaient qu'y séjourner.

Convention fiscale entre le Canada et les États-Unis

[55] Voici le préambule de la Convention fiscale entre le Canada et les États-Unis (la “ Convention ”) :

Le Canada et les États-Unis d'Amérique, désireux de conclure une Convention en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, sont convenus des dispositions suivantes :

C'est à l'article IV, sous le titre “ Résidence ”, et plus précisément au paragraphe 2, que sont exposées les règles servant à trancher les cas limites :

2. Lorsque, selon les dispositions du paragraphe 1, une personne physique est un résident des deux États contractants, sa situation est réglée de la manière suivante :

(a) Cette personne est considérée comme un résident de l'État contractant où elle dispose d'un foyer d'habitation permanent; si elle dispose d'un foyer d'habitation permanent dans les deux États ou ne dispose d'un tel foyer dans aucun des États, elle est considérée comme un résident de l'État contractant avec lequel ses liens personnels et économiques sont les plus étroits (centre des intérêts vitaux);

(b) Si l'État contractant où cette personne a le centre de ses intérêts vitaux ne peut pas être déterminé, elle est considérée comme un résident de l'État contractant où elle séjourne de façon habituelle;

(c) Si cette personne séjourne de façon habituelle dans les deux États ou si elle ne séjourne de façon habituelle dans aucun des États, elle est considérée comme un résident de l'État contractant dont elle possède la citoyenneté; et

(d) Si cette personne possède la citoyenneté des deux États ou si elle ne possède la citoyenneté d'aucun d'eux, les autorités compétentes des États contractants tranchent la question d'un commun accord.

[56] Même si les appelants avaient beaucoup plus de liens avec le Canada, et bien que je n'arrive pas à la conclusion qu'ils soient bel et bien devenus résidents des États-Unis, si j'avais jugé qu'ils étaient également résidents des États-Unis au cours des années en question, les appelants auraient néanmoins été des résidents du Canada aux fins de l'impôt sur le revenu en application de l'alinéa 2a) de la Convention, étant donné que le logement en copropriété de l'East Mall, à Etobicoke, constituait un foyer d'habitation permanent dont ils disposaient tous les deux.

Paragraphe 163(2)

[57] Même si les appelants n'ont pas présenté d'arguments concernant les pénalités, qu'il suffise de dire qu'un contribuable qui n'examine pas sa déclaration de revenu T1 et se contente de la signer, sans se préoccuper de son contenu, commet une faute lourde, et il en est de même du contribuable qui ne sait pas lire l'anglais mais qui signe néanmoins une déclaration de revenu T1 sans au préalable demander à quelqu'un de lui en traduire le contenu.

[58] Les appels sont rejetés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 23e jour d'août 2000.

“ Gordon Teskey ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 19e jour de février 2001.

Philippe Ducharme, réviseur

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