Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 19980623

Dossier: 97-2257-IT-I

ENTRE :

GÉRARD ROY,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

(décision rendue oralement à l’audience à Montréal (Québec) le 27 avril 1998)

Le juge Pierre Archambault, C.C.I.

[1] Monsieur Gérard Roy conteste une cotisation établie par le ministre du Revenu national (ministre) à l'égard de l'année d'imposition 1995. Le ministre a ajouté au revenu de M. Roy une somme de 94 574,36 $. Cette somme représente du salaire qui lui a été versé en 1995 à la suite d’une contestation judiciaire qui a duré tout près de dix ans. Cette contestation portait sur la classification de l’emploi de M. Roy et un arbitre a acceuilli sa demande. En raison de sa nouvelle classification, M. Roy a eu droit à une rémunération supérieure. Selon la preuve qui m’a été fournie, la somme de 94 574,36 $ représente le salaire supplémentaire qu'aurait dû recevoir M. Roy entre 1985 et 1993 mais qui ne lui a été versé qu’en 1995.

Analyse

[2] Monsieur Roy soutient essentiellement que la somme de 94 574,36 $ devrait être étalée sur la période de 1985 à 1993, de façon à ce que ce revenu ne soit pas imposé à un taux marginal plus élevé que celui qui se serait appliqué s'il l’avait reçu au cours de la période 1985 à 1993. M. Roy soutient qu'il ne devrait pas être pénalisé en raison de l'erreur de son employeur.

[3] Comme deuxième argument, M. Roy prétend que la somme qu'il a reçue représente des dommages et intérêts et qu'aucune disposition de la Loi de l'impôt sur le revenu (Loi) ne l’assujettit à un impôt sur des dommages et intérêts.

[4] Finalement, comme dernier argument, M. Roy fait référence à différentes dispositions de la Loi prévoyant la possibilité d'étaler certains revenus.

[5] Malheureusement pour M. Roy, cette cour ne peut pas admettre son appel. Le montant des impôts dû par un contribuable doit être déterminé selon les dispositions de la Loi et non pas selon des principes d'équité. Même si je comprends très bien la frustration de M. Roy, cette cour n'a pas d'autre choix que d'appliquer l'article 5 de la Loi, qui prévoit expressément que tout revenu d'emploi doit être inclus dans le revenu de l’année au cours de laquelle il a été reçu.

[6] Pour que M. Roy ait gain de cause, il aurait fallu qu'il y ait une disposition dans la Loi permettant l'étalement de son revenu. Comme l'a reconnu la personne qui le représentait, il semble qu'il n’y ait aucune disposition dans la Loi permettant un tel étalement et la Cour n'en connaît aucune qui pourrait s'appliquer dans les circonstances de cette affaire.

[7] Le fait que certaines dispositions de la Loi permettent une certaine forme d'étalement vient confirmer que cette cour ne peut pas accorder un tel traitement en l’absence d’une telle disposition.

[8] Finalement, quant à l'argument fondé sur la notion de dommages et intérêts, je suis d'avis que les sommes que M. Roy a reçues ne constituent pas des dommages et intérêts. Ce que M. Roy a réclamé, c'est du salaire supplémentaire auquel il avait droit compte tenu du poste qu'il occupait. L'arbitre, la Cour supérieure du Québec et la Cour d'appel du Québec lui ont d'ailleurs donné gain de cause. Les sommes qu'on lui a versées ont été calculées en fonction d'un salaire plus élevé pour chacune des années d'imposition comprises dans la période d'ajustement.

[9] Des dommages et intérêts sont versés lorsqu'une partie ne peut pas obtenir l’exécution en nature d'une obligation. En pareil cas, le créancier recherche la compensation par équivalence pécuniaire. En l’espèce, l’employeur était tenu de verser un salaire, soit une somme d'argent, et il était donc possible d’obtenir l’exécution en nature de son obligation. Par exemple, dans l'affaire The Queen v. Atkins, 76 DTC 6258, un contribuable avait été congédié sans préavis raisonnable. Dans un tel cas, les tribunaux ont accordé des dommages et intérêts pour remplacer le préavis que l’employeur aurait dû donner mais qu’il n’avait pas fait.

[10] Donc, la somme de 94 574,36 $ que M. Roy a reçue en 1995 représentait du salaire et, selon l'article 5 de la Loi, cette somme doit être incluse dans son revenu de l'année au cours de laquelle il l'a reçue.

[11] Je peux ajouter qu'il aurait été impossible d'ajouter le salaire supplémentaire antérieurement puisque le montant était incertain tant que la contestation judiciaire n'avait pas été réglée. De plus, il aurait été tout à fait injuste d'ajouter cette somme de 94 574,36 $ au revenu de M. Roy avant 1995, puisqu'il aurait pu y avoir une décision qui lui était défavorable et on l'aurait alors imposé sur des sommes qu'il n'aurait jamais reçues.

[12] De toute évidence, la Loi impose les salaires dans l’année de leur réception, soit l’année au cours de laquelle un contribuable en a la jouissance, parce qu'on est alors certain que ce contribuable aura l'argent nécessaire pour payer l’impôt là-dessus. En effet, il aurait été difficile à M. Roy, de 1985 à 1993, de payer des impôts sur une somme de 94 574,36 $ dont in n’aurait pas la jouissance avant 1995.

[13] Quoique cette politique fiscale puisse avoir du sens dans la plupart des cas, cela ne signifie pas qu’il ne pourra pas y avoir aussi des conséquences néfastes pour le contribuable, comme cela semble être le cas pour M. Roy. Cependant, cette cour n'a pas compétence pour faire disparaître ces conséquences.

[14] Pour tous ces motifs, l'appel est rejeté sans frais.

Signé à Ottawa, ce 23e jour de juin 1998.

“Pierre Archambault”

J.C.C.I.

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