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Date: 19980705

Dossiers: 97-1369-UI; 97-1372-UI

ENTRE :

FABIENNE SYNNOTT, ÉRIC VALCOURT,

appelants,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Motifs du jugement

Le juge suppléant Prévost, C.C.I.

[1] Ces appels ont été entendus à Québec (Québec) sur preuve commune le 5 juin 1998.

[2] Dans la cause de Fabienne Synnott, il s’agit d’un appel d’une décision du ministre du Revenu national (le “Ministre”), en date du 7 mai 1997 déterminant que son emploi chez Gestion Éric Valcourt Inc. (la “payeuse”), du 12 juin au 6 août 1994 n’était pas assurable parce qu’il s’agissait d’un emploi où l’employée et l’employeure avaient entre eux un lien de dépendance.

[3] Dans la cause d’Éric Valcourt, il s’agit d’un appel d’une décision du Ministre de même date, déterminant que son emploi chez la payeuse du 1er mai au 28 août 1994, du 14 mai au 16 septembre 1995 et du 20 mai au 8 septembre 1996 n’était pas assurable pour la même raison et également parce qu’il contrôlait dans les faits plus de 40 % des actions comportant droit de vote de la Corporation.

[4] Dans la première cause, le paragraphe 5 de la Réponse à l’avis d’appel se lit ainsi après un amendement autorisé à l’audience au sous-paragraphe n) :

“5. En rendant sa décision, l’intimé, le Ministre du Revenu National, s’est basé, notamment, sur les faits suivants :

a) le payeur exploite un commerce de vente, réparation et location de vélos, et de quelques autres équipements de sport; (A)

b) depuis le 15 janvier 1994, Éric Valcourt, conjoint de l’appelante, détient 35 % des actions comportant droit de vote du payeur, et Louis Valcourt, père d’Éric, en détient 65 %; (A)

c) le commerce du payeur est situé dans la résidence de l’appelante et de son conjoint; (NTQR)

d) depuis 1994, Éric Valcourt, qui avait déjà l’expérience de réparateur de vélos, s’occupe, notamment, des ventes et des réparations; (A)

e) l’appelante aidait Éric aux ventes, et pouvait faire aussi de petites réparations; (NTQR)

f) en 1994, l’appelante avait besoin de 8 semaines pour se qualifier à recevoir des prestations d’assurance-chômage; (A)

g) en 1994, l’appelante a été rémunérée du 12 juin au 6 août, soit durant huit semaines; (A)

h) en 1994, les livres du payeur dévoilent des revenus de mars à novembre, les mois les plus achalandés étant avril, mai, juin, juillet et août; (A)

i) l’appelante a rendu des services au payeur après la période en litige sans rémunération, notamment, en effectuant la tenue de livres; (NTQR)

j) la période prétendue de travail ne coïncide pas avec la période la plus achalandée de l’entreprise, ni avec la période réellement travaillée par l’appelante; (N)

k) l’appelante était disponible 7 jours par semaine, le commerce du payeur étant situé dans sa résidence; (ASAP)

l) durant la période en litige, l’appelante recevait la même rémunération que son conjoint, 624 $ brut par semaine; (A)

m) le payeur n’aurait pas payé un tel salaire à un étranger, vu sa situation financière; (N)

n) pour l’année 1994, le payeur a déclaré des revenus bruts de 101 336 $, et des pertes nettes de 10 052 $ A.G.; (A)

o) l’appelante était liée au payeur en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu; (A)

p) il n’est pas raisonnable de conclure dans ces circonstances, que le contrat de travail de l’appelante aurait été à peu près semblable si elle n’avait pas eu de lien de dépendance avec le payeur. (N)”

[5] Dans la seconde cause, l’avis d’appel contient le récit des faits selon l’appelant et il convient de le citer ci-après :

“1. Le 15 janvier 1994, l’appelant, Éric Valcourt, et son père, Louis Valcourt, achètent les actions que détient Henri Lepage dans Gestion Henri Lepage Inc.; (A)

2. Gestion Henri Lepage Inc., une compagnie de gestion, opérait, depuis quelques années, un commerce de vente et réparation de bicyclettes, lequel commerce était connu sous le nom de Bicycles Bernières Enr.; (I)

3. Le 2 mars 1994, par modification des statuts, Gestion Henri Lepage Inc. devient Gestion Éric Valcourt Inc., le payeur. La dénomination du payeur aurait dû être Gestion Louis et Éric Valcourt Inc. et ce, tel que mentionné au livre des minutes du payeur; (I)

4. Les activités du payeur ont toujours été et sont encore saisonnières. La période d’activité s’échelonne de la fin du mois de mars à la fin du mois de septembre d’une année. En dehors de cette période saisonnière, le commerce est fermé; (N)

5. L’achat du commerce a été effectué selon les prévisions financières soumises par monsieur Henri Lepage, lesquelles prévisions découlaient, entre autres, des états financiers de 1993 et du bilan d’ouverture; (I)

6. Le commerce a été acheté pour un montant de soixante mille dollars (60 000,00 $). Vingt-cinq mille dollars (25 000,00 $) ont été payés comptant, par le père de l’appelant, et trente-cinq mille dollars (35 000,00 $) ont été payés au moyen d’un emprunt de la Banque Royale par le payeur. L’appelant n’étant aucunement solvable, l’emprunt du payeur a été obtenu grâce à la caution de Louis Valcourt, le père de l’appelant; (N)

7. Le but de l’achat du commerce était double. Premièrement, faire de l’argent à moyenne échéance et, deuxièmement, créer un emploi à l’appelant qui était de retour au Québec; (I)

8. Le père de l’appelant a une vaste expérience en affaires. En effet, il est en affaires depuis plus de vingt-cinq (25) ans. Il a et a déjà eu des commerces dans le terrassement (paysagiste), dans l’aviation, dans la pourvoirie et, depuis 1994, dans la vente et réparation de bicyclettes; (I)

9. Par ailleurs, l’appelant est “un manuel”. Mécanicien de formation, il a déjà eu un commerce de réparation de bicyclettes et de petits moteurs; (I)

10. À la fin de l’année 1993, l’appelant et sa famille, qui résidaient dans la province de l’Alberta, ont dû revenir rapidement au Québec après que la conjointe de l’appelant ait perdu son emploi; (I)

11. À son retour au Québec, l’appelant est sans le sou. Il n’a pas de domicile et il n’a pas d’emploi; (N)

12. Après l’achat du commerce par le payeur, l’appelant et sa conjointe achètent, le 1er février 1994, la résidence à même laquelle le commerce opère. Leur résidence en Alberta n’étant pas vendue, c’est la caution du père de l’appelant qui a permis l’achat de cette résidence; (NTQR)

13. Notons que le commerce du payeur et la résidence de l’appelant ont leurs aires exclusives. Les accès d’entrées sont distincts et les aires de stationnement, aussi; (I)

14. L’appelant détient trente-cinq pour cent (35 %) des actions votantes du payeur. Son père en détient soixante-cinq pour cent (65 %); (A)

15. À chaque année, au cours des premiers mois d’opération du payeur, les activités du payeur consistent, essentiellement, à faire de la vente de bicyclettes; (I)

16. Par la suite, les activités du payeur s’étendent, aussi, à la réparation de bicyclettes; (I)

17. Au cours des années 1994, 1995 et 1996, les périodes d’emploi de l’appelant sont les suivantes :

- Du 1er mai 1994 au 28 août 1994;

- Du 14 mai 1995 au 16 septembre 1995;

- Du 20 mai 1996 au 8 septembre 1996; (N)

18. Au cours de ces périodes, les conditions d’emploi de l’appelant ont été les mêmes; (A)

19. C’est le payeur, par l’entremise du père de l’appelant, qui décide du début et de la fin de l’emploi de l’appelant; (N)

20. Au cours des périodes d’emploi, l’appelant accueille les clients, répare et vend des bicyclettes, commande des pièces, s’occupe de l’inventaire, etc.; (A)

21. L’horaire habituel de travail de l’appelant est fonction des heures d’ouverture du commerce; (A)

22. Ordinairement, il n’y a pas de supervision directe de l’appelant par son père (à moins que ce dernier soit présent). Aussi, l’appelant est libre d’utiliser sa propre méthode de travail. Cependant, l’appelant rend des comptes sur son travail à son père et ce, de façon régulière. D’autre part, financièrement, les dépenses importantes doivent être autorisées par le père de l’appelant; (N)

23. Au cours des années 1994, 1995 et 1996, l’appelant est payé à la semaine, peu importe le nombre d’heures travaillées; (A)

24. Pour 1994, le salaire de l’appelant a été fixé selon ce qui était payé à monsieur Henri Lepage, en 1993, soit six cent dollars (600,00 $) par semaine; (I)

25. Pour 1996, compte tenu des pertes du payeur, le salaire de l’appelant a été révisé à la baisse, soit à cinq cent dollars (500,00 $) par semaine. Ce n’est pas l’appelant, bien sûr, qui a décrété la baisse de son salaire; (N)

26. Au cours des années 1994, 1995 et 1996, le salaire de l’appelant a toujours été payé régulièrement. En date d’aujourd’hui, il n’y a aucun salaire dû à l’appelant; (A)

27. Les outils utilisés par l’appelant dans l’exercice de ses fonctions appartiennent tous au payeur; (A)

28. L’appelant n’a jamais injecté de fonds ou d’argent dans le payeur; (N)

29. L’appelant n’a aucun risque financier dans le payeur. Par ailleurs, si l’on pouvait attribuer un risque à l’appelant, ce risque devrait lui être imputé à titre d’actionnaire du payeur. Et, le cas échéant, ledit risque ne dépasserait pas la proportion des actions détenues dans le payeur, soit 35 %; (N)

30. À tout événement, le payeur a besoin d’un employé pour opérer le commerce. Si l’appelant met fin à son emploi, le payeur engagera un autre employé avec des conditions d’emploi semblables à celles de l’appelant; (N)

31. Au cours des années 1995 et 1996, l’appelant est le seul employé inscrit au livre des salaires du payeur. Au cours de l’année 1994, la conjointe de l’appelant figure au livre des salaires du payeur pour une période de huit (8) semaines; (A)

32. Au cours des années 1994, 1995 et 1996, le père de l’appelant travaille pour le payeur du mois de mars au début du mois de juillet. Il le fait, bénévolement, à titre d’actionnaire intéressé, et pour se tenir occupé; (N)

33. Au cours des années 1994, 1995 et 1996, c’est la conjointe de l’appelant, sous les directives de la conjointe du père de l’appelant, qui fait les entrées au livre du payeur, les remises aux différentes autorités gouvernementales, les dépôts, etc.; (I)

34. La principale tâche de l’appelant (pour ne pas dire l’unique tâche) au niveau de l’administration courante du payeur consiste à signer les chèques du payeur. L’appelant n’a aucune affinité et/ou intérêt dans la paperasse du payeur; (NTQR)

35. Le comptable du payeur, Georges Bégin, était, aussi, le comptable d’Henri Lepage. C’est monsieur Bégin qui a complété les états financiers du payeur au cours des années 1994, 1995 et 1996; (A)

36. Voici, à titre informatif, quelques données des états financiers de Gestion Henri Lepage Inc. (1993) et du payeur (1994, 1995 et 1996):

ANNÉE

1993

1994

1995

1996

Chiffre d’affaires

126 086

101 336

105 803

87 359

Salaires

15 983

16 880

11 562

11 683

Revenu net

11 654

(10 052)

(8 685)

(14 721)

(NTQR)

37. Selon les faits allégués aux paragraphes 1 à 36 des présentes, l’emploi de l’appelant pour le payeur est un véritable emploi exercé en vertu d’un contrat de louage de services. Il y a contrôle suffisant de l’appelant. Les outils appartiennent au payeur. L’appelant n’a aucun risque financier à titre d’employé. Si risque il y avait, ce serait à titre d’actionnaire et en proportion des actions détenues. Finalement, l’emploi de l’appelant est intégré aux activités du payeur; (N)

38. Le salaire versé et les modalités d’emploi de l’appelant sont raisonnables. Ils correspondent à ceux dont disposait Henri Lepage, au cours des années antérieures. Finalement, si l’appelant cessait de travailler, le payeur engagerait un autre employé avec des conditions d’emploi semblables; (N)

39. Suite à la décision de l’intimé de ne pas considérer l’emploi de l’appelant assurable au cours des trois périodes d’emplois déjà mentionnées, la Commission de l’assurance-emploi du Canada réclame de l’appelant un montant de trente-neuf mille quatre cent vingt dollars (39 420,00 $); (I)

LES MOYENS D’APPELS

L’emploi exercé par l’appelant Éric Valcourt pour Gestion Éric Valcourt Inc., au cours des périodes du 1er mai 1994 au 28 août 1994, du 14 mai 1995 au 16 septembre 1995 et du 20 mai 1996 au 8 septembre 1996, était assurable parce que ledit emploi était exercé en vertu d’un contrat de louage de services au sens de la Loi sur l’assurance-chômage et de la Loi sur l’assurance emploi.

Il n’y a pas de lien de dépendance entre l’appelant et le payeur.

L’appelant ne contrôle pas, dans les faits, plus de quarante pour cent (40 %) des actions votantes du payeur.”

[6] Dans la Réponse à l’avis d’appel, l’intimé a écrit :

“1. Il admet les faits décrits aux paragraphes 1, 14, 18, 20, 21, 23, 26, 27, 31 et 35 de l’avis d’appel.

2. Il ignore les faits décrits aux paragraphes 2, 3, 5, 7, 8, 9, 10, 13, 15, 16, 24, 33 et 39 de l’avis d’appel.

3. Il nie les faits allégués aux paragraphes 4, 6, 11, 17, 19, 22, 25, 28, 29, 30, 32, 37 et 38 de l’avis d’appel.

4. Il nie tel que rédigé les faits décrits aux paragraphes 12, 34 et 36 de l’avis d’appel.”

[7] Pour faciliter la lecture des présents motifs, la Cour a indiqué après chacun des paragraphes de l’avis d’appel par la lettre (A) ce que l’intimé admet, par la lettre (I) ce qu’il ignore, par la lettre (N) ce qu’il nie et par les lettres (NTQR) ce qu’il nie tel que rédigé.

[8] Le paragraphe 8 de la Réponse à l’avis d’appel se lit ainsi après un amendement autorisé à l’audience à son sous paragraphe n) :

“8. En rendant sa décision, l’intimé, le Ministre du Revenu National, s’est basé, notamment, sur les faits suivants :

a) le payeur exploite un commerce de vente, réparation et location de vélos, et de quelques autres équipements de sport; (A)

b) depuis le 15 janvier 1994, l’appelant détient 35 % des actions comportant droit de vote du payeur, et Louis Valcourt, père de l’appelant, en détient 65 %; (A)

c) le commerce du payeur est situé dans la résidence de l’appelant; (NTQR)

d) depuis 1994, l’appelant, qui avait déjà l’expérience de réparateur de vélos, s’occupe, notamment, des ventes et des réparations; (A)

e) en 1994, le payeur a rémunéré 2 personnes, l’appelant et sa conjointe, Fabienne Synnott, tandis qu’en 1995 et 1996, le payeur n’a rémunéré que l’appelant; (A)

f) en 1994, 1995 et 1996, l’appelant a été rémunéré durant 16, 18 et 16 semaines respectivement, soit le minimum pour se qualifier à recevoir des prestations d’assurance-chômage; (A)

g) les livres du payeur dévoilent des revenus de mars à novembre pour 1994, et de mars à décembre pour 1995 et 1996; (A)

h) l’appelant a rendu des services au payeur avant et après chacune des périodes en litige, sans rémunération; (N)

i) les périodes prétendues de travail ne coïncident pas avec les périodes d’activités de l’entreprise, ni avec les périodes réellement travaillées par l’appelant; (N)

j) le commerce du payeur était ouvert 7 jours par semaine jusqu’au 24 juin, et 6 jours par semaine par la suite; (A)

k) l’appelant n’avait pas d’horaire fixe de travail, étant disponible durant les heures d’ouverture du commerce; il ne comptait pas ses heures; (A)

l) en 1994 et 1995, l’appelant a reçu une rémunération hebdomadaire fixe de 624 $, peu importe le nombre d’heures ou de jours travaillés; (A)

m) en 1996, l’appelant le payeur a réduit sa rémunération à 525 $ par semaine, vu les résultats financiers négatifs; (A)

n) les états financiers du payeur dévoilent les revenus suivants :

1994 1995 1996

revenus bruts 101 336 $ 105 803 $ 87 359 $

pertes nettes (10 052) A.G. ( 8 685) (14 721)

(A)

o) en novembre 1994, l’appelant a cautionné conjointement avec Louis Valcourt, un prêt de 40 000 $ du payeur auprès de la Banque Royale du Canada; (NTQR)

p) l’appelant signait tous les chèques reliés à l’exploitation du commerce du payeur; (NTQR)

q) l’appelant était lié au payeur en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu; (A)

r) il n’est pas raisonnable de conclure dans ces circonstances, que le contrat de travail de l’appelant aurait été à peu près semblable s’il n’avait pas eu de lien de dépendance avec le payeur. (N)”

[9] Dans le texte qui précède des Réponses aux avis d’appel, la Cour a indiqué ainsi, entre parenthèses, après chaque sous-paragraphe, les commentaires du procureur des appelants à l’ouverture de l’audience :

(A) = admis

(N) = nié

(ASAP) = admis sauf à parfaire

(NTQR) = nié tel que rédigé

La preuve des appelants

Selon Louis Valcourt

[10] Henri Lepage vieillissait et, à un moment donné, il a décidé de vendre ses actions dans Gestion Henri Lepage Inc.

[11] Ils ont convenu d’un prix et il lui a fait un dépôt (pièce A-2) de 50 000 $ de sa poche, le 15 décembre 1993.

[12] Son fils Éric revenait de l’ouest canadien et il voulait lui créer un emploi car il était en chômage.

[13] La payeuse a ensuite conclu des emprunts à la Banque et à la Caisse Populaire, il les a endossés et le contrat a été signé.

[14] Son fils a été engagé la première fois le 1er mai 1994.

[15] Quand les bicycles rentrent, les ventes commencent et dans ce genre de commerce la bonne saison, dépendant de la température, va d’avril à août.

[16] Henri Lepage a été là jusqu’au mois de juin et le commerce était débordé de travail.

[17] C’est pour cela qu’il a engagé l’appelante à compter du 12 juin 1994.

[18] Il a lui-même une pourvoirie dont il s’occupe et où le “rush” va du 15 juin à la fin d’août : il était au loin mais il téléphonait souvent au commerce de vélos où oeuvraient les deux appelants.

[19] Il est revenu de sa pourvoirie vers le 15 ou le 16 août 1994.

[20] L’appelante a été très bonne au magasin de vélos mais et comme les affaires baissent au mois d’août, il l’a mise à pied le 6 de ce mois, son fils pouvant alors suffire à la tâche.

[21] La saison s’est terminée avec un déficit et il a été bien déçu mais s’est dit : “on va se reprendre”; il a alors fait un budget pour 1995 en consultant son ami Lepage.

[22] C’est suivant les conseils de ce dernier et de son expert-comptable Georges Bégin que les salaires hebdomadaires des deux appelants avaient été fixés.

[23] Georges Bégin agissait au préalable pour Henri Lepage.

[24] Il a mis son fils à pied le 28 août 1994 car il pouvait seul suffire à la tâche.

[25] Aux mois de mars et d’avril 1995, c’est lui qui s’occupait de la vente des vélos et il a eu besoin de son fils seulement à compter du 14 mai de cette année.

[26] Les affaires ont été assez bien mais ce n’était quand même “pas fort”.

[27] À son retour de la pourvoirie en 1995, il a pris la relève de son fils qui devait alors s’occuper de ses deux jeunes enfants.

[28] Il a alors “serré la vis” encore mais il y eut un autre déficit d’où une nouvelle déception pour lui.

[29] Dans cette entreprise il avait d’ailleurs vu, au départ, plus d’opportunités pour son fils que pour lui.

[30] Son fils est revenu au travail en 1996 mais il ne “filait pas” et il a dû fermer, à cause de cela, la “shop” pendant 5 jours en pleine saison.

[31] Le chiffre d’affaires a baissé avec les années.

[32] Les états financiers (pièce A-1) préparés par Georges Bégin pour 1994, 1995 et 1996 font bien voir les chiffres mentionnés au paragraphe 36 de l’avis d’appel de son fils.

[33] La “business” de Lepage a été vendue 60 000 $ et la maison 100 000 $ : avec son dépôt initial de 50 000 $, il restait un solde de 110 000 $ : un emprunt a été fait à la Caisse Populaire pour 75 000 $ par les appelants avec son endossement et un autre par lui-même à la Banque pour 40 000 $ : le solde de 5 000 $ constituait le fond de roulement.

[34] L’adresse civique du commerce et de la maison est la même.

[35] Son fils a été mis au courant de ses pourparlers avec Henri Lepage en décembre 1993 : il est alors revenu d’Alberta bien endetté.

[36] C’est sur les conseils de son comptable que la transaction a été rétroactive au 1er janvier 1994.

[37] Il avait demandé au départ au notaire de transférer 35 % des actions à son fils et 65 % à lui-même.

[38] Éric devait devenir administrateur et vice-président ou secrétaire et il devait conserver pour lui la présidence.

[39] Le contrat (pièce I-1) entre Henri Lepage à titre de vendeur et lui-même et son fils à titre d’acquéreur, en date du 15 janvier 1994 indique bien que sur les 10 actions, classe A du capital-actions de Gestion Henri Lepage Inc. alors achetées, il y en a six et demie pour lui et trois et demie pour son fils.

[40] Il fait aussi voir que cette compagnie faisait affaires sous la raison sociale “Bicycle Bernières Enr.” et qu’elle s’engageait à signer tous les documents requis pour que la compagnie puisse continuer à faire affaires sous cette raison sociale.

[41] Son fils n’a pas payé ses 35 % d’actions car il n’avait pas d’argent.

[42] Il a peut-être investi quelques dollars dans la compagnie lorsqu’elle manquait d’argent mais c’est tout.

[43] Dans une résolution (pièce I-1) du 15 janvier 1994, des administrateurs de Gestion Henri Lepage Inc., il a été résolu de nommer Éric Valcourt, président et secrétaire et lui-même vice-président ainsi que de changer sa dénomination sociale pour “Gestion Éric Valcourt Inc.”.

[44] Il n’a pas dû lire attentivement cette minute avant de la signer car c’est bien lui qui est le président.

[45] Le grand livre (pièce I-2) de la payeuse indique sous la rubrique “Banque” un prêt de 40 000 $ en février 1994 et un versement sur prêt de 676.37 $ en avril qui suit.

[46] Il n’est pas comptable, il en paie un, et il ne peut expliquer ces entrées mais le comptable le fera plus tard au cours de l’audience.

[47] Il y a sans doute une erreur car le comptable lui a dit à un moment donné en mars 1995 qu’il n’était pas normal que la compagnie paie l’intérêt sur l’emprunt qu’il avait contracté lui-même.

[48] Dans le grand livre 1996 (pièce I-3), il y a des inscriptions “crédit prêt” mais il ne peut les expliquer.

[49] En 1994, il s’est occupé personnellement de la marge de crédit de l’entreprise mais en 1995 et 1996 il ne l’a plus fait.

[50] Il sait qu’en début de 1995, la compagnie a eu une marge de crédit de 20 000 $ à la Banque Royale et que cela s’est fait sous sa responsabilité.

[51] Il croit cependant que l’enregistrement provincial est au nom de Gestion Louis et Éric Valcourt Inc.

[52] Éric ou lui signait les chèques de l’entreprise mais pour des montants de plus de 200 $, son fils devait avoir son autorisation au moins verbale.

[53] Au début de novembre, le magasin ferme ses portes et “on ne le chauffe même pas” : les activités reprennent en mars ou avril.

[54] Il a pensé à un moment donné de faire la location de planches à neige et de skis de fond : l’entreprise a acheté ainsi quelques planches à neige mais ce fut un fiasco et le projet a été abandonné.

[55] Sa responsabilité est engagée jusqu’à concurrence de 160 000 $ dans cette affaire et il faut qu’il surveille.

[56] Il y va même “bien habillé” en hiver pour préparer l’année à venir et pour faire le ménage dans les pièces.

[57] Éric s’occupait principalement des réparations et Fabienne de la vente : elle faisait la comptabilité après y avoir été initiée par son épouse.

[58] Le grand livre 1995 (pièce I-4) est écrit par Fabienne mais elle n’était pas payée pour le faire, la compagnie n’en ayant pas les moyens.

[59] Les banques s’adressent directement à lui ou bien “ça lui revient” de toute façon.

[60] Les relevés d’emploi d’Éric (pièce I-5) indiquent comme employeur ou bien Boutique Cyclic, une raison sociale de la payeuse ou bien Bicyle Bernières Enr., une raison sociale de Gestion Henri Lepage Inc. ou bien ces deux raisons sociales.

[61] S’ils indiquent comme adresse de l’employeur “C.P. 489, Schefferville” c’est parce que tous les documents lui étaient acheminés à cet endroit où se trouve sa pourvoirie.

[62] C’est lui qui a signé ceux de 1994 et 1995 mais c’est Fabienne Synnott qui a signé celui de 1996.

[63] Le livre des minutes (pièce A-3) fait voir une résolution du 29 mai 1994 où il est écrit :

“Les administrateurs constatent que le nom de la compagnie a été changé pour Gestion Éric Valcourt Inc. alors que leur intention était que le nom soit Gestion Louis et Éric Valcourt Inc.

Considérant les frais que cela occasionnerait il est convenu d’attendre un changement plus significatif dans les statuts pour changer le nom de la compagnie.

[...]

Le président demande que tous les déboursés de plus de deux cents dollars ($200) soient préalablement approuvés verbalement ou par fax, par celui-ci.”

[64] Elle est signée par lui-même à titre de président et par Éric Valcourt à titre de secrétaire.

[65] Lorsqu’il a remis 50 000 $ à Henri Lepage, il y avait 25 000 $ pour le commerce et 25 000 $ pour la maison même s’il est indiqué au reçu (pièce A-2) : “accompte achat maison ...”.

[66] Le livre de minutes fait aussi voir que le certificat d’actions no. 5 à l’ordre d’Éric Valcourt est signé par celui-ci à titre de président et secrétaire et qu’il en va de même pour le certificat 4 à l’ordre de Louis Valcourt.

Selon le comptable George Bégin

[67] Henri Lepage était son client, il voulait vendre, il y eut une entente sur le prix et c’est lui à titre d’expert qui a dirigé la transaction.

[68] C’est le notaire qui a cependant préparé la documentation.

[69] Il a appris seulement à ce moment que Louis Valcourt avait un fils.

[70] Au départ, le commerce était rentable.

[71] Le salaire d’Henri Lepage était de 500 $ à 600 $ par semaine alors que son épouse recevait 100 $ à 150 $ par semaine.

[72] Il ne peut dire la durée de la période de pointe à ce commerce.

[73] C’est lui qui a dit à Louis Valcourt quel salaire payer à son fils.

[74] Les états financiers (pièce A-1) font voir qu’en 1993 les salaires et bénéfices marginaux étaient de 15 983 $ en 1993 et de 16 880 $ en 1994.

[75] C’est à cause d’une erreur de la Banque si le prêt de 40 000 $ a été fait au nom de la compagnie, car c’est Louis Valcourt qui a acheté les actions d’Henri Lepage alors qu’Éric Valcourt n’a pas mis un sous.

[76] Ce prêt aurait dû en conséquence être consenti plutôt à Louis Valcourt.

[77] Il a demandé à la Banque de faire la correction appropriée, ça a été fait mais avec beaucoup de retard à cause d’un changement de gérant.

[78] En 1994, la compagnie n’avait pas d’emprunt bancaire mais en 1995, elle a obtenu une marge de crédit de 4 000 $.

[79] Si aux états financiers (pièce A-1) il y a une rubrique “Dépenses de loyer 5 000 $”, il s’agit seulement d’une dépense d’ordre fiscal car cette somme n’a pas été versée annuellement au propriétaire du bâtiment dont il ignore d’ailleurs le nom.

[80] Henri Lepage n’avait pas d’autre employé à part son épouse.

[81] La Banque a toujours considéré cependant dans les faits que le prêt de 40 000 $ avait été fait à Louis Valcourt.

Selon Fabienne Synnott

[82] Elle est enseignante, elle a travaillé dans l’ouest canadien mais son poste a été aboli.

[83] Elle est alors revenue au Québec, a oeuvré un bout de temps dans l’informatique et ensuite son beau-père l’a invitée à aller travailler au magasin lorsqu’Henri Lepage a quitté, à cause de tout le travail qu’il y avait à faire là à ce moment de l’année.

[84] Elle fait beaucoup de vélo, elle est bonne pour la vente et elle a oeuvré au magasin tant et aussi longtemps qu’il y eut du travail pour elle.

[85] Elle était enceinte et commençait cependant à trouver ça dur de travailler ainsi car ils n’arrêtaient pas et ne voyaient pas les journées passer.

[86] Elle accueillait les clients, cernait leurs besoins, dépistait les problèmes sur leurs vélos, déplaçait les bicyclettes et allait chercher des pièces.

[87] Avant d’être embauchée au magasin elle allait porter leurs dîners à son mari et à son beau-père au magasin.

[88] Son salaire a été fixé par Louis Valcourt.

[89] C’est bien elle qui a préparé le grand livre en 1993, 1994 et 1995.

[90] Elle y a procédé à partir des relevés bancaires et a agi suivant les instructions de sa belle-mère : ça lui prenait de 10 à 20 minutes par mois.

[91] Elle préparait aussi les chèques sur les ordres de sa belle-mère et faisait les dépôts bancaires une fois par semaine, pour rendre service.

[92] Ça pouvait lui prendre deux heures par mois en période de pointe.

[93] En 1994, avant d’être embauchée, elle a aussi oeuvré à titre bénévole pendant une heure et demie à deux heures par mois et après sa mise à pied, elle a fait de même jusqu’au mois de novembre.

[94] Elle n’avait pas été engagée pour s’occuper de l’administration mais bien des ventes.

[95] En 1995 et 1996, elle a oeuvré à titre d’enseignante presque à plein temps.

[96] Si dans le grand livre (pièce I-2) il apparaît qu’elle a eu un chèque de 332,24 $ le 22 avril, c’est qu’à l’occasion elle allait faire des achats au Club Price, pour le compte du magasin, qu’elle les payait et se faisait rembourser ainsi.

[97] L’acte d’obligation (pièce I-6) du 1er février 1994 fait voir que son mari et elle ont emprunté 75 000 $ sur le terrain et la maison sis au 503, rue Vire-Crête à Bernières avec la caution de Louis Valcourt.

[98] Éric et elle paient les versements sur cette hypothèque.

[99] L’acte d’obligation (pièce I-7) du 6 juin 1996 au montant de 105 000 $ “remplaçait” en partie le précédent.

[100] C’est qu’il a fallu agrandir la maison et le commerce en ajoutant un deuxième étage.

[101] Cet investissement valait deux tiers pour le commerce et un tiers pour la maison suivant leurs superficies respectives.

[102] L’entreprise ne rembourse pas cette obligation et paie seulement les intérêts sur l’emprunt de 40 000 $ dont il a été question précédemment.

Selon Éric Valcourt

[103] Il a une formation de mécanicien en automobile, il est un amateur de plein air et il a fait du vélo très jeune.

[104] Au commerce concerné, il a surtout oeuvré aux réparations mais il a fait aussi un peu de vente.

[105] Son horaire de travail a été fixé par son père, le patron.

[106] Avant et après les périodes en litige, son père lui demande des conseils techniques et il les lui donne bénévolement.

[107] Il a fait un “burn-out” au cours de la dernière période en litige.

[108] Il n’a rien investi dans l’entreprise et il n’en a jamais été le président même s’il a signé comme tel sur la résolution (pièce I-1) du 15 janvier 1994 et sur les certificats d’actions 4 et 5.

[109] Il n’a jamais reçu sa quote-part du loyer de 5 000 $ par année pour la location du magasin.

[110] Si sur sa demande de prestations d’assurance-chômage (pièce I-8) du 16 septembre 1996, il a mentionné Schefferville comme adresse de son employeur, c’est au cas où des renseignements auraient dû être demandés à son père.

[111] Il signait bien les chèques de la payeuse mais les banquiers communiquaient surtout avec son père pour les finances de celle-ci.

[112] Le soir un répondeur localisé dans la maison recevait les appels de la clientèle.

[113] Il a bien signé une déclaration statutaire (pièce I-9) le 23 octobre 1996.

[114] Son occupation y est indiquée “propriétaire”.

[115] Il y est écrit (page 1) :

“Je reconnais être propriétaire de Gestion Éric Valcourt Inc. à raison de 35 %... J’opère le commerce entièrement avec l’aide de ma conjointe Mme Fabienne Synnott.”

[116] C’était la première fois qu’il était enquêté et il était encore dans son “burn-out” et complètement “à terre”.

[117] Dans cette déclaration, il est aussi écrit (page 2) :

“Nous avons établi au début, par une entente verbale que Gestion Éric Valcourt Inc. devrait payer un loyer pour utiliser les locaux personnels, nous n’avons pas perçu de loyer depuis le début. Il arrive également que certaines factures d’essence ne sont pas remboursées par la Cie.”

[118] Le loyer aurait dû être payé mais il ne l’a pas été.

[119] Il y est aussi écrit :

“Je reçois un salaire ... lorsque nous sommes en période intense de avril à octobre ... et en période d’octobre à avril, je rends des services et fait du travail sur rendez-vous mais je ne suis pas payé ... Je ne déclare pas mon travail sur mes cartes de chômage parce que je ne suis pas payé ... Nous envisageons de diminuer mon salaire en période intense pour pouvoir me payer un salaire à chaque semaine tout au long de l’année pour les services que je rends ...”

[120] L’assurance-chômage, ce n’est pas intéressant, ça ressemble au bien-être social et il aimerait mieux avoir un plus petit salaire payé à l’année.

[121] Le chèque du 14 mai 1996 au montant de 800 $ que la compagnie lui a fait représentait bien une avance sur son salaire de septembre 1995.

[122] Lors de la déclaration statutaire la “petite” braillait, l’enquêteur était arrogant, il donnait à ses propos une tournure à son goût alors que lui, il était de bonne foi.

[123] L’intimé ne fait entendre aucun témoin.

Les plaidoiries

Selon le procureur des appelants

[124] Le Ministre se base surtout sur le fait qu’Éric a rendu des services à la payeuse avant et après chacune des périodes en litige sans rémunération et que les périodes prétendues travaillées ne coïncident pas avec les périodes d’activités de l’entreprise, ni avec les périodes réellement travaillées par celui-ci.

[125] C’est la pierre angulaire de son argumentation.

[126] Il n’a pas tenu compte du travail du père avant et après les périodes en litige.

[127] Si la Cour donne foi à la déclaration statutaire, cela contredit les témoignages au procès.

[128] L’enfant des appelants pleurait lors de la visite de l’enquêteur.

[129] Celui-ci n’a pas rencontré le père Valcourt pour l’interroger.

[130] Le salaire d’Éric était à peu près le même que celui d’Henri Lepage.

[131] Même s’il y avait un lien de dépendance, son salaire a baissé en 1996.

[132] Le comptable n’a aucun intérêt dans ces affaires et il est très crédible.

[133] Le témoignage de Louis Valcourt n’a pas été démoli et la preuve est faite qu’il oeuvre au commerce lorsqu’il n’est pas à sa pourvoirie.

[134] Il y a deux dossiers et la Cour pourrait en arriver à des conclusions différentes.

[135] Un étranger aurait pu être engagé pour faire à peu près le même travail qu’Éric.

[136] Le Ministre a inondé inutilement la Cour de papiers sans importance pour en arriver à décider.

[137] Dans Procureur Général du Canada et Jencan Ltd. (A-599-96), il est écrit (page 11) que ce n’est que lorsque la Cour conclut que le Ministre a exercé son pouvoir discrétionnaire d’une manière qui est contraire à la loi que celle-ci peut contrôler le bien-fondé de la décision rendue par le Ministre.

[138] Celui-ci n’a pas tenu compte du fait que le père Valcourt travaillait au commerce et, en conséquence, la Cour peut évaluer la crédibilité des témoignages.

[139] Dans le Procureur général du Canada et Jolyn Sport Inc. (A-96-96), l’honorable juge Hugessen écrit pour la Cour d’appel fédérale (page 4) :

“Dans tout appel interjeté en vertu de l’article 70, les conclusions de fait du ministre, ou ses “présuppositions”, seront énoncées en détail dans la Réponse à l’avis d’appel. Si le juge de la Cour de l’impôt qui, contrairement au ministre, se trouve dans une situation privilégiée pour apprécier la crédibilité des témoins qu’elle a vus et entendus, parvient à la conclusion que certaines ou la totalité de ces présuppositions de fait étaient erronées, elle devra déterminer si le ministre pouvait légalement tirer la conclusion qu’il a formulée en se fondant sur les faits établis en preuve. C’est manifestement ce qui s’est produit en l’espèce et nous ne sommes vraiment pas en mesure de déclarer que les conclusions de fait du juge ou sa conclusion portant que la décision du ministre ne pouvait se justifier étaient erronées.”

[140] La question des hypothèques, on n’en parle pas du tout dans les Réponses aux avis d’appel.

[141] Dans Le Procureur général du Canada et Madeleine Sabourin (A-641-96), l’honorable juge Denault écrit pour la Cour d’appel fédérale (page 1) :

“Le requérant reproche au juge d’avoir erré en concluant que le ministre avait “exercé sa discrétion de façon arbitraire puisqu’il n’a pas tiré les conclusions appropriées des faits qu’il avait devant lui en ne tenant pas compte de toutes les circonstances entourant ces emplois.”

[142] Et la demande de contrôle judiciaire a été rejetée.

[143] Dans Eddy Sorensen et le Procureur général du Canada (A-177-96), l’honorable juge suppléant Chevalier écrit pour la Cour d’appel fédérale (pages 2 et 3) :

“... il existe au dossier une preuve non contredite, corroborée et, à prime abord concluante, que les rétributions versées au requérant, les modalités et l’importance du travail par lui accompli constituent des circonstances permettant d’en inférer raisonnablement que des parties n’ayant entre elles aucun lien de dépendance auraient conclu selon les termes du sous-alinéa 3(2)c)(ii) un contrat de travail à peu près semblable.”

[144] Il doit en aller de même en ces instances.

Selon le procureur de l'intimé

[145] L’arrêt Jencan daté du 24 juin 1997 et l’arrêt Sa Majesté la Reine et Bayside Drive-in Ltd. et al (A-626-96 à A-629-96) daté du 25 juillet 1997 sont postérieurs à ceux cités par le procureur des appelants.

[146] Dans Jencan, l’honorable juge en chef de la Cour d’appel fédérale écrit pour celle-ci (page 17) :

“La Cour de l’impôt est justifiée de modifier la décision rendue par le ministre en vertu du sous-alinéa 3(2)c)(ii) -- en examinant le bien-fondé de cette dernière -- lorsqu’il est établi, selon le cas, que le ministre : (i) a agi de mauvaise foi ou dans un but ou un mobile illicite; (ii) n’a pas tenu compte de toutes les circonstances pertinentes, comme l’exige expressément le sous-alinéa 3(2)c)(ii); (iii) a tenu compte d’un facteur non pertinent.”

[147] Il n’y a rien de tel en l’instance.

[148] La résolution (pièce I-1) fait bien voir que c’est Éric Valcourt qui est nommé président de la compagnie et elle est signée par celui-ci et par son père également.

[149] Les certificats d’actions sont au même effet.

[150] Il est vrai que la résolution du 29 mai 1994 du livre des minutes (pièce A-3) nomme Louis Valcourt, président et Éric Valcourt, secrétaire mais il y a des contradictions dans la documentation soumise par les appelants.

[151] Il y a des erreurs admises dans les grands livres, il y a prétendument une erreur de la banque et Louis Valcourt devrait s’entourer de gens plus compétents.

[152] Le loyer de 5 000 $ par année n’est pas payé aux appelants.

[153] C’est Fabienne Synnott qui signe le relevé d’emploi de son conjoint en septembre 1996.

[154] La demande de prestations d’Éric Valcourt (pièce I-8) est datée du 16 septembre 1996 et indique Schefferville comme adresse de la payeuse alors que Louis Valcourt n’est plus là.

[155] La déclaration statutaire (pièce I-9) indique bien que la durée de l’entrevue a été de 14 h 45 à 16 h 20 et au surplus Fabienne Synnott l’a contresignée à titre de témoin.

[156] Il est manifeste que l’enquêteur n’a pas d’intérêt à rapporter des faits incorrects.

[157] Dans les deux cas, les appelants ont été rémunérés seulement pendant le nombre minimum de semaines pour se qualifier à recevoir des prestations d’assurance-chômage.

[158] La preuve ne révèle pas si Louis Valcourt a été rencontré par l’enquêteur et il n’y a pas de conclusion à tirer là-dessus.

[159] Dans le cas d’Éric, le sous-paragraphe h) est nié mais la preuve est à l’effet contraire.

[160] Les grands livres montrent des activités pour des périodes beaucoup plus longues que celles en litige.

Selon le procureur des appelants en réplique

[161] Le comptable est bien venu expliquer l’erreur quant au prêt de 40 000 $.

[162] L’enquêteur a des quotas à respecter.

[163] Fabienne Synnott a signé seulement comme témoin lors de la déclaration statutaire de son mari et ça ne veut pas dire qu’elle était d’accord.

[164] Il n’est pas pertinent de dire que les appelants ont été rémunérés seulement le nombre de semaines minimum dont ils avaient besoin pour se qualifier aux prestations.

Le Délibéré

L'appel de Fabienne Synnott

[165] Elle admet que son conjoint et son beau-père détiennent respectivement 35 % et 65 % des actions comportant droit de vote de la payeuse.

[166] Ce commerce n’est pas situé dans leur résidence, mais il est dans le même bâtiment et cela ne change rien pour décider ci-après étant donné que l’adresse civique est la même.

[167] Pour cerner les problèmes des vélos il fallait bien qu’elle tente d’abord de voir ce qui n’allait pas. Il est évident qu’elle a rendu des services à la payeuse alors qu’elle n’était pas rémunérée.

[168] Son salaire était très élevé eu égard à celui de l’épouse d’Henri Lepage et il faut considérer aussi le déficit de l’entreprise.

[169] Il n’est pas raisonnable de conclure, dans ces circonstances, que le contrat de travail aurait été à peu près semblable si elle n’avait pas eu de lien de dépendance.

[170] En effet, Louis Valcourt dit bien que si l’appelante n’était pas rémunérée hors la période en litige, c’est que la compagnie n’avait pas les moyens de le faire.

[171] L’appelante n’a pas été rémunérée de sa quote-part du loyer de la partie de la maison occupée par le commerce et une personne sans lien de dépendance aurait certes exigé de l’être.

[172] Vers la fin de la période en litige, elle était enceinte et avait du mal à continuer son travail.

[173] Elle est certes bonne dans la vente, mais ce n’est pas ce que la Cour à décider ci-après.

[174] La transaction chez Club Price est sans intérêt pour la solution du présent litige.

[175] Une personne non liée n’aurait certes pas consenti un emprunt hypothécaire servant aux deux tiers pour le magasin sans recevoir de loyer en contrepartie.

[176] Son appel doit donc être rejeté.

L'appel d'Éric Valcourt

[177] Il admet détenir 35 % des actions de la payeuse alors que son père en détient 65 %: si l’entreprise faisait des profits, il aurait droit à sa quote-part même sans avoir investi et une personne non liée n’aurait certes pas eu un tel avantage.

[178] Le nom corporatif de la payeuse importe peu pour conclure ci-après.

[179] Il n’y a pas de doute que c’est Louis Valcourt qui a organisé les finances de la payeuse mais il a un lien de dépendance.

[180] Il est normal que ce soit l’actionnaire majoritaire qui ait le dernier mot dans la gestion de l’entreprise. L’appelant admet être payé à la semaine, peu importe le nombre d’heures travaillées et une personne non liée ne le serait certes pas.

[181] La réduction de son salaire en 1996 est sans importance pour le dispositif ci-après.

[182] Il a un risque avec ses actions car leur valeur peut varier selon les affaires de l’entreprise.

[183] Le fait que le père peut aussi travailler au commerce importe peu pour décider ci-après.

[184] L’appelant peut signer avec une certaine réserve les chèques de la payeuse et il n’est pas certain qu’un employé non lié pourrait aussi le faire.

[185] Dans son avis d’appel, l’appelant dit qu’il n’y a pas de lien de dépendance entre lui et la payeuse mais il admet par après le sous-paragraphe q) de la Réponse à l’avis d’appel.

[186] Il est prouvé que l’appelant a rendu des services à la payeuse avant et après chacune des périodes en litige et ce sans rémunération.

[187] Il n’est pas raisonnable de conclure dans ces circonstances que le contrat de travail de l’appelant aurait été à peu près semblable, s’il n’y avait pas eu de lien de dépendance avec la payeuse.

[188] En effet, même si le but de Louis Valcourt de partir cette entreprise pour créer un emploi à son fils est louable, ce n’est pas ce que la Cour a à décider pour terminer ce litige.

[189] Dans la Réponse à l’avis d’appel, le Ministre a invoqué seulement l’alinéa 5(2)i) de la Loi sur l’assurance-emploi et l’alinéa 3(2)c) de la Loi sur l’assurance-chômage ainsi que les articles 251 et 252 de la Loi de l’impôt sur le revenu à savoir le lien de dépendance et c’est dans ce cadre et dans nul autre qu’il faut décider ci-après.

[190] Le “burn-out” d’Éric Valcourt est très malheureux mais ce n’est pas ce qu’il faut considérer pour conclure.

[191] Toutes les transactions nécessaires à l’opération du commerce sont intéressantes, mais ce qu’il faut en retenir c’est que l’appelant a emprunté sur hypothèque entre autres pour agrandir le magasin, qu’il n’a pas perçu sa quote-part du loyer et qu’une personne non liée ne l’aurait pas fait.

[192] L’erreur dans l’emprunt de 40 000 $ importe peu pour conclure : le projet de location de planches à neige et de skis de fond non plus : il en va de même pour l’adresse de Schefferville sur certains documents et pour la présidence de la payeuse, Louis Valcourt étant l’actionnaire majoritaire.

[193] Éric Valcourt est certes compétent en mécanique, mais là n’est pas l’appel du présent litige.

[194] Une personne non liée n’aurait certes pas accepté de recevoir sur son répondeur personnel, le soir, les messages du magasin.

[195] Dans sa déclaration statutaire, alors que sa mémoire était plus fraîche, il a bien reconnu être le propriétaire de la payeuse à raison de 35 % et l’exploiter avec sa conjointe.

[196] Il dit bien que le loyer aurait dû être payé et qu’il ne l’a pas été.

[197] Il ajoute que certaines factures d’essence ne lui sont pas remboursées et qu’il ne déclare pas son travail hors période parce qu’il n’est pas rémunéré.

[198] Une personne non liée n’aurait certes pas accepté d’être payée seulement en mai 1996 pour un salaire au montant de 800 $ dû depuis septembre 1995.

[199] Il n’y a pas de preuve que sa déclaration statutaire ait été signée à la suite de pressions indues et d’ailleurs sa conjointe l’a contresignée à titre de témoin : à la Cour elle n’a pas dit si elle était d’accord ou non.

[200] La preuve ne révèle pas si Louis Valcourt a été interrogé ou non par l’enquêteur et il n’y a pas de conclusion à tirer là-dessus.

[201] La Cour pourrait, il est vrai, en arriver à des conclusions différentes mais dans les deux cas il y eut du travail bénévole hors les périodes en litige.

[202] Le Ministre pouvait légalement tirer la conclusion qu’il a formulée en se fondant sur les faits établis en preuve.

[203] Il a tenu compte de toutes les circonstances entourant les emplois.

[204] Aux termes de l’arrêt Jencan, l’appelant ne peut triompher dans son appel.

[205] C’est Fabienne Synnott qui a signé le relevé d’emploi d’Éric Valcourt en 1996.

[206] Il n’est pas en preuve que l’enquêteur avait des quotas à respecter.

[207] Il n’est peut-être pas pertinent que dans les deux cas les semaines rémunérées correspondent exactement au minimum requis, mais il s’agit quand même là de coïncidences pour le moins étranges.

[208] L’appel d’Éric Valcourt doit donc aussi être rejeté.

[209] Les deux décisions entreprises sont en conséquence confirmées.

Signé à Laval (Québec) ce 5e jour de juillet 1998.

“ A. Prévost ”

J.S.C.C.I.

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