Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20000321

Dossier : 1999-4611-EI

ENTRE :

THE INSURANCE CORPORATION OF BRITISH COLUMBIA,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

RYAN LAKE,

intervenant.

Motifs de l'ordonnance

La juge Lamarre Proulx, C.C.I.

[1] Il s'agit en l'espèce d'une requête de l'appelante visant à obtenir une ordonnance de radiation de l'avis d'intervention pour le motif qu'il est frivole, vexatoire, embarrassant et qu'il n'a absolument aucun rapport avec les questions soulevées dans l'appel.

[2] Les motifs à l'appui de la requête sont présentés dans le premier document du recueil de documents et se lisent comme suit :

[TRADUCTION]

Conformément aux conclusions qu'elles ont déposées, les parties conviennent que M. Lake est le véritable employeur de Mme Harvey. Lors de l'audition, la seule question à trancher sera de savoir si ICBC était son employeur réputé (voir le paragraphe 4.1 de l'appel et le paragraphe 9 de la réponse). Le statut de M. Lake en vertu de la LAE en tant que véritable employeur de Mme Harvey restera le même, quelle que soit l'issue de la cause de ICBC. Si celle-ci devait remporter la cause, M. Lake restera le véritable employeur de Mme Harvey. Si ICBC devait perdre la cause, l'alinéa 10(1)(a) du Règlement sur la rémunération assurable et la perception des cotisations indique de façon précise que ICBC sera réputée être son employeur, conjointement avec le véritable employeur (voir l'onglet 6). Par conséquent, il est clair que, quelle que soit l'issue de la cause de ICBC, M. Lake gardera son statut de véritable employeur.

Dans ces circonstances, l'avis d'intervention n'est pas pertinent en ce qui a trait à la seule question qui doit être tranchée au procès. Il est donc “ embarrassant ” et devrait être radié. Est embarrassant un acte de procédure qui n'est pas pertinent et qui ne peut entraîner aucun résultat pratique. [...]

[3] Les hypothèses de fait sur lesquelles l'intimé, le ministre du Revenu national (le “ ministre ”), s'est fondé pour prendre sa décision sont énoncées comme suit au paragraphe 7 de la réponse à l'avis d'appel (la “ réponse ”) :

[TRADUCTION]

a) M. Lake a subi un accident d'automobile le 3 mai 1997 ou vers cette date;

b) M. Lake bénéficiait d'une couverture d'assurance-automobile contractée auprès de l'appelante;

c) M. Lake a demandé à l'appelante de couvrir les frais liés à l'embauche d'une préposée, qui pourrait lui apporter de l'aide au cours de sa convalescence faisant suite aux blessures qu'il avait subies lors de l'accident d'automobile;

d) l'appelante a permis à M. Lake d'embaucher une préposée;

e) l'appelante a établi le taux horaire de la préposée à 15 $ pour un maximum de quatre heures par jour de soins personnels offerts à M. Lake, et à 8,25 $ pour les soins apportés aux enfants de M. Lake;

f) M. Lake a embauché la travailleuse afin qu'elle s'occupe de lui et de ses enfants à leur domicile, de 8 h à 18 h, du lundi au vendredi, au taux horaire établi par l'appelante;

g) M. Lake dirigeait le travail de la travailleuse et la supervisait pendant qu'elle accomplissait ses tâches;

h) l'appelante a fourni les feuilles de temps que devait remplir la travailleuse avant de les faire signer par M. Lake;

i) l'appelante versait une rémunération à la travailleuse sur réception des feuilles de temps signées;

j) le versement de la rémunération à la travailleuse par l'appelante ne représentait pas le remboursement d'une dépense engagée par M. Lake;

k) l'appelante a évalué les besoins de M. Lake et a continué à payer la préposée durant la période;

l) l'appelante est l'employeur réputé de la travailleuse aux fins des cotisations d'assurance-emploi puisque l'appelante a versé la rémunération directement à la travailleuse plutôt que de rembourser M. Lake.

[4] Les extraits pertinents de la décision du ministre visant Insurance Corporation of British Columbia (“ ICBC ”), datée du 27 août 1999, se lisent ainsi :

[TRADUCTION]

Il a été décidé que Mme Shannie Harvey était employée par M. Ryan Lake en vertu d'un contrat de travail et, par conséquent, qu'elle détenait un emploi assurable. Puisque Mme Shannie Harvey était payée par Insurance Corporation of British Columbia, cette dernière était réputée être l'employeur de l'assuré conjointement avec le véritable employeur.

[5] Une décision visant M. Ryan Lake a également été rendue le 27 août 1999 :

Il a été décidé que Mme Shannie Harvey a été votre employée en vertu d'un contrat de travail et, par conséquent, qu'elle détenait un emploi assurable. Mme Shannie Harvey était payée par Insurance Corporation of British Columbia, laquelle était réputée être l'employeur de l'assuré conjointement avec le véritable employeur.

[6] Une lettre émanant de l'Agence canadienne des douanes et du revenu (l'“ ACDR ”), datée du 23 novembre 1999, a été envoyée à M. Lake pour l'informer de l'appel déposé par ICBC; elle indiquait de plus : [TRADUCTION] “ Si vous souhaitez prendre part à l'appel, vous pouvez le faire en remettant un avis d'intervention écrit, dans les 45 jours de la date de la présente, au greffier de la Cour canadienne de l'impôt ”.

Analyse

[7] L'avocat de l'appelante soutient que le statut de M. Lake à titre d'employeur n'est pas contesté et qu'il n'existe donc aucun motif d'intervention. La seule question en litige consiste à savoir si l'appelante est un employeur réputé en vertu de l'article 10 du Règlement sur la rémunération assurable et la perception des cotisations (le “ Règlement ”).

[8] L'avocat de l'intimé a choisi la neutralité dans le débat qui oppose l'appelante et l'intervenant, même s'il a, à un moment donné, indiqué que la présence de l'intervenant serait requise, au moins à titre de témoin.

[9] L'article 10 du Règlement mentionné ci-dessus se lit ainsi :

10(1) Lorsque, dans un cas non prévu par le présent règlement, un assuré travaille :

a) soit sous la direction générale ou la surveillance directe d'une personne qui n'est pas son véritable employeur, ou est payé par une telle personne,

b) soit avec l'assentiment d'une personne qui n'est pas son véritable employeur dans un lieu ou un local sur lequel cette personne a certains droits ou privilèges aux termes d'une licence, d'un permis ou d'une convention,

cette personne est réputée, aux fins de la tenue des registres, du calcul de la rémunération assurable de l'assuré ainsi que du paiement, de la retenue et du versement des cotisations exigibles à cet égard aux termes de la Loi et du présent règlement, être l'employeur de l'assuré conjointement avec le véritable employeur.

10(2) Le montant de la cotisation patronale payée par la personne réputée être l'employeur en vertu du paragraphe (1) est recouvrable par celle-ci auprès du véritable employeur.

10(3) Lorsque la personne qui est réputée être l'employeur d'un assuré en vertu du présent règlement ne paie pas, ne retient pas ou ne verse pas les cotisations qu'un employeur est tenu de payer, de retenir ou de verser aux termes de la Loi ou du présent règlement, les dispositions des parties IV et VI de la Loi s'appliquent à elle comme s'il s'agissait du véritable employeur.

[10] L'article 9 des Règles de la Cour canadienne de l'impôt (assurance-emploi), qui traite des interventions, se lit comme suit :

9(1) Toute personne qui désire intervenir dans un appel doit le faire en déposant ou en expédiant par la poste, au greffe où l'avis d'appel a été déposé ou expédié par la poste, un avis d'intervention conformément au modèle figurant à l'annexe 9.

9(2) L'avis d'intervention doit être déposé ou expédié par la poste dans les 45 jours de la signification de l'avis d'appel à l'intervenant en vertu de l'article 8.

9(3) Un intervenant peut préciser, dans son avis d'intervention, qu'il a l'intention d'invoquer les moyens indiqués dans l'avis d'appel qu'il a reçu ou ceux mentionnés dans l'avis d'intervention d'un autre intervenant.

9(4) Le greffier signifie au ministre et à l'appelante une copie de chaque avis d'intervention qu'il reçoit.

9(5) La signification de l'avis d'intervention peut se faire à personne ou par la poste; dans le premier cas, la signification à personne au sous-ministre du Revenu national est réputée avoir été faite au ministre; dans le deuxième cas, la date de signification est la date de la mise à la poste et, en l'absence de toute preuve du contraire, cette date correspond à la date figurant sur la lettre du greffier accompagnant l'avis d'intervention.

[11] Il ressort de cette disposition qu'il n'est pas nécessaire de demander l'autorisation d'intervenir dans un appel. En fait, il y a souvent des intervenants dans les procédures d'appel en vertu de la Loi sur l'assurance-emploi (la “ Loi ”) et notre cour a toujours accepté cette façon de faire librement lorsque l'intervenant était un employeur ou un employé. Je pense que cela découle de la Loi elle-même. Je fais référence aux paragraphes 93(1), (3) et (4) de la Loi, qui indiquent que le ministre doit aviser toute personne qui peut être touchée par un appel ou une décision. Normalement, au sens de la Loi, cela viserait l'employeur et l'employé.

[12] L'article 28 des Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure générale) traite de l'autorisation d'intervenir dans une instance. Elle ne s'applique pas dans le cas de questions visées par la Loi. Je n'y fais référence que pour montrer que la procédure visant l'application d'une loi peut changer d'une loi à une autre. Dans les causes relevant de la Loi de l'impôt sur le revenu, l'autorisation d'intervenir dans une instance doit être demandée et obtenue. Cet article est ainsi libellé :

28(1) Quiconque n'est pas partie à l'instance et prétend :

a) qu'il a un intérêt dans l'objet de cette instance;

b) qu'il peut subir un préjudice par suite du jugement;

c) que lui-même et l'une ou plusieurs des parties à l'instance sont liés par la même question de droit, la même question de fait ou la même question de droit et de fait,

peut demander, par voie de requête, l'autorisation d'intervenir dans l'instance.

28(2) Saisie de la requête, la Cour, après avoir examiné si l'intervention risque de retarder indûment ou de compromettre la décision sur les droits des parties à l'instance, peut :

a) autoriser le requérant à intervenir à titre d'intervenant bénévole et sans être partie à l'instance, afin d'éclairer la Cour par son témoignage ou son argumentation;

b) rendre toute directive qu'elle estime appropriée en matière d'actes de procédure, d'interrogatoire préalable ou de frais.

[13] On ne m'a présenté aucune décision visant des interventions dans le cadre d'appels relevant de la Loi. L'avocat de l'appelante a renvoyé la Cour à deux décisions relatives à la radiation de déclarations ou de parties de celles-ci dans des affaires relevant de la Loi de l'impôt sur le revenu.

[14] Bien que la lettre envoyée à M. Lake par l'ACDR ne puisse être déterminante, elle représente à tout le moins un indice du fait que l'intervention est considérée comme une pratique normale et utile dans l'administration de la Loi.

[15] À titre d'employeur, M. Lake semble, à première vue, être une partie intéressée à ce que ICBC soit considérée comme un employeur réputé. L'avocat de l'appelante m'a indiqué un passage du paragraphe 10(2) du Règlement cité au paragraphe 9 des présents motifs, qui prévoit que les montants versés par l'employeur réputé peuvent être récupérés auprès du véritable employeur. Je suis d'avis que cela dépend du lien contractuel qui existe entre l'employeur réputé et l'employeur. Par conséquent, je ne peux conclure que le paragraphe 10(2) est suffisant pour écarter l'intérêt de M. Lake à participer au débat judiciaire.

[16] Je conclus que M. Lake a le droit, conformément à la Loi, à son objet et à son esprit, d'intervenir en tant que personne qui peut être touchée par le jugement. Par conséquent, la requête est rejetée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 21e jour de mars 2000.

“ Louise Lamarre Proulx ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.