Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 20000925

Dossier: 1999-4618-IT-I

ENTRE :

CAMBPELL'S CONCRETE LTD.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge McArthur, C.C.I.

[1] Les présents appels sont interjetés à l’encontre de cotisations établies à l’égard de l’appelante pour ses années d’imposition 1994, 1995 et 1996. La question est de savoir comment classifier certains matériaux utilisés par l’appelante dans son entreprise de béton préfabriqué pour que ce dernier ait droit à une déduction pour amortissement (DPA). Le ministre du Revenu national (le “ ministre ”) a fait passer certains éléments de la catégorie 43 à la catégorie 12 de l’annexe II du Règlement de l’impôt sur le revenu.

[2] Les faits pertinents qui ne sont pas contestés ou qui ont été constatés par moi sont notamment les suivants. L’appelante exploite une entreprise de fabrication et de transformation de produits en béton. Le litige porte sur la classification des formes utilisées par l’appelante pour produire des anneaux de béton et des cônes excentriques pour les trous d’homme ainsi que les sections de dalots. Pendant le processus de production, de l’acier de renfort et certaines pièces sont mis dans les formes. Ils sont ensuite huilés et assemblés, et du béton frais est versé dans les formes. Lorsque le béton a durci, les formes sont désassemblées et le produit en béton fini est retiré. Le produit en ciment précoulé est toujours identique, sauf en ce qui concerne la forme sous le trou d’homme, qui peut être étirée en longueur à la base tout en conservant le même aspect conique ou excentrique.

[3] Dans le Règlement de l’impôt sur le revenu, la catégorie 12 de l’annexe II vise notamment ce qui suit :

Les biens non compris dans aucune autre catégorie constitués par

[...]

d) une matrice, un gabarit, un modèle, un moule ou une forme à chaussure;

Ce bien de catégorie 12 peut être entièrement déprécié dans une année. L’appelante préférerait que les biens en cause soient classés dans la catégorie 43, qui permet une dépréciation annuelle de 30 p. 100 et qui lui permet de tirer avantage des crédits d’impôt si le bien satisfait à la définition de “ bien admissible ”.

[4] La question en litige est celle de savoir si les éléments à partir desquels l’appelante souhaite déclarer la DPA sont des “ moules ” selon le libellé de la catégorie 12.

[5] L’appelante a fabriqué une forme en 1994 à un coût de 24 495 $, et elle a acheté une forme en 1996 à un coût de 7 884 $. Les formes étaient creuses, faites d’acier et donnaient un produit en ciment toujours calibré. Le dalot avait la forme d’une boîte rectangulaire. Le cône excentrique avait la forme d’un tuyau, ayant un diamètre réduit par rapport à l’ouverture large du trou d’homme.

Position de l’appelante

[6] L’appelante était représentée par son comptable, qui a formulé par écrit trois observations : a) le ministre n’a pas examiné la possibilité que les formes puissent appartenir à une autre catégorie que la catégorie 12, qui indique que le bien n’entre dans cette catégorie (“ moule ”) que s’il n’est pas compris dans une autre; b) les formes sont en l’espèce semblables à celles de l’affaire Howden Brothers Construction Ltd. c. La Reine[1]. Dans cette affaire, le contribuable a demandé le contraire. Il a demandé une DPA de 100 p. 100 sur les formes en métal utilisées pour construire des sous-sols en béton. L’appelante a prétendu que les formes représentaient un “ moule ”. La Cour d’appel fédérale a conclu que le terme “ moule ” ne visait pas les formes utilisées par l’appelante; enfin, c) l’appelante a soutenu que les formes devraient faire partie de la catégorie 43 pour les raisons suivantes :

(i) pour qu’elles fassent partie de la catégorie 12, elles ne peuvent être comprises dans une autre catégorie, et les formes actuelles représentent de l’équipement de fabrication et de transformation et sont à juste titre classées dans la catégorie 43;

(ii) la catégorie 43 a été créée en combinant une partie des catégories 39 et 40, et le Bulletin d’interprétation IT-147R3, portant sur la catégorie 39, devrait s’appliquer à la catégorie 43. Selon ce Bulletin, pour qu’un bien soit inclus dans la catégorie 39 ou 40, le contribuable doit acquérir ou fabriquer le bien à être utilisé directement ou indirectement dans la fabrication de marchandises destinées à la vente. Selon les faits en l’espèce, cette condition est respectée;

(iii) l’appelante a mentionné l’affaire Coopers & Lybrand Limited c. La Reine[2] afin d’illustrer l’interprétation que je devrais faire des faits et du mot “ moule ”.

Position de l’intimée

[7] En termes simples, le bien est un moule au sens de la catégorie 12.

Analyse

[8] J’ai tenté d’accepter l’argument de l’appelante, mais je n’ai pu y arriver, pour les motifs suivants. Pour retenir ses observations, je devais conclure que les formes n’étaient pas des moules. La catégorie 12d) fait mention d’une matrice, d’un gabarit, d’un modèle, d’un moule ou d’une forme à chaussure. Les mots descriptifs utilisés, autres que “ moule ”, sont précis. Lorsqu’il est utilisé, chacun de ces éléments crée un produit identique dans la forme déterminée par la matrice, le gabarit, le modèle ou la forme à chaussure. Le mot “ moule ” doit entrer dans la même catégorie.

Le terme “ moule ” doit être confiné au même “ genre ” que les objets désignés par les autres termes figurant à ce paragraphe.[3]

[9] Voici les définitions des éléments de la catégorie 12 tels qu’ils se rapportent à la description en l’espèce[4] :

[TRADUCTION]

a) matrice [...] instrument servant à estamper, à couper ou à mouler un matériau pour lui donner une forme particulière. [...]

b) gabarit [...] appareil qui tient un ouvrage et qui guide les outils qui y travaillent. [...]

c) modèle [...] dessin décoratif répété, apposé sur un tissu, sur du papier [...]

d) moule [...] contenant creux dans lequel du métal en fusion, etc., est versé ou un matériau souple est pressé afin d’obtenir la forme durcie requise. [...]

e) forme à chaussure [...] modèle de cordonnier pour modeler ou réparer une chaussure ou une botte.

Le bien en cause est un contenant creux dans lequel du ciment est versé, lequel durcit pour obtenir la forme requise. Il est utilisé afin de fabriquer la même chose, d’une fois à l’autre, exception faite d’une différence de profondeur pour qu’il soit tenu compte des besoins particuliers des bouches sélectives.

[10] Les éléments de la catégorie 12 créent tous un produit continu comme la matrice, que le Canadian Oxford Dictionary décrit comme [TRADUCTION] “ instrument servant à estamper, à couper ou à mouler un matériau pour lui donner une forme ”. L’élément est utilisé afin de produire la même forme d’une fois à l’autre, sauf en ce qui concerne la profondeur du cône. Il a une durée de vie de plus de dix ans. L’appelante prétend qu’il ne fait pas partie de la catégorie 12 au motif que cette dernière vise des biens qui ont une durée de vie d’environ un an. Pour étayer cet argument, elle mentionne l’affaire Howden, dans laquelle le juge suppléant Maguire cite et approuve le commissaire St. Onge (tel était alors son titre) de la Commission d’appel de l’impôt, de la manière suivante :

Selon la preuve et après un examen attentif des différentes catégories d'amortissement, la Commission estime qu'en tentant de décider à quelle catégorie appartenait un bien à des fins d'amortissement, la priorité devait être accordée à la durée de vie d'un bien. En l'espèce il est évident que la durée de vie du bien varie de trois à quatre ans, et que, par conséquent, le taux correspondant d'amortissement serait celui de la catégorie 10h) de 30 p. 100.

Je n’accepte pas cette logique. Beaucoup des biens de la catégorie 12 sont fabriqués pour durer plus longtemps qu’un an : un livre et un puits de mines, pour n’en nommer que deux.

[11] L’appelante soutient que l’élément en cause constitue de l’équipement et qu’il devrait faire partie de la catégorie 43. Le Canadian Oxford Dictionary définit “ équipement ” de manière vague :

[TRADUCTION]

outils, articles, vêtements, etc. utilisés ou nécessaires à une fin particulière.

Cette définition n’aide pas l’appelante. L’élément entre parfaitement dans la définition de “ moule ”. L’emploi ordinaire de la définition anglaise de “ moule ” correspond précisément à l’élément en cause. Il n’y a pas lieu d’aller plus loin.

[12] L’appelante déclare que l’élément est visé par la définition de “ bien admissible ” et qu’elle a droit à un crédit d’impôt. Malheureusement, les biens de la catégorie 12 ne donnent pas droit à un crédit d’impôt. L’appelante est doublement éprouvée. Elle doit inscrire la totalité du coût des moules d’une année et elle ne peut recevoir de crédit d’impôt pour leur achat. Bien que le résultat soit pénible pour l’appelante, je dois utiliser la définition particulière du terme “ moule ” avant la définition générale du terme “ équipement ”. La situation de fait dans l’affaire Howden est différente de celle en l’espèce. Dans l’affaire Howden, les feuilles métalliques ont été disposées de façon à recevoir le ciment liquide pour former les fondations du sous-sol. Les dimensions de ces feuilles changeaient selon la taille des fondations. Elles n’avaient pas le caractère permanent d’une matrice ou d’un moule.

[13] L’appelante m’a renvoyé à l’affaire Coopers & Lybrand, précitée, à la page 15 (DTC : à la page 6458), dans laquelle il est déclaré en ce qui concerne l’interprétation de la Loi :

qu'“ il est donc nécessaire [...] de déterminer à la fois l'objet de la disposition législative et les réalités commerciales et économiques des opérations du contribuable ”.

Cette ligne directrice, à mon avis, ne s’applique pas en l’espèce lorsque la signification d’un seul mot, “ moule ”, est claire, précise et non ambiguë, et il n’est pas nécessaire de chercher une interprétation ailleurs.

[14] Pour ces motifs, les appels sont rejetés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 25e jour de septembre 2000.

“ C. H. McArthur ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 28e jour de mars 2001.

Philippe Ducharme, réviseur



[1]               C.F. 1re inst., no T-5718-79, 28 novembre 1980 (80 DTC 6393).

[2]               C.F. 1re inst., no T-1784-89, 19 août 1992 (92 DTC 6452).

[3]               Howden, précité.

[4]               Canadian Oxford Dictionary (1998).

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