Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 19981215

Dossier: 96-262-IT-I

ENTRE :

FRED WEEKS,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement modifié

Le juge Teskey, C.C.I.

[1] L'appelant interjette appel de la cotisation d'impôt établie à son égard pour les années 1991, 1992, 1993 et 1994. Dans son avis d'appel, il a choisi la procédure informelle.

Questions en litige

[2] Les questions en litige en l'instance sont les suivantes :

La maison de l'appelant peut-elle être considérée comme une “ maison de santé ou de repos ” au sens des alinéas 118.2(2)b) et d) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la “ Loi ”)? Dans la négative, la question subsidiaire suivante est posée :

La maison de l'appelant peut-elle être considérée comme un “ autre endroit ” au sens de l'alinéa 118.2(2)e) de la Loi? Dans la négative, la question subsidiaire suivante est posée :

Le paragraphe 118.2(2) de la Loi crée-t-il une discrimination à l'égard de l'appelant en violation de l'article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés (la “ Charte ”)? Dans l'affirmative, la question subsidiaire suivante est posée :

L'atteinte serait-elle justifiée aux termes de l'article premier de la Charte? Enfin, quoi qu'il en soit :

Les frais à payer peuvent-ils être qualifiés de frais médicaux au sens des alinéas 118.2(2)b), d) et e) de la Loi?

Faits

[3] Les parties ont déposé à la Cour, sous la cote A-1, un exposé conjoint des faits contenant 14 paragraphes, libellés comme suit :

[TRADUCTION]

Le fils du contribuable, John Weeks, est aujourd'hui âgé de 18 ans et, depuis sa naissance, il réside avec le contribuable et son épouse.

John Weeks est né avec une malformation congénitale au cerveau causée par le syndrome d'holoprosencéphalie et de lissencéphalie.

John Weeks est atteint d'une déficience mentale et physique grave et prolongée d'une nature telle qu'il serait admissible au crédit d'impôt pour personnes handicapées prévu au paragraphe 118.3(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, si ce n'était de l'alinéa 118.3(1)c).

Au cours des années d'imposition en cause, John Weeks avait besoin de soins et de supervision 24 heures sur 24 et sept jours sur sept en raison de sa déficience.

John Weeks dépend d'autrui pour ses besoins et soins personnels et continuera d'en dépendre ainsi dans un avenir prévisible.

John Weeks n'a pas une capacité mentale normale.

Selon les publications médicales antérieures, il aurait été prévu qu'une personne atteinte d'une déficience comparable à celle de John Weeks aurait une expérience et une espérance de vie très réduites.

John Weeks a besoin d'une supervision compréhensive de la part d'adultes, de soins et de contrôle relativement à tout ce qu'il fait et tout ce dont il a besoin puisqu'il est à peu près incapable de prendre soin de lui-même ou de prendre des décisions réfléchies pour lui-même. Il est handicapé sur le plan social, mental, cognitif et physique.

Les procédures en l'instance se rapportent à un appel, d'une part, d'avis de nouvelles cotisations simultanés datés du 26 mai 1995 et établis à l'égard de l'appelant pour les années d'imposition 1991, 1992 et 1993, et, d'autre part, d'un avis de cotisation daté du 30 mai 1995 qui a été établi à l'égard de l'appelant pour l'année d'imposition 1994. Les avis sont appelés ci-après les nouvelles cotisations.

L'appelant avait demandé, dans sa déclaration de revenus pour chacune des années d'imposition visées par l'appel, le crédit pour frais médicaux et le crédit d'impôt pour personnes handicapées relativement à son fils John Weeks.

Le ministre du Revenu national (le ministre) a refusé à l'appelant le crédit d'impôt pour personnes handicapées. L'appelant a retiré sa demande de crédit.

Parmi les points soulignés dans les annexes A et B du Sommaire écrit de la plaidoirie de l'appelant, les éléments suivants ne sont plus en litige dans le présent appel :

Community Association for Riding for the Disabled

Sunny View Summer Enrichment Program

Shah Franco Martial Arts

Fournitures médicales (se rapportant à l'incontinence)

Vitamines multiples

Accessibilité à un bungalow

Marchette

Remplacement/réparations de la maison

Vêtements de rechange

Frais de lessive supplémentaires

Draps de bain très grands

Frais de gaz et d'électricité supplémentaires

Nettoyage de tapis et de meubles

Réunion de Bendection (demande retirée par l'appelant)

Poids pour poignets et bras

Moyens auxiliaires d'enquête médicale (demande retirée par l'appelant).

Les autres frais exceptionnels (les frais exceptionnels) pour lesquels le crédit d'impôt pour frais médicaux a été refusé se rapportaient aux éléments suivants :

Frais de transport en 1993 et 1994

Matériel informatique en 1994

Jeux mondiaux en fauteuil roulant en 1992

Stimulation au cours de chacune des années d'imposition visées par l'appel

Livres, disques compacts et vidéos en 1994

Jouets et matériel en 1991, 1992 et 1993.

L'appelant soutient que les alinéas 118.2(2)b), d) et e) de la Loi de l'impôt sur le revenu permettent de déduire le reste des frais exceptionnels à titre de frais médicaux admissibles ou, subsidiairement, qu'ils violent le paragraphe 15(1) de la Charte canadienne des droits et libertés.

[4] Dans les nouvelles cotisations en cause, le ministre du Revenu national (le “ ministre ”) a admis certains des frais médicaux dont la déduction a été demandée et il en a refusé d'autres :

1991

$

1992

$

1993

$

1994

$

Total des frais médicaux déduits par l'appelant

19 730,62

22 078,61

35 692,84

47 551,82

Frais médicaux admis par le ministre

12 259,27

12 755,45

16 377,50

11 817,45

[5] En 1997, avant le procès, l'appelant a admis que les dépenses suivantes n'étaient pas des frais médicaux :

Année d'imposition

Dépenses

Montant

1992

Réunion de Bendiction

891,63 $

1994

Moyens auxiliaires d'enquête médicale

580,23 $

[6] L'intimée a admis que tous les autres frais médicaux dont la déduction a été demandée par l'appelant sont des frais médicaux pour lesquels l'appelant peut demander le crédit d'impôt pour frais médicaux, à l'exception des frais suivants :

Frais exceptionnels

Dépenses

1991

1992

1993

1994

$

$

$

$

Stimulation

1 500

1 820

1 820

1 820

Jouets et matériel

1 368,61

877,04

589,89

Jeux mondiaux en fauteuil roulant

1 250

Frais de transport

7 636,49

25 588,86

Livres, disques compacts et vidéos

409,37

Matériel informatique

2 458,75

Total

2 868,61

3 947,04

10 046,38

30 276,98

[7] La rubrique “ Jouets et matériel ” concerne des jouets qui sont achetés dans les boutiques de jouets ordinaires et avec lesquels des enfants normaux joueraient.

[8] La rubrique “ Stimulation ” présente le coût estimatif qu'il faut supporter pour amener John au cinéma et à des concerts au cours de l'année. Ces frais sont de la nature de ceux qui sont normalement engagés par les parents qui élèvent des enfants.

[9] Les frais relatifs aux jeux mondiaux en fauteuil roulant ont été engagés pour amener John à West Virginia, où il a participé aux jeux pour enfants non voyants et enfants qui doivent se déplacer en fauteuil roulant. Les frais incluaient la location d'une automobile, les repas et l'hébergement.

[10] Les frais de transport incluent le coût total d'une mini-fourgonnette Ford Aerostar 1993, y compris l'intérêt payé sur un prêt consenti par le Canada Trust pour acheter la mini-fourgonnette. Les frais engagés par l'appelant pour convertir le véhicule de façon que l'on puisse y faire monter et en faire descendre une personne assise dans un fauteuil roulant ont été admis.

[11] La rubrique “ Livres, disques compacts et vidéos ” expose les coûts d'achat, dans des boutiques ordinaires, de livres, de disques compacts et de vidéos qui seraient utilisés par des enfants normaux.

[12] Le matériel informatique s'entend de l'achat d'un ordinateur IBM compatible auquel aucune modification particulière n'a été apportée pour répondre aux besoins de John. C'est le genre d'ordinateur qui serait acheté à un enfant normal.

[13] Un volume impressionnant d'éléments de preuve ont été produits en Cour. Cependant, du fait de mes motifs, je ne crois pas qu'il soit utile de résumer ces éléments de preuve et je dirai seulement que j'accepte le témoignage de M. Keith Horner à titre d'expert en matière de politique fiscale canadienne et à titre d'économiste. Ses estimations sont les meilleures dont la Cour dispose, et les critiques adressées au rapport par Adele D. Furrie ne sont pas retenues puisque cette dernière est statisticienne et non spécialiste en économie ou en politique fiscale. Par ailleurs, bien qu'elle ait critiqué le rapport de M. Horner, elle n'a proposé aucun autre chiffre.

Analyse

[14] Les alinéas 118.2(2)b), d) et e) sont libellés dans les termes suivants :

(2) Frais médicaux. Pour l'application du paragraphe (1), les frais médicaux d'un particulier sont les frais payés :

[...]

b) à titre de rémunération d'un préposé à plein temps (sauf une personne qui, au moment où la rémunération est versée, est le conjoint du particulier ou est âgée de moins de 18 ans) aux soins du particulier, de son conjoint ou d'une personne à charge visée à l'alinéa a) — pour qui un montant serait, sans l'alinéa 118.3(1)c), déductible en application de l'article 118.3 dans le calcul de l'impôt payable par un contribuable en vertu de la présente partie pour l'année d'imposition au cours de laquelle les frais sont engagés — ou à titre de frais dans une maison de santé ou de repos pour le séjour à plein temps d'une de ces personnes;

[...]

d) à titre de frais dans une maison de santé ou de repos pour le séjour à plein temps du particulier, de son conjoint ou d'une personne à charge visée à l'alinéa a), qu'un médecin atteste être quelqu'un qui, faute d'une capacité mentale normale, dépend d'autrui pour ses besoins et soins personnels et continuera d'en dépendre ainsi dans un avenir prévisible;

pour le soin dans une école, une institution ou un autre endroit — ou le soin et la formation — du particulier, de son conjoint ou d'une personne à charge visée à l'alinéa a), qu'une personne habilitée à cette fin atteste être quelqu'un qui, en raison d'un handicap physique ou mental, a besoin d'équipement, d'installations ou de personnel spécialisés fournis par cette école ou institution ou à cet autre endroit pour le soin — ou le soin et la formation — de particuliers ayant un handicap semblable au sien;

Question (1) - “ Maison de santé ou de repos ”

[15] La résidence familiale était-elle une maison de santé ou de repos? À mon avis, elle ne l'était pas, au sens où l'entend toute personne, dans la vie de tous les jours. Normalement, une maison de santé ou de repos :

est soumise à la réglementation publique;

a une relation contractuelle avec ses pensionnaires;

met à la disposition de ses pensionnaires un personnel médical professionnel;

facture des frais dans la mesure permise par la loi.

[16] L'expression “ nursing home ” (maison de santé ou de repos ) est définie ainsi dans le Webster's Ninth New Collegiate Dictionary (Merriam Webster) :

[TRADUCTION]

établissement privé où des soins d'entretien et personnels ou infirmiers sont fournis à des personnes (comme des personnes âgées ou des malades chroniques) qui sont incapables de prendre convenablement soin d'elles-mêmes.

[17] Le Stedman's Medical Dictionary, 25e édition (Baltimore, Williams & Wilkins 1990), à la page 1073, définit l'expression “ nursing home ” dans les termes suivants :

[TRADUCTION]

Maison de convalescence ou établissement privé destiné aux soins de personnes qui ne nécessitent aucune hospitalisation et à qui des soins ne peuvent être prodigués à la maison.

[18] Évidemment, si le législateur avait défini ces termes, c'est cette définition qui l'emporterait. L'Ontario, dans sa Loi sur les maisons de soins infirmiers, L.R.O. 1990, chapitre 320, a utilisé la définition suivante :

Local exploité à l'intention de personnes qui ont besoin de soins infirmiers ou dans lequel de tels soins sont fournis à deux ou plusieurs personnes qui ne sont pas apparentées. Sont exclus les locaux régis par [...]

Question (2) - “ Autre endroit ”

[19] Je rejette également la prétention de l'appelant selon laquelle sa maison peut être l'“ autre endroit ” dont il est question à l'alinéa 118.2(2)e) de la Loi. Le sens d'“ autre endroit ” est limité à un endroit qui se trouve ailleurs qu'à la maison familiale. La règle d'interprétation ejusdem generis s'applique à l'alinéa 118.2(2)e). L'expression “ autre endroit ” fait partie de l'énumération “ dans une école, une institution ou un autre endroit ” et devrait tirer son sens des termes qui la précèdent[1].

[20] Les termes “ école ” et “ institution ” ont des caractéristiques communes qui influent sur le sens de “ autre endroit ” [2]:

les deux endroits offrent des soins à une personne handicapée à l'extérieur de la maison familiale;

dans les deux endroits, ce sont des enseignants ou d'autres employés de statut professionnel, et non la famille de la personne handicapée, qui fournissent généralement les soins à la personne handicapée;

les deux endroits offriraient leurs services à au moins une partie du public.

Question (3) - La Charte

[21] Le paragraphe 15(1) de la Charte est ainsi libellé :

La Loi ne fait acception de personne et s'applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l'âge ou les déficiences mentales ou physiques.

[22] Le juge Cory, qui a exposé les motifs majoritaires de la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Vriend v. Alberta, 1998, 156 D.L.R. (4th) 385, où était en cause une allégation de discrimination aux termes de la disposition en question, a dit ceci, à partir de la page 417, paragraphes [70] à [74] :

[70] Comment, dès lors, l'analyse fondée sur l'art. 15 doit-elle être effectuée? Dans l'arrêt Egan, la méthode comportant deux étapes employée dans les arrêts Andrews c. Law Society of British Columbia, [1989] 1 R.C.S. 143, et R. c. Turpin, [1989] 1 R.C.S. 1296, est résumée et décrite comme suit (aux par. 130 et 131) :

La première [étape] consiste à déterminer si, en raison de la distinction créée par la disposition contestée, il y a eu violation du droit d'un plaignant à l'égalité devant la loi, à l'égalité dans la loi, à la même protection de la loi et au même bénéfice de la loi. À cette étape de l'analyse, il s'agit principalement de vérifier si la disposition contestée engendre, entre le plaignant et d'autres personnes, une distinction fondée sur des caractéristiques personnelles.

Les distinctions créées par les lois n'emportent pas toutes discrimination. C'est pourquoi il faut, à la seconde étape, déterminer si la distinction ainsi créée donne lieu à une discrimination. À cette fin, il faut se demander, d'une part, si le droit à l'égalité a été enfreint sur le fondement d'une caractéristique personnelle qui est soit énumérée au par. 15(1), soit analogue à celles qui y sont énumérées et, d'autre part, si la distinction a pour effet d'imposer au plaignant des fardeaux, des obligations ou des désavantages non imposés à d'autres ou d'empêcher ou de restreindre l'accès aux bénéfices et aux avantages offerts à d'autres.

Le juge McLachlin adopte une méthode semblable dans l'arrêt Miron (au par. 128) :

L'analyse fondée sur le par. 15(1) comporte deux étapes. Premièrement, le demandeur doit démontrer qu'il y a eu négation de son droit “à la même protection” ou “au même bénéfice” de la loi qu'une autre personne. Deuxièmement, le demandeur doit démontrer que cette négation constitue une discrimination. À cette seconde étape, pour établir qu'il y a discrimination, le demandeur doit prouver que la négation repose sur l'un des motifs de discrimination énumérés au par. 15(1) ou sur un motif analogue et que le traitement inégal est fondé sur l'application stéréotypée de présumées caractéristiques personnelles ou de groupe.

[71] Dans les arrêts Miron et Egan, le juge en chef Lamer et les juges La Forest, Gonthier et Major ont apporté un tempérament dont l'arrêt Benner c. Canada (Secrétaire d'État), [1997] 1 R.C.S. 358 (au par. 64), dit qu'il “met l'accent sur la pertinence d'une distinction par rapport à l'objet du texte de loi, lorsque cet objet n'est pas lui-même discriminatoire, et elle reconnaît que certaines distinctions ne sont pas visées par l'art. 15”. Cette méthode est dans une certaine mesure compatible avec l'idée que la discrimination comporte habituellement l'attribution de caractéristiques stéréotypées aux membres d'un groupe énuméré ou analogue.

[72] Toutefois, notre Cour a par la suite précisé que la discrimination ne résulte pas seulement de “l'application stéréotypée de présumées caractéristiques personnelles ou de groupe”, bien que celle-ci puisse être observée dans de nombreux cas de discrimination. Comme le dit le juge Sopinka dans l'arrêt Eaton c. Conseil scolaire du comté de Brant, [1997] 1 R.C.S. 241, aux par. 66 et 67 :

... le par. 15(1) de la Charte a non seulement pour objet d'empêcher la discrimination par l'attribution de caractéristiques stéréotypées à des particuliers, mais également d'améliorer la position de groupes qui, dans la société canadienne, ont subi un désavantage en étant exclus de l'ensemble de la société ordinaire comme ce fut le cas pour les personnes handicapées.

Certains des motifs illicites visent principalement à éliminer la discrimination par l'attribution de caractéristiques fausses fondées sur des attitudes stéréotypées se rapportant à des conditions immuables comme la race ou le sexe. [...] L'autre objectif, tout aussi important, vise à tenir compte des véritables caractéristiques de ce groupe qui l'empêchent de jouir des avantages de la société, et à les accommoder en conséquence.

[73] Ces méthodes préconisées relativement à l'analyse fondée sur le par. 15(1) ont été résumées et adoptées dans des arrêts ultérieurs, p. ex. Eaton, précité (au par. 62), Benner, précité (au par. 29), et plus récemment, Eldridge. Dans ce dernier arrêt, le juge La Forest a dit ce qui suit au nom de notre Cour (au par. 58) :

Bien que notre Cour n'ait pas adopté une approche uniforme à l'égard de cette disposition, il y a un large accord général sur le cadre d'analyse général: voir Eaton c. Conseil scolaire du comté de Brant, [1997] 1 R.C.S. 241, au par. 62, Miron et Egan, précités. La personne qui allègue une violation du par. 15(1) doit d'abord établir que, en raison d'une distinction faite entre elle et d'autres personnes, elle est privée de la “même protection” ou du “même bénéfice” de la loi. En deuxième lieu, elle doit démontrer que cette privation constitue une discrimination fondée sur l'un des motifs énumérés au par. 15(1) ou sur un motif analogue.

[74] Dans la présente espèce, comme dans les affaires Eaton, Benner et Eldridge, toute différence pouvant exister quant à la méthode à employer relativement au par. 15(1) ne modifie en rien le résultat, de sorte qu'il n'est pas nécessaire de s'y attarder. Les exigences essentielles établies dans ces affaires sont respectées si l'on se demande premièrement s'il y a une distinction entraînant la négation du droit à l'égalité devant la loi ou dans la loi ou la négation du droit à la même protection ou au même bénéfice de la loi et, deuxièmement, si cette négation constitue une discrimination fondée sur un motif énuméré au par. 15(1) ou sur un motif analogue.

En résumé, le juge Cory conclut ceci au paragraphe [107], à partir de la page 429 :

Conclusion concernant l'art. 15

[107] En résumé, notre Cour n'a d'autre choix que de conclure qu'étant donné l'omission de l'orientation sexuelle comme motif de distinction illicite, l'IRPA viole manifestement l'art. 15 de la Charte. De par sa portée trop limitative, l'IRPA crée une distinction qui conduit à la négation du droit au même bénéfice et à la même protection de la loi sur le fondement de l'orientation sexuelle, caractéristique personnelle reconnue comme étant analogue aux motifs énumérés à l'art. 15 [...]

[23] Les caractéristiques personnelles de l'appelant n'ont été à mon avis d'aucune façon l'objet d'une discrimination fondée sur sa race, son origine nationale ou ethnique, sa couleur, sa religion, son sexe, son âge ou ses déficiences mentales ou physiques. Aucune caractéristique personnelle de l'appelant n'est en cause en l'espèce.

[24] De plus, au bout du compte, l'appelant et son épouse ont librement et volontairement choisi de garder à la maison leur enfant gravement handicapé.

[25] Il a été démontré que, du fait de cette décision, John Weeks s'est développé beaucoup plus que ce à quoi on s'attendait et qu'il a une meilleure qualité de vie et une meilleure espérance de vie que s'il avait été confié aux soins d'un établissement.

[26] L'appelant et son épouse sont des saints et ils méritent notre reconnaissance. J'éprouve pour eux de la compassion et la plus grande admiration.

Question (4) - Article premier de la Charte

[27] Je n'ai pas à faire de commentaire sur cette question puisque j'ai conclu qu'il n'a pas été porté atteinte au paragraphe 15(1) de la Charte.

Question (5) - Frais médicaux

[28] Les frais qui m'ont été présentés sont-ils des “ frais médicaux ”? La réponse est “ non ”. Même si j'avais conclu en faveur de l'appelant à l'une ou l'autre des questions (1), (2), (3) et (4), je n'aurais pas admis l'appel en l'instance. Les frais en question en l'espèce sont les frais personnels ou de subsistance normaux que la plupart des parents doivent assumer lorsqu'ils élèvent leurs enfants. L'appelant et son épouse ont choisi de s'occuper de leur enfant à la maison et les frais dont ils ont demandé la déduction sont des frais personnels et de subsistance que la plupart des parents assument. L'intimée a admis “ tous ” les frais qui étaient liés directement à la déficience de John.

[29] Puisque l'intimée a reconnu avant le début du procès que les appels portant sur les années suivantes devraient être admis en ce qui a trait aux montants suivants, soit :

1991 - 4 602,74 $

1992 - 4 484,54 $

1993 - 9 268,96 $

1994 - 4 877,16 $

les appels sont accueillis, sans frais, et les cotisations sont déférées au ministre pour nouvel examen et nouvelles cotisations, compte tenu du fait que l'appelant a le droit de déduire des frais médicaux supplémentaires de 4 602,74 $, de 4,484,54 $, de 9 268,96 $ et de 4 877,16 $ pour les années respectives.

[30] L'appelant n'a droit à aucune autre mesure de redressement.

Signé à Sydney (Nouvelle-Écosse) le 16e jour de juillet 1999.

“Gordon Teskey”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme le 11 août 1999.

Mario Lagacé, réviseur



[1]               National Bank of Greece (Canada) v. Katsikonouris (1990), 74 DLR (4th), 197, page 203 (C.S.C.); Ruth Sullivan, Driedger on the Construction of Statutes, 3e éd. (Toronto, Butterworths, 1994) page 203.

[2]               Extendicare Health Services Inc. v. Canada (Minister of National Health and Welfare), 87 DTC 5404, pp. 5406 et 5407 (C.F. 1re inst.), inf. par [1989] C.F. 593, p. 599 (C.A.).

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