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Date: 19990526

Dossier: 96-4008-IT-G

ENTRE :

LIONEL A. MITCHELL,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Sarchuk, C.C.I.

[1] Les appels en l'instance sont interjetés par Lionel A. Mitchell (l'“ appelant ”) à l'encontre de cotisations d'impôt établies pour les années d'imposition 1991 et 1992, dans lesquelles le ministre du Revenu national (le “ ministre ”) a refusé la déduction de dépenses de 15 551,68 $ pour 1991 et de 11 116 $ pour 1992.

[2] Pendant les années en question, l'appelant, détenteur d'un doctorat, était professeur titularisé et membre à plein temps de la School of Business Administration de l'Université Acadia à Wolfville (Nouvelle-Écosse). Son domaine de compétence est le marketing, plus particulièrement le rapport entre le marketing et le développement économique. Depuis un certain nombre d'années, il effectue des recherches, rédige des documents, donne des allocutions et publie des textes sur divers aspects de ce domaine.

[3] À l'automne de 1988, l'appelant a présenté au comité d'examen des demandes de congé sabbatique de l'université une demande de congé sabbatique dans laquelle il donnait les grandes lignes d'un projet de recherche qu'il souhaitait mener pendant la période en cause. Le congé a été approuvé mais, à la demande de l'université, l'appelant a accepté de le retarder pour qu'il coïncide avec la période du 1er juillet 1990 au 30 juin 1991.

[4] L'appelant a témoigné qu'il estimait que ses projets de recherche faisaient partie intégrante de ses obligations à titre de membre de la faculté ainsi qu'aux termes de son contrat de travail. Il devait donc effectuer des travaux de recherche à une échelle et à un niveau correspondant à sa situation professionnelle. Il a affirmé que, bien qu'il ait choisi le sujet de ses recherches, celui-ci devait être approuvé par le comité d'examen des demandes de congé sabbatique de l'université et, une fois le sujet approuvé, il lui incombait, aux termes de la convention collective (la “ convention ”), d'exécuter son programme de recherche au cours du congé sabbatique.

[5] En 1991, pendant son année sabbatique, l'appelant a entrepris ses recherches qui l'ont conduit dans plusieurs îles des Caraïbes ainsi qu'aux États-Unis, au Québec et en Ontario. Au cours de cette période, il a reçu, de l'université, un montant équivalant à 80 p. 100 de son salaire habituel. En 1991, l'université lui a également versé un montant de 7 936 $ au titre des dépenses liées à la recherche. Dans le calcul de son revenu pour l'année d'imposition 1991, l'appelant a demandé une déduction de 15 551,68 $ pour dépenses liées à la recherche[1].

[6] À son retour de congé sabbatique, l'appelant a repris ses tâches d'enseignant et il a poursuivi son projet. En 1992, il s'est rendu dans les Antilles et aux États-Unis et dans d'autres régions du Canada pour faire avancer sa recherche, ce qui lui a permis de mettre la dernière main à deux articles qu'il a publiés sur le sujet. Il a déclaré également que les travaux de recherche effectués en 1992 n'étaient que la continuation du projet auquel il avait travaillé au cours de son congé sabbatique. D'après l'appelant, les déplacements effectués en 1992 n'étaient pas inhabituels; ils étaient nécessaires aux fins de respecter ses obligations aux termes de la convention en matière de bourses d'étude et de recherche.

[7] Dans le calcul de son revenu pour l'année d'imposition 1992, l'appelant a inclus notamment son salaire habituel ainsi qu'une subvention de 4 000 $ reçue de l'université, et il a déduit le montant de 11 116 $ à titre d'“ autres déductions ”. Ce montant représentait, selon ses dires, des dépenses de recherche engagées dans l'année d'imposition en question.

[8] Les questions en litige soulevées par les deux parties sont les suivantes :

L'appelant avait-il le droit, au cours de son congé sabbatique en 1991, de déduire ses dépenses de recherche nettes conformément au sous-alinéa 56(1)o)(i) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la Loi)?

Pour 1992, l'appelant avait-il le droit de déduire ses dépenses de recherche conformément à l'alinéa 8(1)h) de la Loi?

Subsidiairement, l'avocat de l'appelant a fait valoir les arguments suivants :

S'il est déterminé que le sous-alinéa 56(1)o)(i) de la Loi ne s'appliquait pas à l'année d'imposition 1991, l'appelant avait néanmoins le droit de déduire ses dépenses de recherche conformément à l'alinéa 8(1)h) de la Loi;

Aux fins de l'exécution de son programme de recherche au cours des deux années, l'appelant était un entrepreneur autonome exploitant une entreprise de recherche et de rédaction et, à ce titre, il avait le droit de déduire toute dépense nette se rapportant à cette entreprise.

Déductibilité des dépenses de recherche conformément au sous-alinéa 56(1)o)(i) de la Loi

[9] Voici le texte de l'alinéa 56(1)o) :

56 (1) Sans restreindre la portée générale de l'article 3, sont à inclure dans le calcul du revenu d'un contribuable pour une année d'imposition,

[...]

la fraction, si fraction il y a, de toute subvention reçue au cours de l'année par le contribuable pour la poursuite de recherches ou de tous travaux similaires, qui est en sus du total des dépenses qu'il a engagées pendant l'année dans le but de poursuivre ces travaux, à l'exception

des frais personnels ou de subsistance du contribuable, sauf ses frais de déplacement (y compris le montant entier dépensé pour ses repas et son logement) engagés par lui pendant qu'il vivait hors de chez lui occupé à poursuivre ces travaux,

des dépenses qui lui ont été remboursées, ou

des dépenses déductibles, comme il est prévu par ailleurs, lors du calcul de son revenu de l'année;

[10] Pour ce qui est de l'année d'imposition 1991, l'appelant soutient que, parce que le congé sabbatique n'est accordé par l'université qu'après approbation du programme de recherche et des dépenses, tout paiement fait à la place du salaire au cours du congé est essentiellement une subvention de recherche au sens de l'alinéa 56(1)o) de la Loi, que l'université la qualifie ainsi au non. En conséquence, il avait le droit d'exclure de son revenu le montant qu'il a reçu de l'université au cours de la période sabbatique à la place de son salaire, jusqu'à concurrence du montant de ses dépenses de recherche. Puisque l'appelant a inclus dans son revenu pour 1991 le montant qu'il avait reçu cette année-là pendant qu'il était en congé, il aurait dû avoir droit à des déductions pour dépenses de recherche jusqu'à concurrence de ce montant, qui correspond à celui qu'il a demandé.

[11] L'avocat de l'appelant a également fait valoir que les termes spécifiques de la Loi l'emporte sur les termes généraux qui pourraient par ailleurs s'appliquer dans les mêmes circonstances[2]. En vertu du paragraphe 4(4) de la Loi, tel qu'il s'appliquait au cours des années en question, la même rentrée d'argent ne peut être incluse deux fois dans le revenu. Si le salaire reçu de l'université au cours du congé sabbatique (80 p. 100 du salaire habituel de l'appelant) semble faire partie du revenu tiré de son emploi aux termes du libellé général de l'alinéa 6(1)a) de la Loi, il est visé également par les dispositions plus spécifiques de l'alinéa 56(1)o) se rapportant aux subventions de recherches. L'avocat fait valoir que traiter les paiements faits à l'appelant comme un salaire porterait injustement atteinte à l'objectif général de l'article[3]. Par conséquent, la dernière disposition devrait s'appliquer, ce qui permettrait à l'appelant de déduire les dépenses liées, comme il l'a fait.

[12] Je ne puis accepter la thèse de l'appelant et, plus particulièrement, je ne puis conclure que les montants payés à l'appelant par l'université en 1991 étaient des subventions pour faire de la recherche sur un projet donné[4]. La décision du juge Cardin dans l'affaire Taylor v. M.N.R.[5], citée par l'avocat de l'appelant, n'est guère utile. M. Taylor, un professeur agrégé d'éducation physique à l'Université de l'Alberta, avait droit à un congé sabbatique. Il en a fait la demande pour l'année 1973-1974, demande qui a été approuvée. Au cours de son congé sabbatique, il a reçu 80 p. 100 de son salaire de l'université de l'Alberta. À peu près au même moment, il a présenté une demande au Conseil du Canada en vue d'obtenir une subvention pour effectuer des travaux de recherche dans son domaine de travail, et cette demande a été approuvée. Dans ses motifs, le président de la Commission a fait remarquer que, bien que le motif de l'octroi de la subvention par le Conseil du Canada manquât de clarté, la prépondérance de la preuve l'avait amené à accepter la thèse de l'appelant selon laquelle les fonds en question constituaient une subvention de recherches au sens de l'alinéa 56(1)o) de la Loi, et à rejeter la thèse de l'intimée selon laquelle les fonds équivalaient à une bourse d'études ou de recherches au sens de l'alinéa 56(1)n) de la Loi.

[13] Dans l'affaire Taylor, il était à la fois nécessaire et approprié que la Commission examine l'objet et la nature des paiements puisqu'aucune autre relation n'existait entre le Conseil du Canada et le bénéficiaire du paiement, si ce n'est une relation de donateur et de donataire. Cela, évidemment, peut facilement être comparé à la relation employeur-employé qui existe entre l'Université Acadia et l'appelant en l'espèce, laquelle relation est régie par la convention. Il n'est pas contesté que l'appelant était un employé au sens de la convention. Il n'est pas contesté non plus que l'année universitaire va du 1er juillet au 30 juin de l'année suivante. L'article 21 de la convention établit la rémunération des employés et précise notamment l'échelle salariale pour chacune des années d'imposition en cause. À l'article 24.10, il est question du congé sabbatique, qui [TRADUCTION] “ est destiné à offrir la possibilité aux employés de poursuivre des travaux d'érudition dans leurs disciplines à d'autres universités ou à des endroits appropriés ”, et il est également prévu ceci : [TRADUCTION] “ le congé sabbatique est le droit acquis de l'employé dont la demande est approuvée par le comité d'examen des demandes de congé sabbatique ”. L'article 24.11 prévoit que, pendant le congé, le salaire est déterminé selon l'échelle suivante : congés de 12 mois [...] six années ou plus de service admissible [...] salaire pendant le congé sabbatique de 80 p. 100.

[14] Je pourrais ajouter que les parties à la convention se sont penchées sur la question des dépenses qui peuvent être engagées par un employé dans le cadre de recherches à un moment ou à un autre au cours de son emploi. Par exemple, l'article 25.00 intitulé “ Avantages sociaux ” traite d'un certain nombre de questions, dont le versement de “ fonds de recherche ” et de fonds pour le “ perfectionnement professionnel ”, et il prévoit l'affectation à la recherche au cours de chaque année scolaire d'un montant de 60 000 $ réparti entre les différentes facultés. Les demandes de financement sous le régime de cet article sont faites sur un formulaire de demande de subvention de recherches ordinaire.

[15] À la lumière de ces dispositions, il est impossible de conclure que le montant reçu par l'appelant au cours de son congé sabbatique constituait autre chose que la partie de son salaire ayant été négociée. Il n'y a rien dans les articles pertinents de la convention qui indique que l'employeur ou l'employé considéraient le salaire versé pendant un congé sabbatique comme une subvention ou une bourse de recherches ou toute autre forme de rémunération.

[16] Je ne puis non plus accepter l'observation de l'appelant selon laquelle les montants d'argent ainsi reçus pouvaient être considérés comme un revenu tiré d'une charge ou d'un emploi en vertu de l'alinéa 6(1)a) et comme une subvention de recherches visée à l'alinéa 56(1)o) et que, par conséquent, la Cour devrait appliquer le principe selon lequel les dispositions générales ne dérogent pas aux dispositions spéciales (generalia specialibus non derogant) aux dispositions en cause en l'espèce. Il ne fait aucun doute que, ainsi qu'on l'a écrit dans Driedger on the Construction of Statutes[6] :

[TRADUCTION]

Lorsqu'il y a incompatibilité entre deux dispositions et que l'une d'elles porte spécifiquement sur la question en litige, tandis que l'autre est d'application plus générale, l'incompatibilité peut être évitée par l'application de la disposition spécifique à l'exclusion de la disposition plus générale.

et que, ainsi que le juge Cattanach l'a conclu dans l'affaire The Queen v. Patterson[7], soit une décision citée par l'avocat de l'appelant :

Une disposition générale d'une loi, comme l'alinéa 8(1)a), ne prévaut par sur une disposition spéciale comme l'alinéa 8(1)h). La disposition spéciale s'interprète comme une exception à la disposition générale.

Donc, puisque le défendeur remplit toutes les conditions de l'alinéa 8(1)h), cette disposition s'applique à lui et il a droit d'en profiter.

Bien que deux dispositions puissent, dans certains cas (comme l'a démontré l'affaire Patterson), s'appliquer aux mêmes faits sans entrer en conflit, ce n'est pas le cas en l'espèce. L'alinéa 56(1)o) ne peut s'appliquer que lorsque l'argent reçu par un contribuable est clairement et incontestablement une subvention. Puisque j'ai conclu qu'il ne s'agit pas en l'espèce d'une subvention, le montant en question ne peut être inclus dans le revenu deux fois et entraîner peut-être une double imposition.

Déductibilité des dépenses conformément à l'alinéa 8(1)h) de la Loi

[17] En ce qui concerne l'année d'imposition 1992[8], l'appelant soutient que, compte tenu de ses tâches précises à l'université, de ses domaines d'intérêt et des dispositions de la convention, il était normalement tenu d'exécuter certaines fonctions ailleurs qu'au lieu même de l'entreprise de l'employeur et dans les différents endroits où il effectuait ses recherches. À cet égard, mis à part certains montants d'argent qu'il a reçus de l'université[9], il était tenu d'assumer lui-même les frais de déplacement engagés.

[18] L'appelant soutient qu'il ressort clairement des modalités de la convention et des pratiques institutionnelles de l'université que son contrat de travail prévoyait implicitement qu'il devait effectuer des recherches ou une activité intellectuelle comparable, et que l'omission de le faire aurait des répercussions fâcheuses sur son emploi[10]. Dans son domaine de prédilection, la recherche est nécessaire et elle entraîne nécessairement des déplacements à l'étranger pendant de longues périodes. L'avocat de l'appelant a fait valoir que l'on peut aisément conclure qu'implicitement l'appelant était tenu par son contrat de travail de se déplacer pour effectuer des recherches. Abstraction faite des congés sabbatiques, le temps idéal pour ces déplacements était bien entendu les vacances d'été; en effet, il y en a eu à l'été 1992, mais il y en avait eu aussi de façon régulière et ordinaire les autres étés. En conséquence, l'appelant fait valoir qu'il a le droit de déduire ses frais de déplacement nets se rapportant à la recherche en vertu de l'alinéa 8(1)h) de la Loi. En ce qui concerne précisément l'année 1992, l'appelant soutient que, bien qu'une partie de ses recherches aient été menées après le congé sabbatique, cela n'influe pas sur l'application de l'alinéa 8(1)h).

[19] L'intimée s'est fondé dans une grande mesure sur la décision de la Section de première instance de la Cour fédérale dans l'affaire The Queen v. Jeromel[11]. Dans cette affaire, la Cour a conclu que le contribuable ne pouvait déduire ses dépenses parce qu'il n'était pas employé au cours de la période sabbatique et qu'il n'était par conséquent pas tenu d'exécuter les fonctions liées à son emploi. L'avocat de l'intimée a fait valoir également que, dans les appels en l'instance, le contrat de travail de l'appelant lui permettait de se déplacer, mais n'exigeait pas qu'il le fasse. En conséquence, a-t-il soutenu, la situation de l'appelant n'entre pas dans les paramètres prévus à l'alinéa 8(1)h) de la Loi.

Analyse

[20] L'appelant soutient que non seulement il était tenu par ses conditions d'emploi d'effectuer des travaux de recherche, mais que la seule façon de le faire dans son domaine était de se déplacer et d'engager des frais. Ceux-ci, dit-il, sont déductibles en vertu des dispositions de l'alinéa 8(1)h) de la Loi, qui est libellé dans les termes suivants :

8(1) Lors du calcul du revenu d'un contribuable tiré, pour une année d'imposition, d'une charge ou d'un emploi, peuvent être déduits ceux des éléments suivants qui se rapportent entièrement à cette source de revenus, ou la partie des éléments suivants qui peut raisonnablement être considérée comme s'y rapportant:

[...]

lorsque le contribuable, dans l'année,

a été, d'une manière habituelle, tenu d'exercer les fonctions de son emploi ailleurs qu'au lieu même de l'entreprise de son employeur ou à différents endroits, et

a été tenu, en vertu de son contrat d'emploi, d'acquitter les frais de déplacement engagés par lui pour l'accomplissement des fonctions de sa charge ou de son emploi,

les sommes qu'il a dépensées pendant l'année (sauf les frais afférents à un véhicule à moteur) pour se déplacer dans l'exercice des fonctions de son emploi, sauf s'il a, selon le cas:

reçu une allocation pour frais de déplacement qui, par l'effet du sous-alinéa 6(1)b)(v), (vi) ou (vii), n'est pas incluse dans le calcul de son revenu pour l'année,

demandé une déduction pour l'année en application de l'alinéa e), f) ou g);

[21] L'avocat de l'appelant a renvoyé à un certain nombre de décisions où les circonstances particulières de l'emploi d'un contribuable exigeaient qu'il assume fréquemment et régulièrement un certain nombre de fonctions dans des endroits autres que son lieu de travail ordinaire[12]. Ces affaires portaient toutes, sans exception, sur des emplois dont les fonctions principales ou fondamentales nécessitaient des déplacements, autrement dit un directeur d'école n'avait pas le choix d'assister ou non aux réunions prévues, un comptable débutant n'avait pas le choix de se présenter ou non aux bureaux des clients pour y effectuer des vérifications, les psychologues étaient tenus de s'absenter fréquemment de leurs bureaux pour se rendre dans différentes écoles afin d'y administrer des tests, de donner des consultations et d'offrir des services éducatifs aux élèves. Dans de telles affaires, aucun choix ne s'offrait aux appelants, ils devaient simplement se déplacer pour s'acquitter de leurs tâches respectives ou subir les conséquences de tout refus. Il n'est pas difficile de comprendre pourquoi, dans l'affaire Rozen, le juge Strayer n'a eu aucune difficulté à conclure que l'appelant “ devait en effet utiliser son automobile pour faire son travail ”. Je ne peux assimiler la situation de l'appelant à celle du comptable dont l'employeur s'attendait à ce qu'il utilise son propre véhicule pour aller travailler aux bureaux des clients, faute de quoi il aurait probablement été congédié.

[22] Ces décisions sont instructives en ce qu'elles concernent les exigences individuelles de l'alinéa 8(1)h), mais elles ne sont guère utiles dans les présents appels puisqu'elles ne règlent pas le cas du contribuable qui est libéré des fonctions principales rattachées à son emploi, dans ce cas-ci l'enseignement, et autorisé à prendre congé pour poursuivre un intérêt intellectuel dans sa discipline (ce qui inclut la recherche) de la manière et à l'endroit qu'il a lui-même choisis. Dans ce contexte, on peut se reporter à l'article 5.00 de la convention, qui prévoit en partie ce qui suit : [TRADUCTION] “ Les deux parties reconnaissent que nombre des libertés et fonctions [...] découlent de pratiques en vigueur depuis des années. [...] Le présent article vise à exposer les domaines généraux desquels ressortent ces libertés et fonctions ”. Les “ fonctions ” énumérées incluent la recherche, les activités intellectuelles et autres activités créatives. Cette “ fonction ” doit être examinée dans le contexte de la définition de la liberté de l'enseignement énoncée dans le même article, et libellée en partie dans les termes suivants : [TRADUCTION] “ [...] liberté des employés d'exprimer et de faire valoir des opinions sans entrave, d'effectuer des recherches qui, à leur avis, accroîtront leurs connaissances, et d'exprimer les résultats de ces recherches d'une manière raisonnable, sans ingérence. Les parties adhèrent étroitement à ce principe et le protègent contre les menaces provenant de l'intérieur ou de l'extérieur de l'université. ” Par conséquent, bien que l'activité intellectuelle incluant, dans les cas appropriés, la recherche, soit une fonction du professeur d'université, l'appelant avait le droit inconditionnel de présenter au comité d'examen des demandes de congé sabbatique un programme de son choix et de s'attendre à ce qu'il soit approuvé s'il avait une certaine valeur sur le plan du rayonnement universitaire dans sa discipline.

[23] Les faits dans l'appel en l'instance se distinguent de ceux dont il était question dans les affaires citées pour le compte de l'appelant. La fonction principale d'un professeur d'université est d'enseigner. Le congé sabbatique vise à permettre au professeur de quitter temporairement son poste d'enseignant pour poursuivre une activité intellectuelle dans sa discipline et ne s'accompagne pas de restrictions quant à l'objet de ses recherches, à l'endroit où elles seront effectuées et au financement de celles-ci[13]. Le fait que, de façon générale, le programme du congé sabbatique soit approuvé par un comité ne change rien à cela puisque l'approbation ne s'accompagne pas (et ne peut s'accompagner) de l'obligation d'accomplir l'activité intellectuelle d'une manière précise.

[24] Un autre aspect de cette affaire soulève des questions. L'appelant a témoigné que les déplacements effectués pour faire ses recherches dans le domaine choisi étaient requis par son contrat de travail et qu'ils avaient été effectués en partie pour éviter toute répercussion sur le plan professionnel. Il soutient également que ces recherches (pendant son congé sabbatique et au cours d'autres années) ont été effectuées dans le but de recueillir du matériel pour rédiger un ouvrage. Plus précisément, il allègue que, dans l'exécution de son programme de recherche en 1991 et 1992, il était un entrepreneur autonome exploitant son entreprise de recherche et de rédaction et que, à ce titre, il devrait avoir le droit de déduire toute dépense s'y rapportant. En outre, a-t-il déclaré, les recherches effectuées au fil des ans lui ont permis d'obtenir des charges d'enseignement rémunérées à l'extérieur et de tirer des redevances de la vente de livres qu'il avait écrits[14]. L'existence de tels objectifs financiers personnels remettent en question les affirmations de l'appelant selon lesquelles il a engagé les dépenses en question pour se conformer à une exigence de l'université selon laquelle il devait assumer des tâches nécessitant des déplacements.

[25] Tout bien considéré, je ne suis pas convaincu que les exigences de l'alinéa 8(1)h) de la Loi ont été respectées. Les appels sont rejetés, avec frais.

Signé à Ottawa, Canada, ce 26e jour de mai 1999.

“ A. A. Sarchuk ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 25e jour de février 2000.

Benoît Charron, réviseur



[1]               Les dépenses s'élevaient en fait à 23 487,68 $, duquel montant l'appelant a soustrait la somme de 7 936 $ qu'il avait obtenue.

[2]               The Queen v. Patterson, 82 DTC 6326 (C.F. 1re inst.).

[3]               The Queen v. Healy, 78 DTC 6239.

[4]               Il y a lieu de noter que le congé sabbatique allait du 1er juillet 1990 au 30 juin 1991, de sorte qu'il serait erroné de conclure que la totalité du salaire qui a été payé à l'appelant cette année-là constituait une subvention. Cependant, il n'est pas possible, compte tenu de la documentation dont je dispose, de déterminer si les parties ont pris cet aspect de la question en considération.

[5]               79 DTC 331.

[6]               R. Sullivan, 3e éd. (Toronto: Butterworth's, 1994).

[7]               Précitée.

[8]               Et aussi, subsidiairement, en ce qui concerne l'année d'imposition 1991.

[9]               Les montants mentionnés représentent les 7 936 $ versés par l'université en 1991 au titre des dépenses de recherche et une subvention de 4 000 $ versée par l'université en 1992.

[10]             Hoedel v. The Queen, 86 DTC 6535 (C.A.F.).

[11]             86 DTC 6370 (C.F. 1re inst.).

[12]             The Queen v. Patterson, précitée; Betz v. The Queen, 87 DTC 5223 (C.F. 1re inst.); Moore v. The Queen, 87 DTC 5217 (C.F. 1re inst.); The Queen v. Moore, 90 DTC 6200 (C.A.F.); (toutes les décisions qui précèdent mettaient en cause des directeurs d'école); Rozen v. The Queen, 85 DTC 5611 (C.F. 1re inst.) (un employé d'un cabinet d'experts-comptables); et The Queen v. Mina, 88 DTC 6245 (C.F. 1re inst.) (un psychologue thérapeute).

[13]             L'article 24.00 définit le terme sabbatique comme un “ congé sabbatique ”. Le Shorter Oxford Dictionary définit ainsi l'expression “ congé autorisé ” (“ leave of absence ”) ou le simple terme “ congé ” (“ leave ”) : [TRADUCTION] “ permission de s'absenter d'un poste ” et “ en congé — absent de son travail avec autorisation, durée de cette absence ”.

[14]             En ce qui concerne ce moyen d'appel, bien que la preuve produite ait établi que ces activités avaient engendré un revenu, elle n'a pas démontré qu'il existait une attente raisonnable de profit. Il est juste de dire que l'on n'a pas fait valoir cet argument avec vigueur.

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