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Date: 19971124

Dossiers: 96-680-UI; 96-678-UI

ENTRE :

NICOLE RIOUX, GUYLAINE COLLIN,

appelantes,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Motifs du jugement

Le juge suppléant Prévost, C.C.I.

[1] Ces appels ont été entendus sur preuve commune quant au témoignage de la représentante de la payeuse et sur preuve individuelle pour le surplus, à Rimouski (Québec), le 31 octobre 1997.

[2] Dans la première cause, il s'agit d'un appel d'une décision du ministre du Revenu national, (le “Ministre”) en date du 12 janvier 1996, déterminant que l'emploi de l'appelante Nicole Rioux chez “Le Groupe Réjean Claveau Ltée”, la payeuse, du 8 mars au 29 mai 1993, du 14 mars au 18 juin 1994 et du 6 mars au 17 juin 1995, n'était pas assurable car c'était un emploi ou l'employée et l'employeure avaient entre elles un lien de dépendance.

[3] Dans la seconde cause, il s'agit d'un appel d'une décision du Ministre de même date déterminant que l'emploi de l'appelante Guylaine Collin chez la payeuse du 21 septembre au 12 décembre 1992 et du 13 février au 6 mai 1995, n'était pas assurable pour la même raison.

[4] Dans la première cause (96-680(UI)), le paragraphe 5 de la Réponse à l'avis d'appel se lit ainsi :

“5. En rendant sa décision, l'intimé, le ministre du Revenu national, s'est basé, notamment, sur les faits suivants :

a) le nom actuel du payeur vient d'une modification de ses statuts en date du 31 décembre 1982; (A)

b) durant les périodes en litige, les actionnaires du payeur étaient :

Réjean Claveau 60 %

Pierrette Claveau, épouse de Réjean 10 %

Daniel Claveau, frère de Réjean 10 %

Alain Claveau, frère de Réjean 10 %

Nelson Claveau, frère de Réjean 10 % (A)

c) l'appelante est l'épouse d'Alain Claveau; (A)

d) le payeur exploitait une entreprise d'excavation, de terrassement, de déneigement et louait de la machinerie; (A)

e) les tâches prétendues de l'appelante consistaient à compiler les coûts d'opération de trois à six véhicules servant au déneigement et à lire des revues et des journaux pour informer le payeur; (AEPSLMPEAC)

f) l'appelante prétendument rendait des services le soir de 18 h à 1 h; (AEPSLMP)

g) l'appelante prétend qu'elle recevait ses directives, à son arrivée au bureau du payeur, de Pierrette Claveau; (AEPSLMPQ)

h) la rémunération de l'appelante était de 748,80 $ aux deux semaines en 1993 et de 769,60 $ en 1994 et 1995 et celle de Pierrette Claveau était de 750 $; (AEPSLF)

i) la rémunération de l'appelante était élevée pour le genre de travail effectué; (N)

j) au cours des périodes en litige, l'appelante a travaillé respectivement 12, 14 et 15 semaines alors qu'elle avait besoin respectivement de 10, 10 et 12 semaines pour se qualifier aux prestations d'assurance-chômage; (AEPSLF)

k) il n'est pas raisonnable de croire que le travail de compilation de l'appelante prenait autant de semaines; (N)

l) les périodes d'emploi de l'appelante ne correspondaient aux périodes d'activités les plus intenses du payeur pour le déneigement; (N)

m) les embauches et les licenciements de l'appelante ne correspondaient pas aux besoins réels de l'entreprise du payeur mais ont plutôt pour but de la qualifier pour les prestations d'assurance-chômage; (N)

n) l'appelante et le payeur ont conclu un arrangement dans le but de permettre à l'appelante de devenir admissible aux prestations d'assurance-chômage; (N)

o) le payeur et l'appelante ont un lien de dépendance au sens de la Loi de l'impôt sur le revenu; (N)

p) d'ailleurs, le payeur n'aurait jamais engagé une personne sans lien de dépendance aux mêmes conditions que celles offertes à l'appelante, encore moins pour de telles périodes.” (N)

[5] Dans la seconde cause (96-678(UI)), ce paragraphe 5 se lit ainsi :

“5. En rendant sa décision, l'intimé, le ministre du Revenu national, s'est basé, inter alia, sur les faits suivants :

a) le nom actuel du payeur vient d'une modification de ses statuts certifiée en date du 31 décembre 1982; (A)

b) durant les périodes en cause, le capital-actions du payeur était réparti comme suit :

Réjean Claveau 60 %

Pierrette Claveau, épouse de Réjean 10 %

Daniel Claveau, frère de Réjean 10 %

Alain Claveau, frère de Réjean 10 %

Nelson Claveau, frère de Réjean 10 %; (A)

c) l'appelante est la conjointe de fait de Nelson Claveau depuis 1985; (A)

d) le payeur exploite une entreprise d'excavation, de terrassement, de déneigement, et loue de la machinerie; (A)

e) après 12 semaines de présumé emploi chez le payeur, l'appelante a touché des prestations d'assurance-chômage du 8 décembre 1991 au 19 septembre 1992; (I)

f) l'appelante aurait ensuite travaillé à nouveau chez le payeur du 21 septembre au 12 décembre 1992; (A)

g) puis l'appelante a touché des prestations d'assurance-chômage jusqu'au 15 août 1993; (A)

h) du 5 septembre 1993 au 29 janvier 1995, l'appelante a suivi des cours subventionnés, et durant lesquel elle toucha des prestations d'assurance-chômage; (A)

i) puis elle aurait été réembauchée par le payeur durant 12 semaines, soit le minimum requis pour qu'elle puisse recevoir encore des prestations d'assurance-chômage; (AEPSLF)

j) Réjean Claveau prétend que l'appelante a été engagée pour aider Pierrette Claveau, contrôleur du payeur; (AECLMPPD)

k) Réjean Claveau prétend que la principale raison de l'embauche de l'appelante était pour répondre au téléphone; (AECLMPPD)

l) l'appelante prétend qu'elle effectuait aussi l'ouverture du courrier et le classement des factures; (AECLMPPD)

m) l'appelante prétend qu'elle passait de 2 à 3 heures par jour au classement des factures; (AECLMPPD)

n) il n'y avait pas assez de classement à faire pour justifier 2 à 3 heures de travail journalièrement; (N)

o) l'appelante prétend qu'elle était supervisée par Pierrette Claveau qui était au bureau du payeur aux mêmes heures qu'elle; (AECLMPPD)

p) durant les périodes en litige, l'appelante touchait un salaire de 374,40 $ par semaine, et Pierrette Claveau touchait 375 $ par semaine; (APLPP)

q) lors de l'embauche de l'appelante en 1992, le payeur avait déjà à son service une aide-secrétaire depuis le 27 juillet 1992; (A)

r) il n'est pas raisonnable de conclure dans ces circonstances, que le contrat de travail de l'appelante aurait été à peu près semblable si elle n'avait pas eu de lien de dépendance avec le payeur.” (N)

[6] Dans les textes qui précèdent des Réponses aux avis d'appel, la Cour a indiqué ainsi, entre parenthèses, après chaque sous-paragraphe les commentaires du procureur des appelantes à l'ouverture de l'audience :

(A) = admis

(AEPSLMPEAC) = admis en partie sauf le mot “prétendues” et à compléter

(AEPSLMP) = admis en partie sauf le mot “prétendument”

(AEPSLMPQ) = admis en partie sauf les mots “prétend qu'elle”

(AEPSLF) = admis en partie sauf la fin

(N) = nié

(I) = ignoré

(APLPP) = admis pour la première phrase

(AECLMPPD) = admis en changeant le mot “prétend” pas “déclare”

L'enquête

La preuve commune des appelantes

Selon Pierrette Claveau, contrôleure de la payeuse :

[7] C'est bien son mari Réjean Claveau qui a le contrôle absolu de la payeuse.

[8] Elle s'occupe du bureau qui, au départ, était à sa résidence mais qui a été déménagé ailleurs depuis 1993.

[9] La payeuse a débuté ses opérations avec un camion et un tracteur mais elle a bien progressé depuis.

[10] Une belle photo (pièce A-1) fait voir son équipement actuel composé d'une vingtaine d'unités.

[11] Présentement l'entreprise emploie de quatre à huit opérateurs de machinerie lourde.

[12] Les tâches confiées à Nicole Rioux étaient les suivantes : la compilation des coûts d'opération des véhicules servant au déneigement, la lecture de revues et de journaux, les communications téléphoniques avec le public et les opérateurs surtout pendant les grosses tempêtes de neige qu'il y a dans la région.

[13] Avant, elle faisait cela elle-même, mais elle a été élue vice-présidente de l'Association des propriétaires de machinerie lourde du Québec (Division déneigement) au printemps 1993 et elle n'avait plus le temps d'y voir.

[14] En effet, elle allait un peu partout pour rencontrer les entrepreneurs et très souvent elle devait s'absenter ainsi deux à trois jours sinon toute le semaine.

[15] C'est pour cela qu'elle a engagé Nicole Rioux qui avait de l'expérience pour avoir déjà travaillé chez Transport Bujold où elle faisait aussi de la compilation.

[16] Pour faire un bon travail dans ce domaine, il faut tenir compte du coût d'opération de la machinerie, du temps des hommes et des dépenses inhérentes.

[17] Pour cela la payeuse a des feuilles de contrôle (pièce A-2a) où il doit toujours être indiqué la date, la machine utilisée, l'heure de départ et de retour, les endroits où du travail a été fait, la quantité de carburant utilisée, le nombre de godets, le tonnage, l'heure du chargement, le nom de l'opérateur, l'état des routes et toute autre remarque pertinente.

[18] La pièce A-2a est en blanc mais la pièce A-2b est complétée et fait bien voir ce que ça donne : il s'agit évidemment d'un contrôle journalier.

[19] Le but d'une telle compilation c'est de savoir ce qui se passe exactement lorsqu'il s'agit de soumissionner.

[20] D'ailleurs, l'Association recommandait à ses membres d'utiliser des feuilles de contrôle dans le genre de celles produites sans les côtes A-2a et A-2b.

[21] Le but de lire les journaux et les revues, c'est de savoir ce qui arrive au niveau des soumissions et des travaux à la grandeur de la province.

[22] Les feuilles de contrôle font voir s'il a fallu mettre de l'abrasif ou du sel : elles sont ensuite résumées par mois dans une feuille de compilation (pièce A-3).

[23] Avant l'embauche de Nicole Rioux, c'est elle qui faisait ce travail et depuis qu'elle a laissé l'Association, elle y voit à nouveau elle-même.

[24] Les feuilles de compilation (pièce A-3) sont ensuite résumées dans un autre document (pièce A-4) qui donne tous les détails par véhicule et par période.

[25] En répondant au téléphone, Nicole Rioux s'occupait des urgences pendant la soirée; elle contrôlait aussi le radiotéléphone et les communications par radio : elle se renseignait ainsi sur l'état des routes.

[26] La payeuse fait du déneigement près de deux hôpitaux et il faut toujours y nettoyer l'accès pour les ambulances et les véhicules de police.

[27] C'est elle qui a engagé Nicole Rioux après consultation avec le conseil d'administration de la payeuse : elle était d'ailleurs sous son contrôle.

[28] Elle ne se rappelle cependant combien elle gagnait chez Transport Bujold au préalable.

[29] À titre de contrôleure, elle est à salaire fixe, qu'elle travaille ou non et elle était d'ailleurs payée même quand elle passait tant de temps aux affaires de l'Association.

[30] Si Nicole Rioux était toujours engagée au mois de mars, c'est parce que les appels d'offre sortent généralement au printemps, en avril, en mai et en juin et qu'il faut être prêt pour soumissionner.

[31] L'intimé peut écrire au sous-paragraphe k) précité qu'il n'est pas raisonnable de croire que le travail de compilation de l'appelante prenait autant de semaines, mais de la compilation c'est très long à faire surtout quand il faut y oeuvrer à travers les téléphones et les autres dérangements qui peuvent survenir en tout temps dans un bureau.

[32] S'il écrit au sous-paragraphe l) que les périodes d'emploi de Nicole Rioux ne correspondaient aux périodes d'activités les plus intenses de la payeuse pour le déneigement, c'est qu'il ne sait pas qu'avant le mois de février il n'y a généralement pas d'accumulation de neige dans la région même si des flocons peuvent tomber à l'occasion.

[33] “On ramasse alors les rapports des chauffeurs et ensuite on les décortique”.

[34] La payeuse n'a jamais voulu qualifier Nicole Rioux pour des prestations d'assurance-chômage; elle avait vraiment besoin de ses services.

[35] Quand on engage quelqu'un, il n'est pas question de parenté non plus que d'amitié.

[36] Si elle a dû laisser l'Association, c'est qu'elle n'arrivait vraiment pas avec ses deux occupations.

[37] Les feuilles A-2a et A-2b sont bien remplies par les opérateurs.

[38] En décembre et janvier, c'est le début de la saison de déneigement et avec la camionnette il faut alors faire la patrouille pour surveiller l'état des routes.

[39] Avec tout ce travail de compilation quand les appels d'offres sortent "on connaît les coûts et on agit en conséquence".

[40] Lors de sa vice-présidence, si elle n'était pas toujours au bureau pendant les heures de travail de Nicole Rioux son mari y était et il surveillait son travail.

[41] Quand elle était au bureau, surtout pendant les fins de semaine, elle voyait bien d'ailleurs quel travail Nicole Rioux avait fait.

[42] Lorsqu'il y a des tempêtes les chemins peuvent fermer et il faut toujours être très vigilant.

[43] Nicole Rioux avait de l'expérience et elle se débrouillait très bien dans son travail.

[44] À la fin de la soirée, il y avait aussi des changements de “chiffres” dans les hôpitaux et il fallait qu'elle s'assure que les routes y menant soient bien dégagées.

[45] En soirée, c'était nécessairement un peu plus tranquille au bureau et Nicole Rioux pouvait oeuvrer dans les compilations avec sérénité.

[46] Les services de Nicole Rioux n'ont évidement plus être requis lorsqu'elle a repris le travail à plein temps au bureau de la payeuse.

[47] Cette appelante compilait seulement les données pour les activités de déneigement alors qu'elle, à titre de contrôleure, le fait aussi pour la construction.

[48] Les tâches confiées à Guylaine Collin en 1992 consistaient à agir comme réceptionniste et à lire les revues et les journaux spécialisés en construction.

[49] Elle s'occupait du courrier et classait les comptes payables et les comptes recevables.

[50] La payeuse devait déménager et il y avait des caisses de documents à épurer pour en transporter le moins possible : Guylaine Collin y voyait bien; l'entreprise avait débuté en 1972 pour être incorporée en 1982, il fallait faire du ménage.

[51] Guylaine répondait aussi au téléphone.

[52] À sa résidence , il n'y avait plus beaucoup d'espace avec quatre enfants à la maison et c'est pour cela qu'il a fallu déménager le bureau.

[53] Guylaine transportait volontiers les caisses de papiers d'archives du sous-sol de sa maison au nouveau bureau de la payeuse.

[54] Si elle a été mise à pied en décembre 1992, c'est qu'elle a alors demandé d'aller suivre un cours à plein temps à Mont-Joli : “on l'a alors licenciée et elle y est allée”.

[55] Elle a appris seulement par la Réponse à l'avis d'appel, à son sous-paragraphe h) précité, que Guylaine avait suivi des cours subventionnés du 5 septembre 1993 au 29 janvier 1995 alors qu'elle touchait des prestations d'assurance-chômage.

[56] Après ses cours, la payeuse l'a rengagée le 13 février 1995, car elle était encore à l'Association où elle a laissé seulement au printemps 1995 et qu'elle ne pouvait plus vraiment cumuler les deux emplois.

[57] Cette autre appelante faisait alors à peu près le même travail qu'au préalable sauf qu'il y avait en plus de la mise à jour à faire étant donné ses nombreuses absences du bureau.

[58] C'est après consultation avec le conseil d'administration que le salaire de Guylaine a été établi.

[59] Pour la consultation des journaux et des revues, il faut regarder les grands titres d'abord, y extraire ce qui est d'intérêt pour la payeuse et détruire le reste ensuite.

[60] C'est pendant une très courte période, du 6 mars au 6 mai 1995, que les deux appelantes ont oeuvré en même temps pour la payeuse et leur travail était bien nécessaire.

[61] Si elle a écrit sur le relevé d'emploi de Guylaine qu'elle avait été mise à pied à cause de manque de travail, c'est qu'elle voulait favoriser son retour aux études.

[62] Le travail qu'elle avait pour elle chez la payeuse pouvait attendre en effet un peu.

La preuve individuelle de Nicole Rioux :

[63] Chez la payeuse, elle recevait bien ses instructions de Pierrette Claveau et oeuvrait au bureau de celle-ci.

[64] Elle avait travaillé au préalable de 1979 à 1985 chez Transport Bujold où elle gagnait dès alors 350 $ par semaine.

[65] Chez la payeuse, elle oeuvrait pour les activités de déneigement et compilait toutes les opérations au moyen des pièces A-2, A-3 et A-4.

[66] Il n'y a vraiment rien à compiler avant le mois de février ou le mois de mars de chaque année.

[67] Il est plus facile, il est vrai, de se concentrer pour faire des compilations le soir mais sa présence au bureau de la payeuse avait l'avantage aussi d'assurer le traitement des urgences

[68] Elle n'a pas travaillé chez la payeuse seulement le nombre minimum de semaines dont elle avait besoin pour se qualifier aux prestations d'assurance-chômage, mais bien lorsque son employeure avait réellement besoin d'elle.

[69] Pendant les tempêtes de neige, elle recevait beaucoup d'appels téléphoniques et une année il y eut même une tempête d'un pied de neige à la Fête des mères au mois de mai.

[70] Lorsque Pierrette Claveau s'occupait de l'Association, elle était souvent absente, il est vrai, mais elle lui remettait les feuilles de contrôle et elle vérifiait bien son travail en fin de semaine.

La preuve individuelle de Guylaine Collin :

[71] En 1992 elle a oeuvré au bureau de la payeuse : elle y classait les documents et s'occupait des comptes payables et des comptes recevables.

[72] Elle était affectée aux affaires de la construction et a été chargée en outre d'épurer et de rebâtir les archives : il y en avait des boîtes et des boîtes.

[73] Par après, elle a voulu retourner aux études, en comptabilité, mais pour cela il lui fallait d'abord finir son secondaire V, ce qu'elle a fait.

[74] Ses études complémentaires ont été faites au Centre de formation des adultes à Mont-Joli.

[75] Ensuite, en 1995, elle est retournée oeuvrer chez la payeuse à peu près dans les mêmes fonctions sauf qu'elle s'occupait de ses activités de terrassement, lui valant plusieurs appels téléphoniques par jour.

[76] Elle n'a jamais fait, avec la payeuse, d'arrangements pour se qualifier aux prestations d'assurance-chômage.

[77] Elle aime travailler et actuellement elle a deux emplois, l'un dans un restaurant et l'autre dans un bar.

[78] Au printemps 1995, elle pouvait facilement recevoir une vingtaine de téléphones par jour et elle devait les communiquer au garage de la payeuse pour qu'il y soit donné suite.

[79] La réception et le classement l'occupaient aussi.

[80] Lorsqu'elle travaillait en 1992 au classement dans le sous-sol des Claveau, où le bureau de la payeuse était, il fallait qu'elle monte à l'étage si le téléphone sonnait pour y répondre.

[81] Pierrette Claveau était au bureau de la payeuse lorsqu'elle ne s'occupait pas des affaires de l'Association et elle contrôlait son travail.

La preuve de l'intimé

Selon Rita Bolduc, aux époques pertinentes, agente des appels et maintenant agente de recouvrement :

Dans le cas de Nicole Rioux :

[82] Elle lui a parlé au téléphone le 20 décembre 1995 et elle a aussi parlé à Pierrette Claveau.

[83] Selon ces conversations téléphoniques, elle a décelé des petites différences dans les tâches de Nicole Rioux, suivant qu'elles avaient été décrites par celle-ci ou par Pierrette Claveau.

[84] Pour son enquête, elle avait bien en mains les pièces A-2a, A-2b, A-3 et A-4.

[85] Pierrette Claveau lui a dit que Nicole Rioux avait pu aussi préparer quelques soumissions et aider à la comptabilité.

[86] Au cours de sa conversation téléphonique avec Pierrette Claveau, celle-ci n'a plus voulu à un moment donné lui parler et c'est pour cela qu'elle a rappelé ensuite Réjean Claveau pour poursuivre avec lui son enquête.

[87] Au préalable, Pierrette Claveau lui avait bien dit qu'elle avait répondu à toutes ses questions et qu'elle ne désirait pas répéter à nouveau ses réponses.

[88] Il est évident qu'elle était exaspérée de répondre à ses questions.

Dans le cas de Guylaine Collin :

[89] Elle lui a bien parlé aussi.

[90] Elle lui a dit que quand elle faisait du classement elle ne répondait pas au téléphone et que ce travail pouvait l'occuper de deux à trois heures par jour.

[91] Elle lui a déclaré aussi qu'elle pouvait avoir de 50 à 60 factures à classer par jour, qu'elle pouvait recevoir de 25 à 30 appels téléphoniques quotidiennement et que le courrier pouvait lui apporter de 5 à 30 lettres par jour.

[92] Elle a aussi parlé avec Réjean et Pierrette Claveau.

[93] Elle avait bien au dossier l'information contenue au sous-paragraphe e) précité de la Réponse à l'avis d'appel dans ce cas à l'effet qu'après 12 semaines de présumé emploi chez la payeuse cette appelante avait touché des prestations d'assurance-chômage du 8 décembre 1991 au 19 septembre 1992.

[94] Elle avait demandé à Pierrette Claveau les journaux de caisses recettes-déboursés ainsi que les factures et elle n'a pas voulu les lui envoyer alléguant qu'elle ne faisait qu'une seule entrée mensuelle pour toutes les factures que la payeuse recevait.

[95] Pierre Claveau lui a cependant offert d'envoyer un agent voir la documentation appropriée, mais elle n'y a pas délégué qui que ce soit à cette fin.

Les plaidoiries

Selon le procureur des appelantes :

[96] Il s'agit d'une compagnie privée qui a progressé considérablement passant de 2 à 20 unités de machinerie lourde.

[97] La compilation des données est très importante pour préparer des soumissions et ainsi tenter d'obtenir des contrats.

[98] La consultation des journaux et des revues importe beaucoup afin de connaître le marché et les activités des concurrents.

[99] Il faut une dimension provinciale plutôt que locale pour réussir dans ce domaine.

[100] Nicole Rioux était toute préparée pour ce travail étant donné qu'elle l'avait déjà fait chez Transport Bujold.

[101] C'est Pierrette Claveau qui menait le bureau de la payeuse car Réjean Claveau était surtout sur la route.

[102] C'est une grosse entreprise et elle doit prendre bien du soin à préparer ses soumissions.

[103] Nicole Rioux gagnait 350 $ par semaine chez Transport Bujold et quelques huit ans plus tard elle gagne 375 $, ce qui veut dire qu'il n'y a rien d'exagéré dans son salaire eu égard à ses responsabilités.

[104] Pierrette Claveau a dû quitter l'Association parce que ses services étaient requis au bureau et pour le déneigement et pour la construction.

[105] L'agente des appels admet qu'au cours de sa conversation téléphonique avec Pierrette Claveau, celle-ci en est venue à être exaspérée : elle a offert a cette agente d'envoyer quelqu'un voir les caisses de documents et elle n'a pas relevé cette invitation.

[106] Il aurait été très coûteux d'ailleurs de faire des photocopies d'autant de paperasse.

[107] Dans Thécla Simard et M.R.N. (95-479(UI)), l'honorable juge Tardif de notre Cour écrit (page 3) :

“Le degré de preuve requis en étant un de prépondérance et non absolu, j'en arrive à la conclusion qu'il n'est pas déraisonnable de penser que des personnes n'ayant pas entre elles un lien de dépendance auraient pu conclure un contrat de travail à peu près semblable.”

[108] Il y avait dans ce cas un travail intégré et contrôlé ainsi qu'une bonne subordination et une bonne supervision.

[109] Des soumissions c'est comme la jurisprudence ça se monte avec le temps.

[110] Le processus instauré chez la payeuse a été recommandé par l'Association.

[111] Dans le cas de Guylaine Collin, la payeuse préparait en 1992 un déménagement de son bureau où il y avait des caisses de documents conservés depuis une vingtaine d'années : il fallait les épurer afin d'en déménager le moins possible.

[112] Guylaine Collin s'en est bien occupée en plus de voir à ses autres tâches : elle l'a fait même s'il y avait un lien de dépendance.

Selon le procureur de l'intimé :

[113] Les arrêts Ferme Émile Richard et Fils Inc. (A-172-94), Jencan Ltd. (A-599-96) et Bayside Drive-In Ltd. (A-626-96) de la Cour d'appel fédérale font bien voir la force de la discrétion ministérielle dans le cadre de l'alinéa 3(2)c) de la Loi sur l'assurance-chômage.

Selon lui toujours :

[114] Dans les deux cas le lien de dépendance est admis.

[115] Les agents des appels ne peuvent se déplacer tout le temps pour aller sur place vérifier des documents car le coût en serait prohibitif.

[116] Il y a beaucoup d'admissions dans les Réponses aux avis d'appels et les sous-paragraphes niés au départ ont ensuite été prouvés.

[117] Ce n'est pas pour cause de manque de travail que Guylaine Collin a été mise à pied en 1992 mais bien parce qu'elle voulait aller prendre des cours.

[118] Elle est revenue chez la payeuse plus de deux ans après et entre temps personne ne l'a remplacée.

[119] L'agente des appels a décelé de petites différences dans les tâches de Nicole Rioux suivant qu'elles avaient été décrites par celle-ci ou par Pierrette Claveau.

[120] Le jugement Simard est là mais en matière d'assurance-chômage chaque cas en est un d'espèce.

Selon le procureur des appelantes en réplique :

[121] Les admissions faites dans les Réponses aux avis d'appel sont factuelles mais sur les points essentiels il y eut des négations.

[122] Dans le cas de Nicole Rioux, elle faisait de la compilation quand il y en avait à faire et “on ne compile pas lorsqu'il n'y a rien à compiler”.

Le délibéré

[123] Les raisons invoquées pour faire travailler Nicole Rioux de 18 h à 1 h paraissent très valables dans l'intérêt de la compilation et des communications de la payeuse.

[124] La preuve est à l'effet que cette appelante recevait bien ses directives de Pierrette Claveau ou à l'occasion du mari de celle-ci.

[125] Sa rémunération était très normale d'autant plus que pour Transport Bujold, huit ans auparavant, elle gagnait 350 $ par semaine.

[126] Nicole Rioux a travaillé plus de semaines qu'elle avait besoin pour se qualifier aux prestations d'assurance-chômage.

[127] Le travail de compilation a été bien décrit par cette appelante et par Pierrette Claveau et il est raisonnable de croire qu'il fallait autant de semaines pour le réaliser compte tenu des autres tâches de Nicole Rioux.

[128] Pierrette Claveau a bien expliqué pourquoi l'appelante devait travailler au cours des périodes concernées et son témoignage sous ce chef est très logique et aucunement contredit.

[129] Les embauches et les licenciements correspondaient bien aux besoins réels de l'entreprise.

[130] L'arrangement allégué au sous-paragraphe n) est nié et aucune preuve n'en est faite.

[131] Si cette appelante n'avait pas été là, la payeuse aurait dû engager une autre personne pour faire son travail et ce à des conditions à peu près semblables.

[132] C'est sans doute parce que la payeuse s'occupait bien de ses prix de revient qu'elle a grossi autant avec les années.

[133] Si Nicole Rioux a pu travailler ainsi c'est à cause de son expérience et du fait que Pierrette Claveau a accédé à la vice-présidence de l'Association.

[134] Le système de compilation de la payeuse est certes très bon étant donné que l'Association le recommande à ses membres.

[135] Dans le monde de la construction, il est non seulement utile mais nécessaire de lire les journaux et les revues pour avoir une bonne idée de ce qui se passe à la grandeur de la province.

[136] Il n'y a pas lieu de comparer le salaire de Pierrette Claveau avec celui de Nicole Rioux car, dans le cas de la contrôleure, elle est payée qu'elle travaille ou non ce qui n'était pas le cas pour Nicole Rioux.

[137] Dans cet appel le Ministre n'a pas tenu compte de toutes les circonstances pertinentes et il a par ailleurs tenu compte de facteurs non pertinents.

[138] Il n'y a pas de conclusion à tirer des petites différences entre les tâches de Nicole Rioux décrites par celle-ci ou par Pierrette Claveau car elles sont très minimes.

[139] La prépondérance de la preuve est à l'effet que l'agente des appels a répété les mêmes questions à Pierrette Claveau au point de l'exaspérer.

[140] Il n'y a pas dans cet appel de conclusion à tirer du fait que cette agente n'ait pas jugé à propos d'envoyer quelqu'un chez la payeuse pour voir ses caisses de documents.

[141] Comme l'écrit l'honorable juge Tardif dans Simard, il n'est pas déraisonnable de penser que des personnes n'ayant pas entre elles un lien de dépendance auraient pu conclure un contrat de travail à peu près semblable.

[142] L'appel de Nicole Rioux sera donc accueilli ci-après et la décision entreprise infirmée dans son cas.

[143] Dans l'appel de Guylaine Collin la situation est différente cependant.

[144] Elle ignore le sous-paragraphe e) précité, mais elle ne prouve pas le contraire et c'est elle qui avait le fardeau de la preuve.

[145] Si elle a cessé de travailler pour la payeuse à la fin de la première période en litige ce n'est pas parce qu'elle a été mise à pied mais bien parce qu'elle voulait retourner aux études.

[146] Au cours de la deuxième période en litige, elle a oeuvré évidemment le nombre de semaines requis pour recevoir encore des prestations d'assurance-chômage.

[147] Entre ces deux périodes personne ne l'a remplacée chez la payeuse.

[148] Il est admis que lors de l'embauche de cette appelante en 1992, la payeuse avait déjà à son service une aide-secrétaire depuis le 27 juillet 1992.

[149] Pierrette Claveau dit que le travail qu'elle avait pour elle pouvait attendre, mais attendre plus de deux ans c'est beaucoup.

[150] Guylaine Collin dit à la Cour qu'en 1992, alors qu'elle oeuvrait au classement dans le sous-sol, elle montait à l'étage pour répondre au téléphone, alors qu'à Rita Bolduc elle a déclaré que lorsqu'elle faisait du classement elle n'y répondait pas.

[151] Pierrette Claveau n'a pas voulu envoyer à l'agente des appels les journaux de caisse recettes-déboursés où elle aurait pu voir le travail de Guylaine Collin et l'apprécier.

[152] Dans Jencan l'honorable juge en chef de la Cour d'appel fédérale écrit pour celle-ci (pages 16 et 17) :

“Compte tenu de ce qui précède, le juge suppléant de la Cour de l'impôt n'était justifié d'intervenir dans la décision rendue par le ministre en vertu du sous-alinéa 3(2)c)(ii) que s'il était établi que le ministre avait exercé son pouvoir discrétionnaire d'une manière qui était contraire à la loi. Et, comme je l'ai déjà dit, l'obligation d'exercer un pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire implique l'existence de motifs d'intervention spécifiques. La Cour de l'impôt est justifiée de modifier la décision rendue par le ministre en vertu du sous-alinéa 3(2)c)(ii) - en examinant le bien-fondé de cette dernière - lorsqu'il est établi, selon le cas, que le ministre : (i) a agi de mauvaise foi ou dans un but ou un mobile illicites; (ii) n'a pas tenu compte de toutes les circonstances pertinentes, comme l'exige expressément le sous-alinéa 3(2)c)(ii); (iii) a tenu compte d'un facteur non pertinent.”

et (page 23) :

“...En d'autres termes, ce n'est que lorsque la décision du ministre n'est pas raisonnablement fondée sur la preuve que l'intervention de la Cour de l'impôt est justifiée. Une hypothèse de fait qui est réfutée au procès peut, mais pas nécessairement, constituer un défaut qui fait que la décision du ministre est contraire à la loi. Tout dépend de la force ou de la faiblesse des autres éléments de preuve. La Cour de l'impôt doit donc aller plus loin et se demander si, sans les hypothèses de fait qui ont été réfutées, il reste suffisamment d'éléments de preuve pour justifier la décision du ministre. Si la réponse à cette question est affirmative, l'enquête est close. Mais, si la réponse est négative, la décision est alors contraire à la loi et ce n'est qu'alors que la Cour de l'impôt est justifiée de procéder à sa propre appréciation de la prépondérance des probabilités...”

[153] Dans Bayside Drive In Ltd., l'honorable juge en chef de la même Cour écrit (pages 9 et 10) :

"In this case, the Tax Court Judge concluded that his interference on appeal was justified because, in his opinion, the Minister had not given "sufficient importance to the work put in by the workers and their contribution to the Payor's success." The view that a failure by the Minister to give "sufficient importance" (i.e., weight) to specific facts is a ground for reversible error is not supported by the jurisprudence of this Court and, in my respectful view, is wrong in principle. By questioning not the relevance or truth of the facts relied upon by the Minister but simply the weight to be attached to the various facts otherwise properly considered, the Tax Court Judge, in effect, overruled the Minister's discretionary determination without first having concluded that the determination had been made in a manner contrary to law. In doing so, he improperly substituted his own independent assessment of the evidence for that of the Minister, thereby usurping the discretionary authority which Parliament clearly and unambiguously entrusted to the Minister."

[154] Dans l'appel de Guylaine Collin, le Ministre n'a pas agi de mauvaise foi, il a tenu compte de toutes les circonstances pertinentes et il n'a pas tenu compte de facteurs non pertinents.

[155] Il y a d'ailleurs suffisamment d'éléments de preuve bien établis pour justifier sa décision.

[156] La Cour n'a pas à questionner l'importance ou le poids attachés aux différents faits bien considérés par le Ministre.

[157] L'appel de Guylaine Collin doit donc être rejeté et la décision entreprise la concernant confirmée.

[158] Par tous ces motifs la Cour accueille l'appel de Nicole Rioux et infirme la décision rendue dans son cas, mais rejette l'appel de Guylaine Collin et confirme la décision entreprise quant à elle.

“ A. Prévost ”

J.S.C.C.I.

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