Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 19991123

Dossier: 98-1115-UI; 98-1116-UI; 98-1117-UI; 98-1118-UI

ENTRE :

CHARBONNEAU BERCIER TAILLON COURTIERS D'ASSURANCE LTÉE,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

SERGE BERCIER, MARC CHARBONNEAU, GILLES TAILLON ET CHRISTIANE TAILLON,

intervenants,

ET

ENTRE :

SERGE BERCIER,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

CHARBONNEAU BERCIER TAILLON COURTIERS D'ASSURANCE LTÉE,

intervenante,

ET

ENTRE :

MARC CHARBONNEAU,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

CHARBONNEAU BERCIER TAILLON COURTIERS D'ASSURANCE LTÉE,

intervenante,

ET

ENTRE :

GILLES TAILLON,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

CHARBONNEAU BERCIER TAILLON COURTIERS D'ASSURANCE LTÉE,

intervenante.

Motifs du jugement

Le juge suppléant Somers, C.C.I.

[1] Ces appels ont été entendus sur preuve commune à Ottawa, Canada, le 6 octobre 1999.

[2] L'intimé a informé la compagnie appelante et les appelants de ses décisions selon lesquelles les courtiers et la réceptionniste occupaient un emploi assurable lorsqu'ils étaient associés avec l'appelante au cours de la période en question, soit du 1er janvier au 31 décembre 1996; parce qu'ils étaient employés en vertu d'un contrat de louage de services au sens de l'alinéa 3(1)a) de la Loi sur l’assurance-chômage, maintenant l'alinéa 5(1)a) de la Loi sur l’assurance-emploi.

[3] Le paragraphe 3(1) de la Loi sur l'assurance-chômage se lit en partie comme suit :

3.(1) Un emploi assurable est un emploi non compris dans les emplois exclus et qui est, selon le cas :

a) un emploi exercé au Canada pour un ou plusieurs employeurs, en vertu d'un contrat de louage de services ou d'apprentissage exprès ou tacite, écrit ou verbal, que l'employé reçoive sa rémunération de l'employeur ou d'une autre personne et que la rémunération soit calculée soit au temps ou aux pièces, soit en partie au temps et en partie aux pièces, soit de toute autre manière;

[4] L'alinéa 5(1)a) de la Loi sur l'assurance-emploi est de la même nature que l'alinéa 3(1)a) de la Loi sur l'assurance-chômage.

[5] Pour rendre ses décisions, l'intimé s'est fondé sur les hypothèses de faits ci-dessous selon lesquelles les courtiers et la réceptionniste étaient employés selon un contrat de louage de services, lesquelles hypothèses de faits ont été admises ou niées :

“a) l'appelante est une compagnie qui exploite une agence d'assurances générales; (admis)

b) l'appelante a deux bureaux, un situé au 144 est, rue Main, Hawkesbury, Ontario et l'autre au 440, rue St-Philippe, Alfred, Ontario; (admis)

c) les actionnaires de l'appelante sont les sociétés suivantes: (admis)

Gestion MG Charbonneau Inc. 33 1/3%

Gestion S & L Bercier Inc. 33 1/3 %

Gilles Taillon Courtier d'assurance Inc. 33 1/3 %

d) les actions des sociétés stipulées au sous-paragraphe c) ci-dessus sont détenues respectivement par Marc Charbonneau, Serge Bercier et Gilles Taillon et leur épouse respectivement; (admis)

e) Marc Charbonneau, Serge Bercier et Gilles Taillon (les “courtiers”) ont également été embauchés par l'appelante pour effectuer l'administration quotidienne de l'appelante, gérer le personnel et agir comme courtier d'assurance; (nié)

f) les courtiers ne sont pas des personnes liées au sens de l'article 251 de la Loi de l'impôt sur le revenu; (nié)

g) il n'y a aucun lien de dépendance entre l'appelante et les courtiers; (nié)

h) il n'y a aucun lien de dépendance entre les courtiers; (nié)

i) l'appelante embauche 12 employés à temps plein, incluant les courtiers, et un employée à temps partiel; (admis)

j) les courtiers se rencontrent à chaque semaine pour planifier les opérations de l'appelante et examiner les résultats de l'entreprise; (admis)

k) l'appelante fournit les locaux et l'équipement nécessaire aux courtiers; (admis)

l) les courtiers déterminent leur horaire de travail en se consultant mutuellement; (nié)

m) les courtiers se consultent pour prendre les décisions importantes concernant l'appelante; (admis)

n) les courtiers reçoivent un salaire de l'appelante; (admis)

o) la réceptionniste fait de la tenue de livres ainsi que du travail de secrétaire pour l'appelante; (ignoré)

p) la réceptionniste accomplit ses tâches au bureau de l'appelante à Alfred, Ontario; (ignoré)

q) la réceptionniste se rapporte directement à Gilles Taillon, qui est son époux et un des courtiers; (ignoré)

r) la réceptionniste reçoit un salaire annuel de 35 000,00 $; (ignoré)

s) la réceptionniste a des congés de maladie et des vacances payées; (ignoré)

t) les heures de travail de la réceptionniste sont fixées par l'appelante; (ignoré)

u) l'appelante fournit les locaux et l'équipement nécessaire à la réceptionniste; (ignoré)

v) l'appelante a émis des formules T4 aux courtiers et à la réceptionniste, pour l'année 1996; (admis)

w) il y a un contrat de louage de services entre les courtiers et l'appelante; (nié)

x) il y a un contrat de louage de services entre la réceptionniste et l'appelante.” (ignoré)

[6] Christiane Taillon, réceptionniste de l'appelante, s'étant désité de son appel, les sous-paragraphes o) à u) et x) ont été ignorés.

[7] Le fardeau de la preuve incombe aux appelants. Ces derniers se doivent d'établir, selon la prépondérance de la preuve, que les décisions du Ministre sont mal fondées en fait et en droit.

[8] L'appelante Charbonneau Bercier Taillon Courtiers d'Assurance Ltée est une compagnie qui exploite une agence d'assurances générales. L'appelante a deux bureaux, un situé au 144 est, rue Main, Hawkesbury, Ontario et l'autre situé au 440, rue St-Philippe, Alfred, Ontario. Les actionnaires de l'appelante sont les sociétés corporatives Gestion MG Charbonneau Inc., Gestion S & L Bercier Inc. et Gilles Taillon Courtier d'assurance Inc. avec 33 1/3 % des actions chacune.

[9] Les actions des sociétés stipulées ci-dessus sont détenues respectivement par Marc Charbonneau, Serge Bercier, Gilles Taillon et leurs épouses. Il n'y a aucun lien de dépendance entre les courtiers.

[10] Dans son témoignage Marc Charbonneau admet qu'il a, selon son expression, “un chapeau d'actionnaire et de courtiers”. Les actionnaires, dont Marc Charbonneau, Serge Bercier et Gilles Taillon sont des actionnaires représentant respectivement les trois compagnies de gestion. Il dit que les actionnaires appelants voient à l'administration de la compagnie appelante et ils sont également courtiers.

[11] Marc Charbonneau a admis le sous-paragraphe 4j) de la Réponse à l'avis d'appel à l'effet que les courtiers se rencontrent à chaque semaine pour planifier les opérations de l'appelante et examiner les résultats de l'entreprise. Il est admis également que les courtiers reçoivent un salaire de l'appelante.

[12] D'ailleurs dans le document “Shareholders' Agreement” (pièce A-1) il est fait allusion à un salaire d'invalidité (“Disability Salary”), lorsque Marc Charbonneau, Serge Bercier et Gilles Taillon seraient incapables de remplir leurs fonctions.

[13] L'appelante Charbonneau Bercier Taillon Courtiers d'Assurances Ltée est propriétaire des bureaux.

[14] Une jurisprudence constante reconnaît quatre éléments de base pour distinguer un contrat de louage de services d'un contrat d'entreprise.

[15] Dans la cause Wiebe Door Services Ltd. c. M.R.N. [1986] 3 C.F. 553, la Cour d'appel fédérale a énuméré quatre éléments pour faire cette distinction :

a) le degré ou l'absence de contrôle exercé par l'employeur;

b) le degré d'intégration;

c) la propriété des outils et

d) les chances de bénéfice ou les risques de perte.

[16] a) Le contrôle

Il y a un contrôle exercé sur les courtiers par l'appelante. Bien que les courtiers Marc Charbonneau, Serge Bercier et Gilles Taillon sont des administrateurs, c'est l'appelante corporative qui a le contrôle sur les administrateurs agissant en tant qu'administrateurs et courtiers en même temps. La compagnie appelante est une personne morale, distincte de ses actionnaires ou de ses administrateurs. Une personne morale peut avoir un contrôle sur ceux-ci, donc le contrôle est suffisant pour conclure que cet élément s'apparente à un contrat de louage de services.

[17] b) Le degré d'intégration

Les trois courtiers travaillent exclusivement pour la compagnie appelante. Leur expertise est essentielle aux opérations de la compagnie, donc cet élément nous permet de conclure qu'il y a un contrat de louage de services.

[18] c) La propriété des outils

La compagnie appelante est propriété des bureaux, donc cet élément nous amène à croire qu'il y a un contrat de louage de services.

[19] d) Les chances de bénéfice ou les risques de perte

Les trois courtiers sont à la fois actionnaires et salariés. Ils peuvent recevoir des revenus en tant qu'actionnaires, donc les risques de perte ou chances de bénéfice sont basés sur la bonne performance de la compagnie, mais en tant que salarié, il n'y a pas de risque de perte ou chance de bénéfice. Les trois courtiers ont deux sources de revenu, donc en tant que salariés les trois courtiers sont liés à la compagnie appelante par un contrat de louage de services.

[20] L'appelant Marc Charbonneau se réfère à l'alinéa 5(2)h) de la Loi sur l'assurance-emploi stipulant que “l'emploi exclu par règlement pris en vertu du présent article”. Aucune preuve n'a démontré que les circonstances d'emploi dans ces causes sont régies par un règlement.

[21] Le témoin s'appuie sur l'alinéa 5(2)b) de la Loi sur l'assurance-emploi pour prétendre que son emploi est exclu parce que la personne contrôle plus de 40 % des actions avec droit de vote de cette personne morale. Il n'y a pas de preuve que les courtiers ont personnellement et individuellement 40 % des actions votantes.

[22] Les courtiers ne doivent pas confondre les alinéas 5(1)a) et 5(2)i) de la Loi sur l'assurance-emploi. L'alinéa 5(2)i) de la Loi sur l'assurance-emploi légifère les personnes ayant un lien de dépendance. Il n'y a pas de preuve qu'il y a un lien de dépendance entre les courtiers ou la compagnie appelante.

[23] Compte tenu de toutes les circonstances, le seul témoignage de Marc Charbonneau, les aveux et la preuve documentaire, le Ministre a bien conclu que les courtiers occupaient un emploi assurable au sens de l'alinéa 3(1)a) de la Loi sur l'assurance-chômage et maintenant l'alinéa 5(1)a) de la Loi sur l'assurance-emploi pendant la période en cause étant donné qu'il existait un contrat de louage de services.

[24] Les appels sont rejetés et les décisions rendues par le Ministre sont confirmées.

Signé à Ottawa, Canada, ce 23e jour de novembre 1999.

“ J.F. Somers ”

J.S.C.C.I.

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