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Référence : 2017 CCI 194

Date : 20171005

Dossier : 2014-3670(IT)G

ENTRE :

JAN CHAPLIN,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]


MOTIFS DU JUGEMENT MODIFIÉS

Le juge Graham

[1]  Jan Chaplin était actionnaire à 50 % d’une société, nommée Triventa Technologies Corporation, dont elle voulait obtenir le contrôle. Elle a tenté de le faire en sollicitant l’aide d’un certain Robert Plummer, qui prétendait détenir 8,33 % des actions de Triventa. La véritable propriétaire de l’autre 50 % des actions de Triventa (y compris les actions que M. Plummer prétendait détenir) a répliqué en déposant une demande devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario contre M. Plummer et Triventa (la « demande »).

[2]  Mme Chaplin a conclu une entente avec M. Plummer selon laquelle elle paierait tous les frais de justice engagés par lui dans le cadre de la demande et tous les dépens adjugés contre lui en échange des actions qu’il prétendait détenir. En fin de compte, la Cour supérieure de justice n’a pas donné raison à M. Plummer. Par suite de la demande, il a fallu préparer divers documents d’entreprise afin de [traduction « reconstituer administrativement » l’historique de Triventa. Mme Chaplin a payé les frais liés à cette reconstitution administrative.

[3]  En tout, les frais de justice payés par Mme Chaplin relativement à la demande, les dépens adjugés à la suite de la demande et les frais liés à la reconstitution administrative s’élevaient à 163 898 $ (les « frais juridiques »).

[4]  Quatre ans après la demande, Triventa a inscrit l’opération suivante dans ses livres : elle a déduit les frais juridiques et crédité du même montant le compte de prêt d’actionnaire de Mme Chaplin. Triventa aurait fait cette opération au motif que Mme Chaplin avait payé les frais juridiques au nom de Triventa.

[5]  Le ministre du Revenu national a établi une nouvelle cotisation à l’égard de Mme Chaplin pour inclure dans son revenu l’augmentation de la valeur de son compte de prêt d’actionnaire, en application des paragraphes 15(1) ou 56(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu. Mme Chaplin a interjeté appel de cette modification [1] .

[6]  Je me pencherai d’abord sur le possible avantage conféré visé au paragraphe 15(1), puis sur celui visé au paragraphe 56(2).

A.  L’avantage conféré visé au paragraphe 15(1)

[7]  Deux questions clés se posent quant au possible avantage conféré visé au paragraphe 15(1). La première question consiste à savoir si Mme Chaplin a consenti un prêt à Triventa. Si Mme Chaplin n’a pas consenti de prêt à Triventa, la seconde question consiste à savoir si Triventa lui a conféré un avantage en portant de façon inappropriée cette somme au crédit de son compte de prêt d’actionnaire.

a)  Mme Chaplin a‑t‑elle consenti un prêt à Triventa?

[8]  Je conclus que Mme Chaplin n’a pas consenti de prêt à Triventa. Je tire cette conclusion sur le fondement : (1) de la nature du litige ayant occasionné les frais juridiques; (2) de l’avantage découlant des frais juridiques; (3) de la responsabilité quant au paiement des frais juridiques; (4) du paiement réel des frais juridiques; (5) du moment où le prêt allégué a été inscrit dans les livres de Triventa.

(i)  La nature du litige ayant occasionné les frais juridiques

[9]  Je conclus que les frais juridiques découlent d’un litige entre les actionnaires de Triventa. L’histoire a commencé avant la constitution en société de Triventa. Il s’agit d’un véritable feuilleton mettant en scène un ensemble complexe de personnages. Afin de bien comprendre le litige et les frais juridiques qui en ont découlé, il faut d’abord comprendre les faits.

[10]  En 1998, Mme Chaplin était vice‑présidente du conseil d’administration d’une société nommée Canadian General Tower Limited (« CGT »). CGT était contrôlée par des membres de la famille de Mme Chaplin. CGT était un équipementier qui fabriquait des intérieurs de véhicule automobile. Elle comptait parmi ses clients de grands constructeurs d’automobiles.

[11]  CGT a recouru aux services d’une société d’experts‑conseils nommée SatiStar Corporation pour que celle-ci procède à l’examen de son système de contrôle de la qualité. SatiStar a déterminé que le maillon le plus faible des processus de CGT était un processus de découpage à l’emporte‑pièce confié à un petit fournisseur. SatiStar craignait que, s’il quelque chose devait arriver à ce fournisseur, CGT ne soit plus en mesure de s’acquitter de ses obligations contractuelles envers ses clients. Un tel manquement entraînerait des sanctions pécuniaires et des coûts considérables; CGT pourrait même perdre des clients.

[12]  Mme Chaplin a déterminé qu’il était possible d’éviter le risque lié au fournisseur si elle créait, avec d’autres investisseurs, une nouvelle entreprise de découpage à l’emporte‑pièce pour répondre aux besoins de CGT. SatiStar et elle ont donc décidé de créer cette entreprise. Les propriétaires de SatiStar ont présenté à Mme Chaplin un couple, Terry et Peggy Breckenridge, qui souhaitait faire partie de la nouvelle entreprise. Cette entreprise a été nommée Triventa Technologies Corporation.

[13]  Triventa a été constituée en société en 1998 [2] . Si la constitution s’était déroulée comme prévu, Triventa aurait compté trois actionnaires. Mme Chaplin aurait détenu un tiers des actions de Triventa personnellement. M. et Mme Breckenridge auraient détenu un tiers des actions par l’intermédiaire d’une société nommée Breckenridge Associations Inc. (« Breckenridge »). Le tiers restant des actions aurait été détenu par une filiale de SatiStar nouvellement constituée en société nommée 1307592 Ontario Inc. (« 592 ») [3] . Les parties pensaient que les actions de Triventa avaient été émises de cette façon et ont agi en conséquence.

[14]  Malheureusement, une erreur d’écriture a été commise au moment de la constitution en société, ce qui a eu des conséquences importantes plus tard. Plutôt que d’émettre les actions aux actionnaires prévus, Triventa n’a émis qu’une seule action. Cette action a été émise à une société inactive nommée 1307594 Ontario Inc. Des années plus tard, lors de l’examen de la demande, le juge Cullity de la Cour supérieure de justice de l’Ontario a conclu qu’aucune émission valide d’actions n’avait eu lieu, hormis pour cette action unique, et que tous les actes censés avoir été effectués par Triventa depuis ce temps étaient nuls. Le juge Cullity a ordonné l’annulation de l’action, mais il a refusé d’ordonner les corrections nécessaires pour donner effet à l’intention des parties [4] . En fin de compte, les parties ont dû modifier la documentation liée à l’actionnariat de Triventa selon les directives du juge Cullity.

[15]  Ignorant tout de l’erreur d’écriture qui avait été commise, les soi-disant actionnaires ont élu des administrateurs. Les premiers administrateurs de Triventa auraient dû être Mme Chaplin, M. Breckenridge, Mme Breckenridge, un actionnaire indirect de SatiStar nommé Mickey Jawa, un autre actionnaire indirect de SatiStar nommé Robert Plummer et l’époux de Mme Chaplin [5] .

[16]  En mars 1999, Breckenridge a voulu se retirer de Triventa. Les autres actionnaires de Triventa se sont mis d’accord pour racheter les parts de Breckenridge. L’achat-vente qui en a découlé a aggravé l’erreur commise au moment de la constitution en société. Voici, encore une fois, ce qui aurait dû se produire : Mme Chaplin devait acquérir la moitié des parts détenues par Breckenridge [6] , tandis que 592 devait acquérir l’autre moitié [7] . Ainsi, Mme Chaplin et 592 auraient été actionnaires à parts égales de Triventa.

[17]  Or, en préparant les documents visant à donner effet au rachat, les avocats de Triventa ont découvert l’erreur commise au moment de la constitution en société. Ils ont donc tenté, sans succès comme le juge Cullity allait le conclure plus tard, de corriger l’erreur en faisant comme si la société inactive avait détenu les actions de Triventa en fiducie pour le compte des trois actionnaires prévus [8] .

[18]  Lors de la vente des actions détenues par Breckenridge, des documents ont été préparés selon lesquels M. Jawa et M. Plummer devaient acheter à parts égales les actions devant aller à 592 [9] , soit 16,67 % des actions de Triventa (8,33 % pour M. Jawa et 8,33 % pour M. Plummer [10] ). M. Plummer a toutefois signé une déclaration de fiducie, ainsi qu’un document de directives et de reconnaissance, dans lesquels il reconnaissait que les actions appartiendraient en fait à 592 [11] .

[19]  Au printemps de l’an 2000, un conflit a éclaté entre les actionnaires de SatiStar. Deux des actionnaires sont partis et ont été remplacés par un certain Mark Lefebvre.

[20]  M. Plummer a quitté SatiStar au printemps de l’an 2000. Il a témoigné être parti parce qu’il était insatisfait de l’orientation prise par l’entreprise, parce qu’il était d’avis que M. Jawa ne faisait pas sa part du travail et parce qu’il était mécontent de l’arrivée de M. Lefebvre dans l’entreprise [12] .

[21]  À la même époque, M. Plummer a commencé à soutenir qu’il avait acquis la moitié de la part des actions de Breckenridge détenue par 592 et qu’il détenait donc à titre personnel 8,33 % de Triventa [13] . Il est important de souligner que, en octobre 2000, Mme Chaplin ne partageait pas son avis. Selon elle, M. Plummer ne détenait pas ces actions [14] .

[22]  M. Plummer a été responsable des activités de Triventa pendant un certain temps après la constitution en société. En octobre 2000, Mme Chaplin a commencé à s’inquiéter de la conduite de M. Plummer. Elle croyait qu’il s’était arrogé le rôle de président de Triventa, qu’il s’était versé indûment un salaire à ce titre, qu’il avait, sans autorisation, cherché à obtenir un prêt de 25 000 $ de CGT pour Triventa, qu’il avait produit des états financiers trompeurs pour Triventa et qu’il avait conclu une entente de commission inappropriée avec un représentant commercial [15] . Dans son témoignage, Mme Chaplin a indiqué que, pour ces raisons, elle avait perdu confiance en M. Plummer; elle a donc demandé à M. Jawa de retirer à M. Plummer ses responsabilités à l’égard de Triventa [16] .

[23]  Par conséquent, M. Plummer a été écarté des activités de Triventa. Dans son témoignage, Mme Chaplin a affirmé qu’il ne restait que 8 000 $ dans le compte bancaire de Triventa au moment de l’exclusion de M. Plummer, que M. Plummer s’était déjà fait un chèque de ce montant et qu’il avait fallu porter opposition au chèque [17] . Le manque de confiance évident de Mme Chaplin à l’endroit de M. Plummer à ce moment-là influe largement sur ma perception des motifs qui ont plus tard mené Mme Chaplin à s’allier avec lui.

[24]  Un certain Kevin Warren a par la suite assumé les responsabilités de M. Plummer à l’égard des activités de Triventa. M. Warren est devenu administrateur de Triventa en 2001.

[25]  En janvier 2002, Mme Chaplin s’est rendu compte qu’assumer les fonctions d’administratrice à la fois de Triventa et de CGT la plaçait en conflit d’intérêts. Elle a donc démissionné du conseil d’administration de Triventa [18] .

[26]  Au cours de l’été 2002, M. Warren a fait part à Mme Chaplin d’un certain nombre de préoccupations importantes à propos des opérations et des ressources humaines de Triventa. Ces problèmes ont inquiété Mme Chaplin au point où elle a écrit aux deux autres administrateurs de Triventa (M. Jawa et M. Lefebvre) pour leur demander d’agir [19] .

[27]  À un moment donné, Triventa a emprunté des fonds à CGT. À l’été 2002, le prêt est arrivé à échéance, mais Triventa ne l’avait pas remboursé. CGT a insisté pour que Triventa paye, mais M. Jawa a ignoré ces demandes [20] .

[28]  À l’hiver 2003, la situation entre Mme Chaplin et M. Jawa en est arrivée à un point critique. Mme Chaplin estimait que M. Jawa négligeait Triventa. Elle se rappelle qu’il ne répondait pas lorsqu’elle demandait à discuter des problèmes [21] . Mme Chaplin s’inquiétait de son investissement dans Triventa et de la capacité de cette dernière à continuer de fournir des marchandises à CGT. Elle a écrit à M. Jawa et a demandé la tenue d’une assemblée des actionnaires [22] .

[29]  En mars 2003, le conseil d’administration de Triventa a tenté d’organiser une assemblée générale annuelle [23] . L’avis de convocation comportait l’ordre du jour proposé. À première vue, aucun point à l’ordre du jour ne me semble particulièrement inhabituel ou menaçant. L’ordre du jour est, en fait, essentiellement le même que celui que Mme Chaplin avait déjà proposé à M. Jawa.

[30]  Les actes de Mme Chaplin au printemps 2003 me portent à conclure qu’en avril 2003, au plus tard, elle avait décidé qu’elle voulait prendre le contrôle du conseil d’administration de Triventa. Comme il est indiqué ci‑dessus, Mme Chaplin avait démissionné du conseil d’administration en 2002. Néanmoins, elle détenait toujours 50 % des actions, de sorte qu’elle était encore en mesure d’assurer sa réélection au conseil d’administration. Par contre, même si son élection lui aurait donné une voix au conseil d’administration, elle ne lui en aurait pas donné le contrôle. Étant donné que 592 et Mme Chaplin étaient propriétaires à parts égales de Triventa, il était impossible pour Mme Chaplin de prendre le contrôle du conseil d’administration sans racheter 592.

[31]  Je conclus que Mme Chaplin, devant cet obstacle, a élaboré un plan qui lui aurait permis, selon elle, de prendre le contrôle du conseil d’administration. Il semble que Mme Chaplin se soit aperçue qu’en ressuscitant l’ancienne affirmation de M. Plummer selon laquelle il détenait 8,33 % des actions de Triventa, elle pourrait prendre le contrôle du conseil d’administration de Triventa avec lui. C’est donc ce qu’elle a tenté de faire. Pour parvenir à prendre le contrôle, Mme Chaplin semblait prête à passer outre son ancienne méfiance envers M. Plummer et à revenir sur sa position selon laquelle il ne détenait pas ces actions.

[32]  Dans son témoignage, M. Plummer a affirmé que Mme Chaplin avait communiqué avec lui pour lui demander s’il détenait toujours ses actions de Triventa [24] . Rappelons qu’à ce moment, M. Plummer avait quitté Triventa depuis près de trois ans. M. Plummer a déclaré avoir informé Mme Chaplin qu’il croyait toujours détenir les actions, contrairement à ce que les autres pensaient. Il a témoigné que Mme Chaplin lui avait dit qu’elle songeait à tenir une assemblée [25] . Par son témoignage, M. Plummer m’a donné la ferme impression qu’il était bien au courant, en 2003, qu’il ne détenait pas les actions en question. Il a mentionné avoir été mis au fait du problème lié à la propriété des actions en 1999, lorsqu’il s’est rendu signer les documents d’achat des actions (qu’il a néanmoins signés) [26] .

[33]  Dans son témoignage, Mme Chaplin a affirmé qu’elle croyait en 2003 que M. Plummer détenait 8,33 % des actions de Triventa [27] . Je ne la crois pas. Il était sans aucun doute à son avantage d’être de cet avis à ce moment, mais je ne crois pas qu’elle en était réellement convaincue.

[34]  Au début du mois d’avril 2003, Mme Chaplin a tiré la première salve de la bataille d’actionnaires. Elle a écrit au conseil d’administration pour l’informer que l’avis de convocation à l’assemblée générale annuelle qu’il avait émis était sans effet, selon elle, parce qu’on avait omis de l’envoyer à l’un des administrateurs, M. Warren, et à l’un des actionnaires, M. Plummer [28] .

[35]  À la suite de la plainte formulée par Mme Chaplin, l’assemblée générale annuelle prévue a été annulée.

[36]  Une semaine plus tard, suivant les instructions de Mme Chaplin, M. Warren (en qualité d’administrateur) a envoyé un avis de convocation de l’assemblée générale annuelle de Triventa, prévue pour le 1er mai 2003 [29] . L’avis de convocation n’était pas signé par les deux autres administrateurs de Triventa.

[37]  Cette supposée assemblée générale annuelle a eu lieu le 1er mai 2003. Mme Chaplin était la seule actionnaire présente. M. Plummer y a aussi assisté, sous prétexte qu’il était actionnaire. Aucun représentant de 592 n’était présent. M. Warren et le comptable de Triventa étaient aussi présents. Sans surprise, les candidats approuvés par Mme Chaplin ont été élus au conseil d’administration (c.‑à‑d. elle‑même, M. Plummer et M. Warren) [30] .

[38]  Lors d’une assemblée des administrateurs tenue en avril, l’ancien conseil d’administration avait déterminé qu’il faudrait payer des frais de gestion à Mme Chaplin et à SatiStar. Parmi les premières mesures qu’il a prises, le nouveau conseil d’administration choisi par Mme Chaplin a censément annulé ces frais de gestion et les a remplacés par un dividende [31] . Je souligne que cette mesure a eu comme conséquence indirecte de donner à M. Plummer, à titre d’actionnaire prétendu, une récompense financière immédiate.

[39]  Un document censé constituer un autre avis de convocation à une assemblée générale annuelle de Triventa a été produit en preuve [32] . Je n’accorde aucune importance à ce document. Il porte la signature de M. Jawa, mais on dirait que celle-ci provient d’un autre document et qu’elle a été coupée et collée. Qui plus est, l’ordre du jour proposé de la réunion semble aller totalement à l’encontre des intérêts de M. Jawa. Sans témoignage de M. Jawa confirmant son authenticité, je ne suis pas disposé à accorder de l’importance à ce document.

[40]  Sans surprise, M. Jawa et M. Lefebvre étaient mécontents que M. Plummer affirme détenir 8,33 % des actions de Triventa. À la fin du mois de mai, M. Jawa, M. Lefebvre et 592 ont répliqué en déposant la demande contre M. Plummer et Triventa devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario [33] . Les frais juridiques en litige sont, pour la plupart, issus de cette demande.

[41]  Dans la demande, on demandait à obtenir les mesures suivantes :

a)  une déclaration selon laquelle 592 détenait 50 % des actions de Triventa;

b)  une déclaration selon laquelle M. Plummer ne détenait aucune action de Triventa;

c)  une déclaration selon laquelle l’assemblée générale annuelle tenue le 1er mai 2003 n’avait pas été convoquée dans les règles, ce qui la rendait nulle et sans effet;

d)  une déclaration selon laquelle les membres actuels du conseil d’administration étaient M. Jawa, M. Lefebvre et M. Warren (c.‑à‑d. ceux qui étaient administrateurs avant la supposée assemblée générale annuelle).

[42]  Après le dépôt de la demande, M. Plummer a commencé à craindre qu’il doive répondre de ses actes et payer les frais de justice. Il ne voulait assumer la responsabilité ni des uns ni des autres. Il ne désirait pas non plus payer des frais de justice pour se défendre. Dans son témoignage, M. Plummer a dit qu’il s’attendait à ce que la supposée assemblée générale annuelle cause des problèmes, mais qu’il croyait que les parties concernées se rencontreraient pour discuter. Il ne s’attendait pas à ce qu’une poursuite en justice soit intentée [34] .

[43]  M. Plummer a décrit la demande ainsi [traduction] : « C’était une mesure prise par [Mme Chaplin]; c’était elle qui se lançait là-dedans et, essentiellement, je ne voulais pas y être mêlé [35] . » Je souligne que M. Plummer parle d’une mesure prise par Mme Chaplin, et non par Triventa.

[44]  En raison de ses préoccupations, M. Plummer a conclu une entente avec Mme Chaplin (la « convention d’achat d’actions ») [36] . Les attendus d’une ébauche de la convention d’achat d’actions présentent les objectifs visés par M. Plummer et Mme Chaplin [37]  :

[traduction]

[M. Plummer] souhaite se retirer de la société et mettre fin à toute participation dans la société, notamment en tant qu’actionnaire, administrateur ou mandataire de la société. Il est disposé à transférer et à attribuer à [Mme Chaplin] tout droit, titre et intérêt qu’il possède maintenant ou qu’il pourrait posséder ultérieurement à l’égard des actions en litige, et il autorise [Mme Chaplin] à devenir la défenderesse dans la demande.

[45]  Conformément à la convention d’achat d’actions, M. Plummer a vendu à Mme Chaplin les intérêts qu’il détenait dans Triventa en contrepartie de quoi Mme Chaplin s’engageait à payer les frais de justice, les dépens adjugés contre lui et toute autre somme dont il serait responsable du fait de ses actes en tant que prétendu actionnaire et administrateur. Essentiellement, Mme Chaplin a tout simplement pris la place de M. Plummer à titre de prétendue actionnaire et de partie à la demande. À partir de ce moment, il serait plus approprié de dire que l’intérêt de Mme Chaplin à l’égard de la demande était celui d’une partie plutôt que celui d’une tierce partie intéressée. M. Plummer agissait essentiellement comme son mandataire [38] .

[46]  Dans son témoignage, M. Plummer a affirmé que la convention d’achat d’actions avait été rédigée de façon à ce que Mme Chaplin puisse [traduction] « tenter d’obtenir ce qu’elle [voulait] [39]  ». À mon avis, cela signifie que Mme Chaplin pouvait maintenant tenter de se faire déclarer propriétaire des actions et de prendre par conséquent le contrôle de Triventa. Je ne vois pas quelle autre chose Mme Chaplin aurait pu vouloir obtenir dans le litige.

[47]  La réaction de M. Plummer à l’égard de la demande étaye mon opinion selon laquelle son implication avait été orchestrée par Mme Chaplin. De fait, il a abandonné au premier signe d’opposition. Même si la bataille s’est poursuivie, c’est Mme Chaplin qui l’a menée, pas M. Plummer. Il a renoncé sans hésitation aux actions qu’il prétendait détenir simplement pour éviter de payer des frais de justice. Une personne qui croirait fermement au bien‑fondé de sa cause n’agirait pas de la sorte. C’est plutôt le fait d’une personne qui en aidait une autre et qui, soudainement, se trouve exposée à un risque personnel.

[48]  Le juge Cullity a entendu la demande en août 2003. Il a déclaré que M. Plummer ne détenait aucune action de Triventa. Il a aussi déclaré que l’assemblée générale annuelle n’avait pas été convoquée dans les règles et qu’elle était donc sans effet [40] . Le juge Cullity a fait ces déclarations parce qu’il avait conclu, vu les erreurs commises au moment de la constitution en société, que la société inactive était l’unique actionnaire de Triventa et que l’unique administrateur de Triventa demeurait l’employé de Miller Thomson LLP qui avait été nommé premier administrateur au moment de la constitution en société. Étant donné qu’aucune autre action n’a été émise, aucune action ne pouvait avoir été émise à M. Plummer. De même, l’assemblée générale annuelle qui n’a pas été convoquée par l’unique administrateur et à laquelle n’a pas assisté l’unique actionnaire ne peut avoir d’effet. Pour des raisons similaires, le juge Cullity n’a pas été en mesure de déclarer que 592 détenait 50 % des actions de Triventa ou que M. Jawa, M. Lefebvre et M. Warren étaient les administrateurs de Triventa.

[49]  Le juge Cullity a reconnu que ses conclusions créeraient un certain nombre de difficultés pour les actionnaires de Triventa. Il a donc tiré des conclusions additionnelles pour les aider à résoudre ces difficultés. Il a conclu que les droits contractuels des actionnaires n’avaient pas été touchés, mais qu’ils ne pouvaient pas être [traduction] « exercés jusqu’à ce que les mesures organisationnelles requises soient prises [41]  ». Il a aussi conclu sans équivoque que ces droits contractuels ne conféraient à M. Plummer aucun droit sur les actions. Le juge Cullity a conclu que les parties avaient toujours eu l’intention de transférer les actions de Breckenridge à 592, non pas à M. Jawa et à M. Plummer, comme ce dernier le prétendait [42] . Il a aussi fait observer que [traduction] « [s]’il était permis, et nécessaire, de trancher la question de la crédibilité en fonction de la preuve qui m’a été présentée et selon la prépondérance des probabilités, je serais fortement porté à croire que l’allégation de M. Plummer [selon laquelle il détient 8,33 % des actions de Triventa] est une invention après coup [43]  ».

[50]  À la suite de la décision rendue par le juge Cullity, Mme Chaplin et 592 ont pris des mesures pour mettre de l’ordre dans les affaires de Triventa. Les documents nécessaires ont été préparés pour qu’il soit établi que Mme Chaplin et 592 étaient les seules actionnaires de Triventa. M. Jawa, M. Lefebvre et M. Warren ont été nommés administrateurs. Les parties ont appelé cette étape la [traduction] « reconstitution administrative ». Certains des frais juridiques en cause sont liés à la reconstitution administrative.

[51]  Avant de me lancer dans l’analyse de la nature du litige, je me pencherai sur une conclusion défavorable que l’intimée m’a demandé de tirer. Mme Chaplin n’a appelé ni M. Jawa ni M. Lefebvre à témoigner. L’intimée m’a demandé de tirer une conclusion défavorable de cette omission de la part de Mme Chaplin. Dans certaines circonstances, il est possible de tirer une conclusion défavorable à l’égard d’un contribuable qui omet de convoquer un témoin qui aurait donné le point de vue de l’autre partie à une opération (Downey c. La Reine [44] ; Imperial Pacific Greenhouses Ltd. c. La Reine [45] ; Wagner c. La Reine [46] ; Pièces Automobiles Lecavalier Inc. c. La Reine [47] ). Parce que Mme Chaplin n’a pas convoqué M. Jawa et M. Lefebvre, j’ai entendu seulement un côté de la médaille. Dans le cas de Mme Chaplin, le témoignage que j’ai entendu est intéressé. M. Plummer était le mandataire de Mme Chaplin dans la demande et son témoignage m’a laissé la forte impression qu’il estimait que c’était encore son rôle dans le présent appel. M. Warren se souvenait à peine des événements, et son témoignage a ajouté peu de valeur. Dans l’ensemble, j’ignore une grande partie de l’histoire. Le passé de Triventa, la nature du litige, le but dans lequel les frais juridiques ont été payés, la responsabilité, le cas échéant, de Triventa à l’égard des frais juridiques et l’existence du prêt qu’aurait consenti Mme Chaplin à Triventa sont tous des éléments cruciaux en l’espèce. Il s’agit aussi de sujets à l’égard desquels M. Jawa et M. Lefebvre auraient pu fournir des renseignements importants. Ils auraient pu présenter l’autre côté de la médaille en ce qui concerne le litige et le prêt. Mme Chaplin allègue qu’elle a prêté de l’argent à Triventa, mais elle n’a convoqué aucun témoin qui aurait pu confirmer que Triventa lui avait bel et bien emprunté de l’argent. M. Jawa et M. Lefebvre, en tant qu’administrateurs de Triventa lorsque le prêt aurait été consenti, auraient pu le faire.

[52]  Dans certains cas, la preuve documentaire dont l’authenticité est confirmée par les deux parties donne une indication du témoignage que M. Jawa aurait probablement livré s’il avait été appelé à témoigner. Les déclarations faites dans ces documents sont du ouï‑dire, je ne les ai donc pas retenues pour la véracité de leur contenu. Par contre, je crois qu’il est approprié de déduire de ces déclarations que le témoignage de M. Jawa, si ce dernier avait été appelé à témoigner, n’aurait pas étayé la thèse de Mme Chaplin [48] .

[53]  Il n’y a pas lieu de tirer une conclusion défavorable chaque fois qu’une partie omet d’assigner un témoin. Il se pourrait fort bien que la partie puisse expliquer de façon satisfaisante sa décision. L’avocat de Mme Chaplin a fait savoir qu’après avoir interrogé M. Jawa, il avait renoncé à le convoquer. L’avocat a dit en avoir informé l’avocat de la défenderesse. Il a ajouté qu’il avait informé l’avocat de l’intimée que M. Jawa avait reçu une citation à comparaître et qu’elle pouvait donc l’appeler à témoigner si elle le souhaitait [49] . À mon avis, cette explication ne justifie pas l’omission par Mme Chaplin d’appeler M. Jawa à comparaître. Elle appuie plutôt la conclusion défavorable. Cela donne à penser qu’après avoir entendu ce que M. Jawa allait dire, l’avocat a décidé qu’il ne serait pas dans l’intérêt de Mme Chaplin de l’appeler à témoigner. Le fait que l’avocat ait permis à l’intimée de convoquer facilement M. Jawa n’y change rien. L’intimée n’avait aucun motif de convoquer M. Jawa. Elle a formulé une hypothèse de fait selon laquelle Mme Chaplin n’avait pas droit à ce que son compte de prêt d’actionnaire soit crédité des frais juridiques [50] . L’intimée était prête à s’appuyer sur cette hypothèse. Il appartenait à Mme Chaplin d’infirmer l’hypothèse et, par conséquent, de convoquer tous les témoins nécessaires à cette fin.

[54]  Compte tenu de tout ce qui précède, je tire une conclusion défavorable de l’omission par Mme Chaplin d’appeler M. Jawa et M. Lefebvre à témoigner. Je conclus que leur témoignage n’aurait pas aidé Mme Chaplin.

[55]  Maintenant que j’ai établi les origines du litige et abordé la question de la conclusion défavorable, je peux me pencher sur la nature du litige.

[56]  Mme Chaplin affirme qu’il s’agissait d’un litige entre les administrateurs de Triventa. Je ne souscris pas à ce point de vue. S’il s’agissait bel et bien d’un litige entre administrateurs, pourquoi alors un seul des soi-disant nouveaux administrateurs a‑t‑il été nommé partie à la demande? Si le but était de prendre des mesures à l’égard du nouveau conseil d’administration, pourquoi ne pas avoir ajouté Mme Chaplin et M. Warren à la demande? Il est évident que M. Jawa et M. Lefebvre croyaient que M. Warren ne s’acquittait pas adéquatement de ses fonctions d’administrateur [51] .

[57]  Dans son témoignage, M. Plummer a affirmé qu’à son avis le litige portait sur l’élection des administrateurs, et non sur la question de savoir s’il détenait ou non des actions [52] . J’estime que, sur ce point, son témoignage est fallacieux.

[58]  Comme je l’ai indiqué ci‑dessus, je tire une conclusion défavorable du fait que Mme Chaplin n’ait pas appelé M. Jawa et M. Lefebvre à témoigner, ce qui m’a empêché de bénéficier de leur point de vue sur la nature du litige.

[59]  Je conclus qu’il s’agissait purement et simplement d’un litige entre actionnaires. Même s’il a pu prendre la forme d’un litige concernant l’identité des administrateurs, à la base, il s’agissait d’un litige concernant la propriété des actions prétendument détenues par M. Plummer. Il est évident que la demande découle du fait que M. Plummer a revendiqué de manière concrète sa qualité d’actionnaire en assistant à l’assemblée générale annuelle et en exerçant le droit de vote afférent à ses actions. La gouvernance de la société n’était pas contestée. Soit M. Plummer était actionnaire et Mme Chaplin et lui pouvaient élire les membres du conseil d’administration, soit il ne l’était pas et Mme Chaplin devait collaborer avec 592 pour élire les membres du conseil d’administration. Le litige opposait essentiellement 592 et M. Plummer ou, plus précisément, 592 et Mme Chaplin par l’intermédiaire de son mandataire, M. Plummer.

(ii)  L’avantage découlant des frais juridiques

[60]  Je conclus que Mme Chaplin a tiré un avantage des frais juridiques, contrairement à Triventa. Les frais juridiques peuvent être répartis en trois catégories :

a)  les frais de justice liés à la défense de la demande (les « frais liés à la défense »);

b)  les dépens adjugés à la suite de la demande (les « dépens »);

c)  les frais de justice liés à la reconstitution administrative (les « frais liés à la reconstitution administrative »).

[61]  Les frais liés à la défense et les dépens ont été engagés dans le cadre du litige entre actionnaires amorcé par Mme Chaplin. Il est évident qu’ils ont été engagés à son avantage. Triventa n’a tiré aucun avantage du litige entre actionnaires. Triventa se trouvait essentiellement dans la même situation avant et après le litige. Même si le juge Cullity a finalement fondé sa décision sur l’erreur commise au moment de la constitution en société de Triventa, le litige en soi ne visait pas à corriger l’erreur. Il visait à identifier les actionnaires de Triventa. Aucune des parties ne soutenait que la société inactive était l’unique actionnaire. Même si Triventa a sans doute profité de la certitude apportée par la décision du juge Cullity quant au statut de sa constitution en société, les frais liés à la défense et les dépens n’avaient rien à voir avec cette décision. Dans la mesure où Triventa a profité de la décision du juge Cullity, l’avantage est issu du fait que les demandeurs ont déposé la demande et fait valoir leur point de vue et non pas de la thèse opposée en défense par les défendeurs.

[62]  Mme Chaplin soutient que les frais liés à la reconstitution administrative ont été payés afin de corriger l’erreur juridique survenue au moment de la constitution en société de Triventa et qu’ils ont donc profité à cette dernière. Je conviens qu’une société tirerait un avantage de frais juridiques engagés pour corriger des erreurs commises lors de sa constitution et de l’émission d’actions à ses actionnaires. Toutefois, il est impossible d’établir clairement si les frais liés à la reconstitution administrative présentent les coûts liés à la mise à jour de l’historique de Triventa pour corriger les erreurs ou s’ils représentent les coûts engagés par Mme Chaplin pour faire examiner par ses avocats les documents préparés par les avocats de Triventa ou de 592 pour la protection de ses intérêts. Dans le premier cas, les frais profiteraient à Triventa. Dans le deuxième cas, ils profiteraient à Mme Chaplin. Les factures relatives à la reconstitution administrative ne sont pas utiles, puisqu’elles pourraient soutenir l’une ou l’autre de ces hypothèses [53] . Aucun des nouveaux documents n’a été produit en preuve et aucune correspondance n’a été présentée pour établir qui les a préparés. Encore une fois, je tire une conclusion défavorable du fait que Mme Chaplin n’ait pas appelé M. Jawa et M. Lefebvre à témoigner. Il aurait été utile de savoir s’ils croyaient que Triventa avait tiré un avantage des frais liés à la reconstitution administrative et d’entendre leur témoignage quant au travail accompli par leurs avocats ou ceux de Triventa dans le contexte de la reconstitution administrative. Dans ces circonstances, faute d’éléments de preuve supplémentaires, je ne suis pas prêt à accepter que Triventa ait tiré un avantage des frais liés à la reconstitution administrative. Je conclus donc que seule Mme Chaplin a tiré un avantage de ces frais.

[63]  Compte tenu de ce qui précède, je conclus que Mme Chaplin, et non Triventa, a tiré un avantage des frais juridiques.

(iii)   À qui incombe la responsabilité de payer les frais juridiques et qui est dans les faits tenu de les payer

[64]  Je conclus que Triventa n’avait pas la responsabilité de payer les frais juridiques et n’était pas dans les faits tenue de les payer. Je conclus que Mme Chaplin avait la responsabilité de payer certains des frais juridiques et qu’elle était dans les faits tenue de payer les autres. J’aborderai chacune des catégories de frais juridiques séparément.

Les frais liés à la défense

[65]  Les frais liés à la défense se composent des honoraires du cabinet Wildeboer Rand Thomson Apps & Dellelce LLP (« Wildeboer ») et du cabinet Gowling Lafleur Henderson, S.E.N.C.R.L., s.r.l. (« Gowlings »).

[66]  Dans son témoignage, Mme Chaplin a dit avoir communiqué avec Carolyn Musselman, avocate chez Wildeboer, lorsqu’elle a pris connaissance de la demande. Selon la description faite par Mme Chaplin, Wildeboer s’occupait des affaires de Triventa. Mme Chaplin a expliqué que Wildeboer a renvoyé l’affaire à Gowlings, soit le cabinet où Mme Musselman travaillait auparavant [54] . Mme Chaplin a expliqué que les administrateurs de Triventa avaient convenu que c’était Triventa qui retenait les services de Gowlings et que c’était Triventa qui paierait les honoraires [55] . Je rejette le témoignage de Mme Chaplin à cet égard. Il est intéressé, improbable et incompatible avec la preuve documentaire. Je conclus que Wildeboer s’occupait des affaires de Mme Chaplin et non de celles de Triventa, que Wildeboer a renvoyé M. Plummer à Gowlings et que Gowlings représentait M. Plummer, mais qu’en raison de la convention d’achat d’actions, il représentait les intérêts de Mme Chaplin.

[67]  Je me pencherai d’abord sur les honoraires de Wildeboer. Même si Mme Chaplin a dit de Wildeboer qu’il était le représentant de Triventa, en réalité, ce cabinet venait à peine d’être prétendument choisi pour s’occuper des affaires de la société au moment où Mme Chaplin et M. Plummer ont tenté de prendre le contrôle de Triventa [56] . Par le passé, Triventa se faisait représenter par le cabinet Miller Thomson [57] . Les documents de constitution en société avaient été préparés par des avocats de Miller Thomson, qui avaient aussi préparé les documents relatifs au transfert des actions détenues par Breckenridge à 592 [58] . Étant donné que la tentative de Mme Chaplin de saisir le contrôle de Triventa reposait sur l’idée qu’une certaine partie des actions détenues par Breckenridge avait en fait été transférée à M. Plummer, on peut facilement s’imaginer pourquoi Mme Chaplin n’aurait pas voulu recourir aux services de Miller Thomson dans cette affaire.

[68]  Mme Chaplin avait personnellement traité avec Mme Musselman par le passé. Cette dernière avait agi pour le compte de Mme Chaplin lors de la constitution en société de Triventa [59] et lors de l’achat des actions détenues par Breckenridge [60] . Mme Chaplin avait aussi communiqué avec elle pour obtenir des conseils avant de tenir la supposée assemblée générale annuelle [61] .

[69]  Lorsque Mme Chaplin et M. Plummer ont négocié les modalités de la convention d’achat d’actions, Wildeboer représentait les intérêts de Mme Chaplin, tandis qu’un autre cabinet représentait ceux de M. Plummer [62] . Si Wildeboer représentait Triventa, pourquoi aurait‑il conseillé Mme Chaplin sur la convention d’achat d’actions?

[70]  Toutes les notes d’honoraires de Wildeboer qui ont été produites en preuve sont adressées à Mme Chaplin et non à Triventa [63] .

[71]  Compte tenu de tout ce qui précède, je conclus que Wildeboer représentait Mme Chaplin et non Triventa, et que c’était donc Mme Chaplin qui avait la responsabilité de payer les honoraires de Wildeboer.

[72]  Je me pencherai maintenant sur les honoraires de Gowlings. La demande comptait deux défendeurs : Triventa et M. Plummer. Les seuls avocats présents à l’audience au nom des défendeurs étaient des avocats de Gowlings. Il y a donc trois possibilités : Gowlings représentait Triventa et personne ne représentait M. Plummer; Gowlings représentait Triventa et M. Plummer; ou Gowlings représentait M. Plummer et personne ne représentait Triventa.

[73]  La preuve documentaire est compatible avec les trois possibilités, mais, selon les éléments de preuve les plus solides, Gowlings représentait uniquement M. Plummer. Dans leurs observations écrites relatives aux dépens, les avocats de Gowlings se décrivent ainsi [traduction] : « avocats du défendeur, Robert Plummer [64]  ». Dans le jugement rendu à l’égard de la demande, il est indiqué que M. Plummer était représenté par Gowlings et que personne n’a comparu à l’audience au nom de Triventa [65] . Le jugement a été préparé et examiné par Gowlings et par les avocats des demandeurs dans la demande, WeirFoulds LLP. Je conclus que ces documents constituent une preuve solide selon laquelle les avocats de Gowlings se considéraient comme les avocats de M. Plummer et non comme ceux de Triventa. Cela dit, les notes d’honoraires de Gowlings présentent une histoire différente, mais inconstante. La première note est adressée à Triventa et a été envoyée par la poste à l’adresse de l’entreprise [66] . Toutes les autres notes sont adressées à Triventa et à M. Plummer et ont été envoyées par la poste au domicile de ce dernier [67] .

[74]  Les actes des avocats de Gowlings indiquent qu’ils représentaient M. Plummer. S’ils n’avaient représenté que Triventa, ils se seraient probablement concentrés sur la correction de l’erreur commise lors de la constitution en société de Triventa plutôt que sur la question de savoir si M. Plummer détenait des actions ou non. Le fait que cela n’ait pas été le cas donne fortement à penser que les avocats de Gowlings agissaient, à tout le moins, pour le compte à la fois de M. Plummer et de Triventa.

[75]  Un cabinet d’avocats qui représenterait à la fois la société et un actionnaire minoritaire possible dans un litige entre actionnaires se trouverait en conflit d’intérêts. Je conclus qu’il est improbable que le cabinet Gowlings se soit mis dans cette position.

[76]  Le témoignage de Mme Chaplin sur la personne que Gowlings représentait était incohérent. Elle a affirmé dans son témoignage que Gowlings représentait Triventa [68] . Toutefois, en contre-interrogatoire, elle a dit à un certain moment que Gowlings représentait M. Plummer et Triventa [69] et, à un autre moment, qu’il représentait les trois administrateurs nommés lors de la supposée assemblée générale annuelle [70] .

[77]  Dans son témoignage, M. Plummer a affirmé que Gowlings représentait Triventa et qu’il n’avait pas d’avocat sauf celui qui avait négocié la convention d’achat d’actions en son nom [71] . J’admets que M. Plummer croit qu’il n’avait pas d’avocat étant donné qu’il n’avait plus d’intérêt dans le litige après la conclusion de la convention d’achat d’actions. Je n’admets toutefois pas que cela signifie que Gowlings n’agissait pas pour protéger son intérêt supposé dans Triventa. Même si M. Plummer ne se souciait plus de cet intérêt, Mme Chaplin s’en souciait très certainement, puisqu’il s’agissait en réalité de son intérêt à elle.

[78]  Compte tenu de ce qui précède, particulièrement les déclarations des avocats de Gowlings quant à l’identité de la partie qu’ils représentaient, je conclus que Gowlings représentait M. Plummer et que personne ne représentait Triventa. M. Plummer avait donc la responsabilité de payer les honoraires de Gowlings. Toutefois, conformément à la convention d’achat d’actions, c’est Mme Chaplin qui était dans les faits tenue de les payer. Il est important de souligner qu’aux termes de la convention d’achat d’actions, c’est Mme Chaplin, et non pas Triventa, qui était tenue de payer les honoraires de Gowlings. Ces honoraires faisaient partie de la contrepartie que Mme Chaplin avait accepté de verser pour acquérir tous les intérêts de M. Plummer dans Triventa.

[79]  Mme Chaplin fait valoir que, même si Triventa n’avait pas directement la responsabilité de payer les frais liés à la défense, dans les faits, elle était tout de même tenue de les payer en application de ses règlements intérieurs. L’article 2.11 du règlement intérieur n1 de Triventa exige que Triventa indemnise tout administrateur ou ancien administrateur des coûts, des frais et des dépenses engagés raisonnablement par lui dans le cadre d’une poursuite civile à laquelle il est partie en sa qualité d’administrateur ou d’ancien administrateur [72] . Mme Chaplin soutient que, selon ce règlement intérieur, Triventa était tenue d’indemniser M. Plummer à l’égard des frais liés à la défense, dans la mesure où ceux-ci ont été payés par M. Plummer. Je ne suis pas d’accord. Au titre du règlement intérieur, Triventa est tenue d’indemniser les administrateurs dans le cadre de poursuites à laquelle ils sont parties en raison de leur qualité d’administrateur. M. Plummer a été constitué partie à la demande parce qu’il alléguait détenir 8,33 % des actions de Triventa, et non pas parce qu’il avait été élu administrateur. Si la demande avait visé les personnes élues aux postes d’administrateur lors de la supposée assemblée générale annuelle, Mme Chaplin et M. Warren y auraient aussi été nommés à titre de défendeurs. Je conclus donc que Triventa n’est pas tenue de payer les frais liés à la défense au titre de l’article 2.11 du règlement intérieur.

[80]  Compte tenu de tout ce qui précède, je conclus que Mme Chaplin avait la responsabilité de payer les frais liés à la défense ou était dans les faits tenue de les payer, et que Triventa n’avait pas la responsabilité de payer les frais liés à la défense et n’était pas dans les faits tenue de les payer.

Les dépens

[81]  Mme Chaplin est d’avis que Triventa et M. Plummer avaient tous deux la responsabilité de payer les dépens. Je ne suis pas d’accord. Je conclus que seul M. Plummer avait la responsabilité de payer les et que, puisqu’elle avait accepté d’indemniser M. Plummer à l’égard des dépens, Mme Chaplin était dans les faits tenue de les payer.

[82]  Mme Chaplin fait valoir que, dans l’ordonnance manuscrite relative aux dépens, le juge Cullity a condamné les défendeurs aux dépens dans la demande (c.‑à‑d. Triventa et M. Plummer) [73] . C’est vrai. Cependant, le jugement résultant de cette ordonnance manuscrite n’a pas condamné que M. Plummer aux dépens. D’après ce que j’ai compris, en Ontario, les juges préparent une ordonnance manuscrite, puis les avocats des parties s’entendent sur la forme du jugement et présentent le jugement. Le jugement dans cette affaire a été préparé et examiné par Gowlings et WeirFoulds. Il ne m’appartient pas de mettre en doute son libellé. Si les parties avaient cru que le jugement comportait une erreur découlant d’un lapsus ou d’une omission, elles auraient pu et auraient dû régler la question devant le juge Cullity à ce moment. Il n’est pas approprié qu’une partie à l’instance soulève des questions quatorze ans après les faits devant une cour différente. Je souligne également que le greffe a enregistré le jugement, en dépit de la divergence entre l’ordonnance manuscrite et le jugement. Pour autant que je sache, il est possible que les avocats aient porté ce changement particulier à l’attention du juge Cullity et que celui-ci l’ait approuvé à ce moment. On comprend bien pourquoi M. Jawa, M. Lefebvre et 592 auraient voulu rendre M. Plummer l’unique responsable des dépens. Si Triventa avait été condamnée aux dépens, la moitié de chaque dollar payé à M. Jawa, à M. Lefebvre et à 592 aurait été tirée de leur part des actifs de Triventa. Je tire de nouveau une conclusion défavorable du fait que Mme Chaplin n’ait pas appelé M. Jawa et M. Lefebvre à témoigner. Il aurait été très utile de les entendre sur cette question.

[83]  M. Plummer ne considérait même pas qu’il avait été condamné aux dépens avaient, étant donné que Mme Chaplin était dans les faits tenue de les payer [74] .

[84]  Les observations que j’ai formulées ci‑dessus sur l’application de l’article 2.11 du règlement intérieur no 1 s’appliquent tout autant aux dépens. Le règlement intérieur n’imposait pas à Triventa l’obligation de payer les dépens.

[85]  De même, je souligne de nouveau qu’aux termes de la convention d’achat d’actions, c’est Mme Chaplin, et non Triventa, qui était dans les faits tenue de payer les dépens.

[86]  Compte tenu de ce qui précède, je conclus que M. Plummer avait la responsabilité de payer les dépens. Toutefois, conformément à l’entente qu’il avait conclue avec Mme Chaplin, c’est en réalité cette dernière qui était tenue de les payer. Triventa n’avait la responsabilité de payer les dépens et n’était pas tenue de les payer.

Les frais liés à la reconstitution administrative

[87]  Les frais liés à la reconstitution administrative ont été payés à Wildeboer et Gowlings. Je conclus que Mme Chaplin avait la responsabilité de payer ces frais.

[88]  Mme Chaplin a affirmé dans son témoignage que Wildeboer et Gowlings agissaient pour le compte de Triventa lors de la reconstitution administrative. Si Mme Chaplin avait livré un témoignage plus franc sur l’identité des personnes que Wildeboer et Gowlings représentaient dans la demande et que j’avais eu la possibilité de comparer ses déclarations à celles de M. Jawa et de M. Lefebvre, j’aurais peut‑être été plus enclin à prêter foi à son témoignage sur ce point. Dans les circonstances, toutefois, je ne suis pas prêt à le faire.

[89]  J’ai déjà conclu que Wildeboer représentait Mme Chaplin. Cette dernière n’a pas été en mesure de trouver de document qui aurait montré qu’une personne en autorité chez Triventa après le prononcé du jugement avait retenu les services de Wildeboer pour Triventa [75] . Je prends note qu’il semble que Miller Thompson se soit occupé des affaires de Triventa jusqu’en 2005 [76] . Je souligne aussi que les notes d’honoraires présentées par Wildeboer pour la reconstitution administrative étaient adressées à Mme Chaplin et non à Triventa [77] . Compte tenu de ce qui précède, je conclus que Wildeboer a continué de représenter Mme Chaplin lors de la reconstitution administrative et que cette dernière avait donc toujours la responsabilité de payer les honoraires de Wildeboer.

[90]  De même, rien dans la preuve ne montre qu’une personne en autorité chez Triventa après le jugement a retenu les services de Gowlings pour Triventa. J’ai déjà conclu que Gowlings représentait M. Plummer, au bénéfice de Mme Chaplin. Étant donné qu’après le jugement, M. Plummer n’avait plus aucun intérêt dans Triventa, il s’ensuit que tout le travail effectué par Gowlings après le jugement doit avoir été fait pour Mme Chaplin. Par conséquent, je conclus que Mme Chaplin avait la responsabilité de payer les honoraires de Gowlings.

[91]  Compte tenu de ce qui précède, je conclus que Mme Chaplin avait la responsabilité de payer les frais liés à la reconstitution administrative et que Triventa n’avait pas la responsabilité de payer ces frais et n’était pas tenue dans les faits de les payer.

(iv)  Le paiement des frais juridiques

[92]  Je conclus que Mme Chaplin a payé les frais juridiques.

[93]  Les frais juridiques s’élevaient à 163 898 $. Mme Chaplin a payé directement 3 930,87 $ [78] . Le solde des frais juridiques, soit 159 967,13 $, a été payé par l’intermédiaire de son entreprise en propriété exclusive, Cruickston Park Company Limited [79] . Le père de Mme Chaplin a transféré les fonds requis à Cruickston, qui a ensuite payé les frais. Mme Chaplin a ensuite remboursé son père personnellement. Mme Chaplin a expliqué qu’elle a payé les frais juridiques par l’intermédiaire de Cruickston afin de les séparer de ses finances personnelles [80] . Elle a dit que Cruickston n’était qu’un moyen d’acheminer des fonds à Triventa [81] .

[94]  Une balance de vérification pour Cruickston a été produite en preuve. Elle ne m’a pas été utile. Les notes afférentes aux diverses entrées prêtaient à confusion et semblaient avoir été tronquées à l’impression. Je n’ai accordé aucune importance à ce document [82] .

[95]  Mme Chaplin prétend qu’elle a payé les frais juridiques au nom de Triventa. Si tel est le cas, pourquoi Triventa ne les a‑t‑elle pas payés elle‑même dès le début? Mme Chaplin a témoigné que Triventa n’avait pas les fonds nécessaires pour payer les frais juridiques et que, à la suite d’un conflit aussi clivant, elle était réticente à avancer les fonds directement à Triventa. Elle soutient qu’il aurait été imprudent de déposer des fonds dans le compte bancaire de Triventa pour le paiement des frais juridiques. M. Jawa ou M. Lefebvre aurait pu retenir ou prendre les fonds avant qu’ils ne soient utilisés à leur fin prévue. Elle dit qu’elle a donc payé les frais directement [83] .

[96]  À première vue, l’explication fournie par Mme Chaplin semble logique, mais elle ne résiste pas à un examen poussé. Si Mme Chaplin ne faisait pas confiance à M. Jawa et à M. Lefebvre, pourquoi donc aurait-elle payé la totalité des frais juridiques, plutôt que la moitié seulement? Comment s’attendait‑elle à être remboursée par une société qui, à ses dires, n’avait pas suffisamment de fonds pour la rembourser? Comment s’attendait‑elle à amener la société à la rembourser si elle ne siégeait plus au conseil d’administration? Si Mme Chaplin croyait réellement qu’elle payait les frais juridiques au nom de Triventa, logiquement elle en aurait payé la moitié et elle aurait demandé à 592 de payer l’autre moitié.

[97]  Mme Chaplin n’a pas discuté de la question des frais juridiques avec M. Jawa ou M. Lefebvre avant de les payer [84] . Je souligne qu’au moment où la majeure partie des frais juridiques ont été payés, Mme Chaplin savait qu’elle n’était plus administratrice de Triventa et qu’elle n’avait donc pas l’autorisation d’effectuer des paiements en son nom. De même, elle n’était pas autorisée à emprunter au nom de Triventa des fonds provenant d’elle-même.

[98]  Encore une fois, je tire une conclusion défavorable du fait que Mme Chaplin n’ait pas appelé M. Jawa et M. Lefebvre à témoigner. Puisqu’ils étaient administrateurs de Triventa lorsque les frais juridiques ont été payés, leur témoignage aurait été utile pour déterminer s’ils croyaient que Mme Chaplin avait payé les frais juridiques au nom de Triventa. Je crois qu’il est extrêmement improbable qu’ils aient souscrit à la thèse de Mme Chaplin. Pourquoi auraient‑ils accepté que les frais liés à la défense et les dépens aient été payés au nom de Triventa? Il s’agissait de frais liés à un litige au terme duquel ils ont eu gain de cause. Quelle raison auraient‑ils bien pu avoir d’accepter que Triventa paye ces frais étant donné que cela aurait voulu dire qu’ils en auraient payé la moitié?

[99]  Compte tenu de ce qui précède, je conclus qu’aucune des sommes utilisées pour payer les frais juridiques ne provenait de Triventa. Ces sommes provenaient toutes de Mme Chaplin. Cruickston a agi en tant que mandataire de Mme Chaplin pour effectuer les paiements.

(v)  Le moment où le prêt allégué a été inscrit dans les livres de Triventa

[100]  Le prêt n’a pas été inscrit dans les livres de Triventa lorsqu’il a supposément été consenti, en 2003 et en 2004. Il n’a été inscrit qu’en 2007. Le moment où le prêt a été inscrit constitue une preuve circonstancielle solide que Mme Chaplin savait que les frais juridiques n’avaient pas été engagés par Triventa et qu’elle n’avait pas consenti de prêt à Triventa.

[101]  M. Warren a témoigné pour le compte de Mme Chaplin. Il se souvient d’avoir discuté d’une note d’honoraires avec le mari de Mme Chaplin et peut-être avec cette dernière. Selon sa description, la note se rapportait à un différend entre les actionnaires. Il a affirmé avoir dit qu’il était inapproprié de passer par l’intermédiaire de Triventa pour le paiement de la note. Il se souvenait peu des faits et des documents. Les faits se sont produits il y a près de 14 ans et, contrairement à Mme Chaplin et à M. Plummer, il n’avait aucun intérêt personnel dans cette affaire. M. Warren ne pouvait affirmer avec certitude si les discussions concernant la note d’honoraires avaient eu lieu en 2003 ou avant. Quoi qu’il en soit, j’accepte le fait que Mme Chaplin ou son mari savaient, en 2003, que M. Warren, qui est demeuré administrateur après le jugement, jugeait qu’il était inapproprié le paiement des notes d’honoraires relatives à des conflits entre actionnaires se fasse par l’intermédiaire de la société.

[102]  Même si Mme Chaplin avait décidé de payer la totalité des frais juridiques au nom de Triventa plutôt que d’en payer la moitié et de faire payer l’autre moitié par 592, pourquoi aurait‑elle attendu trois ans avant d’inscrire cette opération dans les livres de Triventa? Logiquement, pour protéger sa créance, elle aurait sans doute voulu s’assurer que le prêt soit inscrit immédiatement. Dans son témoignage, Mme Chaplin a déclaré que le défaut d’inscription des frais et du prêt avant 2007 était une omission [85] . Je ne la crois pas. Encore une fois, je tire une conclusion défavorable du fait qu’elle n’a pas appelé M. Jawa et M. Lefebvre à témoigner sur cette question.

[103]  En 2005, Mme Chaplin était en pourparlers avec 592 afin de racheter la participation de celle-ci dans Triventa, mais elle n’avait toujours pas inscrit le prêt dans les livres de Triventa. Un prêt aussi important aurait forcément eu une incidence sur la valeur des actions de Triventa et Mme Chaplin aurait donc dû vouloir qu’il en soit tenu compte avant les négociations. Or, Mme Chaplin a dit en contre‑interrogatoire qu’elle n’avait pas discuté des frais juridiques avec M. Jawa ou M. Lefebvre entre l’enregistrement du jugement a été enregistré et le rachat, en 2005 [86] .

[104]  Les actions de 592 ont été rachetées en 2005 pour une contrepartie symbolique par une société contrôlée par une entité que Mme Chaplin a décrite comme étant une fiducie de sa famille [87] . Cependant, même après le départ de M. Jawa et de M. Lefebvre, le prêt allégué et les frais juridiques n’ont toujours pas été inscrits dans les livres de Triventa.

[105]  En fait, le prêt allégué et les frais juridiques n’ont été inscrits dans les livres de Triventa qu’en 2007, lorsque Triventa, qui avait commencé à mener de nouvelles activités, s’est retrouvée dans une situation qui lui permettait de bénéficier de la déduction de ces frais [88] . Cela donne fortement à penser que le prêt allégué a été inscrit parce que c’était financièrement avantageux, et non parce que cela représentait fidèlement une opération survenue des années auparavant. L’inscription de l’opération était pour Triventa un moyen de réduire son revenu. C’était aussi pour Mme Chaplin une façon de tirer de l’argent de Triventa sans payer d’impôt.

[106]  J’ai donné à Mme Chaplin l’occasion de dissiper mes doutes quant au moment choisi pour inscrire les frais juridiques et le prêt allégué. Mme Chaplin a affirmé qu’elle comprenait mes doutes, mais qu’elle n’y avait pas songé à ce moment-là [89] . Je ne la crois pas.

[107]  Tout ce qui précède donne à penser que l’opération n’a été inscrite qu’en 2007 parce que M. Jawa et M. Lefebvre ne jouaient plus aucun rôle dans Triventa à ce moment et qu’ils ne pouvaient donc plus s’y opposer. Plus important encore, le fait de prétendre que les dépenses avaient été engagées par Triventa offrait à ce moment un avantage financier à Triventa et à Mme Chaplin.

(vi)  Conclusion

[108]  En somme, je conclus que les frais juridiques ont été engagés dans le cadre d’un litige entre actionnaires, et non pas d’un litige sur la gouvernance de la société, et qu’ils l’ont été pour la défense des intérêts personnels de Mme Chaplin. Cette dernière soit avait la responsabilité de payer les frais juridiques, soit était dans les faits tenue de les payer, et elle les a, de fait, payés. Le prêt allégué n’a été inscrit dans les livres de Triventa qu’après le départ de M. Jawa et de M. Lefebvre, lorsqu’il était devenu financièrement avantageux pour Triventa et Mme Chaplin d’affirmer que l’opération avait eu lieu.

[109]  Les frais juridiques n’ont rien apporté à Triventa, n’avaient pas à être payés par Triventa et n’ont pas été payés par Triventa. Il s’agissait simplement de dépenses personnelles de Mme Chaplin.

[110]  Compte tenu de tout ce qui précède, je conclus que Mme Chaplin n’a pas consenti de prêt à Triventa pour que cette dernière paie les frais juridiques. L’écriture comptable qui a créé le prêt allégué n’est que pure fiction.

b)  Triventa a‑t‑elle conféré à Mme Chaplin un avantage visé au paragraphe 15(1)?

[111]  Pour que le paragraphe 15(1) s’applique, Triventa doit avoir conféré un avantage à Mme Chaplin en sa qualité d’actionnaire.

[112]  Comme il est indiqué ci‑dessus, les frais juridiques étaient ceux de Mme Chaplin. Triventa n’a pas payé les frais juridiques et n’a pas remboursé Mme Chaplin pour ces frais. Aucune somme n’a été transférée de Triventa à Mme Chaplin relativement aux frais juridiques. Mme Chaplin a simplement payé elle‑même ses dépenses personnelles. Une fausse écriture comptable a été consignée dans les livres de Triventa pour indiquer qu’une autre opération avait été effectuée, mais cette écriture ne correspondait pas à la réalité.

[113]  L’écriture comptable a été faite par les comptables externes de Triventa, suivant les directives précises de Mme Chaplin [90] . Le moment choisi pour faire cette écriture donne fortement à penser que Mme Chaplin savait que les frais juridiques ne constituaient pas des dépenses d’entreprise et que son affirmation selon laquelle elle avait consenti un prêt à Triventa n’était donc pas fondée. Mme Chaplin est instruite et possède une vaste expérience en affaires. Elle détient un MBA et, pendant la période visée, elle était présidente et directrice générale d’une entreprise dont les revenus s’élevaient à environ 300 millions de dollars. Avant d’occuper ce poste, elle était vice‑présidente des ressources et elle était responsable des secteurs de la comptabilité et des finances de l’entreprise. Compte tenu de son expérience, je conclus que Mme Chaplin aurait été bien au fait des conséquences de l’écriture comptable qu’elle a demandée aux comptables de Triventa.

[114]  Cela dit, je ne suis pas convaincu que le simple fait de faire une fausse écriture comptable, même sciemment, confère un avantage à un actionnaire. Il me semble que l’avantage est conféré lorsqu’un bien de valeur est donné à l’actionnaire. Tout au plus, une fausse écriture comptable jette les bases du déguisement d’un crédit futur ou de la dissimulation d’une dette due par un actionnaire à la société. Elle ne constitue pas en soi un avantage.

[115]  À ma connaissance, cette question n’a jamais été examinée dans une décision. Les parties ont invoqué un certain nombre de précédents sur les avantages visés au paragraphe 15(1). Il était question, dans ces décisions, d’écritures comptables faites (sciemment, négligemment ou innocemment) ou omises (sciemment, négligemment ou innocemment), mais dans tous les cas il y avait transfert de bien. Les parties ont porté particulièrement attention aux arrêts Chopp c. La Reine [91] et Canada c. Franklin [92] de la Cour d’appel fédérale. Ni l’un ni l’autre ne m’est utile. Ils portent tous les deux sur le transfert d’un bien de valeur d’une société à un actionnaire. L’arrêt Chopp porte sur une société qui a payé les dépenses personnelles d’un actionnaire et qui a omis de comptabiliser une réduction correspondante dans le compte de prêt de l’actionnaire. L’arrêt Franklin porte quant à lui sur une société qui a omis de réduire le solde du compte de prêt d’actionnaire d’un actionnaire ayant reçu des sommes destinées à la société. Dans les deux arrêts, l’écriture comptable, ou l’absence d’une telle écriture, était pertinente uniquement parce que, si elle était corrigée, l’avantage pouvait être éliminé. L’écriture comptable, ou l’absence d’une telle écriture, ne constituait pas en soi l’avantage.

[116]  Compte tenu de ce qui précède, je conclus que la simple inscription de la fausse écriture comptable n’a conféré aucun avantage à Mme Chaplin.

[117]  Il est possible que la fausse écriture comptable ait dissimulé ce qui pourrait par ailleurs constituer des avantages visés par les paragraphes 15(1), 15(2) ou 56(2), qui auraient été conférés en 2007 et ne seraient pas liés aux frais juridiques [93] . Toutefois, la nouvelle cotisation ou la confirmation ne portaient pas sur les avantages non liés aux frais juridiques. Aucune hypothèse de fait n’a été avancée concernant ces avantages et l’intimée n’a pas soulevé leur existence possible, ni dans la réponse modifiée ni à l’audience. Il ne m’appartient pas de faire enquête pour déterminer si le ministre aurait dû établir une nouvelle cotisation pour d’autres raisons, et Mme Chaplin n’a pas à se défendre contre de nouvelles cotisations qui n’ont jamais été établies. Si le ministre souhaite examiner la question de savoir si la fausse écriture comptable a dissimulé un autre avantage pour lequel Mme Chaplin devrait faire l’objet d’une nouvelle cotisation, libre à lui de le faire.

[118]  En somme, le simple fait d’inscrire le faux prêt dans les livres de Triventa n’a pas conféré en soi un avantage à Mme Chaplin. Il a peut‑être jeté les bases de la dissimulation d’une opération qui aurait par ailleurs constitué un avantage visé aux paragraphes 15(1), 15(2) ou 56(2). Cette possibilité n’a toutefois pas constitué le fondement de la nouvelle cotisation ou de la confirmation et n’a pas été débattue en l’espèce.

B.   Le paragraphe 56(2)

[119]  L’argument subsidiaire avancé par l’intimée, basé sur le paragraphe 56(2), ne s’applique que si je conclus que Triventa a payé les frais juridiques et que ces frais ont été engagés au profit de M. Plummer. Dans ce cas, l’intimée soutient à titre subsidiaire que le paragraphe 56(2) s’applique, parce que Triventa a payé les honoraires d’avocat de M. Plummer suivant les instructions de Mme Chaplin. Étant donné que j’ai conclu que les frais juridiques ont été engagés au profit de Mme Chaplin et qu’elle les a payés, je n’ai pas à me pencher sur cet argument subsidiaire.

C.  Jugement

[120]  L’appel est accueilli et l’affaire est renvoyée au ministre pour nouvelle cotisation, étant entendu que Mme Chaplin n’a pas reçu d’avantage visé aux paragraphes 15(1) ou 56(2) au cours de l’année d’imposition 2007.

D.  Les dépens

[121]  Les dépens sont adjugés à Mme Chaplin. Les parties disposent de 30 jours suivant la date de la présente décision pour s’entendre sur les dépens, à défaut de quoi elles auront 30 jours supplémentaires pour présenter leurs observations écrites sur la question. Ces observations ne devront pas compter plus de 10 pages. Si les parties n’informent pas la Cour qu’elles se sont entendues et qu’aucune observation n’est reçue, les dépens seront adjugés à Mme Chaplin conformément au tarif.

[122]  Dans leurs négociations, les parties pourront garder à l’esprit le fait que j’ai l’impression que les tentatives de Mme Chaplin visant à montrer que les frais juridiques avaient été engagés par Triventa à l’avantage de cette dernière ont entraîné une perte de temps considérable au procès. Comme je l’ai expliqué en détail ci‑dessus, cette observation n’est pas fondée. À moins qu’on me convainque que mon impression est erronée, toute décision que je pourrai être appelé à rendre quant aux dépens tiendra compte de ce fait.

Les présents motifs du jugement modifiés remplacent les motifs du jugement datés du 27 septembre 2017.

  Signé à Ottawa, Canada, ce 5e jour d’octobre 2017.

« David E. Graham »

Juge Graham

Traduction certifiée conforme

ce 20e jour de septembre 2018.

Elisabeth Ross, jurilinguiste


RÉFÉRENCE :

2017 CCI 194

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2014-3670(IT)G

INTITULÉ :

JAN CHAPLIN c. SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Hamilton (Ontario)

DATES DE L’AUDIENCE :

Les 16 et 17 mai 2017

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge David E. Graham

DATE DU JUGEMENT :

Le 27 septembre 2017

DATE DES MOTIFS
DU JUGEMENT MODIFIÉS

Le 5 octobre 2017

COMPARUTIONS :

Avocats de l’appelante :

Me Duane R. Milot

Me Igor Kastelyanets

Avocat de l’intimée :

Me Devon Peavoy

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelante :

Nom :

Duane R. Milot

Igor Kastelyanets

 

Cabinet :

Milot Law

Pour l’intimée :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Ottawa, Canada

 



[1]   Le ministre a aussi établi une nouvelle cotisation à l’égard de Triventa pour refuser la déduction des frais juridiques. Il n’a pas été fait appel de cette nouvelle cotisation.

[2]   Exposé conjoint partiel des faits, au paragraphe 5.

[3]   Ordonnance manuscrite du juge Cullity datée du 3 septembre 2003, dans 1307592 Ontario Inc. et. al. v. Triventa Technologies Corporation et. al., Cour supérieure de justice de l’Ontario, numéro du dossier de la Cour 03‑CL‑5020, pièce A‑1, onglet 47 (la « première ordonnance manuscrite »), au paragraphe 11.

[4]   Jugement rendu dans l’affaire 1307592 Ontario Inc. et. al. v. Triventa Technologies Corporation et. al., Cour supérieure de justice de l’Ontario, numéro du dossier de la Cour 03‑CL‑5020, pièce A‑1, onglet 48 (le « jugement »); exposé conjoint partiel des faits, au paragraphe 22.

[5]   Pièce A‑1, onglet 3.

[6]   Transcription, page 64, lignes 17 à 20; pièce A‑1, onglet 10 (remarque : même si les documents d’achat indiquent pour la plupart que les actions de Mme Chaplin seront détenues par son mari, à la page 71 de l’onglet 10, on précise qu’il lui a cédé ses droits).

[7]   Première ordonnance manuscrite, au paragraphe 11.

[8]   Pièce A-1, onglet 9; première ordonnance manuscrite, au paragraphe 6.

[9]   Pièce A-1, onglets 6, 8 et 10.

[10]   Triventa était censée avoir émis 150 000 actions. De ce nombre, 50 000 devaient avoir été émises à Breckenridge. 592 était censée avoir acquis 25 000 des actions que détenait Breckenridge. M. Plummer affirmait détenir 12 500 des actions acquises par 592 (c.‑à‑d. 8,33 % de Triventa).

[11]   La déclaration de fiducie se trouve à la pièce A‑1, onglet 10, aux pages 074 et 075. Le document de directives et de reconnaissance n’a pas été produit en preuve. Le libellé complet de ce document est reproduit dans le mémoire des demandeurs dans la demande présentée à la Cour supérieure de justice de l’Ontario (pièce R‑1, onglet 7, aux pages 6 et 7). Je ne vois pas quel avantage les demandeurs auraient tiré à reproduire de façon inexacte le libellé du document dans leur mémoire étant donné qu’ils avaient déjà produit le document lui‑même en preuve. Par conséquent, je conclus que la reproduction dans le mémoire constitue une reproduction fiable du libellé du document signé par M. Plummer. Quoi qu’il en soit, les parties ne contestent pas la décision du juge Cullity. Le document de directives et de reconnaissance a été présenté au juge Cullity (voir la première ordonnance manuscrite, au paragraphe 9) et il a constitué un élément clé de sa conclusion selon laquelle l’intention de M. Plummer et M. Jawa était que 592 détienne les actions de Breckenridge.

[12]   Transcription, de la page 235, ligne 20, à la page 236, ligne 7.

[13]   Dans une note datée du 1er octobre 2000 que Mme Chaplin a envoyée à son mari (pièce A‑1, onglet 20), il est indiqué que M. Plummer avait commencé à affirmer qu’il détenait des actions de Triventa. Au paragraphe 16 de la première ordonnance manuscrite, le juge Cullity souligne que l’affirmation de M. Plummer selon laquelle il détenait ces actions constituait une [traduction] « invention après coup ». Les actions ont été vendues en mars 1999. Je conclus donc que M. Plummer a commencé à faire ces affirmations à un certain moment entre avril 1999 et septembre 2000.

[14]   Pièce A‑1, onglet 20. Mme Chaplin indique à tort que l’autre actionnaire est SatiStar plutôt que 592; toutefois, étant donné que SatiStar était le seul actionnaire de 592, l’effet est le même.

[15]   Pièce A‑1, onglets 20 et 23; transcription, page 50, lignes 5 à 16.

[16]   Pièce A‑1, onglet 23; transcription, de la page 49, ligne 12, à la page 50, ligne 2.

[17]   Transcription, page 51, lignes 22 à 28.

[18]   Pièce A‑1, onglets 28 et 29.

[19]   Pièce A‑1, onglets 30 et 31.

[20]   Pièce A‑1, onglets 32 et 33.

[21]   Transcription, page 58, lignes 4 à 20.

[22]   Pièce A‑1, onglet 35.

[23]   Pièce A‑1, onglet 73.

[24]   Transcription, page 242, lignes 2 à 19.

[25]   Transcription, page 242, lignes 16 à 27. M. Plummer a parlé à tort de l’assemblée comme étant une assemblée des administrateurs plutôt qu’une assemblée des actionnaires.

[26]   Transcription, page 261, lignes 11 à 18.

[27]   Transcription, de la page 148, ligne 16, à la page 149, ligne 3.

[28]   Pièce A‑1, onglet 36.

[29]   Pièce A‑1, onglet 38; transcription, page 62, lignes 22 à 24.

[30]   Pièce A‑1, onglet 74.

[31]   Pièce A‑1, onglet 74.

[32]   Pièce A‑1, onglet 41.

[33]   Pièce A‑1, onglet 44.

[34]   Transcription, page 265, lignes 8 à 11, et page 267, lignes 2 à 14.

[35]   Transcription, page 252, lignes 19 à 21.

[36]   Il a été impossible de trouver une copie écrite de cette convention. M. Plummer se souvient qu’elle ressemblait à l’ébauche de convention présentée à l’onglet 46 de la pièce A‑1 et ne pouvait pas voir pourquoi Mme Chaplin et lui ne l’auraient pas signée (transcription, page 249, lignes 12 à 14, et page 273, lignes 22 à 24). Mme Chaplin ignore si l’ébauche de la convention a été signée ou non. Elle se souvient d’avoir signé une convention d’une page, mais elle a perdu sa copie (transcription, page 82, lignes 1 à 8). M. Plummer ne se souvient pas d’une convention d’une page (transcription, page 249, lignes 12 à 21, et page 273, lignes 25 à 27). Je préfère le témoignage de M. Plummer à celui de Mme Chaplin sur ce point. Je conclus, vu la description faite dans la note d’honoraires qui se trouve à l’onglet 82 de la pièce A‑1, qu’une convention a véritablement été signée au plus tard le 22 juillet 2003. Étant donné que l’ébauche de la convention a été envoyée par courriel le 18 juillet, j’estime que ce qui a été signé est probablement une version modifiée de cette convention plutôt qu’un document d’une page. Je n’ai entendu aucun témoignage donnant à penser que les modalités principales de la convention définitive différaient de celles prévues dans l’ébauche de la convention. Fait plus important encore, Mme Chaplin a convenu que l’article 5 de l’ébauche de la convention représentait le marché qu’elle avait conclu avec M. Plummer (transcription, pages 174 et 175). Étant donné ce qui précède, je conclus que les modalités principales de la convention définitive étaient les mêmes que celles de l’ébauche de la convention.

[37]   Pièce A-1, onglet 46, attendu E.

[38]   Je reconnais que le paragraphe 18 de l’exposé conjoint partiel des faits indique que Mme Chaplin n’était pas partie à la demande. Je conviens qu’elle n’en était pas techniquement une partie. Toutefois cela ne change rien au fait que la convention d’achat d’actions avait essentiellement comme effet de faire de Mme Chaplin une partie.

[39]   Transcription, page 249, lignes 1 à 7.

[40]   Première ordonnance manuscrite, paragraphe 3.

[41]   Première ordonnance manuscrite, au paragraphe 8.

[42]   Première ordonnance manuscrite, aux paragraphes 9 à 11.

[43]   Première ordonnance manuscrite, au paragraphe 16.

[44]   2006 CAF 353.

[45]   2011 CAF 79.

[46]   2013 CAF 11.

[47]   2013 CCI 310.

[48]   Ces documents comportent des déclarations selon lesquelles M. Jawa croyait que M. Plummer avait détourné des fonds de SatiStar avant son départ de la société (pièce A‑1, onglet 24); que M. Jawa avait tenté de tenir une assemblée générale annuelle le 22 mai 2003, mais n’avait pas réussi à le faire parce que Mme Chaplin ne s’était pas présentée et que, sans elle, il n’y avait pas suffisamment d’actionnaires pour atteindre le quorum (pièce R‑ 1, onglet 7, au paragraphe 50); qu’avant l’envoi par M. Warren de l’avis de convocation à la supposée assemblée générale annuelle, le conseil d’administration avait décidé de ne pas envoyer l’avis de convocation (pièce R‑ 1, onglet 7, aux paragraphes 37 et 38, et pièce A‑1, onglet 37, au paragraphe 9); et que c’est en avril 2003 que Mme Chaplin a affirmé pour la première fois que M. Plummer était un actionnaire (pièce R‑ 1, onglet 7, au paragraphe 34).

[49]   Transcription, page 410, lignes 7 à 19.

[50]   Réponse modifiée, au paragraphe 14k).

[51]   Pièce A-1, onglet 40.

[52]   Transcription, de la page 247, ligne 25, à la page 248, ligne 9.

[53]   Pièce A-1, onglet 81. Les factures indiquent que les avocats de Mme Chaplin collaboraient avec ceux de SatiStar afin de déterminer le « processus » de reconstitution administrative et que ses avocats ont ensuite préparé une « ébauche des documents ».

[54]   Transcription, de la page 64, ligne 25, à la page 65, ligne 3; page 74, lignes 3 à 11, et page 119, lignes 22 à 28.

[55]   Transcription, page 75, lignes 5 à 16.

[56]   Pièce A-1, onglet 74.

[57]   Peu après la supposée assemblée générale annuelle, Mme Chaplin a averti M. Jawa qu’un nouveau cabinet s’occuperait désormais des affaires de Triventa et que dorénavant Triventa ne paierait plus les honoraires de Miller Thomson (pièce A‑1, onglet 43).

[58]   Première ordonnance manuscrite; pièce A‑1, onglet 9.

[59]   Transcription, page 119, lignes 15 à 24.

[60]   Pièce A‑1, onglet 9.

[61]   Transcription, de la page 63, ligne 26, à la page 64, ligne 3.

[62]   Pièce A‑1, onglets 45 et 46.

[63]   Pièce A-1, onglets 80, 81 et 83. Je souligne que les notes d’honoraires envoyées par Wildeboer pour la période allant du 27 mai 2003 (date du dépôt de la demande) au 31 juillet 2003 n’ont pas été produites en preuve, mais que les notes d’honoraires de Gowlings pour la même période indiquent que Wildeboer participait activement au dossier pendant cette période. On ne m’a pas expliqué pourquoi les honoraires de Wildeboer pour cette période n’étaient pas compris dans les frais juridiques. J’aurais pensé que l’une ou l’autre des parties aurait voulu produire ces renseignements en preuve. Toutefois, étant donné qu’un certain nombre de raisons me viennent à l’esprit pour expliquer pourquoi ils n’ont pas été produits en preuve, y compris la possibilité que Wildeboer n’ait pas facturé ses heures pendant cette période, je ne tire aucune conclusion du fait que ces renseignements n’ont pas été produits.

[64]   Pièce R 1, onglet 9.

[65]   Jugement, attendus.

[66]   Pièce A-1, onglet 77.

[67]   Pièce A-1, onglets 78, 79 et 82. Je souligne au passage que, dans toutes ces notes, on indique qu’il s’agit d’un [traduction] « litige entre actionnaires ».

[68]   Transcription, page 75, lignes 5 et 6.

[69]   Transcription, page 171, lignes 17 à 26.

[70]   Transcription, page 192, lignes 5 à 9.

[71]   Transcription, page 266, lignes 4 à 19.

[72]   Pièce A-1, onglet 2.

[73]   Ordonnance manuscrite du juge Cullity relative aux dépens et datée du 3 octobre 2003, pièce A-1, onglet 50.

[74]   Transcription, page 252, lignes 14 à 25.

[75]   Transcription, page 189, lignes 13 à 27.

[76]   Pièce A-1, onglet 57.

[77]   Pièce A-1, onglets 81 et 83.

[78]   Je n’arrive pas à déterminer à quelles notes d’honoraires particulières ce montant se rapporte. Il semble que ce soit les trois notes d’honoraires de Wildeboer visées aux alinéas 25a) à c) de l’exposé conjoint partiel des faits. Je souligne que le montant de 558,50 $ à l’alinéa 25c) est erroné. Il faudrait lire 588,50 $ (voir la pièce A‑1, onglet 83). Même si l’on tient compte de cette erreur, il y a toujours un écart d’environ 50 $. Cela n’a aucune incidence.

[79]   Exposé conjoint partiel des faits, aux paragraphes 26 et 27.

[80]   Transcription, de la page 102, ligne 8, à la page 106, ligne 6.

[81]   Transcription, page 85, lignes 16 à 19.

[82]   Pièce R‑1, onglet 18. Mme Chaplin n’avait aucune idée de ce que signifiait « S/H loan to operating bank » (transcription, de la page 209, ligne 20, à la page 210, ligne 1).

[83]   Transcription, page 104, lignes 6 à 15.

[84]   Transcription, page 223, lignes 14 à 20.

[85]   Transcription, de la page 107, ligne 26, à la page 108, ligne 4. Je souligne que Mme Chaplin a longuement hésité avant de répondre.

[86]   Transcription, page 223, lignes 14 à 20.

[87]   Transcription, page 106, lignes 10 à 28.

[88]   Transcription, de la page 221, ligne 26, à la page 223, ligne 6. Mme Chaplin a expliqué que [traduction] « la situation financière [de Triventa] lui permettait d’absorber ces coûts ». Si tel avait été le cas, je me serais attendu à ce qu’elle paie ces coûts, tout simplement, plutôt que de comptabiliser un prêt. Je crois que, en réalité, Mme Chaplin voulait dire que Triventa avait des revenus desquels les dépenses pouvaient être déduites.

[89]   Transcription, de la page 220, ligne 28, à la page 221, ligne 20.

[90]   Pièce R‑1, onglet 16.

[91]   [1997] A.C.F. no 1551 (QL) (C.A.F.).

[92]   2002 CAF 38.

[93]   Dans son témoignage, Mme Chaplin a affirmé n’avoir reçu aucune somme en remboursement du prêt allégué (transcription, page 110, lignes 18 à 20), mais j’ai conclu que Mme Chaplin n’était pas un témoin fiable. Si elle a tout simplement pris de l’argent à Triventa en 2007 et dissimulé ses gestes derrière le faux prêt, le paragraphe 15(1) aurait pu s’appliquer. Dans son témoignage, Mme Chaplin a dit que son époux avait commencé à retirer des fonds de Triventa en 2007 et qu’en 2013, seulement 119 000 $ environ du faux prêt de 163 898 $ demeuraient à rembourser (transcription, page 111, lignes 3 à 22). Elle n’a donné aucun détail sur les sommes prélevées ou sur les dates auxquelles elles l’ont été. Si l’époux de Mme Chaplin a bel et bien retiré des fonds en 2007, Mme Chaplin aurait pu avoir l’obligation de les inclure dans son revenu en application du paragraphe 56(2). Aucun relevé du compte de prêt d’actionnaire n’a été produit en preuve. Si le compte avait affiché un solde débiteur à la fin de l’exercice et que ce solde avait été dissimulé par le faux prêt, Mme Chaplin aurait pu avoir l’obligation d’en inclure le montant dans son revenu aux termes du paragraphe 15(2).

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