Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 19971110

Dossier: 95-3996-IT-G; 95-3997-IT-G; 95-3998-IT-G

ENTRE : ARMAND DIONNE JR., CHANTAL DIONNE, MYRIAM DIONNE,

appelants,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

(Rendus oralement à l’audience à Frédéricton (Nouveau-Brunswick) le 16 octobre 1997)

Le juge McArthur, C.C.I.

[1] Il est interjeté appel des cotisations par lesquelles le Ministre du Revenu national ajoutait les sommes de 89 200 $ au revenu d’Armand Dionne, de 26 000 $ au revenu de Myriam Dionne et de 26 000 $ au revenu de Chantal Dionne pour l’année d’imposition 1990. Le Ministre a aussi réduit à nul les bénéfices imposables en vertu de l’article 80.4 de la Loi de l’impôt sur le revenu, pour les trois appelants.

[2] Les trois appels ont été entendus sur preuve commune pour plus de commodité. Je parlerai ici seulement de l’appel d’Armand Dionne. L’appelant et l’intimée ont conclu un exposé conjoint des faits.

[3] L’exposé pour l’appelant Armand Dionne se lit comme suit :

LES PARTIES, par l’entremise de leurs procureurs soussignés, admettent les faits suivants, dans la mesure où ils ne sont admis que pour les fins du présent litige et ne peuvent être utilisés contre aucune partie en toutes autres circonstances, et dans la mesure où les parties peuvent soumettre tout autre élément de preuve pertinent au présent litige mais non contradictoire à la présente entente.

1. Dionne Flying Service Limited (la “corporation”) est une corporation commerciale incorporée en vertu des lois du Nouveau-Brunswick depuis 1963. Cette corporation a son siège sociale à Grand Sault, Nouveau-Brunswick. L’actionnaire principal de la corporation est Armand Dionne.

2. Armand Dionne Jr., fils d’Armand et Léola Dionne, est actionnaire de la corporation depuis le 30 mars 1990 et est devenu administrateur de la corporation le 5 mai 1990. (Voir les pièces “1” et “2”)

3. En 1991, Armand Dionne Jr. était étudiant à temps plein. Il a étudié sans arrêt depuis septembre 1991 et est présentement inscrit à l’Université de Moncton. Il espère compléter ses études universitaires en avril 1998.

4. Le 28 août 1991 un prêt d’une valeur de 89 200 $ fut consenti à Armand Dionne Jr. par la corporation pour l’achat d’une résidence situé au 50 Gaston Crescent dans la ville de Moncton, province du Nouveau-Brunswick. L’acte de transfert constatant l’achat de la résidence de Armand Dionne Jr. fut enregistré au bureau d’enregistrement du comté de Westmorland, province du Nouveau-Brunswick le 30 août 1991. (Voir acte de transfert, pièce “3”)

5. Le 28 août 1991, Armand Dionne Jr. a exécuté un billet à ordre en faveur de la corporation. (Voir billet à ordre pièce “4”) Les fonds furent avancés par la corporation à Armand Dionne Jr. et utilisés pour l’achat d’une résidence personnelle. Les montants prêtés à Armand Dionne Jr. apparaissent aux états financiers de la corporation en 1991 sous l’item “note receivable”. (Voir pièce “5”)

6. Pour l’année d’imposition 1991, Armand Dionne Jr. a inclus dans sa déclaration de revenu, à titre de bénéfices imposables en vertu de l’article 80.4 de la Loi de l’impôt sur le revenu, la somme de 2 193 $. Cette somme représente l’avantage reçu par Armand Dionne Jr. du fait de l’absence d’intérêt payé par ce dernier sur le prêt consenti par la corporation. De même, la corporation a inclus dans sa déclaration de revenu pour 1991 un montant représentant les intérêts calculés sur le prêt consentit à Armand Dionne Jr. (Voir déclaration de Armand Dionne Jr. pour l’année 1991, pièce “6”)

7. Par avis de nouvelle cotisation émis le 19 janvier 1995 (Voir pièce “7”), le Ministre du Revenu national (ci-après le “Ministre”) a ajusté l’obligation fiscale d’Armand Dionne Jr. en ajoutant la somme de 89 200 $ à son revenu imposable pour l’année d’imposition 1991 et en réduisant à nil le bénéfice imposable de 2 193 $ déclaré par Armand Dionne Jr. pour son année d’imposition 1991. De même, le Ministre a réduit le revenu de la corporation représentant les intérêts sur le prêt d’Armand Dionne Jr. à 0 au motif que ces montants ne devaient pas être inclus dans le revenu de la corporation puisque le prêt ne satisfaisait pas aux exigences du paragraphe 15(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu. (Voir lettre du Ministère du Revenu national en date du 27 juillet 1993, pièce “8”)

8. Par avis d’opposition daté le 20 mars 1995, Armand Dionne Jr. s’objecta à ladite nouvelle cotisation du 19 janvier 1995. (Voir pièce “9”)

9. Par avis de ratification daté le 5 octobre 1995, le Ministre ratifia sa décision à l’égard de l’obligation fiscale de l’appelant. (Voir pièce “10”)

10. Le 8 décembre 1995, l’appelant déposa un avis d’appel auprès de la Cour canadienne de l’impôt.

11. L’avis d’appel de Armand Dionne Jr. fut signifié au procureur général du Canada le 20 décembre 1995.

12. Dans la Réponse à l’avis d’appel déposé le 5 mars 1996, le sous-procureur général du Canada a affirmé que le Ministre avait correctement ajusté l’obligation fiscale de Armand Dionne Jr.

[4] L’intimée soutient, dans la Réponse à l’avis d’appel, qu’à la date à laquelle le prêt a été consenti, aucun arrangement n’a été conclu de bonne foi, pour que le prêt soit remboursé dans un délai raisonnable puisque les termes du billet à ordre ne permettaient pas de déterminer la durée du délai dans lequel le prêt serait remboursé. De plus, le prêt accordé à l’appelant par la corporation ne rencontre pas les critères d’exception visés au sous-alinéa 15(2)a)(ii).

[5] Le sous-alinéa 15(2)a)(ii) de la Loi déclare en partie ce qui suit :

Lorsqu’une personne est actionnaire d’une société ou est un associé d’une société de personnes ou un bénéficiaire d’une fiducie qui est actionnaire d’une société et a reçu au cours d’une année d’imposition un prêt consenti par la société donnée, le montant du prêt ou de la dette doit être inclue dans le calcul du revenu, pour l’année, de la personne ou de la société de personnes, sauf dans le cas suivant :

1) le prêt a été consenti ou la dette contractée pour permettre au particulier d’acquérir une habitation;

2) des arrangements ont été conclus de bonne foi, au moment où le prêt a été consenti ou la dette contractée, pour que le prêt ou la dette soit remboursé dans un délai raisonnable.

[6] Pour son analyse, l’intimée s’est basée principalement sur l’arrêt Silden c. Le Ministre du Revenu national, 93 DTC 5362, de la Cour d’appel fédérale. Dans Silden supra, l’employeur du contribuable lui a prêté 55 000 $ pour lui aider dans l’achat d’une maison garantie par une hypothèque. Le prêt devait être acquitté si le contribuable quittait son emploi ou vendait la propriété. Le Ministre a considéré le prêt comme un revenu en vertu du paragraphe 15(2).

[7] L’appel a soulevé trois questions: premièrement, soit que le paragraphe 15(2) s’applique, le prêt doit être fait à l’actionnaire comme tel; deuxièmement, soit que le contribuable avait raison de prétendre que le paragraphe ne s’appliquait pas dans les circonstances parce que le contribuable n’était pas un actionnaire de la compagnie, et, troisièmement, soit que l’exception ou les exceptions dans l’alinéa 15(2)a) excluent ce prêt des dispositions en cause.

[8] La Cour d’appel a constaté que le juge de première instance avait erré en soutenant que l’exigence du paiement dans un délai raisonnable avait été satisfaite. Il n’y avait aucune certitude quant au moment du paiement.

[9] L’exception du sous-alinéa 15(2)a)(ii) n’était pas applicable et le montant a donc été correctement cotisé comme revenu.

[10] La Cour d’appel fédérale a déclaré que, pour être inclu dans l’exception, deux critères doivent être satisfaits. Premièrement, le prêt doit être pour l’acquisition d’une maison pour habitation; il est incontestable que dans le cas présent ce critère a été satisfait. C’est le deuxième critère qui nous inquiète; la Cour d’appel fédérale dans Silden supra a continué d’affirmer que les arrangements bona fide devaient être faits en même temps que le prêt pour remboursement; donc, pour le remboursement du prêt dans un délai raisonnable.

[11] Dans Silden supra, la Cour d’appel fédérale a soutenu, dans le dernier paragraphe, que ce que la Loi exige, c’est que les arrangements soient faits en même temps que le prêt pour remboursement, dans un délai raisonnable. La vraie question, donc, n’est pas de savoir si les arrangements relatifs au remboursement du prêt étaient raisonnables mais si en vertu de ces arrangements, le prêt était remboursé dans un délai raisonnable. Cette question ne peut être répondue dans l’affirmative puisque les arrangements qui ont été faits au moment du prêt ne permettaient pas de déterminer avec certitude le moment du remboursement.

[12] L’avocat de l’intimée a présenté les faits de Silden supra comme étant similaires aux faits de l’instance. Je ne peux accepter cette soumission; dans Silden supra, l’employeur du contribuable encourageait celui-ci à rester avec la compagnie pour le reste de sa vie. On n’avait pas l’intention de rembourser le prêt dans une période déterminée ou un délai raisonnable.

[13] Les prêts en l’instance ont été faits présumément pour encourager les appelants à poursuivre leurs études. Il est raisonnable de prévoir avec un certain degré de certitude la fin de leurs études.

[14] Le bon sens doit être appliqué. On peut conclure, avec une raisonnable certitude, que leurs études se termineront dans un futur anticipé.

[15] Ces prêts sont semblables à mille prêts faits par le gouvernement fédéral aux étudiants qui ont besoin de ces fonds. Je suis d’accord avec ce qui suit, extrait du “Mémoire de Droit” des appelants :

Mémoire de Droit, la Cour d’appel fédérale s’est penchée sur l’interprétation à donner à l’expression de l’aide raisonnable dans le contexte du paragraphe 15(2).

[16] Quand une Loi décrit un délai raisonnable ou n’importe quelle autre mesure ou conduite raisonnable, on peut affirmer avec certitude que cela ne décrit pas quelque chose de spécifiquement rigide, éternel, universel, régulateur ou, même la vérité. Il s’agit d’un concept selon lequel les circonstances dictent ce qu’est une période de temps raisonnable. Ce concept est tiré de l’affaire Silden supra, [1992] C.T.C. 533. Et on ajoute ceci :

Non suivi en appel pour d’autres motifs. Dans la présente affaire, Dionne Flying accorde un certain délai à l’appelant, lui permettant de terminer ses études. Son statut d’étudiant est une circonstance permettant un délai légitime en plus du fait que la période de remboursement est raisonnable selon la norme de l’affaire n’Hatuk.

[17] C’est Hatuk. L’amortissement quand au remboursement du prêt est d’ailleurs conforme à la pratique commerciale, c’est-à-dire, les délais sont normalement comme dans les institutions financières pour le financement des maisons d’habitation.

[18] L’appelant s’est donc légitimement prévalu de l’exception offerte par la Loi, et ce, en conformité avec les exigences décrites par la jurisprudence. De plus, les faits démontrent que l’appelant et la corporation ont agi de bonne foi. L’appelant a tenté de rapporter l’avantage qui lui était conféré par la corporation en incluant un montant dans sa déclaration de revenu conformément à l’article 84.2 de la Loi. De plus, la corporation a même rapporté un revenu d’intérêt égal au bénéfice du prêt à l’appelant.

[19] Dans l’affaire n’Hatuk, 97 DTC 674, la Cour canadienne de l’impôt a statué qu’un arrangement pour le remboursement d’un prêt à un actionnaire pour l’acquisition d’un hébergement, remboursable sur 25 ans, comportait un délai raisonnable pour un emprunt relatif à une résidence. Lorsqu’il s’agit de déterminer ce qui constitue un délai raisonnable pour le remboursement d’un prêt à un actionnaire, il s’agit d’une question subjective qui dépend, dans une large mesure, des circonstances particulières à l’espèce. Kalousdian c. Sa Majesté, 94 DTC 1722.

[20] Et c’est pour ces motifs que les trois appels sont admis avec frais. Les affaires sont déférées à l’intimée pour nouvel examen et nouvelles cotisations.

“ C.H. McArthur ”

J.C.C.I.

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