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Date : 20000414

Dossier : 98-2047-IT-G; 98-2053-IT-G

ENTRE :

BRYAN BENN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Rip, C.C.I.

[1] Les appelants, M. Bryan Benn et Mme Cheryl Benn, ont interjeté appel contre des cotisations fiscales pour les années 1990, 1991 et 1992, soutenant que le ministre du Revenu national (le “ ministre ”) a erré en tenant pour acquis, en établissant des cotisations à leur égard, qu'ils étaient des employés de Delvee Re-Education Inc. (le “ payeur ”). M. Benn a également interjeté appel contre une cotisation similaire pour 1993. Les appelants soutiennent que, pendant toute la période pertinente, ils étaient des entrepreneurs indépendants, dispensant des services en tant que personnes en affaires à leur propre compte. Selon eux, le revenu qu'ils recevaient du payeur était un revenu d'entreprise en raison de leur statut d'entrepreneurs indépendants.

[2] Les appels ont été entendus sur preuve commune. M. Bryan Benn s'est représenté lui-même. Les appelants ont convenu que la preuve relative aux appels de M. Bryan Benn s'appliquerait aux appels de Mme Benn, qui n'a pas témoigné.

[3] Dans ses réponses aux avis d'appel, l'intimée, Sa Majesté la Reine, a exposé les faits sur lesquels s'était fondé le ministre pour établir les cotisations. J'ai examiné ces hypothèses de fait avec M. Benn. Bien qu'il en ait contesté d'autres, M. Benn a convenu que les hypothèses suivantes, dont il a commenté certaines[1], étaient exactes :

[TRADUCTION]

a) au cours des années d'imposition 1990, 1991, 1992 et 1993 (la “ période pertinente ”), Delvee Re-Education Inc. (le “ payeur ”) offrait un programme de traitement pour jeunes gens en difficulté d'apprentissage ou souffrant d'un retard de développement (les “ clients ”) qui étaient atteints de graves troubles du comportement ou de graves troubles affectifs;

b) pendant toute la période pertinente, la seule actionnaire du payeur était Mme Delores [sic] V. Williams Morgan;

c) le payeur exploitait trois résidences : une à Claresholm, une autre à Calgary et la dernière à Granum, en Alberta;

d) le payeur avait environ 22 clients aux divers établissements mentionnés au paragraphe c) ci-dessus : cinq à Granum, cinq à Calgary, onze à Claresholm, et un dernier qui demeurait avec un travailleur nommé Alan Williams;

e) au cours de la période pertinente, l'appelant a été embauché pour aider les clients dans toutes les activités de la vie quotidienne, y compris les tâches suivantes : faire la cuisine et nourrir les clients, leur distribuer des médicaments, les transporter, effectuer des travaux dans la maison et à l'extérieur et planifier des activités récréatives pour les clients; M. Benn a également indiqué que, en plus de ces activités, il exerçait des fonctions de gestion et d'administration;

f) le payeur a versé à l'appelant les montants suivants :

Année d'imposition 1990 37 100,00 $

Année d'imposition 1991 42 842,00 $

Année d'imposition 1992 54 078,00 $

Année d'imposition 1993 9 157,00 $ [2]

M. Benn a précisé que les montants pour 1991, 1992 et 1993 incluent les montants qu'il a perçus auprès du payeur au titre de la taxe sur les produits et services ainsi que les menues dépenses que le payeur lui a remboursées;

g) le payeur a remboursé à l'appelant les dépenses qu'il avait faites dans l'exercice de ses fonctions;

M. Benn a expliqué que les dépenses reliées aux activités du programme ou aux besoins des clients lui étaient remboursées, ainsi que l'essence consommée à l'occasion de longs trajets.

[4] Le ministre a également imposé des pénalités à M. Benn parce que celui-ci avait produit ses déclarations de revenu en retard. M. Benn a reconnu avoir produit ses déclarations de revenu de 1987 et de 1988 le 27 juin 1989, et celle de 1989 le 19 février 1992. On a signifié à M. Benn une mise en demeure de produire sa déclaration de 1990, conformément au paragraphe 150(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la “ Loi ”). Il a produit sa déclaration de 1990 le 19 février 1992. Il a produit sa déclaration de 1991 le 27 novembre 1992, celle de 1992 le 20 octobre 1993, et celle de 1993 le 15 juillet 1994. M. Benn n'a présenté aucune preuve faisant état de facteurs atténuants qui l'auraient empêché de déposer ses déclarations en temps opportun, et il n'a pas contre-interrogé Mme Sandra Little, agente des appels de Revenu Canada à l'époque, qui a confirmé les cotisations. Celle-ci a témoigné au sujet des dates auxquelles ces déclarations ont été produites et des raisons pour lesquelles les pénalités ont été imposées.

[5] Mme Deloris Morgan est la présidente du payeur. Elle est la mère de Mme Benn et la belle-mère de M. Benn. Elle se décrit comme étant une psychologue à la retraite. Elle a indiqué qu'elle détenait une maîtrise décernée par Wright State University dans l'État de l'Ohio, mais a précisé que, bien qu'elle ait terminé tous les travaux requis et réussi les examens obligatoires, et qu'elle ait terminé l'internat et la formation en psychologie clinique, elle n'avait pas terminé son mémoire.

[6] M. Benn a indiqué que l'entreprise du payeur consistait à fournir des soins et à donner une formation [TRADUCTION] “ surtout à des adultes autistes ”[3] dont on ne pouvait ou ne voulait pas s'occuper dans le cadre des programmes déjà en place. Le payeur exploitait un ranch en Alberta, situé à environ 80 milles au sud de Calgary, ainsi qu'un restaurant dans la région de Calgary où travaillaient les clients de payeur. Le payeur essayait de leur inculquer des connaissances pratiques de base et de leur faire participer à des activités orientées vers la formation professionnelle.

[7] Le payeur était financé par le gouvernement d'Alberta. Il a conclu une entente avec le gouvernement et avec les parents de chaque individu appelé “ client ”. Le gouvernement a posé les conditions auxquelles devait être assujettie l'exécution du programme. M. Benn a indiqué que chaque travailleur était responsable de trois ou quatre clients.

[8] Les travailleurs (ou entrepreneurs) étaient des gens embauchés par le payeur afin de travailler avec les clients. M. Benn a expliqué que les travailleurs avaient pour rôle de s'assurer que toutes les conditions de l'entente conclue avec les parents et avec le gouvernement de l'Alberta étaient respectées. À l'origine, les travailleurs étaient attirés vers le payeur par ce qu'ils avaient entendu dire à son sujet. Plus tard, le payeur a fait passer des annonces pour recruter des gens. Un travailleur n'était pas assigné à un client en particulier de façon permanente. Chaque matin, les divers travailleurs décidaient qui travaillerait avec chaque client. Si un travailleur désirait amener un client hors de la propriété du payeur, le gestionnaire qui était de service devait en être informé. Les jours où un travailleur ne pouvait se présenter au travail, il se faisait remplacer par un autre travailleur. Au début, le remplaçant était payé, selon le taux qu'il demandait, par la personne qu'il remplaçait. Celle-ci gardait la différence entre le taux qu'elle recevait du payeur et ce qu'elle versait au remplaçant. Plus tard, la méthode de paiement a été modifiée de façon à ce que le travailleur remplaçant facture directement ses heures au payeur, plutôt qu'au travailleur remplacé.

[9] M. Benn a indiqué que lorsque Mme Benn et lui-même ont été embauchés par le payeur, Mme Morgan les a avisés qu'ils étaient des entrepreneurs indépendants et qu'ils étaient responsables de leurs propres dépenses. Il a expliqué l'importance du fait que chaque travailleur soit un entrepreneur indépendant parce que Mme Morgan ne voulait pas les rattacher à un client en particulier, mais voulait plutôt qu'ils [TRADUCTION] “ se servent de leur propre personnalité pour arriver à avoir une influence sur ces gens ”. Mme Morgan a confirmé que, selon elle, les travailleurs devaient avoir la liberté de travailler à leur gré avec les enfants autistes[4] de façon à ce que ces derniers s'épanouissent pleinement.

[10] En 1981, Mme et M. Benn ont enregistré une société de personnes en Alberta sous le nom de Dalaw Holdings. Ils ont également dit avoir conclu un contrat avec AWW Holdings, qui agissait à titre de courtier pour les entrepreneurs indépendants. La preuve n'indique pas clairement qui, la société de personnes ou les appelants, le payeur a engagé pour fournir des services.

[11] M. Benn a indiqué que l'une de ses tâches consistait à s'occuper de la gestion et de l'administration, ce qui comprenait le fait d'établir les horaires de travail des divers travailleurs qui oeuvraient auprès des enfants. Les travailleurs demandaient parfois des journées de congé et c'était à M. Benn de modifier les horaires afin d'essayer d'accéder à ces demandes. Selon son témoignage, s'il ne pouvait trouver un remplaçant pour une période particulière, il essayait de négocier et de s'entendre sur une période pendant laquelle un remplaçant était disponible. Il fallait accomplir certaines tâches au ranch. Un [TRADUCTION] “ entrepreneur exécutant ” était une personne qui travaillait [TRADUCTION] “ sur le terrain ”, c'est-à-dire directement avec les clients. L'entrepreneur exécutant commençait à travailler tôt le matin ou l'après-midi, selon son quart de travail. Si ce travailleur ne pouvait travailler pendant son quart de travail, il devait faire en sorte qu'un autre travailleur le remplace.

[12] Les instruments de travail et l'équipement appartenaient au payeur et étaient destinés à être utilisés par les clients pour leur permettre d'acquérir des habiletés. Les clients utilisaient les instruments de travail, mais les entrepreneurs le faisaient rarement. Ainsi, a expliqué M. Benn, il n'utilisait pas les instruments du payeur dans le cadre de son travail. Les instruments qu'il utilisait étaient [TRADUCTION] “ [son] expérience et [ses] connaissances ”.

[13] Selon M. Benn, il existait une équipe de gestion dirigée par les travailleurs. L'équipe de gestion était composée de gestionnaires ayant un contrat avec le payeur. Un comité de gestionnaires prenait les décisions. M. Benn devait rendre compte au gestionnaire. Si un problème d'ordre thérapeutique survenait, Mme Morgan en était responsable. Elle était la seule professionnelle parmi le personnel. Si une question relative au financement se posait, le travailleur en faisait part à la personne responsable du financement, Mme Mary McNevin. En cas de conflit, Mme Morgan agissait à titre d'arbitre et sa décision était sans appel.

[14] M. Benn a produit l'organigramme du payeur pour expliquer que les divers gestionnaires à contrat dirigeaient les activités du payeur. En fait, l'organigramme indique plutôt que c'est Mme Morgan qui en contrôlait les activités. En dernière analyse, tous les travailleurs et gestionnaires devaient lui rendre compte.

[15] M. Benn a expliqué que, en raison de la nature de son contrat avec le payeur, il avait des chances de faire des profits; ceux-ci dépendaient toutefois de la mesure dans laquelle il réussissait à limiter les dépenses. Quant à la gestion des dépenses, M. Benn a expliqué que, s'il ne s'était pas convenablement acquitté de ses tâches de gestion, le gouvernement de l'Alberta aurait retiré son financement. Il reconnaît également que s'il avait personnellement été incapable de remplir ces fonctions, celles-ci auraient quand même été remplies par le payeur, par l'entremise de Mme Morgan ou d'une autre personne.

[16] Le type de dépenses déduites par M. Benn pour les années visées par les appels comprend la déduction pour amortissement pour son véhicule et les dépenses reliées au travail effectué à son domicile. Il a dit avoir travaillé à son domicile à préparer les horaires pour le payeur. Il travaillait à la maison pour être avec sa famille, mais n'était pas obligé de travailler à la maison. Il a également acheté des fournitures de bureau. En plus de travailler pour le payeur, il a lancé une entreprise de photographie avec son épouse.

[17] Mme Benn travaillait surtout à partir de son domicile. M. Benn et elle avaient quatre enfants à la maison et, selon M. Benn, ils voulaient que Mme Benn soit à la maison plutôt que sur les lieux du payeur. De plus, M. Benn a indiqué qu'ils amenaient parfois chez eux des enfants du camp, si ces derniers avaient besoin de soins spéciaux. Mme Benn surveillait les travailleurs par téléphone à partir de son domicile pour s'assurer que le nombre requis de travailleurs par rapport au nombre de clients était maintenu.

[18] Selon les hypothèses de fait sur lesquelles s'est fondé le ministre pour établir la cotisation (et aucune preuve contraire n'a été produite), Mme Benn a été engagée par le payeur pour faire la cuisine pour les clients et les nourrir, leur distribuer des médicaments, les transporter, effectuer des travaux dans la maison et à l'extérieur et planifier des activités récréatives pour les clients.

[19] M. Benn a dit avoir facturé ses services au payeur. Aucune facture n'a toutefois été déposée en preuve, bien que M. Benn ait produit des reçus établis par le payeur à l'intention des divers entrepreneurs.

[20] M. Benn a également reconnu que, bien qu'il ait perçu de la taxe auprès du payeur en vertu de la partie IX de la Loi sur la taxe d'accise (la “ taxe sur les produits et services ”), du fait qu'il se considérait comme un entrepreneur indépendant, il n'a pas remis la taxe sur les produits et services à Revenu Canada. Il a donné comme raison [TRADUCTION] “ un manque d'organisation de ma part ”.

[21] M. Benn a soutenu que ni Mme Morgan, la présidente du payeur, ni les administrateurs du payeur n'avaient de responsabilités sur le plan de la gestion. La société était dirigée par un groupe de gestionnaires. Si un travailleur devait faire l'objet de mesures disciplinaires, le gestionnaire décidait de leur nature et elles pouvaient comprendre la suspension du contrat conclu avec le travailleur. Les autres travailleurs étaient mis au courant de la décision, tout comme Mme Morgan.

[22] M. Clinton Glen Davenport, un ancien travailleur du payeur, a également témoigné. Il a travaillé pour le payeur sur une période de quatre ans, jusqu'en février 1993. Il a été embauché à l'origine en tant que [TRADUCTION] “ travailleur exécutant ” et est devenu gestionnaire au cours de l'été 1992.

[23] M. Davenport a indiqué que le travail lui était assigné par les divers gestionnaires ou par Mme Morgan. Selon son souvenir, les affectations quotidiennes étaient discutées avec Mme Morgan. Elle décidait de ce qui devait être effectué ce jour-là. Selon lui, les autres travailleurs et lui-même étaient supervisés par les autres gestionnaires et par Mme Morgan. Selon ses souvenirs, [TRADUCTION] “ c'était elle qui gérait le ranch ”.

[24] En cas de problème de discipline, Mme Morgan téléphonait aux gestionnaires pour déterminer la sanction à imposer le cas échéant, a déclaré M. Davenport.

[25] Il a également dit que lorsqu'il a commencé à travailler pour le payeur, on lui a fait part de la rémunération qu'il recevrait. Il a demandé une augmentation six mois plus tard et l'a reçue un an après avoir commencé à travailler. On lui a indiqué la rémunération qu'il allait recevoir; aucune négociation n'a eu lieu. On lui a également fait savoir que s'il ne signait pas le contrat habituel que les autres signaient avec le payeur, il n'aurait pas de travail.

[26] Selon M. Davenport, chaque jour, l'un des gestionnaires était nommé gestionnaire de la journée. Cette nomination était faite par rotation ou selon la décision de Mme Morgan.

[27] Les gestionnaires assignaient aux travailleurs les tâches à accomplir au cours de la journée. Mme Morgan téléphonait régulièrement aux travailleurs ou aux gestionnaires pour discuter des tâches des travailleurs. Essentiellement, a indiqué M. Davenport, chaque travailleur se faisait dire quoi faire. [TRADUCTION] “ Il ne s'agissait pas d'une situation où je pouvais choisir ”, a-t-il dit. Si un travailleur voulait une journée de congé, il devait faire savoir à la direction qu'un remplaçant prendrait sa place.

[28] Lors du contre-interrogatoire mené par M. Benn, M. Davenport a dit se rappeler que [TRADUCTION] “ Mme Morgan nous a dit qu'elle s'attendait à ce qu'un gars soit suspendu pour cinq jours ”. À d'autres moments, elle suggérait diverses sanctions. Mme Morgan téléphonait également au gestionnaire de la journée pour lui faire savoir qui devait travailler avec quels clients.

[29] La société a fini par perdre ses contrats avec le gouvernement de l'Alberta et a été forcée de fermer ses portes en 1993.

[30] Je suis en désaccord avec les appelants lorsqu'ils prétendent avoir été des entrepreneurs indépendants, et avoir été embauchés par le payeur en vertu d'un contrat de louage de services. M. Benn a essayé de dépeindre un payeur sans employés qui avait recours uniquement à des entrepreneurs indépendants, et a soutenu que le payeur permettait que son entreprise soit exploitée par ces entrepreneurs indépendants. Selon M. Benn, non seulement les entrepreneurs indépendants exploitaient-ils l'entreprise du payeur mais, en plus, ils géraient et administraient le payeur. Ce n'est pas croyable!

[31] Je suis convaincu sans l'ombre d'un doute que Mme Morgan gérait et contrôlait le payeur et l'ensemble de ses activités de façon unilatérale. Mme Morgan m'a fait l'impression d'une personne très sérieuse, qui était propriétaire du payeur et qui n'aurait délégué le pouvoir de gérer le payeur à quiconque, ni partagé de véritables fonctions de gestion avec qui que ce soit. Elle contrôlait toutes les facettes des activités du payeur, et tous les soi-disant entrepreneurs (travailleurs) et les gestionnaires devaient en dernière analyse lui rendre compte. C'est Mme Morgan qui décidait, finalement, quel travailleur s'occuperait d'un client particulier. Elle décidait des mesures disciplinaires qu'il pouvait y avoir lieu de prendre. Bien qu'elle ait pu manipuler les gestionnaires de façon à leur faire croire que c'était peut-être eux qui prenaient les décisions, ces gestionnaires ne seraient pas allés à l'encontre de ses désirs. C'est ce qui ressort du témoignage de M. Davenport et j'y souscris.

[32] L'entreprise en cause est celle du payeur. Il n'y avait pour les appelants aucun risque de perte ni aucune chance de profit. C'est à titre d'employés qu'ils avaient la possibilité de gagner un revenu. M. Benn semblait penser que, en raison de la nature de son contrat, ses chances de bénéfice dépendaient de la façon dont il contrôlait ses dépenses. Pourtant, le payeur lui remboursait les dépenses qu'il engageait pour le payeur.

[33] Le payeur fournissait tous les instruments de travail et l'équipement nécessaires à l'exploitation de son entreprise. Le ranch et le restaurant appartenaient au payeur ou étaient loués par lui[5]. Les travailleurs, dont Mme et M. Benn, ne fournissaient rien. L'expérience et les connaissances de M. Benn ne sont pas des instruments de travail. Tout employé apporte de l'expérience et certaines connaissances à un emploi; c'est la raison pour laquelle une personne est embauchée pour remplir un poste donné.

[34] Aucun des appelants n'aurait pu survivre sur le plan économique sans le payeur. L'entreprise du payeur avait besoin de travailleurs pour fournir des services afin que l'entreprise puisse être exploitée. Les appelants ne se sont pas engagés à dispenser leurs services au payeur en tant que personnes en affaires à leur propre compte.

[35] Aucun des critères traditionnels que sont le contrôle, la propriété des instruments de travail, les chances de bénéfice ou les risques de pertes et l'intégration, ne joue en faveur des appelants. Le critère qui est “ un seul critère [...] composé de quatre parties intégrantes ” auquel a fait référence le juge d'appel MacGuigan[6] et l'ensemble des éléments qui entraient dans le cadre des opérations du payeur favorisent la position de l'intimée et appuient les cotisations qu'elle a établies. Globalement, le payeur avait avec chacun des appelants une relation employeur-employé[7]. Le fait que les appelants et le payeur aient désigné les appelants comme étant des entrepreneurs indépendants n'a aucune incidence sur ma décision[8].

[36] M. Benn n'a présenté aucune preuve indiquant qu'il a droit à une déduction pour amortissement pour son véhicule ou à la déduction des dépenses relatives à son bureau à domicile. Aucune preuve n'indique qu'il était habituellement tenu d'accomplir les fonctions de son emploi ailleurs qu'au lieu d'affaires du payeur ou à différents endroits, ni qu'il était tenu, aux termes de son contrat d'emploi, d'acquitter les frais de déplacement (alinéa 8(1)(h.1) de la Loi) ou d'autres frais qu'il a engagés dans l'accomplissement de ses fonctions (sous-alinéa 8(1)(i)(iii)). Les frais engagés pour le déplacement entre son domicile et le lieu d'affaires du payeur ne sont pas déductibles dans le calcul du revenu de M. Benn[9].

[37] M. Benn a soutenu qu'une partie des montants que lui a versés le payeur au cours des années faisant l'objet des appels représentait un remboursement de ses menues dépenses. Son revenu pour chaque année devrait en conséquence être réduit dans la mesure où il peut prouver les montants ainsi remboursés. La même conclusion s'applique à Mme Benn.

[38] Par conséquent, les appels seront admis, mais uniquement afin que le ministre détermine quelle partie des montants reçus par les appelants représente des remboursements d'argent qu'ils ont dépensé au bénéfice du payeur. Le revenu des appelants serait réduit en conséquence. L'intimée a droit aux frais.

Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour d'avril 2000.

“ Gerald J. Rip ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 27e jour de septembre 2000.

Erich Klein, réviseur



[1] J’ai mis ses commentaires en italique.

[2] Le payeur a versé à Mme Benn les montants suivants :

                Année d’imposition 1990                     3 186,00 $

                Année d’imposition 1991                     4 016,00 $

                Année d’imposition 1992                     2 388,00 $

[3] Je fais remarquer qu'il avait été indiqué antérieurement que le payeur soignait des enfants.

[4] Je fais remarquer qu'il avait été indiqué antérieurement que le payeur soignait des adultes.

[5] Aucune preuve n’indiquait si le ranch et le restaurant appartenaient au payeur, ou si celui-ci louait l'un ou l'autre ou les deux.

[6] Wiebe Door Services Ltd. c. M.R.N., [1986] 3 C.F. 553 (87 DTC 5025). Voir aussi Moose Jaw Kinsmen Flying Fins Inc. c. M.R.N., C.A.F., no A-531-87, le 15 janvier 1988 (88 DTC 6099).

[7] Delvee Re-education Inc. c. M.R.N., C.A.F., no A-934-96, le 10 novembre 1997 ([1998] 4 C.T.C. 18) qui confirme le jugement rendu par la présente Cour (non publié), dossier no 95-364(UI) et 95-22(CPP), le 7 mai 1996.

[8] M.N.R. c. Standing, C.A.F., no A-857-90, le 29 septembre 1992, à la page 2 (147 N.R. 238, à la page 239), le juge d’appel Stone.

[9] Voir, par exemple, Carter v. M.N.R., [1991] T.C.J. No. 242.

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