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Date: 19991124

Dossier: 96-4040-IT-G

ENTRE :

GERALD C. GOREHAM,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Sarchuk, C.C.I.

[1] Il s'agit en l'instance d'appels interjetés par Gerald C. Goreham (l'“ appelant ”) à l'encontre des cotisations établies à l'égard de ses années d'imposition 1991, 1992 et 1993. Établissant les montants dus par l'appelant, le ministre du Revenu national (le “ ministre ”) s'est fondé sur l'alinéa 15(2)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la “ Loi ”) pour ajouter 217 000 $ au revenu de l'appelant pour l'année d'imposition 1991 au motif qu'un prêt au logement de ce montant lui avait été consenti par Island Pride Fisheries Limited (la “ compagnie ”) et qu'à l'époque des arrangements n'avaient pas été conclus de bonne foi pour que le prêt soit remboursé dans un délai raisonnable. En outre, dans le calcul du revenu de l'appelant pour les années d'imposition 1992 et 1993, le ministre a déduit les montants de 21 950 $ et de 7 000 $ respectivement, conformément à l'alinéa 20(1)j) de la Loi.

Les faits

[2] L'appelant détenait la moitié des actions émises et en circulation de la compagnie qui exploite l'Island Pride, un bateau senneur de hareng, dont il était le capitaine. Quant au reste des actions, 49 p. 100 d'entre elles étaient détenues par Brian Blades (“ M. Blades ”) et 1 p. 100 par Susan Goreham, l'épouse de l'appelant, mais elle les avait transférées à M. Blades. L'exercice de la compagnie se terminait le 30 avril de chaque année. L'appelant, en tant que capitaine, s'occupait des activités journalières du senneur, et M. Blades et lui prenaient les décisions à long terme pour la compagnie.

[3] L'appelant et son épouse demeuraient dans une maison qu'ils possédaient à Clark's Harbour. En décembre 1988, ils ont confié à un agent immobilier le mandat de vendre cette maison 162 000 $. En avril 1989, Susan a acquis un terrain à Centreville sur lequel son mari et elle prévoyaient construire une nouvelle maison, mais, elle a dit, pas nécessairement tout de suite. Aucune offre n'avait été reçue à la date de l'expiration du mandat de l'agent en juin 1989, et Susan a déclaré dans son témoignage que personne n'était même venu visiter la maison. Le mandat n'a pas été renouvelé, et ils ont continué d'essayer de vendre la maison eux-mêmes. Susan a déclaré qu'un de ses clients lui avait fait une proposition en novembre 1990 :

[TRADUCTION]

A. ... ils voulaient acheter notre maison mais ils devaient vendre la leur [...]

Q. O.K.

A. Et ils pensaient que quelqu'un voulait acheter leur – bien, quelqu'un voulait effectivement acheter leur maison.

Q. Oui.

A. Mais la personne qui voulait acheter leur maison n'a pas pu obtenir d'hypothèque, et la vente a avorté.

Q. Alors, ils n'ont pas pu vendre leur maison.

A. Exact.

Q. Et, est-ce qu'ils ont été empêchés de [---]

A. Oui.

Q. [---] acheter votre maison ?

A. C'est la raison pour laquelle ils n'ont pas pu acheter la nôtre.

D'après elle, c'est en janvier 1991 qu'ils avaient été mis au courant de ce fait.

[4] À un moment donné durant cette même période, ils ont décidé de débuter la construction de leur nouvelle maison à Centreville. Elle a déclaré qu'ils croyaient pouvoir vendre leur maison eux-mêmes, et, pour y parvenir, ils ont posé une affiche “ À vendre ” et établi leur prix de vente à 125 000 $ pour la maison. L'appelant, de son côté, a cherché à savoir s'il pouvait obtenir une hypothèque de la banque pour financer la construction de sa nouvelle demeure.

[5] Au cours d'une discussion tenue en décembre 1990 ou janvier 1991, l'appelant a mentionné à M. Blades qu'il prévoyait obtenir une hypothèque pour financer la construction de la maison. M. Blades et l'appelant ont discuté de la question davantage et conclu un arrangement selon lequel la compagnie avancerait des fonds (le prêt) à l'appelant, au fur et à mesure de ses besoins, pour lui permettre de payer les coûts de construction. L'appelant, quant à lui, rembourserait le prêt avec le produit de la vente éventuelle de sa maison et la prime de capitaine qui lui était versée pour commander l'Island Pride. La possibilité d'employer des dividendes, si jamais la compagnie en déclarait, pour rembourser le prêt a aussi été envisagée. Conformément à cet arrangement, la compagnie a avancé 150 000 $ à l'appelant en janvier 1991 et 67 000 $ en juin 1991.

[6] En 1992, M. Blades a donné instruction à l'avocat de la compagnie de rédiger une entente sur le prêt au logement consenti à l'appelant. Cette entente, qui a été signée vers la fin de juin 1992 par la compagnie et par M. Goreham, prévoyait ce qui suit :

[TRADUCTION]

1. La compagnie accepte de verser les avances nécessaires à la construction de la nouvelle maison.

2. M. Goreham accepte de verser à la compagnie, et la compagnie accepte au titre du remboursement des avances, les montants suivants :

(A) à la date de la vente de la maison existante de M. Goreham à Clark's Harbour, le produit intégral net de la vente est affecté au prêt;

(B) en ce qui concerne la part du revenu que la compagnie tire de l'exploitation du bateau de pêche l'Island Pride qui est versée à M. Goreham en tant que capitaine, toute la part du capitaine, moins les retenues, est affectée au remboursement de ces avances;

(C) si la compagnie déclare et verse des dividendes aux actionnaires, cinquante pour cent (50 p. 100) du dividende net payable à M. Goreham est affecté au remboursement des prêts et des avances.

3. Ce prêt ne porte pas intérêt.[1]

[. . .]

[7] L'appelant et Blades sont d'accord pour dire que tout le produit de la vente de la maison à Clark's Harbour devait être affecté au prêt. Ils reconnaissent également que la moitié des dividendes versés par la compagnie serait affectée au prêt, et, en définitive, c'est ce qui s'est produit dans le cas du seul dividende versé pendant la période pertinente. Cependant, les positions des parties sur la méthode de remboursement prévue, c'est-à-dire l'affectation au prêt de la prime du capitaine de l'appelant, divergent d'une façon importante.

[8] Dans son témoignage sur l'entente verbale de janvier 1991, l'appelant a dit, en substance, que, s'il se rappelait bien, seulement une partie de la prime du capitaine devait être affectée au prêt. Il a aussi déposé que c'était à lui de décider quelle partie de la prime devait être utilisée à cette fin et de donner les directives qui convenaient au comptable de la compagnie. Il agissait ainsi selon sa compréhension de l'entente verbale conclue avec M. Blades et la compagnie. L'appelant a aussi affirmé que le libellé de l'entente écrite n'avait pas, d'après lui, modifié ce qui avait été entendu et qu'il considérait toujours que seulement une portion de la prime du capitaine devait être affectée au prêt.

[9] Dans son témoignage, M. Blades a déclaré que l'entente conclue verbalement avait été couchée sur papier et qu'elle reflétait correctement le fait que l'intégralité de la prime du capitaine de l'appelant devait être affectée au remboursement du prêt. Il a aussi déposé que l'appelant avait droit à la prime du capitaine chaque fois qu'il prenait la mer avec l'Island Pride et que c'est seulement s'il n'était pas à bord lorsque le bateau prenait la mer qu'il perdait son droit à cette prime. Normalement, M. Blades ne voyait pas les rapports de voyage, et il n'était pas au courant à l'époque que, parfois, l'appelant n'encaissait pas la prime du capitaine. Il n'a pas non plus été capable d'expliquer pourquoi la prime n'avait pas été encaissée. Il a confirmé que, lorsque l'appelant n'encaissait pas la prime, cela augmentait la “ part du bateau ” et, en conséquence, le montant qui allait garnir les coffres de la compagnie[2].

[10] La compagnie a effectué une première avance de 150 000 $ à l'appelant en janvier 1991, puis une deuxième avance de 67 000 $ en juin 1991. Une série de rapports de voyage courant jusqu'à la fin décembre 1990 révèle que l'appelant a encaissé la prime du capitaine au complet sauf à une occasion. Six rapports de voyage ont été préparés pour l'exercice se terminant le 30 avril 1992. L'appelant n'a encaissé la prime du capitaine que lors du premier. L'appelant a encaissé la prime du capitaine trois fois sur quatre durant l'exercice se terminant le 30 avril 1993 et quatre fois sur six durant l'exercice se terminant le 30 avril 1994.[3] Durant ces trois années, l'appelant a eu droit à la prime du capitaine seize fois, et il ne l'a prise que huit fois. Le tableau qui suit indique quel était le montant de ces huit primes et la partie qui a été affectée au prêt au logement.

Date

Prime du capitaine

Partie affectée au prêt au logement

Mai 1991

3 404,70 $

0 $

De juin à juillet 1992

10 498,10

5 200

De juillet à octobre 1992

24 039,48

12 000

Novembre 1992

7 122,37

3 500

De juillet à août 1993

2 968,78

0

Août, sept., oct. 1993

13 870,94

7 000

Oct., nov. 1993

6 305,39

0

Janvier 1994

3 687,09

0

Le premier remboursement des avances effectuées par la compagnie a eu lieu après le rapport de voyage no 2 couvrant la période du 19 juin au 24 juillet 1992, soit environ dix-huit mois après l'entente verbale. Ce rapport de voyage est le premier à avoir été préparé après la signature de l'entente écrite.

Position de l'appelant

[11] L'appelant soutient que les modalités de remboursement convenues à l'origine sont pertinentes quand il s'agit de déterminer si des arrangements ont été conclus de bonne foi et qu'il faut prendre en considération les pratiques commerciales courantes pour déterminer si le délai de remboursement était raisonnable. L'appelant avance que les événements postérieurs tels que la réduction des quotas de pêche, la chute des prix offerts pour les prises ainsi que leur incapacité à vendre leur maison précédente à cause d'un fléchissement du marché immobilier ne modifient pas l'intention qui animait les parties à l'époque à laquelle les arrangements de bonne foi ont été conclus. L'appelant fait aussi valoir que l'omission de la compagnie de faire exécuter le remboursement sur la prime du capitaine de l'appelant ne change rien au fait que des arrangements de bonne foi ont été conclus. Selon l'appelant, cette omission reflétait, elle aussi, les circonstances économiques imprévues qui restreignaient sa capacité à rembourser.[4]

Conclusion

[12] Dans le cadre des présents appels, le point en litige est celui de savoir si, à l'époque où le prêt a été consenti, des arrangements ont été conclus de bonne foi pour que le prêt soit remboursé dans un délai raisonnable au sens de l'alinéa 15(2)a) de la Loi.

[13] Les parties pertinentes du paragraphe 15(2) de la Loi sont ainsi rédigées :

15(2) Lorsqu'une personne [...] est actionnaire d'une corporation donnée [...] et a reçu dans une année d'imposition un prêt consenti par la corporation donnée,[...] ou est devenue sa débitrice, le montant du prêt ou de la dette doit être inclus dans le calcul du revenu, pour l'année, de la personne [...] sauf

(a) si le prêt a été consenti ou si la dette est survenue

[...]

(ii) à l'égard d'un particulier qui est l'employé du prêteur [...] pour permettre au particulier d'acquérir une habitation [...] dans le cas où l'habitation est destinée à l'usage du particulier,

[...]

et si des arrangements ont été conclus de bonne foi, à la date à laquelle le prêt a été consenti ou la dette est survenue, pour que le prêt ou la dette soit remboursé dans un délai raisonnable; ou [...]

Ainsi, un contribuable tel que l'appelant à qui s'applique le paragraphe 15(2) de la Loi doit inclure le montant du prêt dans son revenu à moins qu'il ne démontre que l'exception lui est applicable. Dans le cadre des présents appels, les parties reconnaissent que le prêt a été consenti à l'appelant pour lui permettre d'acquérir une habitation destinée à son usage. Le seul point en litige est celui de savoir si, à l'époque où le prêt a été consenti, des arrangements ont été conclus de bonne foi pour que le prêt soit remboursé dans un délai raisonnable.

[14] L'appelant fait valoir que la question de la bonne foi doit être examinée en fonction de l'époque à laquelle les avances en question ont été effectuées, c'est-à-dire, dans le cas présent, janvier et juin 1991. L'avocat de l'appelant a argué que le fait que le prêt n'a pas été remboursé de la manière convenue au départ n'est pas pertinent à moins que ce fait ne suscite des questions sur l'intention originale des parties. Il a renvoyé à la décision que le juge Mogan a rendue dans Kalousdian v. The Queen.[5] Dans cette affaire, le contribuable et un autre individu possédaient chacun la moitié des actions émises de la société. Le contribuable avait reçu un prêt de la société en vue de l'acquisition d'une habitation et il avait remis à la société un billet à ordre prévoyant que le prêt serait remboursé au moyen de versements annuels échelonnés sur cinq ans. En fait, conformément à une entente verbale subséquente entre les actionnaires et la société, aucun montant de principal n'avait été remboursé pendant six ans. En ce qui concerne l'entente verbale, le juge Mogan a dit :

[...] Selon moi, le besoin de formalités est plus grand lorsqu'une personne détient toutes les actions émises de la corporation ou en est l'actionnaire dominant. Il peut être moins grand si les actions d'une corporation sont détenues à parts égales par deux ou plusieurs personnes sans lien de dépendance. Dans ces cas-là, si un seul actionnaire a reçu de la corporation un prêt dont les conditions ne sont pas établies par écrit et si tous les actionnaires s'entendent sur ces conditions énoncées verbalement, les actionnaires sans lien de dépendance qui n'ont pas reçu de prêt veilleront habituellement, vu leurs propres intérêts commerciaux, à ce que le prêt soit remboursé dans un délai raisonnable.

[Les caractères gras sont de moi.]

[15] Ce jugement s'applique plus ou moins en l'instance puisque les versions des témoins sur une des modalités du prêt divergent substantiellement. Les témoignages de l'appelant et de M. Blades sur l'affectation de la prime du capitaine au remboursement du prêt sont contradictoires. Dans l'affaire Massey-Ferguson Limited. c. La Reine,[6] le juge Urie, s'exprimant au nom de la Cour d'appel fédérale, a dit à la page 767 (DTC : à la page 5017) :

Au cours des siècles, l'évolution du droit commercial est remplie d'exemples où les cours reconnaissent que les hommes d'affaires ne comptent pas toujours sur une documentation technique pour prouver le véritable caractère de leurs transactions. Ils cherchent plutôt à arriver à leurs fins, surtout lorsque leurs relations sont intimes, par des procédés rapides et non formalistes, que les hommes de loi abhorrent peut-être. Ce faisant, ils prennent les risques que de telles pratiques comportent pour la détermination de leurs droits respectifs. Souvent, il n'y a aucune difficulté, mais lorsqu'il s'en produit, en l'absence de contrats ou autres documents, les cours doivent, à partir d'autres éléments de preuve dignes de foi, établir l'intention des parties et la nature des obligations qui leur incombent.

[Les caractères gras sont de moi.]

De quelle preuve la Cour est-elle saisie? Dans le cadre de son témoignage, M. Blades a déclaré qu'il a donné instruction à l'avocat de la compagnie de rédiger l'entente de sorte qu'elle reflète sa conception de l'entente verbale, c'est-à-dire, que le montant intégral des primes du capitaine serait affecté au remboursement des avances. M. Blades est un associé de l'appelant depuis un certain nombre d'années et il était évident qu'il était bien disposé envers lui. De plus, il n'a aucun intérêt dans l'issue du présent appel. Compte tenu de l'ensemble des éléments présentés, son témoignage sur ce point a été clair et catégorique et je l'accepte plutôt que celui de l'appelant. Il est aussi d'une certaine importance que, lorsque l'appelant a signé l'entente, qui était rédigée dans un langage clair et simple, il n'a pas demandé la modification du paragraphe 2(B), selon lequel : “ toute la part du capitaine ” devait être affectée au remboursement[7].

[16] Pour les deux motifs qui suivent, je ne puis conclure qu'à l'époque où les avances ont été effectuées, des arrangements ont été conclus pour que le prêt soit remboursé dans un délai raisonnable. Comme premier motif, l'appelant et son épouse affirment qu'ils s'attendaient effectivement à ce que leur ancienne maison soit vendue; j'éprouve de sérieux doutes à l'égard de ce témoignage. L'appelant et son épouse savaient, au moins en janvier 1991, que leur maison ne se serait pas vendue. Il est également établi que la maison était en vente depuis vingt-cinq mois environ, qu'ils n'avaient pas reçu d'offre et que personne ne s'était même donné la peine de visiter la maison pendant la durée du mandat de l'agent immobilier. Après juin 1989, ils ont tenté de vendre la maison eux-mêmes, et personne ne s'est montré intéressé jusqu'en novembre 1990. Ils en avaient alors été réduits à baisser le prix, demandant 125 000 $ au lieu de 162 000 $, et acceptant une offre orale conditionnelle plutôt nébuleuse. D'après le témoignage de Susan, il est tout à fait clair qu'ils étaient alors au courant du ralentissement dans le marché immobilier, et que les acheteurs, s'il y en avait, étaient peu nombreux. Il est aussi évident qu'ils étaient prêts, malgré tout, à commencer la construction d'une nouvelle habitation.[8] Compte tenu de ces faits, il est difficile d'accepter la prétention de l'appelant selon laquelle, en vertu de l'entente conclue avec la compagnie, le prêt devait être remboursé dans un délai raisonnable. À mon avis, il faut faire une distinction entre la présente affaire et l'affaire Dionne v. The Queen,[9] sur laquelle l'appelant s'appuie, puisque, compte tenu des éléments de preuve dont je suis saisi, il n'est pas possible de déterminer avec une certitude raisonnable à quel moment la maison de l'appelant pouvait être vendue.

[17] Mon deuxième motif découle de mon rejet du témoignage de l'appelant selon lequel seulement une partie de la prime du capitaine devait être affectée au remboursement du prêt. Toutefois, même si je n'avais pas tiré cette conclusion, il ne m'aurait pas été possible de conclure que des arrangements avaient été pris pour que le prêt soit remboursé dans un délai raisonnable. De la façon dont l'appelant interprète l'entente, les remboursements variaient à sa guise. Puisque la décision d'encaisser ou non la prime du capitaine dépendait aussi exclusivement de l'appelant, il pouvait rembourser aussi peu qu'il le voulait ou ne rien rembourser du tout (comme cela c'est effectivement produit à plusieurs occasions). Je ne veux pas laisser entendre que l'appelant était de mauvaise foi mais seulement faire ressortir à quel point l'entente omettait de prévoir une date d'expiration identifiable et raisonnable en ce qui concerne le remboursement du prêt.

[18] L'ensemble de la preuve soulève des doutes sérieux quant à savoir si les modalités de remboursement étaient conformes aux exigences du paragraphe 15(2) de la Loi. Dans l'affaire La Reine c. Silden,[10] le contribuable était actionnaire de la filiale canadienne d'une compagnie norvégienne qui était son employeur. La compagnie norvégienne a prêté de l'argent au contribuable à l'égard d'une maison qu'il avait acquise environ un an et demi auparavant. Lors de l'acquisition, le contribuable avait pris en charge l'hypothèque existante, qui prévoyait une pénalité en cas de remboursement anticipé. Le remboursement des fonds prêtés par la compagnie mère était garanti par une hypothèque grevant le bien, et le contribuable devait rembourser le prêt s'il quittait son emploi ou s'il vendait ou cédait la maison. Sur la nécessité d'une certitude en ce qui concerne la date du remboursement, le juge Pratte, de la Cour d'appel fédérale, a dit :

Ce qu'exige la loi, c'est que les arrangements soient conclus “lors de l'octroi du prêt, pour qu'il soit remboursé dans un délai raisonnable”. La véritable question n'est donc pas de savoir si les arrangements relatifs au remboursement du prêt étaient raisonnables, mais plutôt de savoir si, selon ces arrangements, le prêt devait être remboursé dans un délai raisonnable. On ne saurait, en l'espèce, répondre à cette question par l'affirmative puisque les arrangements conclus lors de l'octroi du prêt ne permettaient pas de déterminer avec la moindre certitude le délai pendant lequel il devait être remboursé.

[Les caractères gras sont de moi.]

Compte tenu des faits en l'espèce, il n'est pas possible de conclure que l'entente, telle qu'interprétée par l'appelant, fixe avec quelque certitude le délai dans lequel les avances effectuées à l'appelant par la compagnie devaient être remboursées. En conséquence, les appels sont rejetés avec dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 24e jour de novembre 1999.

“ A. A. Sarchuk ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 31e jour d'août 2000.

Mario Lagacé, réviseur



[1]               L'entente n'est pas datée. Toutefois, il ressort de la preuve que les avocats l'ont transmise à M. Blades sous forme de lettre le 29 juin 1992. Les parties reconnaissent que l'entente a été signée peu de temps après. (Pièce R-2, onglet 20, sous-onglet (m)).

[2]               Il est de pratique courante que le capitaine reçoive une prime en paiement des fonctions additionnelles qui lui incombent. Après une période de pêche qui durait normalement de trois à quatre semaines, on préparait un rapport établissant la part de la valeur de la prise revenant à chacun. La valeur en dollars de la prise pour les exercices se terminant le 30 avril 1992, 1993 et 1994 a été répartie de la façon suivante : la part du bateau (c'est-à-dire, la part de la compagnie), 59½ p. 100; la prime du capitaine, 6 p. 100; la prime des membres de l'équipage, 3 p. 100. Après avoir déduit de la valeur totale ces montants ainsi que des montants figurant à d'autres postes, notamment celui de l'épicerie et de l'eau, on obtenait la part nette des membres de l'équipage, dont le capitaine obtenait une fraction égale à celle des autres membres. Les montants susmentionnés, les déductions d'impôt, les cotisations au régime d'assurance-chômage ainsi que le montant net payé au capitaine et à chaque membre de l'équipage figurent sur les rapports de voyage.

[3]               Les rapports de voyage constituent la pièce R-2, onglet 12, sous-onglets (a), (b), (c) et (d).

[4]               Kalousdian c. La Reine, C.C.I., no 92-871(IT)G, 13 mai 1994 (94 DTC 1722); Blize c. La Reine, C.C.I., no 93-1203(IT)G, 8 juillet 1994 (95 DTC 345); Hnatuk c. La Reine, C.C.I., no    3-602(IT)G, 18 septembre 1996 (97 DTC 674); Dionne et autres c. La Reine, C.C.I., no 5-3997(IT)G, 16 octobre 1997 (98 DTC 1244).

[5]               Précitée.

[6]               [1977] 1 C.F. 760 (77 DTC 5013).

[7]               La seule autre conclusion que l'on peut tirer de la preuve est celle selon laquelle l'appelant et la compagnie ne s'étaient pas entendus sur les modalités du remboursement du prêt. Si tel est le cas, on ne peut considérer que l'appelant a démontré que l'exception visée au paragraphe 15(2) de la Loi s'applique dans son cas.

[8]               J'ajoute simplement que, après avoir entendu MM. Goreham et Blades témoigner au sujet de leur discussions, j'ai l'impression que M. Blades et, en conséquence, la compagnie, n'étaient peut-être pas au courant de tous les faits susmentionnés.

[9]               Précitée.

[10]             C.A.F., no A-1122-90, 25 juin 1993 (93 DTC 5362).

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