Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 19990928

Dossiers: 97-3114-IT-G; 97-3116-IT-G; 97-3119-IT-G; 97-3210-IT-G

ENTRE :

STANDARD MORTGAGE INVESTMENT CORPORATION, NARDAQ INVESTMENTS INC., MAY DEVELOPMENTS LTD., VAL BRUNA HOLDINGS LTD.,

appelants,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

Intimée.

Motifs de l’ordonnance

Le juge Mogan J.C.C.I.

[1] Dans chacun des appels susmentionnés, les parties ont déposé une demande conjointe en vue de fixer l’heure et la date de l’audience. Dans chaque cas, cette cour a rendu une ordonnance, en date du 11 décembre 1998, enjoignant ce qui suit aux parties : échanger des documents au plus tard le 31 mars 1999; tenir des interrogatoires préalables au plus tard le 30 juin 1999; avoir exécuté tout engagement résultant des interrogatoires préalables au plus tard le 31 juillet 1999; commencer l’audition des appels le lundi 25 octobre 1999. Par ordonnance subséquente en date du 17 août 1999, les quatre appels susmentionnés ont été inscrits au rôle pour être entendus ensemble à Vancouver à partir du mardi 26 octobre 1999, pendant une durée de trois jours.

[2] Par avis de requête en date du 15 septembre 1999, les quatre appelantes ont donné avis qu’elles présenteraient une requête le mercredi 22 septembre 1999 à 13 heures, heure de l’Est, en vue d’obtenir des ordonnances relativement aux quatre questions suivantes :

[TRADUCTION]

1. Une ordonnance, conformément au paragraphe 93(3) des Règles de la Cour de l’impôt, autorisant les appelantes à interroger M. David Turner, de la Division des appels et des renvois du ministère du Revenu national (le “ ministère ”), dans le cadre de l’interrogatoire préalable, à la place de M. Brian Ellis;

2. Une ordonnance, conformément aux articles 4 ou 88 ou au paragraphe 95(1) des Règles de la Cour de l’impôt, portant production aux fins d’examen par les appelantes, de tous les documents dont l’intimée a la possession ou le contrôle concernant des contribuables tierces parties et qu’elle a examinés, consultés et/ou sur lesquels elle s’est fondée en établissant la cotisation des appelantes. Plus particulièrement, les appelantes demandent la production de tous les documents que M. Turner a examinés, consultés et/ou sur lesquels il s’est fondé dans la préparation de son rapport en date du 2 avril 1997 (le “ rapport Turner ”) ou qui concernent la participation de M. Michael Stastny, M. John O’Carroll ou FRM Commodities Ltd. ou la présomption de l’intimée que les appelantes n’ont acquis aucun contrat de change;

3. Une ordonnance, conformément au paragraphe 95(3) des Règles de la Cour de l’impôt, enjoignant à l’intimée de remplir convenablement son engagement envers les appelantes de leur transmettre les constatations, les opinions et les conclusions de l’expert de l’intimée;

4. Une ordonnance, conformément à l'article 137 des Règles de la Cour de l’impôt, portant ajournement de l’instruction de cette affaire;

[3] Les actes de procédure dans l’affaire Val Bruna Holdings Ltd. c. La Reine, 97-3210(IT)G, peuvent se résumer comme suit :

1. L’appelante soutient avoir prêté de l’argent à chacune des deux filiales possédées en propriété exclusive (les sociétés A et B) pour financer leurs activités commerciales; chaque prêt est constaté par un billet à ordre.

2. L’appelante affirme qu’elle a acquis certains contrats de change en vue d’en tirer un profit et qu’elle a ensuite transféré une partie de ces contrats à la société A et le reste à la société B en contrepartie d’actions ordinaires et de la prise en charge, par chacune des filiales, de certaines obligations reliées aux contrats de change.

3. La société A a plus tard versé à l’appelante un dividende pour un montant approximativement égal aux gains accumulés sur ses contrats de change; et l’appelante a inclu le montant du dividende dans le calcul de son revenu.

4. L’appelante a alors vendu ses actions à la société A et le billet à ordre impayé dû par la société A à un tiers non lié à la juste valeur marchande, subissant de la sorte une perte.

5. La société B a été liquidée et son actif, au moment de la liquidation, a été transmis à l’appelante à son coût aux fins de l’impôt. L’appelante a disposé des contrats de change obtenus lors de la liquidation de la société B et elle a subi une perte par suite de cette disposition.

6. En ce qui concerne les opérations susmentionnées, l’appelante a déclaré que la question litigieuse consistait à savoir si, dans le calcul de son revenu pour une année d’imposition donnée, elle pouvait déduire les pertes subies par suite de la disposition des contrats de change et/ou du billet à ordre et appliquer les pertes résiduelles au calcul de son revenu imposable pour les années subséquentes.

7. L’intimée a déposé une réponse à l’avis d’appel de l’appelante, dans laquelle elle a déclaré qu’en établissant la cotisation pour les années d’imposition concernées de l’appelante, le ministre du Revenu national a présumé l’existence de certains faits, à savoir :

a) l’appelante n’a fait ni l’acquisition ni la disposition de contrats de change, que ce soit dans le but d’en tirer un profit ou pour toute autre fin;

b) les filiales de l’appelante n’ont pas exercé des activités commerciales;

c) l’appelante n’a pas transféré des contrats de change aux filiales;

d) l’appelante n’a pas subi de perte par suite de la disposition de contrats de change ou du billet à ordre.

8. Selon l’intimée, les principales questions litigieuses sont les suivantes :

a) l’appelante a-t-elle fait l’acquisition ou la disposition de contrats de change dans le but d’en tirer un profit ou pour toute autre fin;

b) l’appelante a-t-elle subi une perte déductible par suite de la disposition de contrats de change ou du billet à ordre.

[4] À toutes fins utiles, les actes de procédure dans les affaires May Developments Ltd. c. La Reine, 97-3119(IT)G, Standard Mortgage Investment Corporation c. La Reine, 97-3114(IT)G et Nardaq Investments Inc. c. La Reine, 97-3116(IT)G sont identiques aux actes de procédure dans l’affaire Val Bruna. Voir la question numéro 109 sur la transcription de l’interrogatoire préalable. J’ai résumé l’acte de procédure précité pour démontrer que les questions litigieuses dans les présents appels sont des questions de faits. Plus particulièrement, les deux questions de faits suivantes sont évidentes. Premièrement, l’appelante a-t-elle fait l’acquisition de contrats de change dans le but d’en tirer un profit ou pour toute autre fin. Et deuxièmement, l’appelante a-t-elle transféré des contrats de change à l’une ou l’autre des filiales dont il est question dans l’avis d’appel. D’autres questions secondaires se posent, comme par exemple : l’appelante peut-elle déduire certaines pertes résultant de la disposition de contrats de change; ces pertes sont-elles raisonnables au sens attribué à ce mot par l’article 67 de la Loi de l’impôt sur le revenu, et l’article 245 de la Loi s’applique-t-il aux opérations décrites dans les actes de procédure; mais ces points secondaires se fondent sur deux questions de faits fondamentales déjà décrites dans ce paragraphe.

[5] Je vais maintenant me pencher sur les quatre mesures de redressement recherchées par les appelantes dans la présente requête. La première est une demande d’ordonnance prévue au paragraphe 93(3) des Règles, pour autoriser les appelantes à interroger M. David Turner au lieu de M. Brian Ellis. M. Ellis a subi son interrogatoire préalable à Vancouver le 29 juin 1999. Au cours de l’interrogatoire, Me Thomas Boddez agissait comme avocat des appelantes et Me David Spiro représentait l’intimée. Aux fins de la présente requête, Me Boddez a déposé un affidavit à l’appui des appelantes alors que Me Spiro en déposait un pour le compte de l’intimée. Plus précisément, les appelantes recherchent un redressement en vertu du paragraphe 93(3) des Règles, lequel est libellé comme suit :

93(3) Lorsque la Couronne est la partie interrogée, le sous-procureur général du Canada doit choisir un officier, un fonctionnaire ou un employé bien informé qui sera interrogé en son nom; toutefois, si la partie interrogatrice n’est pas satisfaite de cette personne, elle peut demander à la Cour de nommer une autre personne.

[6] Dans son affidavit, Me Boddez déclare ce qui suit aux paragraphes 6 et 7 :

[TRADUCTION]

6. Au cours de l’interrogatoire préalable de M. Ellis, il est devenu évident que ce dernier n’était pas suffisamment au courant ou informé des hypothèses de fait du ministère ni des questions litigieuses dans les présents appels. [...]

7. Au cours de l’interrogatoire préalable de M. Ellis, il est devenu manifeste que la personne le plus au fait et la mieux informée des points sur lesquels doit porter l’interrogatoire, et comme telle, le représentant de la Couronne le mieux indiqué dans cette affaire, était M. David Turner de la Division des appels et des renvois du ministère. [...]

Pour les motifs mentionnés ci-dessous, je n’accueillerai pas la requête des appelantes à l’égard du premier point concernant l’interrogatoire de M. Turner à la place de M. Ellis. Premièrement, en vertu du paragraphe 93(3) des Règles, rien n’oblige la Couronne à faire témoigner la personne la mieux informée, elle n’est tenue que de choisir un officier, un fonctionnaire ou un employé bien informé. L’un des critères pour juger si une personne est bien informée, c’est sa capacité de répondre aux questions. Dans les passages de la transcription dont on m’a fait lecture à la présentation de la requête, Me Spiro est intervenu à plusieurs reprises pour répondre aux questions à la place de M. Ellis, sans que Me Boddez ne s’oppose à ces interventions. De fait, Me Boddez a plus d’une fois demandé à M. Ellis s’il faisait siennes les réponses données par Me Spiro. L’article 97 des Règles prévoit que l’avocat peut répondre à des questions dans le cadre de l’interrogatoire préalable et que ses réponses lient la personne interrogée. Les appelantes ne prétendent pas que des questions sont demeurées sans réponse au cours de l’interrogatoire préalable de M. Ellis, et elles ne recherchent pas une ordonnance obligeant à répondre à une question quelconque. Elles ont simplement formé l’impression que M. Turner peut être plus au fait que M. Ellis.

[7] Deuxièmement, les appelantes n’ont pas démontré que M. Turner était mieux renseigné que M. Ellis. M’appuyant sur la documentation soumise par les parties opposées aux fins de la présente requête et sur certaines déclarations que les avocats ont faites en plaidant la requête, j’ai conclu i) que M. Knight (un vérificateur employé au bureau de Revenu Canada à Vancouver) a adressé aux appelantes les premières cotisations qui refusaient l’application des pertes résultant de la disposition des contrats de change; ii) que les avis d’opposition déposés par les appelantes ont été étudiés par M. Brian Ellis (un agent d’examen des appels au bureau de Revenu Canada à Vancouver); et iii) que M. David Turner (un employé au bureau principal de Revenu Canada à Ottawa) a été consulté par M. Knight et M. Ellis au cours du traitement des cotisations et des avis d’opposition, respectivement. Certaines notes de service et lettres de M. Turner figurent dans la documentation dont je dispose et elles indiquent que ce dernier, pour le compte du bureau principal de Revenu Canada, conseillait aussi bien M. Knight que M. Ellis. Les conseils de M. Turner du bureau chef ne signifient pas qu’il en sait davantage que M. Ellis sur les questions de faits dans les présents appels.

[8] Tout compte fait, j’estime que le vérificateur sur place qui a adressé les cotisations originales ou l’agent des appels du bureau de district qui a étudié les avis d’opposition seraient mieux informés des affaires d’un contribuable donné qu’une personne au bureau principal de Revenu Canada qui a été consultée par le vérificateur sur place ou par l’agent des appels ou les deux. Je ne suis pas disposé à inférer des lettres et des notes de service que M. Turner a adressées d’Ottawa au bureau de district de Vancouver que celui-ci en connaissait davantage sur les opérations commerciales des appelantes que les personnes au bureau de district de Vancouver qui s’occupaient directement des dossiers des appelantes. Les principaux points litigieux dans ces appels sont des questions de faits et non pas des interprétations subtiles de quelques obscurs articles de la Loi de l’impôt sur le revenu. Les faits propres aux opérations d’un contribuable particulier sont généralement mieux connus du vérificateur sur place qui a établi la cotisation originale ou de l’agent local des appels qui a étudié l’avis d’opposition du contribuable. Il va sans dire, naturellement, que les faits relatifs aux opérations d’un contribuable particulier sont mieux connus du contribuable lui-même que de n’importe quel employé de Revenu Canada.

[9] Finalement, en ce qui concerne ce premier article, si Me Boddez s’inquiétait de savoir, au moment de l’interrogatoire préalable (le 29 juin 1999), si M. Ellis était suffisamment informé, le recours s’offrait à lui de demander l’ajournement de l’interrogatoire, en vertu du paragraphe 95(2) des Règles, pour permettre à M. Ellis de se renseigner davantage. Selon le paragraphe 5 de l’affidavit de Me Spiro, il a appris en premier lieu que les appelantes souhaitaient interroger M. Turner lorsqu’il a lu l’avis de requête en l’espèce en date du 15 septembre 1999.

[10] La seconde ordonnance recherchée dans le cadre de la présente requête est exposée ci-dessus. En résumé, les appelantes demandent la production de tous les documents en la possession ou sous le contrôle de l'intimée concernant des contribuables tierces parties qui ont été étudiés ou sur lesquels le ministre s'est fondé en établissant les cotisations des appelantes. Plus précisément, les appelantes veulent obtenir la production de tous les documents i) que M. Turner a examinés ou sur lesquels il s’est fondé en rédigeant son rapport du 2 avril 1997; ii) qui visent le rôle de M. Michael Stastny, de M. John O’Carroll ou de FRM Commodities Ltd.; ou iii) qui concernent l'hypothèse de l’intimée selon laquelle les appelantes n’ont acquis aucun contrat de change. J’en reviens aux questions de faits fondamentales dans les présents appels, à savoir si chacune des appelantes avait acquis des contrats de change et si chacune d’elles avait transféré de tels contrats à une ou plusieurs filiales. Tous les faits pertinents à ces questions doivent être davantage connus des appelantes que de Revenu Canada.

[11] Je répugne à ordonner à un employé du bureau principal de Revenu Canada de produire des documents visant des contribuables tierces parties qui ne comparaissent pas devant la Cour dans ces quatre appels. Pour citer les paroles d’un des avocats, si l’une ou plusieurs des appelantes ont traité avec M. Michael Stastny, M. John Carroll ou FRM Commodities Ltd., chacune des appelantes est libre de prendre contact avec ces personnes et en obtenir les renseignements disponibles ou utiles à la poursuite de ces appels. D’autre part, si M. Michael Stastny, M. John O’Carroll ou FRM Commodities Ltd. ont eu des transactions avec quelqu’autre contribuable tierce partie que M. Turner estime, à tort ou à raison, être semblables aux transactions des appelantes, je conclurais que les pensées de M. Turner à l’égard de ces transactions qui peuvent être semblables ne sont pas pertinentes lorsqu’il s’agit de trancher les questions de faits dont la Cour est saisie dans le cadre des quatre présents appels.

[12] En demandant la seconde ordonnance, les appelantes s’appuient sur la décision de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire M.N.R. v. Huron Steele Fabricators (London) Ltd., 73 DTC 5347. Dans cette affaire, le ministre avait fondé la cotisation qu’il avait établie à l’égard des contribuables appelants sur certains renseignements trouvés dans les déclarations d’impôt de Pelon Holdings Limited, et le ministre avait dû produire les déclarations de Pelon. Dans les quatre appels en l'instance, les appelantes savent ce que M. Turner avait à l’esprit étant donné la production de ses notes de service et de ses lettres à M. Knight ou à M. Ellis. Si l’une quelconque des appelantes a traité avec M. Michael Stastny, M. John O’Carroll ou FRM, ces transactions seraient mieux connues de l’appelante concernée que de M. Turner. Si aucune des appelantes n’a traité avec aucune de ces trois personnes, ce que M. Turner peut savoir de ces dernières n’est pas pertinent.

[13] Dans des observations écrites qui accompagnent l’affidavit de Me David Spiro, l’avocat de l’intimée déclare ce qui suit :

[TRADUCTION]

C’est le rapport de M. Turner qui a servi de fondement aux présomptions tirées par le ministre du Revenu national lorsqu’il a établi la cotisation des appelantes. Dans son rapport, M. Turner renvoie à certains faits qui ont été notés dans des vérifications antérieures d’autres contribuables qui s’étaient eux aussi adonnés aux opérations de change à terme avec FRMC Ltd. ou avec des entités liées. Il n’y a aucune preuve que quiconque à Revenu Canada a travaillé aux nouvelles cotisations des appelantes a aussi étudié l’un quelconque des documents d’autres contribuables que M. Turner a examinés en rédigeant son rapport. Ce dernier a été intégralement produit.

Selon cette déclaration, le rapport de M. Turner a constitué l’un des “ fondements ” de la présomption du ministre, mais pas nécessairement le seul, et les appelantes ont le rapport dans son ensemble. Je n’accorderai pas la seconde ordonnance recherchée par les appelantes.

[14] Je n’ai pas à étudier la troisième ordonnance que veulent obtenir les appelantes parce que, conformément au paragraphe 95(3) des Règles, l’intimée s’est engagée à ne pas citer comme témoin l’expert qui a rédigé la version provisoire du rapport en 1994.

[15] En ce qui concerne la demande d’ajournement des appelantes, par ordonnance de la Cour en date du 11 décembre 1998, ces appels ont été inscrits au rôle pour audition à Vancouver au cours de la semaine du 25 octobre 1999. Les questions litigieuses sont des questions de faits et les parties ont eu suffisamment le temps de se préparer. Je n’ajournerai pas l’audition des quatre présents appels.

[16] L’intimée a droit aux frais de cette requête pour le montant de 2 000 $, quelle que soit l’issue de la cause.

Signé à Ottawa, Canada, ce 28e jour de septembre 1999.

“ M. A. Mogan ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 6e jour de juin 2000.

Benoît Charron, réviseur

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