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Date: 19980427

Dossier: 97-1741-UI

ENTRE :

DEVIN LLOYD,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Motifs du jugement

Le juge Bowman, C.C.I.

[1] Il s'agit d'un appel interjeté en vertu de la Loi sur l'assurance-chômage (maintenant Loi sur l'assurance-emploi) (la « Loi » ) à l’encontre d’un règlement du ministre du Revenu national (le « ministre » ) selon lequel l'appelant avait exercé un emploi assurable du 17 juillet 1995 au 8 mars 1996. L'appelant soutient que l'emploi, bien qu'il ait été régi par un contrat de louage de services au sens de l'alinéa 3(1)a), était néanmoins un emploi exclu au sens de l'alinéa 3(2)i) ( « tout emploi inclus, par règlement pris en vertu de l'article 4, dans les emplois exclus » ).

[2] La Cour est saisie de la présente affaire dans des circonstances quelque peu exceptionnelles. Le 14 juillet 1995, l'appelant a conclu un accord d'activité indépendante avec la Commission de l'Emploi et de l'Immigration du Canada dans le cadre du Programme d'aide à l'emploi autonome (le « PAEA » ) visé par la section III du Règlement sur l'assurance-chômage pris en application de l'article 26.1 de la Loi sur l'assurance-chômage. Il s'agissait essentiellement d'un plan d'assistance à l'intention des prestataires qui voulaient créer une entreprise ou devenir travailleurs indépendants.

[3] L'article 26.1 se lit comme suit :

26.1(1) Par dérogation aux autres dispositions de la présente loi, mais sous réserve de l'article 26.2, la Commission peut, avec l'approbation du gouverneur en conseil, prendre les règlements qu'elle juge nécessaires concernant l'établissement et le fonctionnement de plans d'assistance à l'intention des prestataires qui remplissent les conditions requises pour recevoir des prestations, aux fins suivantes :

a) paiement des frais occasionnés par les cours ou programmes visés à l'article 26;

b) versement d'allocations supplémentaires de formation aux prestataires qui sont dirigés vers les cours et programmes visés à l'article 26, notamment pour :

(i) l'entretien des enfants à charge pendant que les prestataires suivent un cours ou un programme d'instruction ou de formation,

(ii) le trajet entre le lieu de résidence et celui où les cours et programmes sont donnés,

(iii) le séjour hors du secteur de résidence pendant la participation aux cours et programmes,

(iv) la conclusion d'arrangements ou l'obtention d'appareils destinés à faciliter la participation des personnes handicapées;

c) aide aux prestataires à la recherche d'un travail dans des régions à possibilités d'emploi supérieures ou se réinstallant dans ces régions ou dans celles où ils ont trouvé du travail;

d) aide aux prestataires créant des entreprises ou devenant des travailleurs indépendants;

e) octroi aux prestataires d'incitatifs à accepter du travail rapidement, sous la forme notamment de primes ou de suppléments temporaires de revenu.

(2) Les décisions de la Commission à l'égard d'une demande d'assistance au titre d'un plan établi en vertu du paragraphe (1) ne sont pas susceptibles d'appel en vertu des articles 79 ou 80.

(3) Les plans établis en vertu du paragraphe (1) peuvent, à l'égard de toute question, être différents des dispositions de la présente loi concernant cette question.

(4) Les plans d'assistance visés aux alinéas (1)c), d) et e) peuvent prévoir que les prestataires qui en bénéficient seront soumis, s'ils présentent par la suite une demande de prestations, à des conditions différentes, en matière d'admissibilité et de détermination de la durée de leur période de prestations, de celles qui s'appliqueraient normalement.

(4.1) La Commission veille à ce que les prestataires qui présentent une demande d'assistance soient informés d'avance des conditions différentes, en matière d'admissibilité et de détermination de la durée de leur période de prestations, auxquelles ils pourront être soumis s'ils présentent par la suite une demande de prestations.

(5) La Commission est autorisée à verser, à l'égard des prestataires qui remplissent les conditions requises par les plans d'assistance, les sommes prévues par ceux-ci.

1990, ch. 40, art. 20.

[4] La section III du Règlement traite de l'aide à l'activité indépendante. À l'article 119 du Règlement, figurent les deux définitions suivantes :

« accord d'activité indépendante » Accord conclu entre la Commission et un prestataire admissible selon lequel le prestataire est employé pour élaborer et mettre en oeuvre un projet d'entreprise. (self-employment agreement)

[...]

« projet d'entreprise » Projet conçu par un prestataire admissible en vue de créer une entreprise ou de devenir travailleur indépendant. (business plan)

[5] L'appelant a préparé et a soumis un projet d'entreprise et, comme il en a été fait mention ci-dessus, a conclu un accord d'activité indépendante. L'activité indépendante que le gouvernement a de toute évidence acceptée aux fins du projet était un emploi auprès de 652945 Alberta Ltd., qui exploitait un restaurant connu sous le nom de Coach Restaurant.

[6] L'appelant possédait 51 actions de cette société. Une personne non liée, Darren Harbicht, qui s’était associée à l'appelant pour l'exploitation du restaurant, était titulaire de 50 actions. Les 50 autres actions appartenaient à 561178 Alberta Limited, qui appartenait à moitié à l'oncle de l'appelant et à moitié à une personne non liée.

[7] Dans le questionnaire concernant l'admissibilité auquel l'appelant avait répondu, il était clairement indiqué que l'appelant possédait 34 p. 100 des actions de la compagnie. Développement des Ressources humaines Canada ( « DRHC » ) a admis l'appelant au programme et ce dernier a touché des prestations s'élevant à un peu plus de 10 000 $ dans le cadre du programme.

[8] Ni l'appelant ni l'employeur ne savaient qu'il n'était pas nécessaire de verser des cotisations d'assurance-chômage. En fait, l'emploi que l'appelant exerçait auprès de 652945 Alberta Ltd. était un emploi exclu au sens de l'alinéa 3(2)i) de la Loi. Un emploi exclu est :

tout emploi inclus, par règlement pris en vertu de l'article 4, dans les emplois exclus.

[9] L'alinéa 4(3)g) de la Loi prévoit que la Commission peut prendre des règlements excluant des emplois assurables les emplois suivants :

tout emploi fourni en vertu de l'article 25 ou des règlements d'application de l'article 24;

[10] L'article 130 du Règlement prévoit ceci :

L'emploi qu'exerce le prestataire admissible aux termes d'un accord d'activité indépendante est exclu des emplois assurables.

[11] L'article 14 prévoit également ceci :

Sont exclus des emplois assurables les emplois suivants :

[...]

i) l'emploi exercé par un prestataire dans le cadre d'un projet créateur d'emplois approuvé par la Commission selon le paragraphe 25(1) de la Loi.

[12] Le paragraphe 25(1) de la Loi se lit comme suit :

25(1) Pour l'application du présent article, « projet créateur d'emplois » s'entend d'un projet approuvé par la Commission dans le cadre d'un programme destiné principalement à créer des emplois et mis en oeuvre par le gouvernement du Canada en vertu d'une loi fédérale.

[13] J'ai conclu que le PAEA était un projet créateur d'emplois visé à l'article 14 du Règlement et que l'appelant avait droit aux prestations qu'il a touchées dans le cadre de ce programme.

[14] Malheureusement, l'appelant ne savait pas que les cotisations d'assurance-chômage n'avaient pas à être déduites du revenu tiré de l'emploi qu'il exerçait auprès de 652945 Alberta Ltd. De toute évidence, l'emploi était un emploi exclu et l'appelant n'aurait pas dû réclamer ni toucher des prestations d'assurance-chômage, en plus des prestations touchées dans le cadre du PAEA.

[15] Le 8 juillet 1997, le ministère du Revenu national a envoyé à l'appelant la lettre suivante :

[TRADUCTION]

La présente concerne l'appel que vous avez interjeté de la décision qui a été rendue le 10 mai 1996 au sujet de l'assurabilité, aux fins de l'assurance-emploi, de l'emploi que vous exerciez auprès de 652945 Alberta Ltd. (s/n Coach Restaurant & Saloon) du 17 juillet 1995 au 8 mars 1996.

Il a été décidé, pour le motif qui suit, que cet emploi était assurable : vous étiez régi par un contrat de louage de services, et étiez par conséquent un employé.

Il a en outre été décidé que votre emploi n'était pas un emploi exclu au sens de l'article 130 du Règlement sur l'assurance-chômage parce que vous ne déteniez pas la majorité des actions avec droit de vote de 652945 Alberta Ltd.

Si vous ne souscrivez pas à cette décision, vous pouvez en appeler à la Cour canadienne de l'impôt dans les 90 jours qui suivront la date de mise à la poste de la présente lettre. Des renseignements au sujet des modalités d'appel sont joints à la présente.

La décision énoncée dans cette lettre est rendue conformément à l'article 91 de la Loi sur l'assurance-emploi et est fondée sur l'alinéa 3(1)a) de la Loi sur l'assurance-chômage.

[16] De toute évidence, je n'ai pas compétence pour entendre un appel interjeté par suite du refus d'accorder à l'appelant les prestations prévues par le PAEA. Toutefois, j'ai compétence pour déterminer si l'appelant exerçait un emploi assurable ou un emploi exclu. Je conclus que l'emploi que l'appelant exerçait auprès de 652945 Alberta Ltd. était un emploi exclu parce que, dans le cadre du PAEA, il s'agissait d'un emploi exclu. Bien sûr, l'argument voulant que, parce qu'il ne détenait pas la majorité des actions, l'appelant n'était pas employé dans le cadre du PAEA, n'est pas fondé. Aucune disposition de la Loi ou du Règlement ni aucun des autres documents qui ont été produits n'imposent pareille exigence. L'appelant a de fait créé l'entreprise et il était titulaire d'un bon nombre d'actions. Sur le plan de l'équité administrative, à tout le moins, il est tout à fait inacceptable que le gouvernement du Canada change son fusil d’épaule et déclare l'appelant non admissible au PAEA parce qu’il a, en toute bonne foi et en toute innocence, réclamé par erreur des prestations d'assurance-chômage et touché des prestations s'élevant à peu près à 900 $.

[17] Une chose semble assez évidente. Le gouvernement réclame le montant de 10 000 $ qu'il a versé à M. Lloyd parce que ce dernier a réclamé par erreur des prestations d'assurance-chômage. Après avoir admis l'appelant au PAEA en connaissant fort bien l'étendue de sa participation dans la société, le gouvernement se fonde maintenant sur le fait que l'appelant ne détient pas plus de 50 p. 100 des actions pour rationaliser après coup la demande de remboursement des prestations versées dans le cadre du PAEA. Bref, le gouvernement du Canada réclame le mauvais montant. Ce sont les prestations d'assurance-chômage qu'il devrait réclamer. L'appelant n'avait pas droit à ces prestations parce que, durant la période en question, il n'exerçait pas un emploi assurable.

[18] L'appel est accueilli et le règlement du ministre selon lequel l'appelant exerçait un emploi assurable est infirmé.

Signé à Ottawa, Canada, ce 27e jour d'avril 1998.

D. G. H. Bowman

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 12e jour de novembre 1998.

Philippe Ducharme, réviseur

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