Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date : 19990611

Dossier : 97-3126-IT-G

ENTRE :

ANNA KROEKER,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.


Ordonnance et motifs de l'ordonnance

[1] La requête présentée par l'appelante a été entendue par conférence téléphonique le 9 juin 1999. L'appelante demandait les mesures de redressement suivantes :

LA REQUÉRANTE demande à la Cour, par ordonnance ou jugement (dont un projet détaillé figure à l'annexe A des présentes) :

a)                    de se prononcer, sur une question de droit, en faveur de la requérante, c'est-à-dire de conclure que la société agricole en nom collectif (dont l'appelante est l'une des associés et possède 50 pour cent des parts) avait, durant les années d'imposition visées par le présent appel, une expectative raisonnable de profit (ce que l'intimée admet), qu'elle était par conséquent une entreprise et qu'elle constituait par le fait même pour l'appelante une source de revenu provenant de l'agriculture au sens de la Loi de l'impôt sur le revenu (Canada); de conclure, par conséquent, que la question de l'expectative raisonnable de profit, ainsi que toute question de droit corollaire, n'aura pas à être tranchée lors de l'audition de l'appel de l'impôt (l'audience étant pour l'instant fixée aux 22, 23 et 24 juin 1999) (l' « audience » );

b)                    d'admettre l'appel en conséquence, d'incorporer la conclusion visée à l'alinéa a) dans le jugement définitif qui sera rendu par la présente cour à la suite de l'audience et de déférer en conséquence les nouvelles cotisations au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation, ainsi que de déclarer que l'ordonnance sera exécutoire en même temps que la décision définitive qui portera sur les autres questions en litige dans le présent appel de l'impôt;

c)                    subsidiairement à ce qui est prévu à l'alinéa a) ci-dessus, d'interdire à l'intimée de soulever, à l'audience, la question de l'expectative raisonnable de profit, la question de l'absence d'entreprise et la question de l'absence de source de revenu provenant des activités agricoles, étant donné que l'intimée, si elle soulevait ces questions à l'audience, abuserait de la procédure en matière d'appel de l'impôt et de la procédure de la présente cour;

d)                    comme autre ordonnance subsidiaire à ce qui est prévu à l'alinéa a) ci-dessus, d'interdire à l'intimée de soulever, à l'audience, la question de l'expectative raisonnable de profit, la question de l'absence d'entreprise et la question de l'absence de source de revenu provenant des activités agricoles, étant donné que soulever ces questions à l'audience équivaudrait pour l'intimée à demander à la présente cour d'accorder un redressement qu'elle n'a pas la compétence d'accorder, c'est-à-dire de rendre un jugement qui pourrait occasionner une cotisation plus élevée que la cotisation qui est contestée; et de déclarer par conséquent que la question est sans objet et qu'il serait inutile de tenir une audience à ce sujet;

e)                    d'accorder toute autre mesure de redressement corollaire qu'elle estime juste et raisonnable, en particulier d'autoriser la production d'éléments de preuve à l'appui de la requête, tel qu'il est exposé en détail au paragraphe 1 du projet d'ordonnance figurant à l'annexe A des présentes;

f)                     d'accorder des frais sur une base procureur-client relativement à la présente requête, tel qu'il est exposé en détail au paragraphe 5 du projet d'ordonnance figurant à l'annexe A des présentes.

[2] La requête est présentée conformément au paragraphe 58(1) des Règles concernant la procédure générale, lequel permet à une partie de demander à la Cour de se prononcer sur une question si la décision pouvait régler l'instance en totalité ou en partie ou abréger substantiellement l'audience. L'appelante a obtenu, conformément au paragraphe 58(2), l'autorisation de consigner en preuve des parties de l'interrogatoire préalable du fonctionnaire-témoin de l'intimée et de produire un affidavit signé par elle à l'appui de sa requête.

[3] Lors de l'interrogatoire préalable, le témoin de l'intimée a admis que la nouvelle cotisation n'était pas fondée sur l'existence ou non d'une société en nom collectif constituée par l'appelante et son conjoint aux fins de l'exploitation d'une ferme, mais plutôt sur l'article 31 de la Loi de l'impôt sur le revenu, et qu'elle a de ce fait uniquement permis à l'appelante de déduire une perte agricole restreinte.

[4] Le témoin de l'intimée a précisément admis (en réponse à la question 45) « [TRADUCTION] que la société agricole en nom collectif avait une expectative raisonnable de profit pendant les années en cause » .

[5] Les actes de procédure de l'intimée présentaient à titre subsidiaire, aux paragraphes 13 et 22 et à l'alinéa 15f), des allégations sur la question de l'expectative raisonnable de profit. Ces allégations se lisent comme suit :

13.                  Subsidiairement, si les prétendus versements de salaire à Ben n'ont pas été refusés à juste titre, l'appelante n'avait pas une expectative raisonnable de profit à l'égard de l'activité agricole au cours des années d'imposition 1993, 1994 et 1995 (même si le ministre a permis à l'appelante de déduire une perte agricole restreinte).

[...]

B.                    QUESTIONS EN LITIGE

15.                  Le litige porte sur les questions suivantes :

[...]

f)                     Subsidiairement, si les prétendus versements de salaire à Ben n'ont pas été refusés à juste titre, est-ce que l'appelante avait une expectative raisonnable de profit à l'égard de l'activité agricole au cours des années d'imposition 1993, 1994 et 1995 (indépendamment du fait que le ministre a permis à l'appelante de déduire une perte agricole restreinte)?

[...]

C. DISPOSITIONS LÉGISLATIVES, MOTIFS INVOQUÉS ET REDRESSEMENT DEMANDÉ

[...]

22. Subsidiairement, l'intimée soutient en outre que si les prétendus versements de salaire à Ben n'ont pas été refusés à juste titre, l'appelante n'avait pas une expectative raisonnable de profit à l'égard de l'activité agricole au cours des années d'imposition 1993, 1994 et 1995 (même si le ministre a permis à l'appelante de déduire une perte agricole restreinte).

[6] On avait procédé à l'interrogatoire préalable du témoin de l'intimée dans le but d'obtenir des aveux qui auraient permis de clarifier les questions sur lesquelles le litige portait. L'aveu fait en réponse à la question 45 invalide les paragraphes et l'alinéa cités ci-dessus.

[7] Toutefois, la question de la perte agricole restreinte laisse en suspens la question de la principale source de revenu de l'appelante. Comme le déclarait le juge Robertson, de la Cour d'appel fédérale, dans l'arrêt R. v. Donnelly, [1998] 1 C.T.C. 23 :

L'analyse du facteur de la rentabilité permet de dissiper les doutes qui subsistent quant à savoir si la principale source de revenu d'un contribuable est l'agriculture. Il existe une différence entre le genre de preuve qu'un contribuable doit produire concernant la rentabilité en vertu de l'article 31 de la Loi et le genre de preuve applicable à l'expectative raisonnable de profit. Dans ce dernier cas, le contribuable n'a qu'à démontrer qu'il a ou avait une expectative de profit, que ce soit un dollar ou un million de dollars. Il est bien établi en droit fiscal que les termes « expectative raisonnable de profit » et « expectative de bénéfices raisonnables » ne sont pas synonymes. En ce qui concerne la rentabilité prévue à l'article 31, toutefois, le montant est pertinent parce qu'il permet de comparer un revenu agricole potentiel avec le revenu que le contribuable a effectivement tiré de l'autre occupation. Autrement dit, nous cherchons des éléments de preuve de nature à appuyer une conclusion d'expectative raisonnable de bénéfices « considérables » en provenance de l'agriculture.

En l'espèce, il incombait au contribuable de démontrer ce qu'il aurait raisonnablement pu gagner n'eussent été les deux contretemps qui sont à l'origine de la perte, à savoir le décès de M. Rankin et la baisse des prix des chevaux. Je dis cela parce que le juge de la Cour de l'impôt a conclu que sans ces deux contretemps le contribuable aurait tiré la majeure partie de son revenu de l'agriculture au cours des trois années d'imposition en question. Il ne fait aucun doute que la perte de M. Rankin et les modifications qui ont été apportées aux lois fiscales américaines ont eu un effet négatif et inattendu sur l'entreprise, mais le contribuable n'a fourni aucun élément de preuve sur les bénéfices qu'il aurait pu réaliser si ces événements ne s'étaient pas produits ni sur la question de savoir si le montant aurait été jugé considérable par rapport à son revenu de profession libérale. Le contribuable ne pouvait pas se contenter d'affirmer qu'il pourrait avoir réalisé un bénéfice. Il aurait dû fournir assez d'éléments de preuve pour permettre au juge de la Cour de l'impôt d'évaluer à combien ce bénéfice aurait pu s'élever.

[8] Par suite de l'aveu fait en réponse à la question 45, aucun élément de preuve relatif à la question de l'expectative raisonnable de profit (telle qu'elle est décrite aux paragraphes 13 et 22 et à l'alinéa 15f) de la réponse) ne sera admis en preuve au cours de l'audition de la présente affaire.

[9] Les frais de la présente requête feront partie des frais de la cause.

Signé à Edmonton (Alberta) ce 11e jour de juin 1999.

D. W. Beaubier

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 7e jour de mars 2000.

Benoît Charron, réviseur

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