Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 19981123

Dossiers: 98-264-UI; 98-265-UI; 98-266-UI; 98-267-UI; 98-268-UI; 98-269-UI; 98-270-UI; 98-271-UI; 98-272-UI; 98-273-UI; 98-274-UI

ENTRE :

CLAUDE BELLAVANCE, RAYMOND BERGERON, PATRICE COULOMBE, LOUIS COURTY (98-267(UI)), ARMAND DUCLOS, SUCCESSION AURÈLE JOUBERT REPRÉSENTÉE PAR LAURETTE SAVOIE JOUBER, ALLAIN LEBEL, PATRICE LEBEL, ALLAIN PAQUET, YVON PATENAUDE, ROMAIN PELLETIER,

appelants,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Motifs du jugement

Le juge suppléant Cuddihy, C.C.I.

[1] Ces appels ont été entendus sur preuve commune, à Campbellton (Nouveau Brunswick), le 19 octobre 1998.

I- Les appels

[2] Les appelants interjettent appel des 11 décisions du ministre du Revenu national (le « Ministre » ), datées des 19 et 23 février 1998, selon lesquelles l’emploi de Claude Bellavance, du 10 juillet 1995 au 7 mars 1996 et du 17 juin 1996 au 28 février 1997, l’emploi de Raymond Bergeron, du 23 juin au 2 novembre 1995 et du 28 novembre 1995 au 7 mars 1996, l’emploi de Patrice Coulombe, du 10 juillet 1995 au 7 mars 1996 et du 17 juin au 23 octobre 1996, l’emploi de Louis Courty, du 23 juin 1995 au 8 mars 1996, l’emploi d'Armand Duclos, du 21 novembre 1994 au 10 février 1995, du 10 juillet 1995 au 9 mars 1996 et du 17 juin 1996 au 28 février 1997, l’emploi d’Aurèle Joubert, du 10 juillet au 7 novembre 1995, du 22 novembre 1995 au 7 mars 1996, du 17 juin au 23 octobre 1996 et du 18 novembre 1996 au 28 février 1997, l’emploi d’Allain Lebel, du 18 novembre 1996 au 28 février 1997, l’emploi de Patrice Lebel, du 7 juin 1995 au 7 mars 1996, l’emploi d’Allain Paquet, du 10 juillet 1995 au 7 mars 1996, du 17 juin au 23 octobre 1996 et du 18 novembre 1996 au 27 février 1997, l’emploi d'Yvon Patenaude, du 10 juillet 1995 au 7 mars 1996 et du 17 juin au 23 octobre 1996, l’emploi de Romain Pelletier, du 10 juillet 1995 au 7 mars 1996 et du 17 juin au 23 octobre 1996, auprès de Camionneurs de Restigouche Ouest Inc., (le « payeur » ), n’étaient pas assurables au sens de la Loi sur l’assurance-chômage (maintenant la Loi sur l’assurance-emploi) (la « Loi » ), puisque pendant ces périodes les appelants et le payeur n’étaient pas liés par un contrat de louage de services au sens de l’alinéa 3(1)a) de l’ancienne Loi et 5(1)a) de la nouvelle Loi.

II- Les faits résumés

[3] L’intimé a soumis aux paragraphes 4 de ses Réponses aux avis d’appels les faits sur lesquels il a fondé ses décisions. Ces faits font partie de ce jugement tout comme si récités au long.

[4] Louis Courty, Allain Paquet, Patrice Lebel et Allain Lebel ont témoigné au soutien des appels. Il a été admis que si Claude Bellavance, Raymond Bergeron, Patrice Coulombe, Armand Duclos, Laurette Joubert, Yvon Patenaude et Romain Pelletier étaient entendus comme témoins ils témoigneraient dans le même sens que ceux qui ont témoigné.

[5] Les appelants sont tous des camionneurs. Ils étaient propriétaires de leur camion, soit individuellement ou par l’entremise d’une corporation dont ils étaient les actionnaires majoritaires ou minoritaires.

[6] Deniso Lebel Inc. ( « Groupe Lebel » ) est une compagnie qui exploite une usine de bois à Kedgwick dans la province du Nouveau-Brunswick, depuis 1991.

[7] Lorsque le Groupe Lebel, en 1991, a pris en charge l’exploitation de l’usine à Kedgwick, il ne désirait pas faire affaire avec les appelants individuellement pour le transport du bois. Le Groupe Lebel voulait négocier avec une seule entité de camionneurs. Les relations de travail ont été difficiles de 1991 jusqu’au 9 novembre 1993, lorsqu’une convention de travail a été signée entre le Groupe Lebel et le Syndicat canadien des communications de l’énergie et du papier, Local 108N, (pièce A-1).

[8] Le 28 octobre 1993, le payeur a été incorporé dans la province du Nouveau-Brunswick. Les actionnaires étaient les appelants, à l’exception d’Allain Lebel. La création du payeur permettait aux appelants d’obtenir un contrat de transport de bois avec le Groupe Lebel.

[9] Le travail des appelants par l’entremise du payeur était d’effectuer, pour le compte du Groupe Lebel, le transport du bois brut, de billots et de pulpe, à partir de sites en forêt jusqu’à l’usine située à Kedgwick.

[10] Le payeur, dans un premier temps a négocié avec le Groupe Lebel un contrat de transport de bois. Deux exemples de ce genre de contrat ont été produits à la Cour (pièces A-3 et A-4). Dans ces contrats le payeur est décrit comme contracteur. Ces contrats prévoyaient les obligations des parties.

[11] Le payeur négociait, avec le Groupe Lebel, une fois par année le prix du transport du bois entre la forêt et l’usine à Kedgwick. Le prix était déterminé selon la distance parcourue et le nombre de mètres cubes (M3) de bois livré à l’usine par les appelants (voir pièce A-3, annexe A). En plus de ce montant, à titre d’exemple, pour l’année 1995-1996 (pièce A-3), le payeur recevait 0,20 $ le mètre cube (M3) pour ses frais d’administration et les bénéfices marginaux des appelants.

[12] Les frais d’administration du payeur étaient ceux du comptable qui tenait les livres de paies, les heures des camionneurs, voyait à la distribution des argents aux appelants, préparait les états financiers et produisait les rapports d’impôts, (pièce I-1).

[13] Les bénéfices marginaux des appelants comprenaient les cotisations syndicales, celles des accidents du travail, les primes d’assurance-chômage, d’assurance maladie et de groupe, les contributions au régime d’épargne retraite ainsi qu’au régime de pension du Canada.

[14] Le payeur, dans un deuxième temps a négocié avec chaque appelant individuellement un contrat de location du camion conduit par ces derniers. Pour les fins de ce jugement, le contrat entre le payeur et l’appelant Louis Courty a été produit au dossier (pièce A-6). Ce document fait partie de ce jugement tout comme si récité au long. Ce contrat ne prévoyait aucun prix de location.

[15] En somme, le Groupe Lebel remettait au payeur tous les argents provenant des livraisons effectuées par chaque camionneur appelant. Par la suite, le payeur émettait pour chaque appelant deux chèques : l’un représentait les heures travaillées du conducteur, multipliées par le tarif horaire prévu à la convention collective (pièce A-1) et l’autre représentait la balance des argents due aux camionneurs propriétaires pour l’utilisation du camion.

[16] Les camionneurs propriétaires étaient responsables de toutes les dépenses associées à l’utilisation de leur camion, telles que l’essence, les réparations, la dépréciation, les assurances responsabilité, etc.

[17] Le payeur ne possédait aucun camion ou autre équipement pour le transport de bois.

[18] Le payeur a émis tous les relevés d’emploi des appelants.

[19] III - Le droit et l’analyse

i) Définitions de la Loi sur l'assurance-chômage

« emploi »

« emploi » Le fait d'employer ou l'état d'employé.

« emploi assurable »

« 3(1) Un emploi assurable est un emploi non compris dans les emplois exclus et qui est, selon le cas :

a) un emploi exercé au Canada pour un ou plusieurs employeurs, en vertu d'un contrat de louage de services ou d'apprentissage exprès ou tacite, écrit ou verbal, que l'employé reçoive sa rémunération de l'employeur ou d'une autre personne et que la rémunération soit calculée soit au temps ou aux pièces, soit en partie au temps et en partie aux pièces, soit de toute autre manière;

[...] »

[20] Le fardeau de la preuve incombe aux appelants.

[21] La Cour d'appel fédérale indique dans l'arrêt Sylvie Desroches et M.R.N. (A-1470-92) quel est le rôle du Juge de la Cour canadienne de l'impôt, et je cite :

« ... En dernière analyse, cependant, comme l'a affirmé notre Cour dans Le Procureur général du Canada c. Jacques Doucet, c'est la détermination du ministre qui est en cause, à savoir que l'emploi n'était pas assurable parce que la requérante et le payeur n'étaient pas liés par un contrat de louage de services. Le rôle du juge de la Cour canadienne de l'impôt s'étend à l'étude du dossier et à la preuve en son entier. Ainsi, le juge Marceau, au nom de la Cour, s'est-il exprimé ainsi dans l'affaire Doucet :

... Le juge avait le pouvoir et le devoir d'examiner toute question de fait ou de droit qu'il était nécessaire de décider pour se prononcer sur la validité de cette détermination. Ainsi le présuppose le paragraphe 70(2) de la Loi et le prévoit, dès après le paragraphe 71(1) de la Loi qui le suit...

Le premier juge pouvait aller jusqu'à décider qu'il n'y avait aucun contrat qui liait les parties. »

[22] S'il y a un doute dans l'interprétation, elle doit favoriser le contribuable et il n'y a rien qui empêche un contribuable de bénéficier d'une mesure sociale si les exigences de la Loi sont respectées. Le juge Hugessen dans l'affaire Le procureur général du Canada et Ludger Rousselle, décision du 31 octobre 1990 (124 N.R. 339) s'exprimait ainsi aux pages 340-341 :

« Ce n'est pas d'exagérer je crois, à la lumière de ces faits, que de dire que si les intimés ont exercé un emploi, il s'agissait bien d'un emploi « de convenance » dont l'unique but était de leur permettre de se qualifier pour des prestations d'assurance-chômage. Certes, ces circonstances n'empêchent pas nécessairement que les emplois soient assurables mais elles imposaient à la Cour canadienne de l'impôt l'obligation de scruter avec un soin particulier les contrats en cause; il est clair que la motivation des intimés était plutôt le désir de profiter des dispositions d'une loi de portée sociale que de participer dans le jeu normal des forces économiques du marché. » (Les soulignés sont de moi.)

[23] Est-ce qu'il s'agit d'un contrat de louage de services ou d'un contrat d'entreprise?

[24] L'honorable juge Desjardins de la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Hennick[1] s’est exprimé comme suit et je cite :

« Le critère en question est bien connu, mais il pourrait être utile au départ de mettre l'accent sur le fait que, dans son analyse de la règle comportant quatre critères énoncée par lord Wright (à savoir, le degré de contrôle, la propriété des instruments de travail, les chances de bénéfice, les risques de perte) et sur le critère de l'organisation ou de l'intégration énoncé par lord Denning, le juge MacGuigan, dans l'arrêt Wiebe Door Services Ltd., a souligné qu'il est toujours important de déterminer quelle relation globale les parties entretiennent entre elles. Il a d'abord cité au complet les remarques que lord Wright avait faites dans l'arrêt Montreal v. Montreal Locomotive Works Ltd.[2] :

[TRADUCTION] Dans les jugements antérieurs, on s'appuyait souvent sur un seul critère, comme l'existence ou l'absence de contrôle, pour décider s'il s'agissait d'un rapport de maître à préposé, la plupart du temps lorsque des questions de responsabilité délictuelle de la part du maître ou du supérieur étaient en cause. Dans les situations plus complexes de l'économie moderne, il faut souvent recourir à des critères plus compliqués. Il a été jugé plus convenable dans certains cas d'appliquer un critère qui comprendrait les quatre éléments suivants : (1) le contrôle; (2) la propriété des instruments de travail; (3) la possibilité de profit; (4) le risque de perte. Le contrôle en lui-même n'est pas toujours concluant. Ainsi, le capitaine d'un vaisseau affrété est généralement l'employé de l'armateur, bien que l'affréteur puisse diriger l'embauchage sur le navire. Encore une fois, la loi apporte souvent des limites aux droits de l'employeur de diriger la conduite de l'employé, comme le font les règlements relatifs aux syndicats ouvriers. Dans bien des cas, il faut, pour résoudre la question, examiner l'ensemble des divers éléments qui composent la relation entre les parties. Ainsi, il est dans certains cas possible de décider en posant la question « à qui appartient l'entreprise » , en d'autres mots, en demandant si la partie exploite l'entreprise, c'est-à-dire qu'elle l'exploite pour elle-même ou pour son propre compte et pas seulement pour un supérieur. »

[C'est le juge qui souligne]

[25] Puis, le juge MacGuigan a ajouté ceci[3] :

« [...] Je considère le critère de lord Wright non pas comme une règle comprenant quatre critères, comme beaucoup l'ont interprété, mais comme un seul critère qui est composé de quatre parties intégrantes et qu'il faut appliquer en insistant toujours sur ce que lord Wright a appelé ci-dessus « l'ensemble des éléments qui entraient dans le cadre des opérations » , et ce, même si je reconnais l'utilité des quatre critères subordonnés.

[...]

Il est toujours important de déterminer quelle relation globale les parties entretiennent entre elles. [...]

De toute évidence, le critère d'organisation énoncé par lord Denning et d'autres juristes donne des résultats tout à fait acceptables s'il est appliqué de la bonne manière, c'est-à-dire quand la question d'organisation ou d'intégration est envisagée du point de vue de l' « employé » et non de celui de l' « employeur » . En effet, il est toujours très facile, en examinant la question du point de vue dominant de la grande entreprise, de présumer que les activités concourantes sont organisées dans le seul but de favoriser l'activité la plus importante. Nous devons nous rappeler que c'est en tenant compte de l'entreprise de l'employé que lord Wright a posé la question « À qui appartient l'entreprise » .

[C'est le juge qui souligne]

[26] Quelle relation globale les parties ont-elles entretenue entre elles? Quel est l'ensemble des éléments qui entrait dans le cadre des opérations?

[27] Les critères qui doivent être analysés ont été réitérés par la Cour d’appel fédérale. Le juge Décary dans l’affaire Le Procureur Général du Canada v. Normand Charbonneau, décision du 20 septembre 1996, (A-831-95), s’exprimait ainsi à la page 2 en particulier :

« Les critères énoncés par cette Cour dans Wiebe Door Services Ltd. c. M.R.N.[4] , à savoir d’une part le degré de contrôle, la propriété des instruments de travail, les chances de bénéfice et les risques de perte et d’autre part l’intégration, ne sont pas les recettes d’une formule magique. Ce sont des points de repère qu’il sera généralement utiles de considérer, mais pas au point de mettre en péril l’objectif ultime de l’exercice qui est de rechercher la relation globale que les parties entretiennent entre elles. Ce qu’il s’agit, toujours, de déterminer, une fois acquise l’existence d’un véritable contrat, c’est s’il y a, entre les parties, un lien de subordination tel qu’il s’agisse d’un contrat de travail (art. 2085 du Code Civil du Québec) ou s’il n’y a pas, plutôt, un degré d’autonomie tel qu’il s’agisse d’un contrat d’entreprise ou de service (art. 2098 dudit Code). En d’autres termes, il ne faut pas, et l’image est particulièrement appropriée en l’espèce, examiner les arbres de si près qu’on perde de vue la forêt. Les parties doivent s’effacer devant le tout. »

[28] Chaque cas est un cas d'espèce. Les appelants devaient établir, selon la prépondérance de la preuve, que les décisions du Ministre étaient erronées. Les paragraphes 70(2) et 71(1) de la Loi sur l'assurance-chômage confèrent à la Cour canadienne de l'impôt des pouvoirs réparateurs étendus. Ces pouvoirs permettent à la Cour canadienne de l'impôt de régler tout litige basé sur les faits et d'infirmer, de confirmer ou de modifier le règlement de la question par le Ministre.[5]

Analyse

[29] Il faut déterminer si les appelants rendaient leurs services comme employés du payeur ou comme entrepreneurs avec le Groupe Lebel. Quatre critères doivent être analysés pour faire la distinction entre un contrat d’emploi et un contrat d’entreprise.

La possibilité de profit et le risque de perte

[30] Le payeur, selon la preuve, représentait les appelants et négociait avec le Groupe Lebel (pièces A-3 et A-4) le prix de la livraison du mètre cube de bois ainsi qu’un montant additionnel de 0,20 $ ou 0,22 $ le mètre cube pour couvrir les frais d’administration du payeur et les bénéfices marginaux des appelants. Chaque propriétaire de camions était payé selon le nombre de mètres cubes de bois livré. En réalité les appelants, par l’entremise du payeur, ont négocié avec le Groupe Lebel un contrat de transport. Les revenus étaient surtout axés sur le nombre de voyages et la quantité de mètres cubes de bois livré. Il est accepté que les appelants ont mis des heures à transporter le bois mais les revenus étaient principalement déterminés selon la quantité livrée et le nombre de voyages. S’il n’y avait pas de livraison effectuée, aucune somme n’était versée au payeur.

[31] Donc le propriétaire camionneur ne connaissait ses revenus réels qu’après la fin de la saison. De plus, les appelants n’ont reçu leur premier montant de revenu qu’après deux semaines de transport, sans rémunération; ce qui a été qualifié à l’audition comme étant « deux semaines de back time » . Le Groupe Lebel faisait parvenir au payeur les argents de la première semaine de livraison à la fin de la troisième semaine de travail. Les revenus des deux semaines de livraison étaient donc retenus par le Groupe Lebel et remis au payeur à la fin de la période de transport avec tous les ajustements convenus.

[32] Les heures des appelants étaient remises par ces derniers au payeur pour que le comptable de ceux-ci puisse préparer les deux chèques de paie. L’un des chèques représentait les heures travaillées, multipliées par le tarif horaire prévu à la convention collective. Le deuxième chèque représentait la paie pour l’utilisation du camion.

[33] La rémunération des appelants était fractionnée, ce qui démontre que les bénéfices et les pertes dans leur ensemble étaient ceux des camionneurs. Ce n’est ni le payeur ni le Groupe Lebel qui encourait pour les appelants les risques les plus dispendieux dans l’entente globale des contrats. Le profit résidait dans la rémunération globale faite aux camionneurs propriétaires au moyen des deux chèques.

Le contrôle

[34] Les besoins du Groupe Lebel étaient dictés par la nécessité d’avoir à sa disposition les camions des propriétaires et un chauffeur qualifié pour l’opérer.

[35] Les camionneurs avaient comme obligation de participer à la livraison de bois en conformité avec les clauses du contrat intervenu entre le payeur et le Groupe Lebel (pièces A-3 et A-4), mais l’opération du camion était sous le seul contrôle des chauffeurs. Il est accepté que le contremaître du Groupe Lebel indiquait les endroits d’où le bois devait être chargé et transporté. Il est accepté que le camionneur était obligé d’agir dans le meilleur intérêt du Groupe Lebel et selon la pratique et les règles de son art s’assurer que le service rendu le soit en conformité avec le contrat. Ces obligations expresses ou implicites qui découlent du contrat ne l’identifient pas comme un contrat de louage de service, mais démontrent la dépendance mutuelle des parties qui découle de l’existence même du contrat (pièces A-3 et A-4).

La propriété des instruments de travail

[36] Selon les contrats entre le payeur et les camionneurs (pièce A-6), ces derniers sont responsables de toutes les dépenses de leurs véhicules et aucun prix de location n’est fixé.

[37] Les appelants, sauf Allain Lebel, étaient tous propriétaires de leur camion soit individuellement ou par l’entremise d’une corporation, dont ils étaient les actionnaires. Allain Lebel était le seul actionnaire minoritaire. Il détenait 23% de Yellow Work Ltd./Ltée., qui était propriétaire du camion qu’il conduisait. Allain Lebel pouvait donc à la rigueur participer aux profits et pertes de cette compagnie.

[38] Le payeur ne possédait aucun camion ou autre pièce d’équipement.

L’intégration

[39] Le travail des camionneurs était intégré indirectement à l’entreprise du payeur dans le sens que l’existence du payeur a été créée dans le but de permettre aux appelants de travailler avec leurs camions, en assurant au Groupe Lebel de ne pas être obligé d’être propriétaire de camion ou d’avoir à s’occuper de l’administration des revenus des camionneurs. Le travail des camionneurs, en transportant le bois à l’usine, était directement intégré aux opérations du Groupe Lebel.

Conclusion Finale

[40] Le payeur était la personne morale qui négociait, au nom des appelants, avec le Groupe Lebel pour l’obtention et la fixation des conditions du contrat de transport de bois. Chaque appelant négociait, avec le payeur,un contrat de location de camion, sans déterminer le prix du loyer. Le Groupe Lebel remettait tous les argents en provenance du travail des camionneurs au payeur qui distribuait ces argents aux appelants. Il n’y avait pas de lien réel de subordination entre le payeur et les appelants. Les appelants n’étaient donc pas des employés du payeur, mais exécutaient un contrat de transport avec le Groupe Lebel. Toutes ces circonstances démontrent qu’il n’y avait pas de relation employeur/employé entre le payeur et les appelants.

[41] En terminant, j’ai apprécié le travail déterminé des appelants qui ont présenté leur point de vue avec sagesse, franchise, et dignité. Malheureusement, je ne peux me rendre à leurs arguments.

IV- Décision

[42] Les appels sont rejetés et les décisions du Ministre sont confirmées.

Signé à Dorval (Québec), ce 23e jour de novembre 1998.

« S. Cuddihy »

J.S.C.C.I.



[1]            A-328-94 Le Procureur Général du Canada et Gayle Hennick et Le Royal Conservatory of Music, 22 février 1995.

[2]            [1947] l D.L.R. 161 (C.P.) aux p. 169-170.

[3]            Wiebe Door Services Ltd. aux pages 562-563.

[4]            [1986] 3 C.F. 553 (C.A.F.)

[5]            P.G. du Canada c. Kaur, 167 N.R. 98

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