Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 20000215

Dossier: 98-355-IT-APP

ENTRE:

163985 CANADA INC.,

requérante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

L’honorable juge P.R. Dussault

Motifs de l’ordonnance

[1]Il s’agit d’une demande faite en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (la “ Loi ”) visant à obtenir la prorogation du délai dans lequel la requérante peut signifier au ministre du Revenu national (le “ ministre ”) des avis d’opposition à trois cotisations dont les avis portent les numéros 02911, 02912 et 02913 et sont datés du 2 février 1998.

[2]La requérante n’a pas signifié d’avis d’opposition dans le délai imparti par l’alinéa 165(1)a) de la Loi, c’est-à-dire dans les quatre-vingt-dix jours suivant la date de la mise à la poste des avis de cotisation. Au lieu de ce faire, la requérante a déposé auprès du ministre, le 2 juin 1998, une demande de prorogation du délai de signification d'avis d’opposition, et ces avis ont été déposés avec la demande.

[3]Le 3 juillet 1998, le ministre a rejeté la demande de prorogation du délai, et le 29 septembre 1998, la requérante a déposé la présente demande auprès de la Cour.

[4]La requérante se fonde essentiellement sur le sous-alinéa 166.2(5)b)(i)de la Loi. On lit ce qui suit au paragraphe 5 de la demande :

De plus, l’Appelante [sic] n’a pu agir ni charger quelqu’un d’agir en son nom car l’Appelante [sic] a, pour la première fois, eu connaissance de l’existence desdits avis de cotisation lorsque monsieur Léger, du service de perception de l’Intimée, lui a remis une photocopie desdits avis de cotisation.

[5]Au paragraphe 9 de la demande, on fait valoir qu'il incombait à l’intimée d’établir que les avis de cotisation avaient été envoyés à l’appelante.

[6] L’intimée soutient que la requérante n’a pas satisfait aux conditions énoncées aux sous-alinéas 166.2(5)b)(i), (ii) et (iii) de la Loi.

[7]L’avocat de la requérante a produit plusieurs témoins afin de démontrer que les avis de cotisation n’ont jamais été reçus en février 1998, peu après avoir été établis.

[8]Le premier témoin était M. David Stein, qui a dit être l’administrateur des affaires de la compagnie requérante et d’autres compagnies. Son épouse, Mme Sandra Stein, est l’unique actionnaire, administrateur et dirigeant de la requérante. M. Stein a témoigné qu’il est au bureau de façon quotidienne. Il dit n’avoir jamais reçu les avis de cotisation en cause, qui ont apparemment été établis le 2 février 1998. Selon lui, c’est la réceptionniste-secrétaire qui, chaque jour, va chercher le courrier dans la boîte à lettres au rez-de-chaussée de l’immeuble où se trouve le bureau de la requérante. Le courrier est alors trié et distribué encore cacheté. Toute correspondance provenant des gouvernements et des banques est remise à M. Stein personnellement, alors que le reste est distribué en fonction des responsabilités de chaque employé.

[9]Bien que M. Stein ait reconnu que la requérante avait dûment reçu des revendications en main tierce avant les avis de cotisation, il a prétendu avoir vu les avis de cotisation pour la première fois lorsque l’avocat de la requérante en a obtenu des copies de M. Pierre Léger de Revenu Canada, qui avait entrepris des mesures de recouvrement.

[10]Au cours de son contre-interrogatoire, M. Stein a dit que, bien qu’il eût souvent parlé à M. Léger au téléphone, il ne lui avait pas dit en février 1998 qu’il voulait s’opposer aux trois cotisations en litige. Son témoignage est plutôt vague quant au sujet de leurs conversations. En outre, M. Stein ne se souvenait pas d'avoir parlé à M. Léger au téléphone en mai et de lui avoir dit qu’il avait déjà envoyé une lettre concernant les cotisations de février.

[11]Mme Nina Patel était la réceptionniste au bureau de la requérante en 1998. Son témoignage tend à confirmer celui de M. Stein, car elle a dit qu’aucun avis de cotisation n’avait été reçu par le courrier en février 1998.

[12]L’avocat de la requérante a aussi produit d’autres témoins, dont Mme Sandra Stein, afin de prouver que les avis de cotisation ne sont jamais parvenus au bureau de sa cliente. Le témoignage de ces personnes n’est pas très utile car elles n’étaient pas présentes au bureau chaque jour. Cependant, si je comprends bien leur témoignage, certaines d’entre elles auraient, de façon générale, été prévenues de la réception de tels avis.

[13]M. Pierre Léger a témoigné pour l’intimée. M. Léger a personnellement établi les avis de cotisation le 2 février 1998, puisque la requérante n’avait pas répondu aux revendications en main tierce qui lui avaient été précédemment adressées. M. Léger a dit qu’en janvier 1998, il avait déjà envoyé à Mme Stein une lettre destinée à la requérante et avisant Mme Stein de son intention d’établir les cotisations en cause.

[14]M. Léger a dit que les trois avis de cotisation avaient été mis dans des enveloppes distinctes non cachetées et qu’il avait placé ces enveloppes dans la corbeille du courrier à expédier afin qu’elles soient traitées dans la salle du courrier, ce qui était la méthode habituelle. Bien qu’il n’ait pu dire qui avait en fait cacheté et mis à la poste les enveloppes, M. Léger a indiqué que les avis auraient et postés en temps utile et qu’ils n’avaient pas été retournés à Revenu Canada.

[15]Dans son témoignage, M. Léger a aussi parlé de deux conversations téléphoniques qu’il avait eues avec M. Stein. La première conversation aurait eu lieu le 13 février 1998. M. Léger a déposé qu’au cours de cette conversation, M. Stein lui avait dit qu’il allait s’opposer aux cotisations, mais n'avait pas donné de détails. M. Léger a compris que M. Stein faisait alors allusion aux avis de cotisation en date du 2 février 1998. M. Léger a reconnu que le dossier personnel de M. Stein contenait d’autres avis d’opposition mais, selon lui, il ne pouvait y avoir aucune confusion quant aux cotisations dont parlait M. Stein, en particulier parce que ces avis précédaient de peu leur conversation téléphonique.

[16]M. Léger a dit que la seconde conversation avait eu lieu le 19 mai 1998. Il a ensuite mentionné les cotisations de février 1998 et a dit que M. Stein l’avait avisé qu’il lui avait déjà adressé une lettre concernant celles-ci. M. Léger a affirmé n’avoir jamais reçu cette lettre.

[17]L’avocat de la requérante a soutenu que l’intimée avait la charge de prouver que les avis de cotisation avaient été dûment expédiés à la requérante; il a fait valoir en outre qu'il n’y avait pas suffisamment de preuves à cet égard. Il a aussi prétendu que la preuve présentée pour le compte de la requérante réfutait la présomption énoncée au paragraphe 244(14) de la Loi. L’avocat de la requérante a également souligné qu'il se pouvait bien que, au cours de sa conversation avec M. Léger le 13 février 1998, ce soit à d'autres avis de cotisation établis à son égard ou à l'égard de Mme Stein que M. Stein faisait allusion.

[18]L’avocat de l’intimée s’est appuyé sur le paragraphe 244(14) de la Loi et sur la preuve testimoniale. Il a renvoyé plus particulièrement au témoignage de M. Léger concernant ses conversations téléphoniques avec M. Stein, au cours desquelles ce dernier avait dit qu’il allait s’opposer aux cotisations ou qu’il avait déjà envoyé une lettre au sujet des cotisations de février 1998. L’avocat de l’intimée a conclu que M. Stein avait donc reçu les avis, qui avaient été postés selon la méthode habituelle.

[19]Bien que l’avocat de la requérante ait dit qu'il se pouvait que M. Stein fasse allusion, dans sa conversation avec M. Léger, à d’autres cotisations dont Mme Stein ou lui-même faisaient l’objet, il n’y a tout simplement aucune preuve de l’existence, en février ou mai 1998, d’autres cotisations impayées auxquelles M. Stein aurait pu s’opposer. De plus, M. Léger a dit explicitement qu’il parlait des avis de cotisation de février dans sa conversation du 19 mai 1998 avec M. Stein. Le témoignage de M. Léger tend à prouver non seulement que les avis de cotisation ont été dûment postés, mais aussi qu’ils ont bel et bien été reçus.

[20]Étant donné le témoignage de M. Léger, je peux certainement douter sérieusement de la véracité de la déposition de M. Stein et de celle des autres témoins de la requérante. Le fait que la conversation du 13 février 1998 a eu lieu précisément à ce moment-là renforce aussi le témoignage de M. Léger.

[21]Comme la requérante ne m’a pas convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que les avis de cotisation du 2 février 1998 n’avaient pas été reçus en temps utile, je ne peux que rejeter sa demande parce qu'elle n'a pas satisfait aux conditions énoncées aux sous-alinéas 166.2(5)b)(i) et (iii) de la Loi.

Signé à Ottawa, Canada, ce 15e jour de février 2000.

“ P.R. Dussault ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 12e jour de septembre 2000.

Erich Klein, réviseur

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