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Date: 19991210

Dossier: 98-2043-IT-G; 98-2070-IT-G

ENTRE :

LOUIS V. NANNE, STANLEY MIKITA,

appelants,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Beaubier, C.C.I.

[1] Les présents appels, interjetés sous le régime de la procédure générale, ont été entendus ensemble sur preuve commune à Toronto (Ontario) le 23 novembre 1999. Les appelants ont été les seuls témoins. Ils contestent l'impôt qui a été fixé à leur égard en vertu de l'alinéa 212(1)h) de la Loi de l'impôt sur le revenu relativement à des prestations de pension qu'ils avaient reçues en 1997 de la société de pensions de la Ligue nationale de hockey, située à Montréal.

[2] En ce qui concerne M. Nanne, l'exposé conjoint des faits et les hypothèses du paragraphe 10 de la réponse à l'avis d'appel se lisent comme suit :

[TRADUCTION]

EXPOSÉ CONJOINT DES FAITS

SOURCE DES FONDS EN CAUSE

De 1968 à 1978, l'appelant a exercé un emploi comme joueur de hockey professionnel pour les North Stars du Minnesota, une équipe de la Ligue nationale de hockey (la “ LNH ”).

2. À l'époque pertinente, le contribuable était un résident des États-Unis.

3. Au cours de la période pertinente, l'employeur (américain) du contribuable a cotisé pour le contribuable au régime de pension des clubs de la Ligue nationale de hockey (le “ régime des clubs ”). Ces cotisations ont fini par générer un surplus dans le régime.

4. Les cotisations au régime des clubs étaient détenues par la société de pensions de la Ligue nationale de hockey (la “ société de pensions ”), qui est située à Montréal (Québec), Canada, et qui était située au même endroit à l'époque pertinente.

5. La question s'est posée de savoir qui avait droit au surplus : les joueurs, y compris l'appelant, ou les clubs de la LNH. Par suite du jugement de l'honorable juge Adams de la Cour de justice de l'Ontario (Division générale) (nom que ce tribunal portait alors) en date du 21 octobre 1992, les joueurs, y compris l'appelant, ont eu droit au surplus détenu par la société de pensions.

6. En 1997, l'appelant a été en droit de recevoir des prestations de pension de 60 734,82 $ (US). Sur ces 60 734,82 $, la société de pensions a retenu 15 183,71 $ (US), soit 25 p. 100 de 60 735,82 $, conformément au paragraphe 212(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.), dans sa forme modifiée (la “ Loi ”).

7. En 1997, l'appelant a reçu de la société de pensions des prestations de pension de 60 734,82 $ (US), dont 15 183,71 $ (US) ont été remis au ministre du Revenu national comme impôt des non-résidents. À l'étape de l'opposition, la somme de 15 183,71 $ a été ramenée à une somme de 9 110,22 $, soit 15 p. 100 de 60 734,82 $.

CONTRAT-TYPE DE JOUEUR DE LA LNH

8. L'appelant a signé un marché de services personnels avec le propriétaire des North Stars du Minnesota. Il a en outre signé un contrat-type de joueur de la LNH avec Hockey Club of Minnesota Inc., pour chaque année au cours de laquelle il a exercé un emploi pour les North Stars du Minnesota comme joueur de hockey professionnel.

CALENDRIER DE LA LIGUE — DURÉE, NOMBRE TOTAL DE MATCHS ET NOMBRE DE MATCHS AU CANADA

En 1968-1969, il y avait dans la LNH 12 équipes, dont deux au Canada et 10 aux États-Unis, y compris les North Stars du Minnesota. La moitié des matchs ont été disputés au Minnesota et la moitié à l'extérieur. Comme la LNH a continué à prendre de l'expansion dans les années au cours desquelles l'appelant a joué au hockey, le nombre de matchs ainsi que la durée de la saison ont augmenté.

11. Le tableau suivant indique le nombre de matchs à domicile, le nombre de matchs à l'extérieur, le nombre total de matchs réguliers disputés par les North Stars du Minnesota, le nombre de matchs réguliers disputés au Canada ainsi que la durée de la saison régulière pour chaque année au cours de laquelle l'appelant a exercé un emploi comme joueur de hockey professionnel pour les North Stars du Minnesota.

MATCHS RÉGULIERS DE LA LNH —

NORTH STARS DU MINNESOTA

SAISON

NOMBRE D'ÉQUIPES

MATCHS À DOMICILE

MATCHS À L'EXTÉ-RIEUR

NOMBRE TOTAL DE MATCHS

MATCHS AU CANADA

NOMBRE TOTAL DE JOURS DE LA SAISON

1968-1969

12

38

38

76

6

171

1969-1970

12

38

38

76

6

177

1970-1971

14

39

39

78

9

178

1971-1972

14

39

39

78

9

178

1972-1973

16

39

39

78

7

177

1973-1974

16

39

39

78

8

180

1974-1975

18

40

40

80

6

180

1975-1976

18

40

40

80

7

181

1976-1977

18

40

40

80

7

181

1977-1978

18

40

40

80

7

180

MATCHS DE SÉRIES ÉLIMINATOIRES ET DE COUPE STANLEY

12. Après la saison régulière, les North Stars du Minnesota ont participé à des matchs de séries éliminatoires et de coupe Stanley au cours d'un certain nombre d'années pendant la carrière de l'appelant. Le tableau suivant indique le nombre de matchs à domicile, le nombre de matchs à l'extérieur, le nombre total de matchs d'après-saison, le nombre de matchs d'après-saison disputés au Canada et le nombre de jours pendant lesquels les North Stars du Minnesota ont joué en après-saison pour chaque année au cours de laquelle l'appelant a exercé un emploi pour les North Stars du Minnesota comme joueur de hockey professionnel.

MATCHS D'APRÈS-SAISON DE LA LNH — NORTH STARS DU MINNESOTA

APRÈS-SAISON

MATCHS À DOMICILE

MATCHS À L'EXTÉRIEUR

NOMBRE TOTAL DE MATCHS

MATCHS AU CANADA

NOMBRE TOTAL DE JOURS DE L'APRÈS-SAISON

1968-1969

0

0

0

0

0

1969-1970

3

3

6

0

11

1970-1971

6

6

12

3

25

1971-1972

3

3

6

0

14

1972-1973

3

3

6

0

11

1973-1974

0

0

0

0

0

1974-1975

0

0

0

0

0

1975-1976

0

0

0

0

0

1976-1977

1

1

2

0

4

1977-1978

0

0

0

0

0

******

RÉPONSE À L'AVIS D'APPEL

10. Dans la cotisation qu'il a établie à l'égard de l'appelant, le ministre s'est fondé entre autres sur les hypothèses suivantes :

a) au cours de la période allant de 1968 à 1978, l'appelant a été un joueur de hockey professionnel pour les North Stars du Minnesota, une équipe de la Ligue nationale de Hockey (la “ LNH ”);

b) la société de pensions de la Ligue nationale de hockey (la “ société de pensions ”) est située à Montréal (Québec) et était située au même endroit à l'époque pertinente;

c) par suite d'un jugement de l'honorable juge Adams de la Cour de justice de l'Ontario (Division générale) en date du 21 octobre 1992, l'appelant a été en droit de recevoir des prestations de pension supplémentaires de la société de pensions;

d) en 1997, l'appelant a été en droit de recevoir des prestations de pension de 60 734,82 $ (US);

e) la société de pensions a retenu 15 183,71 $ (US), soit 25 p. 100 de la somme payable (25 p. 100 de 60 734,82 $), conformément au paragraphe 212(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) (5e suppl.), dans sa forme modifiée (la “ Loi ”), et a remis la somme ainsi retenue au ministre du Revenu national (le “ ministre ”);

f) en 1997, l'appelant a reçu de la société de pensions des prestations de pension de 60 734,82 $ (US), dont une somme de 15 183,71 $ (US) a été retenue au titre de l'impôt des non-résidents;

g) par voie de nouvelle cotisation, dont l'avis est daté du 8 juillet 1998, le ministre a ramené de 25 p. 100 à 15 p. 100 le taux de la retenue d'impôt, conformément à l'article XVIII de la Convention fiscale de 1980 entre le Canada et les États-Unis d'Amérique, et a remboursé à l'appelant la retenue d'impôt en trop;

h) au cours de la période allant de 1968 à 1978, l'appelant a exercé un emploi comme joueur de hockey professionnel pour les North Stars du Minnesota et devait s'acquitter des fonctions de son emploi à la fois aux États-Unis et au Canada;

i) dans le cadre de son contrat de travail, l'appelant a, au Canada, participé à des matchs réguliers de la LNH, ainsi qu'à des séances d'entraînement et à des matchs de séries éliminatoires;

j) au cours de la période allant de 1968 à 1978, l'appelant a occupé un emploi au Canada; on ne peut dire qu'il “ n'y a occupé un emploi qu'occasionnellement ” au sens du sous-alinéa 212(1)h)(vi) de la Loi;

Toutes les hypothèses sont exactes, sauf l'hypothèse de l'alinéa 10j) qui est en litige.

[3] Pour ce qui est de M. Mikita, l'exposé conjoint des faits et les hypothèses du paragraphe 14 de la réponse à l'avis d'appel se lisent comme suit :

[TRADUCTION]

EXPOSÉ CONJOINT DES FAITS

SOURCE DES FONDS EN CAUSE

1. De 1958 à 1980, l'appelant a exercé un emploi comme joueur de hockey professionnel pour les Black Hawks de Chicago, une équipe de la Ligue nationale de hockey (la “ LNH ”).

2. À l'époque pertinente, le contribuable était un résident des États-Unis.

3. Au cours de la période pertinente, l'employeur (américain) du contribuable a cotisé pour le contribuable au régime de pension des clubs de la Ligue nationale de hockey (le “ régime des clubs ”). Ces cotisations ont fini par générer dans le régime un surplus qui a dû servir à accorder des prestations supplémentaires au contribuable.

4. Les cotisations au régime des clubs étaient détenues par la société de pensions de la Ligue nationale de hockey (la “ société de pensions ”), qui est située à Montréal (Québec), Canada, et qui était située au même endroit à l'époque pertinente.

5. La question s'est posée de savoir qui avait droit au surplus : les joueurs, y compris l'appelant, ou les clubs de la LNH. Par suite du jugement de l'honorable juge Adams de la Cour de justice de l'Ontario (Division générale) (nom que ce tribunal portait alors) en date du 21 octobre 1992, les joueurs, y compris l'appelant, ont eu droit au surplus détenu par la société de pensions.

6. En 1997, l'appelant a été en droit de recevoir des prestations de pension de 128 462,87 $ (US). Sur ces 128 462,87 $, la société de pensions a retenu 32 115,72 $ (US), soit 25 p. 100 de 128 462,87 $, conformément au paragraphe 212(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.), dans sa forme modifiée (la “ Loi ”).

7. En 1997, l'appelant a reçu de la société de pensions des prestations de pension de 128 462,87 $ (US), dont 32 115,72 $ (US) ont été remis au ministre du Revenu national comme impôt des non-résidents. À l'étape de l'opposition, la somme de 32 115,72 $ a été ramenée à une somme de 19 269,43 $, soit 15 p. 100 de 128 462,87 $.

CONTRAT-TYPE DE JOUEUR DE LA LNH

8. L'appelant a signé un contrat-type de joueur de la LNH avec le club de hockey des Black Hawks de Chicago pour chaque année au cours de laquelle il a exercé un emploi pour les Black Hawks de Chicago comme joueur de hockey professionnel.

CALENDRIER DE LA LIGUE — DURÉE, NOMBRE TOTAL DE MATCHS ET NOMBRE DE MATCHS AU CANADA

8. En 1959-1960, il y avait dans la LNH seulement deux clubs canadiens et quatre clubs américains. La moitié des matchs inscrits au calendrier de la ligue ont été disputés à Chicago, et la moitié à l'extérieur. À partir de 1967, comme la LNH a pris de l'expansion dans les années au cours desquelles l'appelant a joué au hockey, le nombre de matchs ainsi que la durée de la saison ont augmenté.

9. Le tableau suivant indique le nombre de matchs à domicile, le nombre de matchs à l'extérieur, le nombre total de matchs réguliers disputés par les Black Hawks de Chicago, le nombre de matchs réguliers disputés au Canada ainsi que la durée de la saison régulière pour chaque année au cours de laquelle l'appelant a fourni des services aux Black Hawks de Chicago comme joueur de hockey professionnel.

MATCHS RÉGULIERS DE LA LNH —

BLACK HAWKS DE CHICAGO

SAISON

NOMBRE D'ÉQUIPES

MATCHS À DOMICILE

MATCHS À L'EXTÉ-RIEUR

NOMBRE TOTAL DE MATCHS

MATCHS AU CANADA

NOMBRE TOTAL DE JOURS DE LA SAISON

1958-1959

6

35

35

70

14

165

1959-1960

6

35

35

70

14

164

1960-1961

6

35

35

70

14

165

1961-1962

6

35

35

70

14

169

1962-1963

6

35

35

70

14

169

1963-1964

6

35

35

70

14

168

1964-1965

6

35

35

70

14

169

1965-1966

6

35

35

70

14

165

1966-1967

6

35

35

70

14

165

1967-1968

12

37

37

74

10

171

1968-1969

12

38

38

76

8

171

1969-1970

12

38

38

76

8

177

1970-1971

14

38

38

78

8

178

1971-1972

14

38

38

78

9

178

1972-1973

16

38

38

78

8

177

1973-1974

16

38

38

78

7

180

1974-1975

18

40

40

80

7

180

1975-1976

18

40

40

80

7

181

1976-1977

18

40

40

80

7

181

1977-1978

18

40

40

80

7

180

1978-1979

17

40

40

80

7

179

1979-1980

21

40

40

80

12

179

10. Les Black Hawks de Chicago ont disputé de nombreux matchs de séries éliminatoires et de coupe Stanley durant la carrière de l'appelant. Le tableau suivant indique le nombre de matchs à domicile, le nombre de matchs à l'extérieur, le nombre total de matchs d'après-saison, le nombre de matchs disputés au Canada et le nombre de jours entre la fin de la saison régulière et la conclusion des matchs d'après-saison des Black Hawks pour chaque année au cours de laquelle l'appelant a exercé un emploi pour les Black Hawks de Chicago comme joueur de hockey professionnel.

MATCHS D'APRÈS-SAISON DE LA LNH —

BLACK HAWKS DE CHICAGO

APRÈS-SAISON

MATCHS À DOMICILE

MATCHS À L'EXTÉ-

RIEUR

NOMBRE TOTAL DE MATCHS

MATCHS AU CANADA

NOMBRE TOTAL DE JOURS DE L'APRÈS-SAISON

1958-1959

3

3

6

3

11

1959-1960

2

2

4

2

11

1960-1961

6

6

12

3

28

1961-1962

6

6

12

6

28

1962-1963

3

3

6

0

14

1963-1964

4

3

7

0

18

1964-1965

6

8

14

4

34

1965-1966

3

3

6

0

16

1966-1967

3

3

6

3

16

1967-1968

5

6

11

3

28

1968-1969

0

0

0

0

0

1969-1970

4

4

8

0

21

1970-1971

10

8

18

4

44

1971-1972

4

4

8

0

21

1972-1973

9

7

16

3

39

1973-1974

6

5

11

0

23

1974-1975

3

5

8

0

16

1975-1976

2

2

4

2

14

1976-1977

1

1

2

0

4

1977-1978

2

2

4

0

14

1978-1979

2

2

4

0

14

1979-1980

2

2

4

0

14

******

RÉPONSE À L'AVIS D'APPEL

14. Dans la cotisation qu'il a établie à l'égard de l'appelant, le ministre s'est fondé entre autres sur les hypothèses suivantes :

a) au cours de la période allant de 1958 à 1980, l'appelant a été un joueur de hockey professionnel pour les Black Hawks de Chicago, une équipe de la Ligue nationale de hockey (la “ LNH ”);

b) la société de pensions de la Ligue nationale de hockey (la “ société de pensions ”) est située à Montréal (Québec) et était située au même endroit à l'époque pertinente;

c) par suite d'un jugement de l'honorable juge Adams de la Cour de justice de l'Ontario (Division générale) en date du 21 octobre 1992, l'appelant est devenu en droit de recevoir des prestations de pension supplémentaires de la société de pensions;

d) en 1997, l'appelant a été en droit de recevoir des prestations de pension de 128 462,87 $ (US);

e) la société de pensions a retenu 32 115,72 $ (US), soit 25 p. 100 de la somme payable (25 p. 100 de 128 462,87 $), conformément au paragraphe 212(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) (5e suppl.), dans sa forme modifiée (la “ Loi ”), et a remis la somme ainsi retenue au ministre du Revenu national (le “ ministre ”);

f) en 1997, l'appelant a reçu de la société de pensions des prestations de pension de 128 462,87 $ (US), dont 32 115,72 $ (US) ont été retenus au titre de l'impôt des non-résidents;

g) par voie de nouvelle cotisation, dont l'avis est daté du 8 juillet 1998, le ministre a ramené de 25 p. 100 à 15 p. 100 le taux de la retenue d'impôt, conformément à l'article XVIII de la Convention fiscale de 1980 entre le Canada et les États-Unis d'Amérique, et a remboursé à l'appelant la retenue d'impôt en trop;

h) au cours de la période allant de 1958 à 1980, l'appelant a exercé un emploi comme joueur de hockey professionnel pour les Black Hawks de Chicago et devait s'acquitter des fonctions de son emploi à la fois aux États-Unis et au Canada;

i) dans le cadre de son contrat de travail, l'appelant a, au Canada, participé à des matchs réguliers de la LNH, ainsi qu'à des camps d'entraînement et à des matchs de séries éliminatoires et de coupe Stanley;

j) au cours de la période allant de 1958 à 1980, l'appelant a occupé un emploi au Canada; on ne peut dire qu'il “ n'y a occupé un emploi qu'occasionnellement ” au sens du sous-alinéa 212(1)h)(vi) de la Loi;

Toutes les hypothèses sont exactes, sauf l'hypothèse de l'alinéa 10j) qui est en litige.

[4] L'alinéa 212(1)h) de la partie XIII, qui influe sur les retenues d'impôt en question, se lit comme suit :

PARTIE XIII

Impôt sur le revenu de personnes non-résidentes

provenant du Canada

212(1) Toute personne non-résidente doit payer un impôt sur le revenu de 25 % sur toute somme qu'une personne résidant au Canada lui paie ou porte à son crédit, ou est réputée en vertu de la partie I lui payer ou porter à son crédit, au titre ou en paiement intégral ou partiel :

[...]

h) d'un paiement d'une prestation de retraite ou de pension [...]

excepté la partie éventuelle du paiement qu'il est raisonnable de considérer comme imputable aux services rendus par la personne à qui ou à l'égard de qui le paiement est fait, au cours des années d'imposition :

(v) d'une part, où elle n'a, à aucun moment, résidé au Canada,

(vi) d'autre part, tout au long desquelles elle n'a occupé aucun emploi au Canada ou n'y a occupé un emploi qu'occasionnellement;

(Le soulignement est de moi.)

Les appelants n'étaient pas résidents du Canada. Il s'agit donc de savoir si les prestations de pension des appelants sont des prestations imputables aux services qu'ils ont rendus au cours des années d'imposition tout au long desquelles ils n'ont occupé un emploi qu'occasionnellement au Canada.

[5] Bien que les appelants aient été employés par des sociétés des États-Unis et payés aux États-Unis, le droit veut que, lorsqu'ils travaillaient au Canada dans le cadre des fonctions de leur emploi, ils aient été employés au Canada. Cette question n'a pas été débattue ou contestée devant la Cour.

[6] L'argumentation a tourné autour de la question du sens à attribuer aux termes selon lesquels la personne n'a occupé un emploi “ qu'occasionnellement ”, soit, dans la version anglaise, “ only occasionally ”, c'est-à-dire seulement occasionnellement.

[7] Le bulletin d'interprétation IT-76R2, qui traite de l'alinéa 212(1)h), indique au paragraphe 2 :

2. Lorsque des prestations de pension sont versées après 1979 à l'égard d'une personne qui n'a pas été employée au Canada (ou a été employée au Canada seulement occasionnellement) ni n'a résidé au Canada pendant toute une année civile en particulier, la partie de ces prestations qui peut raisonnablement être attribuée aux services rendus dans une telle année civile est exempte de l'impôt sur les non-résidents. Pour les paiements faits en 1979 et dans les années antérieures, cette exemption s'appliquait seulement si les paiements pouvaient raisonnablement être attribués aux services rendus dans une année où la personne ne résidait ni n'était employée au Canada. Selon l'interprétation du Ministère, l'expression “a été employée au Canada seulement occasionnellement” signifie que, pendant une année d'imposition donnée, le lieu de travail habituel du contribuable était à l'extérieur du Canada et que les fonctions que le contribuable devait remplir au Canada dans le cadre de son emploi se limitaient à quelques brèves visites.

Donc, Revenu Canada insiste sur la question du temps, ce qu'étaye le libellé du sous-alinéa (vi), qui traite d'“ années d'imposition [...] tout au long desquelles elle [la personne]

[-] n'a occupé aucun emploi au Canada

[-] ou n'y a occupé un emploi qu'occasionnellement ”.

Au lieu des termes “ tout au long desquelles ”, les termes “ dans lesquelles ” auraient pu être employés par le rédacteur. Les termes “ dans lesquelles ” ne soulèvent aucun concept de mesure du temps, contrairement aux termes “ tout au long desquelles ”.

[8] C'est pour cela et en raison du paragraphe 2 du bulletin d'interprétation IT-76R2, qui dit “ les fonctions que le contribuable devait remplir au Canada [...] se limitaient à quelques brèves visites ”, que la Cour conclut que les termes “ n'y a occupé un emploi qu'occasionnellement ” renvoient à la fréquence à laquelle chaque appelant a travaillé au Canada et non à une question de prévisibilité ou de régularité. De plus, comme l'avocat des appelants l'a fait remarquer, la plupart des visites au Canada d'employés non résidents étaient des visites prévisibles ou déterminées. En fait, des visites “ régulières ” pouvaient avoir lieu une fois par année.

[9] Le mot anglais “ occasionally ” est un adverbe. Il est défini comme suit dans l'Oxford English Dictionary :

[TRADUCTION]

1. Par chance, fortuitement, accidentellement.

2. À ou pour une occasion particulière ou en vue d'une telle occasion; à certaines occasions; lorsque l'occasion se présente.

3. De temps à autre, par moments, parfois.

Le mot anglais “ only ” est utilisé comme adverbe conjonctif. Il est défini comme suit dans l'Oxford English Dictionary :

[TRADUCTION]

1. Sans rien d'autre que ce qui est mentionné; sert à introduire une restriction, une atténuation ou une exception (en soulignant l'existence d'une seule chose à ajouter, à préciser); mais; d'autre part, au contraire.

2. Sauf. Uniquement pour, sauf pour, mais pour, si ce n'est pour.

Ainsi, le sous-alinéa (vi) pourrait être abrégé et paraphrasé comme suit :

(vi) tout au long desquelles elle n'a occupé aucun emploi au Canada, sauf par moments.

[10] Les tableaux cités traitent de matchs. Les deux appelants ont toutefois décrit beaucoup plus en détail l'emploi du temps d'un joueur de la LNH. Une excellente façon de résumer leurs descriptions est de citer les propos suivants tenus par la Cour d'appel américaine du deuxième circuit dans l'affaire Peter Stemkowski v. Commissioner of Inland Revenue, 82 2 U.S.T.C. 85,122, à la page 85,123 :

[TRADUCTION]

Pour un joueur de la LNH, l'année se divise en quatre périodes : 1) le camp d'entraînement — y compris les matchs de démonstration, qui commence en septembre et dure environ 30 jours; 2) le “ championnat de la ligue ” ou la saison régulière, qui commence en octobre et dure jusqu'en avril; 3) les éliminatoires, qui se terminent en mai; 4) la morte-saison, qui va de la fin de la saison régulière pour les clubs ne participant pas aux éliminatoires ou du dernier match de séries éliminatoires disputé par un club jusqu'au premier jour du camp d'entraînement suivant.

De plus, leurs contrats spécifient que les joueurs doivent se présenter au camp d'entraînement en bonne forme et, dans les dernières années de chaque appelant, les entraîneurs fixaient un poids à maintenir pour jouer. Les appelants devaient donc faire de l'exercice et rester en bonne forme durant la morte-saison. C'est ce qu'ils faisaient tous les deux. M. Nanne a dit qu'il ne dérogeait à son régime de conditionnement qu'environ 10 jours par année et que, après s'être retiré de la LNH, il n'a plus jamais fait de course à pied. Je crois totalement les deux appelants. Ils ont été honnêtes et francs dans l'ensemble de leur témoignage. M. Mikita a décrit un régime de conditionnement semblable à celui de M. Nanne. Chacun de leurs contrats contenait en outre des clauses en matière de “ promotion ” et de bonne conduite auxquelles ils adhéraient. Se fondant là-dessus, la Cour conclut que les appelants s'acquittaient des fonctions de leur emploi respectif toute l'année, sauf pendant une brève période de congé d'une durée de moins d'un mois dans chaque cas.

[11] Le nombre de jours de matchs disputés au Canada selon les exposés conjoints des faits qui ont été déposés est le nombre de jours de matchs disputés par chaque équipe. M. Mikita n'a pris part qu'à trois matchs au cours de sa première saison, et aucun de ces matchs n'a eu lieu au Canada. Au cours de sa dernière saison, il était continuellement blessé et n'a participé qu'à environ 20 matchs.

[12] En saison, les deux appelants jouaient au hockey ou faisaient de l'exercice sept jours sur sept, suivant les instructions de leurs entraîneurs. Ils faisaient en outre des apparitions personnelles, conformément aux instructions. Ainsi, compte tenu de jours de congé occasionnels durant la morte-saison, ils s'acquittaient tous deux des fonctions de leur emploi environ 300 jours sur 365 lorsqu'ils étaient sous contrat pour une saison complète. Donc, chaque tableau surévalue le nombre de “ matchs au Canada ” auxquels chaque appelant a participé, et ce nombre devrait être calculé par rapport au nombre total d'environ 300 jours par année pendant lesquels les appelants s'acquittaient des fonctions de leur emploi. De plus, même l'estimation de 300 jours par année est faible quand on considère que M. Nanne et M. Mikita “ appartenaient ” aux équipes de la LNH dont ils faisaient partie et que ces dernières pouvaient les “ échanger ” n'importe quand. Compte tenu de ce facteur, selon toute autre norme d'emploi, ces hommes étaient employés par leurs équipes 365 jours sur 365, période durant laquelle ils “ appartenaient ” à leurs équipes.

[13] Comme les matchs à l'extérieur étaient organisés de sorte que les équipes arrivaient à leurs destinations canadiennes le soir précédant les matchs et qu'elles repartaient généralement tout de suite après leurs matchs au Canada, les appelants restaient rarement plus de 24 heures au Canada quand ils y jouaient. Quand ils passaient la nuit au Canada après un match, le temps total au Canada pour un match demeurait inférieur à 36 heures. Ainsi, M. Nanne a participé à un maximum de 12 matchs au Canada au cours de la saison 1970-1971 et est resté environ 24 heures au Canada pour chaque match en saison. Ses matchs de séries éliminatoires ont eu lieu à Montréal, ce qui peut signifier qu'il a passé une deuxième nuit à Montréal, soit en tout 36 heures pour chaque match de séries éliminatoires. Le nombre maximum de matchs auxquels M. Mikita peut avoir participé au Canada a été de 20 en 1961-1962, période au cours de laquelle il a pris part à six matchs d'après-saison au Canada. Ses heures au Canada par match ont été les mêmes que dans le cas de M. Nanne. Elles faisaient partie des 300 jours de travail par année. Les deux hommes ont admis franchement au cours du contre-interrogatoire que leurs saisons régulières étaient organisées à l'avance. Pour chaque saison, ils savaient toujours quand et où l'équipe jouerait et ils venaient régulièrement au Canada pour prendre part aux matchs inscrits à leurs calendriers. Il est à noter qu'une “ saison ” ne représente pas une année d'imposition.

[14] Par comparaison, l'équipe de M. Nanne a disputé un minimum de six matchs réguliers au Canada au cours des deux premières saisons de M. Nanne. L'équipe de M. Mikita a disputé un minimum de sept matchs réguliers au Canada de 1973 à 1979 inclusivement. De 1976 à 1980 inclusivement, les appelants n'ont participé à aucun match de séries éliminatoires au Canada. Ainsi, leurs équipes ont passé respectivement environ six et sept jours au Canada au cours de chacune des saisons de ces années-là. Assurément, ces nombres de jours par rapport au nombre de jours de la saison ou au nombre de jours de travail sont très peu élevés et représentent une période “ occasionnelle ”. Donc, au cours de ces saisons-là, les appelants n'ont occupé un emploi au Canada qu'occasionnellement.

[15] Les éliminatoires diffèrent des matchs inscrits au calendrier régulier. Même pour des joueurs comme les appelants, qui ont eu comme sportifs professionnels une carrière exceptionnellement longue, la participation aux séries éliminatoires est une chance. La participation aux éliminatoires dépend des entraîneurs et des autres joueurs, ainsi que de l'absence de blessures graves et des succès ou échecs d'autres équipes. Les appelants ont parfois pris part aux séries éliminatoires, mais parfois non, malgré leurs plans, leurs capacités et leur dur labeur. Au cours de la carrière de M. Nanne, son équipe n'a participé qu'à trois matchs de séries éliminatoires au Canada (en 1971). L'équipe de M. Mikita a participé à des matchs de séries éliminatoires au Canada au cours de 10 des 20 années de M. Mikita dans la LNH.

[16]L'alinéa 212(1)h) traite d'une prestation de pension imputable aux services rendus au cours des années d'imposition (au pluriel) où la personne n'a résidé au Canada à aucun moment (sous-alinéa (v)) et tout au long desquelles elle n'a occupé un emploi au Canada qu'occasionnellement (sous-alinéa (vi)). Donc, le ratio doit être basé sur le nombre total d'années d'imposition au cours desquelles les services des appelants ont été rendus et non sur chaque année considérée séparément. Il en est ainsi parce que la pension est basée sur le nombre total d'années de service. Il s'agit alors de savoir si, pour ces années-là considérées dans leur ensemble, chaque appelant n'a occupé un emploi au Canada qu'occasionnellement.

[17] M. Mikita a exercé un emploi pour les Black Hawks de Chicago pendant 22 ans (exposé conjoint des faits, par. 1). Il a rendu des services à l'équipe 300 jours par année, soit au total 6 600 jours. L'équipe a disputé 264 matchs au Canada au cours de ces saisons. M. Mikita a participé à moins de 264 matchs au Canada au cours de ces années d'imposition. Ce chiffre peut toutefois être considéré comme le nombre de jours pendant lesquels M. Mikita a occupé un emploi au Canada, soit 4 p. 100 de son nombre total de jours de travail pour les Black Hawks de Chicago.

[18] M. Nanne a exercé un emploi pour les North Stars du Minnesota pendant 10 ans (exposé conjoint des faits, par. 1). Il a rendu des services à l'équipe 300 jours par année, soit au total 3 000 jours. L'équipe a disputé 65 matchs au Canada au cours de ces saisons. M. Nanne n'a pas témoigné que des blessures l'avaient empêché de prendre part à certains de ces matchs au cours de ces années d'imposition. On peut donc estimer que, dans ces années d'imposition, il a occupé un emploi au Canada pendant 62 jours, plus 3 fois 1 ½ jour, c'est-à-dire en tout 66 ½ jours. Cela représente juste un peu plus de 2 p. 100 de son nombre total de jours de travail pour les North Stars du Minnesota.

[19] Les chiffres indiqués sont approximatifs, car les appelants ne se souviennent pas des matchs auxquels ils ont ou non pris part au Canada durant leur carrière. Au bout du compte, la situation se résume à ce qui suit :

1) au cours de ses 10 années dans la LNH, M. Nanne a occupé un emploi au Canada 6,6 jours par année en moyenne;

2) au cours de ses 22 années dans la LNH, M. Mikita a occupé un emploi au Canada 12 jours par année en moyenne.

De plus, cela a eu lieu sporadiquement et, pour ce qui est des séries éliminatoires, par chance.

[20] Ces nombres de jours par année, soit simplement une période de temps à autre, représentent un emploi occasionnel.

[21] Les appels sont admis et les cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation en conséquence.

[22] Les avocats des parties avaient demandé à traiter des dépens une fois prononcés les motifs du jugement. Le greffier veillera à ce que soit tenue, dans les 30 jours suivant la date des présents motifs, une conférence téléphonique au cours de laquelle les parties présenteront leurs arguments relatifs aux dépens.

Signé à Vancouver (Colombie-Britannique), ce 10e jour de décembre 1999.

“ D. W. Beaubier ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 5e jour de septembre 2000.

Isabelle Chénard, réviseure

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