Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date: 19980602

Dossier: 97-1922-IT-I

ENTRE :

CONRAD PEECK,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Lamarre Proulx, C.C.I.

[1] Les appels en l'instance ont été interjetés sous le régime de la procédure informelle. Ils portent sur les années d'imposition 1994 et 1995.

[2] La question en litige est celle de savoir si, en application de l'alinéa 118(1)b) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la “ Loi ”), l'appelant a droit à un crédit d'impôt relativement à une personne entièrement à charge, sa fille aînée, alors qu'il a également droit à une déduction en vertu de l'alinéa 60b) de la Loi relativement à la pension alimentaire versée à son ancienne épouse pour subvenir aux besoins de ses enfants.

[3] Les faits que le ministre du Revenu national (le “ ministre ”) a pris en considération pour établir les nouvelles cotisations sont décrits aux paragraphes 2 et 4 de la réponse à l'avis d'appel dans les termes suivants :

[TRADUCTION]

Dans le calcul de son revenu pour les années d'imposition 1994 et 1995, l'appelant a déduit, notamment, un montant de 5 380 $ à titre d'équivalent du montant pour conjoint relativement à sa fille, Valerie, dans le calcul de ses crédits d'impôt non remboursables.

[...]

4. Pour ainsi établir de nouvelles cotisations à l'égard de l'appelant, le ministre s'est fondé sur les hypothèses de fait suivantes :

l'appelant et Mme Michele Williams (ci-après appelée l'“ ancienne épouse ”) ont divorcé le 22 octobre 1992;

trois enfants sont nés du mariage de l'appelant et de l'ancienne épouse : Valerie Peeck, le 10 juillet 1984, Stephanie Peeck, le 16 novembre 1986, et Jason Peeck, le 11 mai 1988;

conformément au consentement à jugement, l'appelant devait payer une pension alimentaire à son ancienne épouse pour subvenir aux besoins des trois enfants;

l'appelant a déduit les montants de 11 083 $ et de 10 850 $ respectivement pour les années d'imposition 1994 et 1995 au titre de la pension alimentaire payée;

en conséquence, le ministre a refusé à l'appelant la déduction du montant de 5 380 $ à titre d'équivalent du montant pour conjoint relativement à sa fille, Valerie, pour les années d'imposition 1994 et 1995, conformément à l'alinéa 118(1)b) de la Loi de l'impôt sur le revenu (ci-après appelée la “ Loi ”).

[4] Les faits ne sont pas contestés.

[5] L'appelant a déposé sous la cote A-1 le jugement de divorce rendu le 22 octobre 1992. Au paragraphe 3 du jugement, il est précisé que les parties assument la garde conjointe des enfants. Les paragraphes 5 et 6 du jugement sont libellés dans les termes suivants :

[TRADUCTION]

À compter du 26 octobre 1992, le requérant versera à l'intimée une pension alimentaire de deux cent dix (210 $) dollars par semaine, payable à l'avance chaque vendredi à la résidence de l'intimée. Cette pension alimentaire sera modifiée lorsque l'intimée gagnera plus que 256 $ par semaine.

Il est entendu que la pension alimentaire en question doit englober toutes les dépenses se rapportant aux enfants, à savoir, sans limiter la portée générale de ce qui précède, la nourriture, les vêtements, les médicaments et services de santé, les activités du programme scolaire et les activités parascolaires, comme les activités sportives et le matériel sportif nécessaire à cet égard, les activités scolaires et les sorties et vacances;

[6] L'appelant a convenu que la pension alimentaire versée à son ancienne épouse était destinée à subvenir aux besoins des enfants.

Analyse

[7] L'alinéa 118(1)b) et le paragraphe 118(5) de la Loi sont libellés dans les termes suivants :

118(1) Le produit de la multiplication du total des montants visés aux alinéas a) à d) par le taux de base pour l'année est déductible dans le calcul de l'impôt payable par un particulier en vertu de la présente partie pour une année d'imposition :

a)Crédit de personne mariée — [...]

Crédit équivalent pour personne entièrement à charge — le total de 6 000 $ et du montant calculé selon la formule suivante :

5 000 $ - (D - 500 $)

où :

D représente le plus élevé de 500 $ et du revenu d'une personne à charge pour l'année,

si le particulier n'a pas droit à la déduction prévue à l'alinéa a) et si, à un moment de l'année :

d'une part, il n'est pas marié ou, s'il l'est, ne vit pas avec son conjoint ni ne subvient aux besoins de celui-ci, pas plus que son conjoint ne subvient à ses besoins,

d'autre part, il tient, seul ou avec une ou plusieurs autres personnes, et habite un établissement domestique autonome où il subvient réellement aux besoins d'une personne qui, à ce moment, remplit les conditions suivantes :

elle réside au Canada, sauf s'il s'agit d'un enfant du particulier;

elle est entièrement à la charge soit du particulier, soit du particulier et d'une ou plusieurs de ces autres personnes,

elle est liée au particulier,

sauf s'il s'agit du père, de la mère, du grand-père ou de la grand-mère du particulier, elle est soit âgée de moins de 18 ans, soit à charge en raison d'une infirmité mentale ou physique;

118(5) Pension alimentaire. Dans le cas où un particulier a droit à une déduction prévue à l'alinéa 60b), c) ou c.1) dans le calcul de son revenu pour une année d'imposition au titre d'un paiement effectué pour subvenir aux besoins de son conjoint ou de son enfant, le conjoint ou l'enfant sont réputés, pour l'application du présent article — sauf pour l'application de la définition de “ revenu de pension admissible ” au paragraphe (7) —, ne pas être le conjoint ou l'enfant du particulier.

[8] L'avocat de l'intimée a fait valoir que la fiction légale créée par le paragraphe 118(5) de la Loi, c'est-à-dire que les enfants de l'appelant ne sont pas ses enfants parce qu'il a le droit de déduire la pension alimentaire qu'il verse pour ses enfants, a pour effet d'empêcher l'appelant de tirer profit du crédit d'impôt prévu à l'alinéa 118(1)b) de la Loi. À cet égard, il a mentionné la décision rendue par la Cour dans l'affaire L. Gifford v. M.N.R., [1991] 2 C.T.C. 2254, où le juge est arrivé à la même conclusion.

[9] L'appelant a déclaré qu'il était moins avantageux pour lui d'avoir le droit de déduire la pension alimentaire payée que d'avoir le droit de demander le crédit d'impôt au titre de l'équivalent du montant pour personne mariée et le crédit d'impôt pour les personnes à charge. Il a demandé à la Cour, si elle arrive à la conclusion qu'elle n'a d'autre choix que de rejeter son appel, de faire preuve d'indulgence en ce qui concerne les deux années d'imposition en cause.

[10] Je ne souhaite pas faire de remarque sur les avantages économiques comparés des différents crédits d'impôt et de la déduction permise des paiements de pension alimentaire. Je laisserai cette tâche aux économistes ou aux fonctionnaires du ministère des Finances. La Cour a l'obligation d'interpréter le droit tel qu'il est. Quant à la possibilité de faire preuve d'indulgence, rien dans la Loi ne confère à la Cour le pouvoir discrétionnaire de faire en sorte qu'aucune cotisation ne soit établie à l'égard d'un contribuable conformément à la Loi. Il faut dire ici, cependant, que la Loi accorde au paragraphe 220(3.1) un certain pouvoir discrétionnaire concernant les pénalités ou les intérêts. Toutefois, ce pouvoir discrétionnaire est conféré au ministre, à qui la demande doit être faite.

[11] En conclusion, il est clairement ressorti de la preuve qu'une pension alimentaire a été payée à l'ancienne épouse de l'appelant pour subvenir aux besoins des enfants de l'appelant. Par conséquent, l'appelant avait droit à une déduction conformément à l'alinéa 60 b) de la Loi, de sorte que, conformément au paragraphe 118(5) de la Loi, les enfants de l'appelant sont réputés ne pas être les enfants de ce dernier aux fins de l'article 118 de la Loi. En conséquence, l'appelant n'a pas droit au crédit d'impôt prévu à l'alinéa 118(1)b) de la Loi.

[12] Les appels sont rejetés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour de juin 1998.

“ Louise Lamarre Proulx ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.