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Date: 19991122

Dossier: 1999-2127-EI

ENTRE :

CONSTANCE MARIE CALVERT,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Motifs du jugement

Le juge suppléant Cain, c.c.i.

[1] Constance Marie Calvert, ci-après appelée l'“ appelante ”, a interjeté appel à l'encontre d'une décision du ministre du Revenu national, ci-après appelé l'“ intimé ”, selon laquelle elle n'avait pas exercé un emploi assurable au sens de la Loi sur l'assurance-emploi, ci-après appelée la “ Loi ”, lorsqu'elle travaillait pour Belshaw Construction Ltd., ci-après appelée la “ société ”, au cours de la période allant du 28 août 1997 au 28 août 1998.

FAITS

[2] L'appelante et l'intimé s'entendent quant aux faits suivants concernant la période en cause.

[3] La société est un entrepreneur de construction commerciale et industrielle.

[4] Mark Ian Johnson, ci-après appelé “ M. Johnson ”, est le seul actionnaire de la société, contrôle les activités quotidiennes de l'entreprise exploitée par la société, prend toutes les décisions d'affaires relatives à l'entreprise et est le seul signataire autorisé pour ce qui est des comptes bancaires et prêts liés à l'entreprise.

[5] M. Johnson n'est pas le mari de l'appelante, mais vit en union libre avec elle. Deux enfants sont issus de cette union.

[6] L'appelante avait été embauchée par la société comme réceptionniste / aide-comptable en vertu d'un contrat verbal.

[7] Les tâches de l'appelante consistaient à mettre sur pied un bureau informatisé, à faire fonction de réceptionniste, à traiter le courrier d'arrivée et de départ, à assurer la liaison avec le comptable de la société, à s'occuper des dossiers de la société et à effectuer les opérations bancaires pour la société.

[8] L'établissement de la société était à l'origine au domicile de M. Johnson, à Bradford (Ontario), mais a par la suite été transféré dans un immeuble industriel, à New Market (Ontario), et l'appelante a exercé ses fonctions aux deux endroits.

[9] L'appelante avait été embauchée pour travailler cinq jours par semaine, soit du lundi au vendredi, de 8 heures à 17 heures.

[10] L'appelante touchait une rémunération de 600 $ par semaine.

[11] L'appelante avait un salaire annuel de 31 200 $ pour ses services, tandis que pour la même période M. Johnson ne prenait que 250 $ hebdomadairement plus une gratification annuelle de 12 000 $, soit au total 20 400 $ par année.

[12] L'appelante exploitait une entreprise appelée “ Mary Folklorist ”, dont elle était copropriétaire avec M. Johnson.

[13] La société fournissait gratuitement à l'appelante tout le matériel de bureau.

[14] La société employait trois personnes, dont l'appelante et M. Johnson.

[15] L'appelante et M. Johnson sont des personnes liées au sens de l'article 251 de la Loi de l'impôt sur le revenu du fait de l'application du paragraphe 252(4) de ladite loi.

[16] Pour rendre sa décision, l'intimé s'est fondé en outre sur les faits suivants, que l'appelante nie :

– l'appelante travaillait du lundi au vendredi, de 8 heures à 17 heures;

– les heures de travail de l'appelante étaient déterminées par M. Johnson;

– les heures de travail de l'appelante n'étaient pas enregistrées;

– la société fournissait à l'appelante un véhicule de la société et un téléphone cellulaire;

– le travail d'aide-comptable était minime, car il y avait seulement un autre travailleur, et les ventes diminuaient;

– l'emploi de l'appelante durant la période pertinente avait pour objet de la rendre admissible à des prestations d'assurance-emploi et ne se fondait pas sur des considérations ou besoins d'entreprise;

– l'appelante avait un lien de dépendance avec la société;

– il n'était pas raisonnable de conclure, compte tenu de toutes les circonstances susmentionnées, que la société et l'appelante auraient conclu entre elles un contrat de travail à peu près semblable si elles n'avaient pas eu de lien de dépendance.

PREUVE PRÉSENTÉE PAR L'APPELANTE

[17] L'appelante a témoigné qu'avant d'obtenir un baccalauréat ès arts avec spécialisation en théâtre (University of Windsor) au début des années 1990, elle avait été réceptionniste / aide-comptable. Ses fonctions consistaient notamment à effectuer pour son employeur de la dactylographie ainsi que des travaux dans le domaine des finances d'entreprise, dont elle a appris les principes de base par des cours et par une formation en cours d'emploi. Elle était ensuite devenue chef de bureau pour une entreprise de verrerie de New Market (Ontario), où ses fonctions étaient semblables à celles qu'elle a remplies pour la société.

[18] Après avoir obtenu son diplôme, elle avait établi une entreprise d'art des marionnettes appelée “ Mary Folklorist ”, dans le but général de divertir des groupes d'enfants et dans le but particulier de conclure des contrats avec des conseils scolaires pour contribuer à l'enseignement par l'utilisation de marionnettes. Elle avait eu du succès au début, mais avait fini par être tributaire de contrats scolaires. L'entreprise s'est révélée viable jusqu'aux récentes compressions des budgets scolaires en Ontario, et le dernier contrat a été exécuté à l'automne 1998. Ce contrat était semblable à d'autres contrats que l'appelante avait eus en ce sens que le conseil scolaire en question lui avait versé 8 000 $, dont 6 500 $ avaient servi, d'une part, à payer un instructeur qualifié, retenu à contrat pour fournir le service, et, d'autre part, à payer les frais. Comme il y avait un seul employé en 1998, soit l'instructeur qualifié, la supervision était minime; elle était exercée à partir du domicile, habituellement par téléphone. Bien que M. Johnson ait été un associé dans cette entreprise, aucun élément de preuve n'a été produit pour établir quand l'appelante et M. Johnson ont commencé à cohabiter ou quand M. Johnson est devenu associé.

[19] Pendant qu'elle exploitait l'entreprise, l'appelante était devenue directrice administrative de l'Ontario Puppetry Association. Dans le cadre de son travail, elle devait notamment recevoir les appels téléphoniques, faire fonction de gestionnaire de site pour toutes les expositions organisées par l'association, communiquer avec le conseil de l'éducation concernant les avantages des marionnettes en salle de classe et, de façon générale, promouvoir les idéaux et objectifs de l'association. Il s'agissait d'un emploi à temps partiel, l'appelante étant payée lorsqu'elle travaillait activement pour l'association. Entre 1992 et 1995, elle a reçu entre 15 000 $ et 20 000 $ par année.

[20] L'appelante n'a pas encore divorcé de son mari, mais elle a maintenant deux enfants issus de son union avec M. Johnson. Lorsque l'appelante est entrée dans cette union, il était entendu que M. Johnson assurerait un toit à l'appelante et à ses enfants et que l'appelante paierait ses propres dépenses personnelles ainsi que tous les frais d'épicerie. Lorsque l'entreprise de marionnettes a commencé à péricliter, en 1997, l'appelante a entrepris de chercher un emploi. À peu près à la même époque, la société a pris un grand essor qui s'est traduit par un chiffre d'affaires de plus de 1 700 000 $. Avec ses connaissances et son expérience en éducation, l'appelante cherchait un emploi qui lui rapporterait un revenu suffisant pour qu'elle demeure indépendante dans sa relation avec M. Johnson. S'étant enquise auprès de diverses entreprises établies, elle avait conclu que, pour une personne ayant les compétences qu'elle avait, le taux courant était de 30 000 $ par année. Donc, lorsque M. Johnson lui avait demandé de travailler pour la société, elle avait fixé à ce niveau le salaire minimum qu'elle accepterait.

[21] L'appelante avait été embauchée par la société à un salaire hebdomadaire de 600 $ pour une semaine de travail de cinq jours, soit de 8 heures à 17 heures quotidiennement. Des registres de la société produits en preuve (pièce A-1) indiquent que telles étaient les heures travaillées. Il n'y avait aucune supervision sur place, car il s'agissait essentiellement d'une entreprise unipersonnelle ayant deux employés, et M. Johnson estimait qu'une telle supervision n'était pas nécessaire dans le cas de l'appelante puisqu'ils vivaient ensemble maritalement et que l'appelante avait autant intérêt que lui à ce que la fonction de réceptionniste/aide-comptable soit remplie, de manière à assurer le fonctionnement efficace de l'entreprise. En outre, l'appelante et M. Johnson ont tous deux témoigné que l'appelante travaillait de nombreuses heures supplémentaires, indépendamment de l'entente conclue relativement au salaire hebdomadaire. M. Johnson quittait les chantiers de construction et arrivait au bureau tard en après-midi avec du travail à faire faire, et l'appelante accomplissait ce travail.

[22] Une des tâches de l'appelante pour laquelle elle avait une formation particulière consistait à convertir le système comptable manuel de la société en un système informatisé. Le comptable de la société, un certain R. Gordon Oliver, avait été chargé par la société de surveiller cette conversion et, dans une lettre en date du 7 décembre 1998 adressée à un dénommé J. Moras de Revenu Canada (pièce A-2), le comptable disait :

[TRADUCTION]

Je tiens à vous informer que j'ai initialement été chargé par Belshaw Construction d'aider la société à passer d'un système comptable manuel à un système informatisé. À cet égard, j'ai travaillé en collaboration très étroite avec Constance, qui avait tenu et géré tous les registres de la compagnie, y compris les documents comptables établis manuellement, et qui avait commencé à utiliser un logiciel pour inscrire les opérations de l'entreprise.

À l'époque où je travaillais avec Constance à l'achèvement de la conversion du système comptable, je n'avais pratiquement aucun contact avec M. Johnson. Je travaillais exclusivement avec Constance et n'aurais pu achever la conversion sans les connaissances personnelles que Constance avait de l'entreprise et des opérations de celle-ci. Si je n'avais pratiquement aucun contact avec M. Johnson, c'est que ce dernier était rarement au bureau durant les heures “ normales ” d'ouverture, car il supervisait et coordonnait l'exécution de travaux sur les divers chantiers de construction.

En résumé, j'estime qu'il aurait été impossible à la société d'exploiter son entreprise sans personnel de soutien administratif et comptable à temps plein. Je dirais en outre qu'il aurait été beaucoup plus coûteux de retenir mes services aux fins de la conversion du système comptable si la société n'avait pu compter sur Constance et sur ses connaissances personnelles et si elle avait dû puiser dans le réservoir de main-d'oeuvre local pour embaucher un comptable qui ferait partie de son personnel.

[...]

Pendant le temps que j'ai travaillé avec Constance aux bureaux de Belshaw Construction, il est devenu clair que Constance devait et pouvait assurer le soutien administratif et comptable dont la compagnie avait besoin. Le salaire que Constance recevait pour fournir ces services était manifestement très raisonnable dans les circonstances. En fait, comme je l'ai mentionné, il est presque impossible de trouver réunies chez un seul employé des compétences comptables et des compétences administratives. Si Belshaw n'avait pu compter sur Constance, je pense qu'il lui aurait fallu deux employés permanents à temps partiel, travaillant chacun 20 heures et plus par semaine, pour assurer le soutien dont cette société avait besoin au cours de la période en question.

[23] De plus, l'appelante a dû restaurer le système comptable de l'entreprise lorsque l'unité de disque dur de l'ordinateur de la société s'est détraquée à un moment donné pendant que l'appelante était employée par celle-ci.

[24] Dans son témoignage, M. Johnson a fait l'historique de la société et a parlé des travaux que la société faisait à l'époque en cause.

[25] La société avait été constituée en 1988, mais était restée inactive jusqu'en 1995. Dans l'intervalle, M. Johnson s'était associé à un dénommé Kamo et avait presque exclusivement travaillé dans le cadre de l'expansion en Ontario d'une compagnie de location de linge qui exerçait ses activités à l'échelle nationale.

[26] En 1995, M. Kamo a décidé de prendre sa retraite, et M. Johnson a réactivé sa société et s'est chargé du travail devant être accompli pour la compagnie de location de linge. En 1996, M. Johnson a fait pour presque 600 000 $ de travaux et, en 1997, la compagnie de location de linge ayant entreprise plusieurs expansions, il a obtenu 1 700 000 $ de contrats de construction. C'est à cette époque qu'il a déménagé le bureau de la société de son domicile pour l'installer dans des locaux loués dans un parc industriel, et qu'il a commencé à chercher une personne qualifiée comme chef de bureau et comptable. Son entreprise était en plein essor, et il avait besoin de plus d'aide.

[27] M. Johnson admet que l'appelante utilisait un véhicule de la société pour aller au bureau, quand le bureau était situé hors du domicile, et qu'elle utilisait ce véhicule pour des affaires de la société durant les heures de travail. Le téléphone cellulaire utilisé par l'appelante avait été fourni gratuitement par l'entreprise de téléphonie quand la société en avait retenu les services; il ne représentait donc pas de frais pour la société.

[28] La société avait été extrêmement occupée en 1997, mais, en janvier 1998, les contrats en cours étaient sur le point de se terminer. Au cours de l'automne 1997 et de l'hiver 1998, la société a continué à soumissionner des travaux, mais la concurrence était devenue très forte, et M. Johnson n'est pas parvenu à obtenir de nouveaux contrats d'importance. Il a entrepris de petits travaux de rénovation pour couvrir la paye et, au cours de la période de janvier à août 1998, les ventes ont chuté, passant à 40 000 $.

[29] À la fin de février 1998, M. Johnson a de nouveau établi le bureau de la société chez lui pour réaliser des économies, mais il hésitait à laisser aller l'appelante, au cas où il réussirait à obtenir de nouveaux contrats.

DÉCISION

[30] Dans l'affaire Attorney General of Canada (requérant) v. Jencan Ltd. (intimée) (24 juin 1997, 215 N.R. 352), la Cour d'appel fédérale a énoncé les critères en fonction desquels la Cour canadienne de l'impôt doit exercer sa compétence en se penchant sur des règlements de questions faits par le ministre dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire que lui confère le sous-alinéa 3(2)c)(ii) de la Loi sur l'assurance-chômage (maintenant l'alinéa 5(3)b) de la Loi sur l'assurance-emploi). Ces critères peuvent être résumés comme suit.

[31] En exerçant sa compétence, la Cour doit faire preuve d'un degré élevé de retenue judiciaire dans l'examen du règlement de la question qu'a fait le ministre. Bien que la Cour ait le pouvoir de trancher des questions de droit et de fait, sa compétence est circonscrite.

[32] Quoique la procédure soit désignée par le terme “ appel ”, en réalité elle s'apparente le plus à un contrôle judiciaire, la Cour devant déterminer non pas si le règlement du ministre était bien fondé, mais plutôt s'il résultait d'un exercice approprié du pouvoir discrétionnaire du ministre.

[33] L'omission de tenir compte de toutes les circonstances pertinentes, comme l'exige la Loi sur l'assurance-emploi, ou la prise en considération de faits non pertinents représenterait un exercice inapproprié de ce pouvoir discrétionnaire.

[34] La Cour n'a pas le droit de substituer sa propre décision à celle du ministre du simple fait qu'elle serait arrivée à une conclusion différente sur la foi des faits sur lesquels le ministre s'était fondé. Toutefois, comme la partie appelante n'est pas dans le secret de la décision du ministre et a la charge de prouver le bien-fondé de sa cause, elle a le droit de présenter de nouveaux éléments de preuve pour contester les hypothèses de fait invoquées par le ministre. Si, après avoir examiné l'ensemble de la preuve, la Cour conclut que les faits sur lesquels le ministre s'était appuyé sont insuffisants en droit pour étayer le règlement fait par le ministre, la Cour est fondée à scruter ce règlement et, si elle le juge juridiquement défectueux, elle est fondée à intervenir.

[35] Une hypothèse de fait réfutée au procès ne représente pas nécessairement un défaut rendant le règlement du ministre contraire à la loi. Tout dépend de la force ou de la faiblesse du reste de la preuve. La Cour doit franchir une autre étape et se demander si, sans l'hypothèse de fait qui a été réfutée, il y a suffisamment d'éléments de preuve pour étayer le règlement du ministre.

[36] En l'espèce, les compétences de l'appelante n'ont pas été mises en question par l'intimé et, vu les témoignages de l'appelante et de M. Johnson et vu la preuve contenue dans la lettre du comptable de la société, la Cour a la ferme conviction qu'un salaire de 600 $ par semaine était raisonnable pour les services fournis par l'appelante. Les témoignages en question n'ont pas été l'objet d'un contre-interrogatoire, et la Cour est convaincue que la rétribution correspondait à ce qu'on pourrait appeler le taux du marché.

[37] L'avocate de l'intimé soutenait que je devrais considérer comme suspect le fait que les heures de travail de l'appelante n'aient pas été consignées de façon précise et que l'appelante n'ait pas été supervisée. Au vu de la preuve je suis convaincu que le taux de rétribution convenu était de 600 $ par semaine et que les relevés d'emploi confirmaient que l'appelante travaillait effectivement au moins 40 heures par semaine.

[38] L'avocate faisait valoir en outre que l'appelante n'était pas supervisée. Il s'agissait d'une petite société ayant deux employés principaux, soit M. Johnson et l'appelante, plus un ouvrier qui assistait M. Johnson sur les divers chantiers. L'appelante était la compagne de M. Johnson et non une étrangère. Elle était quelqu'un en qui M. Johnson avait confiance et, selon la Cour, il ressort clairement de la preuve que cette confiance était justifiée.

[39] À l'appui de son règlement, l'intimé affirmait que la société fournissait à l'appelante les instruments de travail, soit le matériel de bureau. La Cour conclut que cet argument n'est pas pertinent, car le fait de fournir les instruments de travail est une pratique courante dans le cadre d'un contrat de louage de services, et l'appelante travaillait pour la société en vertu d'un contrat de louage de services.

[40] L'entreprise de la société n'était pas grosse. Elle a toutefois eu un volume d'affaires important en 1997, avec 1 700 000 $ de ventes, comparativement au très faible niveau d'activité en 1998, année pour laquelle la société n'avait pu réaliser que 40 000 $ de ventes avant août. Les contrats de 1997 étaient essentiellement achevés en janvier 1998. Il est clair que les activités de la société en août 1997 justifiaient l'embauchage d'une personne ayant les compétences de l'appelante, compte tenu notamment du travail particulier que la société avait pour un tel employé et des compétences de l'appelante par rapport à ce travail.

[41] Le fait que M. Johnson ne prenait qu'environ 20 000 $ comme salaire durant la période en cause, tandis que l'appelante touchait environ 10 000 $ de plus, est un facteur que l'intimé semble avoir considéré comme accablant. M. Johnson a témoigné que ce salaire était tout ce dont il avait besoin durant cette période, et ce témoignage n'a pas été contesté.

[42] Il est clair que, durant janvier et février 1998, la société soumissionnait activement en vue d'obtenir du travail qui, s'il avait été obtenu, aurait donné lieu à une continuation de l'activité de 1997. Toutefois, aucun nouveau contrat n'a été obtenu.

[43] La société a décidé à la fin de février de transférer son bureau chez M. Johnson, à Bradford (Ontario), et la Cour est convaincue qu'une personne ayant les compétences de l'appelante n'était plus nécessaire après le 15 mars 1998 et que, à partir de cette date, l'emploi de l'appelante n'aurait plus rempli les conditions requises pour qu'une relation sans lien de dépendance soit réputée exister en vertu de l'alinéa 5(3)b) de la Loi. La Cour fixe la date du 15 mars 1998, compte tenu du fait que, jusqu'à la fin de février, la société cherchait activement des contrats et qu'il aurait été inapproprié de licencier du personnel tant qu'il n'était pas évident que la société ne maintiendrait pas son niveau d'activité de 1997.

[44] Dans sa décision, l'intimé a déterminé que la période du 28 août 1997 au 28 août 1998 n'était pas une période d'emploi assurable pour l'appelante. Cependant, se fondant sur la preuve qui a été présentée, la Cour est convaincue que durant une partie de la période d'emploi en cause, soit du 28 août 1997 au 15 mars 1998, il y avait un emploi assurable. Compte tenu de l'ensemble de la preuve, la Cour conclut que les hypothèses de fait sur lesquelles l'intimé à fondé son règlement sont insuffisantes en droit pour ce qui est de la période du 28 août 1997 au 15 mars 1998. L'hypothèse de l'intimé voulant qu'il n'y ait pas eu de considérations ou besoins d'entreprise à la base de l'embauchage de l'appelante et que celle-ci n'ait été embauchée qu'en vue de lui permettre de devenir admissible à des prestations d'assurance-emploi, n'est pas étayée par la preuve, et la Cour estime que cette hypothèse était le fondement du règlement de l'intimé. C'étaient l'informatisation du système comptable de la société et l'embauchage d'un chef de bureau compétent dans une période de grand essor de la société qui constuaient les considérations et besoins d'entreprise. Sans preuve à l'appui de l'hypothèse fondamentale de l'intimé, les autres hypothèses ne sont pas suffisantes pour étayer sa décision. La Cour est fondée à intervenir et, comme l'a dit la Cour d'appel fédérale, à exercer le pouvoir discrétionnaire conféré par l'alinéa 5(3)b).

[45] L'appelante était une personne devenue membre de la population active en ce sens qu'elle n'avait pas exercé un emploi assurable durant l'année précédant son embauchage. C'est ce qui se dégage de la preuve présentée par l'appelante, et aucune preuve contraire n'a été produite par l'intimé.

[46] Les alinéas 7(3)a) et b) et 7(4)a) de la Loi sur l'assurance-emploi se lisent comme suit :

(3) L'assuré qui est une personne qui devient ou redevient membre de la population active remplit les conditions requises si, à la fois :

a) il y a eu arrêt de la rémunération provenant de son emploi;

b) il a, au cours de sa période de référence, exercé un emploi assurable pendant au moins neuf cent dix heures.

(4) La personne qui devient ou redevient membre de la population active est celle qui, au cours de la période de cinquante-deux semaines qui précède le début de sa période de référence, a cumulé, selon le cas :

a) moins de quatre cent quatre-vingt-dix heures d'emploi assurable;

[...]

[47] Il y a eu arrêt de la rémunération provenant de l'emploi de l'appelante chez la société le 28 août 1998.

[48] Les paragraphes 14(1) et (2) du Règlement sur l'assurance-emploi se lisent comme suit :

14. (1) Sous réserve des paragraphes (2) à (7), un arrêt de rémunération se produit lorsque, après une période d'emploi, l'assuré est licencié ou cesse d'être au service de son employeur et se trouve à ne pas travailler pour cet employeur durant une période d'au moins sept jours consécutifs à l'égard de laquelle aucune rémunération provenant de cet emploi, autre que celle visée au paragraphe 36(13), ne lui est payable ni attribuée.

(2) Un arrêt de la rémunération provenant d'un emploi se produit au début de la semaine où l'assuré subit une réduction de rémunération représentant plus de 40 pour cent de sa rémunération hebdomadaire normale, du fait qu'il cesse d'exercer cet emploi pour l'une ou l'autre des raisons suivantes : maladie, blessure, mise en quarantaine, grossesse ou soins à donner à un ou plusieurs enfants visés au paragraphe 23(1) de la Loi.

[...]

[49] La preuve laisse la Cour dans l'incertitude quant à savoir lequel des deux paragraphes précités s'applique à l'appelante, mais les deux pourraient s'appliquer peut-être. Quoi qu'il en soit, il ressort de la preuve que l'appelante a cessé de travailler pour cause de grossesse le 28 août 1998 ou après et qu'il y a eu une réduction de rémunération comme l'exige le paragraphe (2).

[50] Il est à noter que l'“ arrêt ” visé dans les deux paragraphes en question se rapporte à la “ rémunération provenant d'un emploi ” et non d'un emploi assurable. L'appelante a été employée par la société du 28 août 1997 au 28 août 1998. La Cour conclut que durant une partie de cette période l'appelante exerçait un “ emploi assuré ”. Du 28 août 1997 au 15 mars 1998 inclusivement, l'appelante aurait travaillé 28 semaines à raison de 40 heures par semaine, soit au total 1 120 heures, ce qui est bien supérieur aux 910 heures requises par l'article 7 précité.

En conséquence, conformément au paragraphe 103(1) de la Loi, la Cour modifie la décision de l'intimé en concluant que l'appelante a exercé un emploi assurable pour Belshaw Construction Ltd. du 28 août 1997 au 15 mars 1998 inclusivement.

Signé à Rothesay (Nouveau-Brunswick) ce 22e jour de novembre 1999.

“ Murray F. Cain ”

J.S.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 25e jour d'août 2000.

Erich Klein, réviseur

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