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Date: 19980925

Dossier: 98-279-UI

ENTRE :

ANNETTE VIGNEAU,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

LINDA VIGNEAU,

intervenante.

Motifs du jugement

Le juge Tardif, C.C.I.

[1] Il s'agit de l'appel d'une détermination en date du 8 janvier 1998. La décision informait alors l'appelante que l'emploi effectué au cours des périodes du 13 mai au 3 août 1996 et du 26 mai au 30 août 1997 pour le compte et bénéfice de sa fille “Linda Vigneau” n'était pas un emploi assurable à cause du lien de dépendance qui existait entre-elles.

[2] L'appelante et la payeuse ont reconnu comme étant exact le contenu des sous-paragraphes 5a) à h) et j); elles ont nié le contenu des sous-paragraphes i), k) et l).

a) le payeur est la fille de l'appelante;

b) les fonctions de l'appelante consistaient à garder les deux enfants du payeur (âgés de 8 et 12 ans en 1997) chez le payeur, faire le ménage, le lavage, la vaisselle et préparer les dîners et soupers;

c) elle travaillait du lundi au vendredi, de 8 h à 17 h;

d) elle recevait un salaire de 200 $ brut par semaine;

e) le payeur travaillait à l'usine de transformation de poissons;

f) le payeur recevait un salaire de 297 $ net par semaine;

g) le conjoint du payeur avait aussi un emploi de jour;

h) le payeur a travaillé durant 20 semaines tandis que l'appelante n'a été prétendument engagée que durant 14 semaines;

i) lorsque questionné par l'agent de Développement des ressources humaines Canada, le payeur a expliqué qu'elle avait engagé l'appelante que 14 semaines parce qu'elle n'avait plus les moyens financiers;

j) l'appelante était payée par chèque;

k) le payeur n'a rémunéré l'appelante que durant 8 semaines plutôt que les 14 semaines prétendues;

l) après la période en litige, l'appelante a continué de rendre des services au payeur sans rémunération.

[3] Il s'agit encore ici d'un dossier où ce Tribunal a une juridiction s'apparentant à celle du contrôle judiciaire.

[4] L'exercice discrétionnaire a-t-il été réalisé de façon correcte et objective? Y a-t-il eu abus ou erreurs graves lors de l'exercice du processus discrétionnaire?

[5] Je crois que l'intimé a effectivement bâclé son enquête croyant que son pouvoir considérable la mettait à l'abri de toute intervention. En effet, je crois que l'intimé a tiré des conclusions guidées essentiellement par l'intuition plutôt que commandées et soutenues par les faits.

[6] Le responsable du dossier avait l'obligation de vérifier sérieusement et objectivement toute l'information pertinente fournie par l'appelante. Le fait d'avoir allégué ce qui suit :

Le payeur n'a rémunéré l'appelante que durant 8 semaines plutôt que les 14 semaines prétendues.

illustre très bien à quel point le responsable du dossier de l'appelante n'a pas déployé un minimum d'efforts pour lui accorder une enquête complète et objective à laquelle elle avait pleinement droit.

[7] Pourtant l'appelante avait fourni les chèques de paie correspondant à la totalité de la période travaillée. Le fait de ne pas avoir tenu compte des copies de chèques confirmés par les relevés bancaires que l'appelante lui avaient transmis, constitue un manquement grave qui a biaisé totalement le processus. Cette négligeance l'a incité à tirer des conclusions ne découlant aucunement des faits pourtant disponibles.

[8] Conséquemment, le Tribunal est d'avis que l'intimé n'a pas utilisé son pouvoir discrétionnaire adéquatement; bien plus, je suis d'avis que l'exercice discrétionnaire a été entaché de fautes lourdes et graves en dénaturant certains faits stratégiques et en ignorant des éléments fondamentaux.

[9] La façon cavalière dont le dossier fut traité me justifie d'intervenir et d'évaluer l'ensemble de la preuve sous l'angle d'un procès de novo.

[10] Les témoignages ont été honnêtes, vraisemblables et inattaquables. Il ressort de la preuve que l'appelante a bel et bien exécuté une prestation de travail pour le compte et bénéfice de sa fille. La rémunération convenue entre les parties était juste, raisonnable et appropriée. Je crois que toutes les composantes nécessaires pour l'existence d'un contrat de louage de services étaient présentes.

[11] La preuve a peut-être soulevé certaines interrogations quant à la pertinence de la durée des périodes d'emploi. D'autre part, l'appelante a aussi reconnu qu'elle collaborait avec sa fille en surveillant à l'occasion ses enfants en dehors des périodes de travail.

[12] Ces éléments sont-ils suffisants pour disqualifier le contrat de louage de services? Je ne le crois pas; en effet en dehors des périodes en litige, l'appelante ne s'occupait pas de la maison de la payeuse, elle n'y préparait aucun repas et n'y faisait pas le ménage. D'autre part, je ne crois pas que l'on puisse opposer le fait qu'elle recevait à dîner à l'occasion à sa maison ses deux petits enfants; il m'apparaît important de rappeler que les résidences de l'appelante et de sa fille se situaient dans le même voisinage immédiat.

[13] Certes, il eut été préférable que la coupure dans les services ait été plus tranchée; certes il eut été préférable également que le début et la fin des périodes en litige soient mieux expliqués et justifiés.

[14] Je ne crois cependant pas que ces griefs soient à ce point déterminants qu'il faille rejeter l'appel. Une véritable prestation de travail a été exécutée, une rétribution juste et raisonnable a été versée, le tout accompli dans un encadrement où le payeur disposait du pouvoir de contrôler la qualité du travail exécuté.

[15] En dehors des périodes en litige, l'appelante a pu nourrir chez elle ou surveiller de sa maison ses petits enfants sans pour autant disqualifier la nature du contrat de travail exécuté à d'autres moments d'autant plus que le travail n'était pas identique.

[16] Je ne crois pas que le législateur ait voulu affecter de quelque façon que ce soit la beauté et l'importance des relations entre les grands-parents et leurs petits enfants par l'ajout de l'alinéa 3(2)c) des dispositions de la Loi.

[17] Certes, il pourrait y avoir des abus, des arrangements fictifs ou même des fraudes entre ces mêmes personnes; cela ne ressort aucunement de la preuve constituée par l'intimé qui a conclu d'une façon trop intuitive et trop rapide. Le Tribunal s'en remet à la preuve dont l'appelante avait le fardeau. Cette preuve a démontré qu'un véritable contrat de louage de services avait eu lieu. Cela ressort clairement de la vraisemblance des témoignages qui ont seuls constitué la preuve, l'intimé ayant choisi de ne pas faire intervenir de témoins.

[18] Pour ces motifs l'appel est accueilli et l'emploi occupé par l'appelante au cours des deux périodes en litige constitue un contrat de louage de services au sens de la Loi.

Signé à Ottawa, Canada ce 25e jour de septembre 1998.

“ Alain Tardif ”

J.C.C.I.

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