Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 19980609

Dossier: 97-120-UI

ENTRE :

JOHANNE COUTURE,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

172899 CANADA INC.,

intervenante.

Motifs du jugement

Le juge suppléant Porter, C.C.I.

[1] Cet appel a été entendu à Winnipeg, Manitoba, le 20 mars 1998. L'intervenante n'était pas représentée et, en conséquence, n'a pas participé à l'audition de l'appel.

[2] L'appelante interjette appel de la décision du ministre du Revenu national (le « Ministre » ), du 28 octobre 1996, selon laquelle son emploi exercé au cours de la période en litige, soit du 23 mars 1995 au 23 mars 1996, auprès de 172899 Canada Inc., exploitant sous le nom de Résidence Catherine Aurélie, le payeur, était exclu des emplois assurables au sens de l'alinéa 3(2)c) de la Loi sur l'assurance-chômage (la « Loi » ), au motif qu'il existait un lien de dépendance entre elle et le payeur. En outre, selon le Ministre, il n'était pas raisonnable de conclure que l'appelante et le payeur auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable s'ils n'avaient pas eu un lien de dépendance.

[3] Il est clair que l'appelante, en tout temps pertinent, vivait avec Serge Bibeau en union conjugale et que ce dernier était le seul actionnaire du payeur. Ainsi, selon l'article 3 de la Loi et le paragraphe 251(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, des personnes liées sont réputées avoir entre elles un lien de dépendance. La question que la Cour doit résoudre est, dans un premier temps, de déterminer si le Ministre a agi d'une manière appropriée dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire que lui confère le sous-alinéa 3(2)c)(ii) de la Loi.

[4] L'appelante doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, que le Ministre a exercé sa discrétion d'une façon inappropriée en décidant, compte tenu de toutes les circonstances, qu'elle et le payeur n'auraient pas conclu un contrat de travail à peu près semblable s'il n'y avait pas eu de lien de dépendance entre eux.

[5] L'article 3 de la Loi se lit en partie comme suit :

« 3(1) Un emploi assurable est un emploi non compris dans les emplois exclus et ...

(2) Les emplois exclus sont les suivants :

[...]

c) sous réserve de l'alinéa d), tout emploi lorsque l'employeur et l'employé ont entre eux un lien de dépendance, pour l'application du présent alinéa :

(i) la question de savoir si des personnes ont entre elles un lien de dépendance étant déterminée en conformité avec la Loi de l'impôt sur le revenu,

(ii) l'employeur et l'employé, lorsqu'ils sont des personnes liées entre elles, au sens de cette loi, étant réputés ne pas avoir de lien de dépendance si le ministre du Revenu national est convaincu qu'il est raisonnable de conclure, compte tenu de toutes les circonstances, notamment la rétribution versée, les modalités d'emploi ainsi que la durée, la nature et l'importance du travail accompli, qu'ils auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable s'ils n'avaient pas eu un lien de dépendance;

[...] »

[6] Les principes légaux qui gouvernent le pouvoir de révision d'une décision prise dans l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire statutaire (tel que celui conféré au Ministre par l'alinéa 3(2)c) de la Loi) ont été repris dans l'affaire Sa Majesté la Reine c. Bayside Drive-In Ltd. et al. (A-626-96), alors que le juge en chef de la Cour d'appel fédérale s'exprimait ainsi à la page 8 :

« Les motifs précis qui justifient l'intervention de la Cour relativement à l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire prévu par la loi, y compris le pouvoir discrétionnaire conféré au ministre par le sous-alinéa 3(2)c)(ii) de la Loi, sont bien connus. Le juge de la Cour de l'impôt n'était justifié d'intervenir dans la décision prise par le ministre en vertu du sous-alinéa 3(2)c)(ii) que s'il était convaincu que le ministre avait commis une ou plusieurs des erreurs suivantes pouvant donner lieu à examen : (i) le ministre a agi de mauvaise foi ou en s'appuyant sur un objectif ou un motif inapproprié; (ii) le ministre n'a pas tenu compte de toutes les circonstances pertinentes, comme il est expressément tenu de le faire aux termes du sous-alinéa 3(2)c)(ii); ou (iii) le ministre a tenu compte d'un facteur non pertinent. Ce n'est que si le ministre a commis une ou plusieurs de ces trois erreurs susceptibles de contrôle que l'on peut dire qu'il a exercé son pouvoir discrétionnaire d'une façon contraire à la loi, et donc, que le juge de la Cour de l'impôt serait justifié de faire sa propre évaluation de la prépondérance des probabilités quant à savoir si les intimés auraient conclu un contrat de travail à peu près semblable s'il n'y avait pas eu entre eux de lien de dépendance. »

[7] En rendant sa décision, le Ministre s'est fondé sur les faits suivants énoncés au paragraphe 4 de la Réponse à l'avis d'appel :

« (a) le payeur est incorporé en tout temps pertinent au litige;

(b) le payeur opère un complexe d'appartements pour personnes âgées qui opère sous le nom de Résidence Catherine Aurélie;

(c) en tout temps pertinent au litige, Serge Bibeau était le seul actionnaire du payeur;

(d) en tout temps pertinent au litige, Serge Bibeau vit avec l'appelante en union conjugale;

(e) l'appelante était engagée par le payeur comme teneur de livres auprès de l'entreprise;

(f) l'appelante et le payeur sont des personnes liées au sens de la Loi de l'impôt sur le revenu;

(g) l'appelante et le payeur ont entre eux un lien de dépendance;

(h) l'appelante rendait des services pour le payeur à certains temps pour aucune rémunération;

(i) l'appelante n'a reçu presqu'aucune rémunération au courant de l'année 1994 et le montant qu'elle a reçu à la fin de l'année était fondé sur ce que le payeur était en mesure de lui remettre et non sur le montant que l'appelante avait effectivement gagné;

(j) le salaire de l'appelante a été prêté au payeur et aucun registre des montants qui ont été remboursés à l'appelante n'a été maintenu;

(k) en 1995 l'appelante n'a reçu aucune rémunération pendant le mois de janvier jusqu'au mois d'août alors qu'elle a reçu une augmentation de salaire de 1 000,00 $ à toutes les deux semaines à 1 490,00 $ à toutes les deux semaines;

(l) compte tenu de toutes les circonstances, notamment la rétribution versée, les modalités d'emploi ainsi que la durée, la nature et l'importance du travail accompli, il n'est pas raisonnable de conclure que l'appelante et le payeur auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable s'ils n'avaient pas eu un lien de dépendance. »

[8] Il n'y a rien dans la preuve présentée qui démontre que le Ministre a commis une telle erreur. À mon avis, il n'y a aucune suggestion de mauvaise foi. Je ne vois pas où le Ministre n'a pas tenu compte de toutes les circonstances pertinentes, ni où il a tenu compte d'un fait non pertinent. Entre autres faits sur lesquels s'est appuyé le Ministre pour rendre sa décision, il a tenu compte de la rétribution versée, des modalités d'emploi ainsi que de la durée, la nature et l'importance du travail accompli.

[9] D'un point de vue objectif, il était raisonnable qu'il en arrive à la conclusion que l'appelante et le payeur n'auraient pas conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable s'ils n'avaient pas eu un tel lien de dépendance. Il y avait une preuve abondante sur laquelle le Ministre s'est appuyé pour en arriver à cette décision.

[10] Tout particulièrement, la Cour a noté que l'appelante n'a pas reçu un salaire régulier; durant l'année 1994, avant la période en litige, elle n'avait reçu presqu'aucune rémunération. À la fin de l'année, elle avait reçu en un seul versement le montant d'environ 30 000 $ qu'elle a directement prêté au payeur. Aussi, en 1995, elle n'a reçu aucune rémunération pendant les mois de janvier à août parce que le payeur n'avait pas suffisamment de fonds; elle a toujours prétendu que c'était un prêt. La Cour a noté de plus qu'au mois d'août 1995, après qu'elle soit devenue enceinte, elle a reçu une augmentation de salaire significative, soit de 1 000 $ à 1 490 $, payé à toutes les deux semaines. À partir de ce moment-là, elle a été payée régulièrement. Je ne suis pas d'avis que si l'appelante et le payeur n'avaient pas eu un lien de dépendance entre eux ils se seraient conduits de la même façon.

[11] Compte tenu de ce qui précède, à mon avis, l'appelante n'a pas démontré, selon la prépondérance des probabilités, que l'ensemble des faits pris en considération par le Ministre était erroné ou que le Ministre en a fait une mauvaise appréciation pour conclure comme il l'a fait. En conséquence, la Cour n'a pas le pouvoir d'intervenir pour annuler la décision du Ministre; je ne peux, à cet égard, que la confirmer.

[12] L'appel est donc rejeté et la décision du Ministre est confirmée.

Signé à Calgary, Alberta, ce 9e jour de juin 1998.

« Michael H. Porter »

J.S.C.C.I.

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