Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Dossier : 2012-3027(GST)G

ENTRE :

HIGH-CREST ENTERPRISES LIMITED,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu le 26 février 2014, à Halifax (Nouvelle‑Écosse).

Devant : L’honorable juge Gaston Jorré


Comparutions :

Avocat de l’appelante :

Me Maurice P. Chiasson, c.r.

Avocat de l’intimée :

Me Jan Jensen

JUGEMENT

Pour les motifs du jugement qui suivent, l’appel de la cotisation établie en vertu de la Loi sur la taxe d’accise pour la période du 1er janvier au 31 mars 2010 est rejeté par avis en date du 16 juillet 2010, avec dépens en faveur de l’intimée.


Signé à Ottawa (Ontario), ce 20e jour d’octobre 2017.

« Gaston Jorré »

Le juge Jor

Traduction certifiée conforme

ce 10e jour d’avril 2019.

Mario Lagacé, jurilinguiste


Référence : 2017 CCI 210

Date : 20171020

Dossier : 2012-3027(GST)G

ENTRE :

HIGH-CREST ENTERPRISES LIMITED,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.


MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Jorré

Introduction

[1]  L’appelante, High-Crest Enterprises, possède et exploite un foyer de soins infirmiers à Springhill (Nouvelle‑Écosse). Cet établissement offre à ses résidents des soins de longue durée, y compris des services de soins infirmiers, d’alimentation, d’entretien ménager et d’ergothérapie.

[2]  Avant la construction de l’adjonction en cause en l’espèce, l’appelante exploitait un établissement de 56 lits. Sur ces 56 lits, 45 étaient exploités pour le ministère de la Santé de la Nouvelle‑Écosse et 10 pour le ministère des Anciens Combattants. On comptait aussi un lit réservé aux soins de relève.

[3]  En 2007, le ministère de la Santé de la Nouvelle‑Écosse a lancé un appel d’offres pour la prestation de soins infirmiers de longue durée. En réponse à cet appel, l’appelante a déposé une proposition visant à fournir 20 lits supplémentaires; le ministère de la Santé a accepté cette proposition au début de l’année 2008.

[4]  L’appelante a donc construit une adjonction de 20 lits à son établissement de Springhill. L’occupation de cette adjonction a commencé au cours du premier trimestre de l’année 2010.

[5]  Conformément à la Loi sur la taxe d’accise, l’appelante est réputée avoir effectué la fourniture à elle‑même de l’adjonction à l’établissement de Springhill. Elle doit donc inclure dans sa déclaration relative à la taxe de vente harmonisée la taxe (sur les extrants) applicable à la fourniture à soi‑même.

[6]  L’appelante affirme que la taxe de vente harmonisée sur la fourniture à soi‑même devrait correspondre au taux applicable de la taxe, multiplié par la juste valeur marchande du bien [1] . L’appelante a produit sa déclaration pour la période du 1er janvier 2010 au 31 mars 2010 sur ce fondement. L’appelante a obtenu une évaluation du bien. Le montant de l’évaluation n’est pas en litige.

[7]  À ce moment-là, la taxe de vente harmonisée s’élevait à 13 %, dont 5 % correspondaient à la partie du gouvernement fédéral et 8 % à celle du gouvernement de la Nouvelle‑Écosse.

[8]  Au cours de cette période et des périodes de déclarations antérieures, l’appelante a demandé des crédits de taxe sur les intrants pour la construction de l’adjonction à l’établissement de Springhill. Au total, ces crédits de taxe sur les intrants excèdent le montant de la taxe sur les extrants que l’appelante a déclaré pour la fourniture à soi‑même.

[9]  Si l’appelante a raison, la construction de l’adjonction de 20 lits aurait la conséquence pratique suivante : dans l’ensemble, au cours de la période en question et des périodes antérieures, l’appelante recevrait un remboursement de la taxe nette dans la mesure où les crédits de taxe sur les intrants sont supérieurs à la taxe sur les extrants relative à la fourniture à soi‑même de l’adjonction.

[10]  L’intimée affirme que l’appelante n’a pas droit à un remboursement global de la taxe de vente harmonisée nette en ce qui concerne l’adjonction, parce que, dans les circonstances, l’article 191.1 de la Loi sur la taxe d’accise s’applique. Dans certains cas, l’article exige que la taxe sur les extrants relative à la fourniture à soi‑même soit au moins égale au montant total de la taxe sur les intrants payée pour l’adjonction. Autrement dit, lorsqu’il s’applique, l’article empêche le remboursement global de la taxe nette sur la fourniture à soi‑même en augmentant la valeur de l’adjonction aux fins du calcul de la taxe sur la fourniture à soi‑même.

[11]  Ce n’est pas le montant qui est en litige. Les parties s’entendent sur le résultat numérique si l’article 191.1 s’applique et s’il ne s’applique pas. L’écart entre les chiffres obtenus dans les deux cas est légèrement inférieur à 300 000 $ [2] .

[12]  La Cour doit donc en l’espèce déterminer si le paragraphe 191.1(1) de la Loi sur la taxe d’accise s’applique, ce qui aurait pour effet d’augmenter la taxe sur les extrants relative à la fourniture à soi‑même.

[13]  Le litige repose sur les ententes contractuelles intervenues entre l’appelante et le ministère de la Santé et sur la question de savoir si l’appelante a reçu ou pouvait s’attendre à recevoir une « subvention » au sens du paragraphe 191.1(1) de la Loi sur la taxe d’accise [3] .

Le régime législatif

[14]  L’article 191.1 de la Loi sur la taxe d’accise était libellé comme suit à l’époque en question :

Définitions

191.1(1) Les définitions qui suivent s’appliquent au présent article.

subvention Quant à un immeuble d’habitation, somme d’argent (y compris un prêt à remboursement conditionnel mais à l’exclusion de tout autre prêt et des remboursements ou crédits au titre des frais, droits ou taxes imposés par une loi) payée ou payable par l’une des personnes suivantes au constructeur de l’immeuble ou d’une adjonction à celui-ci pour que des habitations de l’immeuble soient mises à la disposition de personnes visées à l’alinéa (2)b) :

a) un subventionneur;

b) une organisation qui a reçu la somme d’un subventionneur ou d’une autre organisation qui a reçu la somme d’un subventionneur. (government funding)

subventionneur

a) Gouvernement ou municipalité, à l’exclusion d’une personne morale dont la totalité, ou presque, des activités consistent à exercer des activités commerciales ou à fournir des services financiers, ou à faire les deux;

b) bande, au sens de l’article 2 de la Loi sur les Indiens;

c) personne morale contrôlée par un gouvernement, une municipalité ou une bande visée à l’alinéa b) et dont l’une des principales missions consiste à subventionner des initiatives de bienfaisance ou à but non lucratif;

d) fiducie, conseil, commission ou autre entité établi par un gouvernement, une municipalité, une bande visée à l’alinéa b) ou une personne morale visée à l’alinéa c) et dont l’une des principales missions consiste à subventionner des initiatives de bienfaisance ou à but non lucratif. (grantor)

Immeubles d’habitation subventionnés

(2) Pour l’application des paragraphes 191(1) à (4), dans le cas où les conditions suivantes sont réunies :

a) le constructeur d’un immeuble d’habitation ou d’une adjonction à celui-ci est réputé par l’un des paragraphes 191(1) à (4) avoir effectué et reçu la fourniture de l’immeuble ou de l’adjonction à un moment donné,

b) la possession ou l’utilisation d’au moins 10 % des habitations de l’immeuble d’habitation est destinée à être transférée afin que l’un ou plusieurs des groupes ci-après puissent occuper les habitations à titre résidentiel ou d’hébergement :

(i) les aînés,

(ii) les jeunes,

(iii) les étudiants,

(iv) les personnes handicapées,

(v) les personnes dans la détresse ou ayant besoin d’aide,

(vi) les personnes dont le droit d’occuper les habitations à titre résidentiel ou d’hébergement ou le droit à une réduction des paiements relatifs à cette occupation dépend des ressources ou du revenu,

(vii) les personnes pour le compte desquelles aucune autre personne, exception faite des organismes du secteur public, ne paie de contrepartie pour des fournitures qui comprennent le transfert de la possession ou de l’utilisation des habitations en vue de leur occupation à titre résidentiel ou d’hébergement et qui soit ne paient aucune contrepartie pour les fournitures, soit en paient une qui est considérablement moindre que celle qu’il serait raisonnable de s’attendre à payer pour des fournitures comparables effectuées par une personne dont l’entreprise consiste à effectuer de telles fournitures en vue de réaliser un profit,

c) le constructeur, sauf s’il est un gouvernement ou une municipalité, a reçu ou peut raisonnablement s’attendre à recevoir, au moment donné ou antérieurement, une subvention relativement à l’immeuble d’habitation,

la taxe relative à la fourniture, calculée sur la juste valeur marchande de l’immeuble d’habitation ou de l’adjonction, selon le cas, est réputée égale au plus élevé des montants suivants :

d) le montant qui, si ce n’était le présent paragraphe, correspondrait à la taxe calculée sur cette juste valeur marchande;

e) le total des montants représentant chacun la taxe payable par le constructeur relativement :

(i) soit à un immeuble qui fait partie de l’immeuble d’habitation ou de l’adjonction,

(ii) soit à des améliorations apportées à cet immeuble.

[15]  L’article 191.1 énonce un certain nombre de conditions, mais la plupart d’entre elles ne sont pas en litige ou sont très clairement respectées au vu de la preuve. L’article 191.1 s’applique lorsque les trois conditions prévues aux alinéas 191.1(2)a), b) et c) sont respectées.

[16]  Il n’est pas contesté que la fourniture à soi‑même d’un immeuble d’habitation a eu lieu, comme l’exige l’alinéa 191.1(2)a). Il n’est pas non plus contesté que l’utilisation prévue d’au moins 10 % des habitations de l’immeuble d’habitation respectait les exigences de l’alinéa 191.1(2)b).

[17]  L’alinéa 191.1(2)c) exige que le constructeur (l’appelante) ait reçu ou ait pu raisonnablement s’attendre à recevoir une subvention relativement à l’immeuble d’habitation au moment de la fourniture à soi‑même. Le mot « subvention » est défini au paragraphe 191.1(1).

[18]  Il ne fait aucun doute que High-Crest est le constructeur d’une adjonction à un immeuble d’habitation et que le gouvernement de la Nouvelle‑Écosse lui a versé des sommes d’argent. Le gouvernement est un « subventionneur » au sens de l’alinéa 191.1(1)a).

[19]  La question de droit soulevée en l’espèce concerne donc certaines parties de l’article 191.1. Par souci de commodité, j’ai reproduit ces parties ci‑dessous après avoir supprimé le texte qui ne s’applique pas en l’espèce :

Définitions

191.1(1) Les définitions qui suivent s’appliquent au présent article.

subvention Quant à un immeuble d’habitation, somme d’argent [...] payée ou payable par

a) un subventionneur;

[...]

au constructeur de l’immeuble ou d’une adjonction à celui-ci pour que des habitations de l’immeuble soient mises à la disposition de personnes visées à l’alinéa (2)b) [...]

[...]

Immeubles d’habitation subventionnés

(2) Pour l’application des paragraphes 191(1) à (4), dans le cas où les conditions suivantes sont réunies :

[...]

c) [...] le constructeur [...] a reçu ou peut raisonnablement s’attendre à recevoir, au moment donné ou antérieurement, une subvention relativement à l’immeuble d’habitation,

[...]

[20]  Ainsi, la question cruciale est :

  • Le constructeur (High-Crest),

  • au moment donné ou antérieurement (le moment de la fourniture à soi‑même auquel renvoie l’alinéa 191.1(2)a)),

  • a‑t‑il reçu ou pouvait‑il raisonnablement s’attendre à recevoir une subvention – « une somme d’argent [...] payée ou payable par un subventionneur [la Nouvelle‑Écosse] [...] au constructeur [High‑Crest] de l’immeuble ou d’une adjonction à celui-ci pour que des habitations de l’immeuble soient mises à la disposition de personnes » pour l’immeuble d’habitation?

[21]  Nous pouvons simplifier et reformuler cette question comme suit afin de la rendre plus claire :

  • Au moment de la fourniture à soi‑même de l’adjonction de 20 lits ou antérieurement,

  • High-Crest avait‑elle reçu ou pouvait‑elle raisonnablement s’attendre à recevoir

  • une somme d’argent payée ou payable par le gouvernement de la Nouvelle‑Écosse pour que des habitations de l’adjonction de 20 lits soient mises à la disposition de personnes?

[22]  On peut formuler ainsi la question cruciale à trancher [4]  :

Au moment de la fourniture à soi‑même, High-Crest pouvait‑elle s’attendre à recevoir une somme d’argent du gouvernement de la Nouvelle‑Écosse « pour que des habitations de l’immeuble de [l’adjonction de 20 lits] soient mises à la disposition de personnes? » (Non souligné dans l’original)

Les faits [5]

[23]  M. Shannon Stephenson est seul à avoir témoigné. M. Stephenson est avocat et chef de la direction de High-Crest. Aucune question de crédibilité n’est soulevée. Une quantité importante de documents a été produite en preuve.

[24]  En mars 2007, le ministère de la Santé a publié le premier volet d’une demande de propositions visant la construction de nouveaux établissements de soins de longue durée [6] .

[25]  Dans cette demande, on indique dès le premier paragraphe de l’introduction que la proposition vise la fourniture de lits dans des foyers de soins de longue durée de niveau II comme ceux offerts dans l’adjonction construite par l’appelante [7] . Les renseignements généraux et les objectifs sont présentés aux clauses 1.2.1 et 1.2.2 de la demande de propositions. On y explique que la province cherche à faire construire de nouveaux établissements de soins de longue durée en vue d’offrir 804 nouveaux lits un peu partout dans la province. Elle cherche aussi à atteindre certains objectifs, tant sur le plan des installations que sur le plan du coût et de la qualité des services et programmes que les nouveaux établissements offriront. Les exigences à cet égard sont exposées en détail aux annexes B et C de la demande de propositions [8] .

[26]  La clause 2.2.3.2 de la demande prévoit ce qui suit :

[TRADUCTION]

Les installations et les services requis dans le cadre du présent contrat comprennent la conception et l’aménagement des bâtiments et de l’infrastructure nécessaires, la gestion de projet concernant la phase d’aménagement/mise en œuvre, le fonctionnement et l’entretien des installations, l’aménagement et l’exécution de programmes de soins aux résidents et de services aux résidents.

[27]  Cette clause indique clairement que la conception, l’aménagement et l’exploitation de l’établissement relèvent du soumissionnaire. Le document et ses annexes prévoient aussi les nombreuses exigences auxquelles doit répondre le projet.

[28]  La clause 2.3.4 de la demande précise que la proposition retenue mènera à la conclusion des ententes suivantes :

[TRADUCTION]

  • Une entente d’aménagement visant la période de conception et de construction des installations nécessaires;

  • Une entente de services renouvelable annuellement d’une durée de 25 ans couvrant les activités courantes de l’établissement.

Le renouvellement de l’entente de services sera assujetti au renouvellement du permis de l’établissement et à une prestation de services qui respecte ou dépasse les conditions imposées par la présente DP et proposées par le fournisseur ou les fournisseurs de services retenus.

Les contrats prévoiront que le versement des sommes affectées aux services commencera à compter de la date d’occupation. Les proposants retenus seront responsables d’obtenir tout financement provisoire requis pendant la phase d’aménagement.

[29]  Cette clause indique clairement que le soumissionnaire retenu doit obtenir le financement nécessaire à l’aménagement de l’établissement, étant donné que les paiements relatifs aux services ne commenceront qu’à compter de la date d’occupation. Il ressort aussi clairement que le soumissionnaire retenu devra conclure des ententes d’aménagement et de services distinctes dont les modalités ne seront pas négociables [9] .

[30]  L’appelante a présenté une proposition et, dans une lettre en date du 7 janvier 2008, le ministère de la Santé l’a informée que celle‑ci avait été retenue et que le tarif journalier par lit s’établirait à 264,47 $. Dans une lettre en date du 15 janvier 2008, l’appelante a confirmé qu’elle acceptait le tarif journalier de 264,47 $ par lit [10] , ce qui équivaut à environ 96 500 $ par lit annuellement.

[31]  L’appelante a par la suite signé l’entente d’aménagement pour la construction de l’adjonction de 20 lits [11] . Elle n’a pas réussi à trouver une copie signée de l’entente, mais selon le témoignage de M. Stephenson, la copie produite est pour l’essentiel identique à l’entente signée. Il semblerait que l’entente ait été signée en février 2009, étant donné que la copie produite est une ébauche datée du 4 février 2009.

[32]  L’entente, de même que ses échéanciers et ses annexes, impose de nombreuses exigences à l’appelante. L’entente exige aussi de l’appelante qu’elle conclue l’entente de services avec le gouvernement de la Nouvelle‑Écosse. Elle exige aussi du fournisseur de services qu’il reconnaisse et accepte que cette entente de services et toute entente de services subséquente prévoiront expressément qu’il est tenu à une obligation continue d’exploiter l’adjonction de 20 lits et d’offrir des services aux résidents [12] .

[33]  L’article 4.2 prévoit que le ministre de la Santé confirmera le budget approuvé à condition qu’une entente de services soit signée et qu’un permis soit délivré à l’appelante. Une fois ces conditions remplies, le gouvernement de la Nouvelle‑Écosse commencera à verser une aide financière annuelle à l’appelante.

[34]  Un peu plus tôt, par lettre en date du 28 janvier 2009, le ministère de la Santé a approuvé un budget d’immobilisations de 5 533 250 $, intérêts compris, pour l’aménagement et la construction de l’adjonction [13] . La lettre indique également ce qui suit :

[TRADUCTION]

Veuillez noter ce qui suit :

  • Le ministère accordera une aide financière annuelle suffisante pour amortir l’hypothèque garantissant les dépenses en immobilisations pendant 25 ans [14] .

[35]  Puis en février 2009, l’appelante a signé l’entente de services. L’entente, de même que ses échéanciers et ses annexes, impose un grand nombre d’exigences. De manière générale, l’appelante accepte de fournir aux résidents du nouvel établissement de nombreux services, notamment des services d’hébergement, de repas, de soins infirmiers, d’entretien ménager, de kinésithérapie et d’ergothérapie, ainsi que des services de loisirs [15] .

[36]  La province ne verse aucune somme à l’appelante en vertu de l’entente d’aménagement. Les seuls paiements qui sont versés sont ceux prévus à l’entente de services.

[37]  L’aide financière provinciale accordée à l’appelante est constituée de trois éléments.

[38]  Il y a d’abord les postes budgétaires protégés, qui correspondent au coût des soins de santé (soins infirmiers, diététique, physiothérapie, travail social, loisirs, etc.) et au coût des aliments non cuits. Tous les fonds affectés à ces postes qui sont inutilisés sont retournés à la province.

[39]  Il y a ensuite les postes budgétaires non protégés, qui correspondent aux dépenses en immobilisations (notamment, en l’espèce, l’adjonction) et aux coûts des services d’hébergement, comme l’administration, la gestion, la cuisine, le nettoyage et l’entretien). Dans la mesure où l’appelante offre tous les services d’hébergement nécessaires à un coût inférieur à celui prévu aux postes budgétaires, elle peut réaliser un profit [16] .

[40]  Ces deux éléments constituent le budget pour les 20 nouveaux lits de l’adjonction et le total des deux éléments divisé par 20 lits et par 365 jours correspond au tarif journalier par lit [17] . Pour l’adjonction, il s’agit d’un budget total d’environ 2 074 000 $ par année.

[41]  L’appelante reçoit enfin une petite provision pour renouvellement des immobilisations d’environ 65 000 $ ou 68 000 $ par année [18] . Les fonds inutilisés de la provision pour renouvellement des immobilisations sont conservés par l’appelante [19] .

[42]  L’appelante ne peut facturer plus pour les services que le tarif journalier et, bien qu’elle puisse réaliser un profit si elle ne dépense pas tous les fonds affectés aux postes non protégés, elle s’expose à un risque de perte si elle dépasse le budget.

[43]  Le tarif journalier de 264,47 $ proposé par la province et accepté par l’appelante en janvier 2008 est constitué de la somme de 113,03 $ applicable aux postes budgétaires non protégés, et de la somme de 151,31 $ applicable aux postes budgétaires protégés. Des 113,03 $ applicables aux postes budgétaires non protégés, la somme de 54,64 $ était destinée aux dépenses en immobilisations [20] .

[44]  Cette somme de 54,64 $ par jour par lit couvrait l’amortissement sur 25 ans (y compris l’intérêt) des dépenses en immobilisations approuvées de 5 533 250 $, qui se répartissent comme suit [21]  :

Dépense en immobilisations

4 671 514 $

Terrain

65 385 $

TVH

641 250 $

Intérêt pendant la construction

155 101 $

Total

5 553 250 $

[45]  Le montant de 54,64 $ par jour par lit génère un montant annuel de 395 938 $.

[46]  Ainsi, si tout se déroule comme prévu et que l’entente est renouvelée pendant 25 ans, l’appelante récupérera le coût total du nouvel établissement, y compris la totalité de la TVH payée au moment de la construction de l’adjonction.

[47]  En vertu de l’entente de services, le ministre de la Santé finance les postes budgétaires protégés. Quant aux postes budgétaires non protégés, ils sont financés par les résidents et le ministre de la Santé à des degrés divers.

[48]  Chacun des résidents est susceptible de payer les frais d’hébergement types de 86,50 $ par jour [22] , si son revenu est suffisant. Si le résident a un revenu insuffisant, le ministre payera tout ou partie des frais d’hébergement types [23] .

[49]  Si les frais d’hébergement annualisés (soit environ 31 500 $) [24] représentent moins de 85 % de son revenu, le résident doit les payer en totalité. Ainsi, le résident dont le revenu annuel est supérieur à environ 37 100 $ payera le plein montant des frais d’hébergement.

[50]  Si son revenu est moindre, les frais d’hébergement sont réduits de façon à ne pas dépasser annuellement 85 % de son revenu. Par ailleurs, ils sont réduits encore plus, au besoin, afin que le résident puisse conserver au moins 2 700 $ de son revenu. En fait, le ministre peut verser un supplément de revenu à toute personne dont le revenu est inférieur à 2 700 $ [25] .

[51]  Il incombe à l’appelante de percevoir les frais d’hébergement auprès de chacun des résidents. Le ministre de la Santé verse non seulement la différence entre le tarif journalier de 86,50 $ et les frais d’hébergement réels payés par le résident, mais il verse aussi la différence entre le tarif journalier de 113,03 $ applicable aux postes budgétaires non protégés et la somme de 86,50 $ [26] . En outre, comme nous l’avons vu, le ministre de la Santé finance la totalité des postes budgétaires protégés.

[52]  M. Stephenson a déclaré que, si l’appelante est incapable de percevoir les frais d’hébergement du résident, elle ne peut pas les percevoir du ministère de la Santé [27] .

[53]  La preuve ne précise pas quelle partie des frais d’hébergement ou des postes budgétaires non protégés est payée par les résidents de l’adjonction et quelle partie est payée par le ministre de la Santé.

[54]  J’estime toutefois que le ministre de la Santé contribue de façon importante aux frais d’hébergement [28] .

Analyse [29]

[55]  Bien que les ententes contractuelles sous‑tendant le présent appel comportent un grand nombre de pages, voici les points qui sont essentiels pour trancher la question en l’espèce.

[56]  Bien que nous soyons en présence d’une demande de propositions suivie d’une proposition par l’appelante, de l’acceptation de cette proposition par le gouvernement de la Nouvelle‑Écosse, accompagnée d’une offre de tarif journalier par lit faite par ce dernier, et de l’acceptation de cette offre par l’appelante, le tout ayant mené à la signature de l’entente d’aménagement et de l’entente de services, il reste que ces deux ententes, incluant les documents y annexés, forment un seul ensemble d’ententes contractuelles. Il est clair que, depuis le début, aucune entente de services ne pouvait être conclue sans entente d’aménagement, et vice versa.

[57]  Comme nous l’avons vu, le gouvernement de la Nouvelle‑Écosse voulait faire construire de nouveaux établissements afin d’offrir de nouveaux lits de soins de longue durée à Springfield et ailleurs dans la province. Il voulait aussi conclure des ententes visant la prestation continue de services d’hébergement et de services de soins infirmiers et autres soins de santé dans ces nouveaux établissements.

[58]  Ces objectifs connexes sont exprimés dans les ententes contractuelles : High-Crest doit non seulement construire et exploiter le nouvel établissement de 20 lits de soins de longue durée, mais elle doit aussi fournir des services, incluant [TRADUCTION] « des locaux, des programmes, des denrées alimentaires, des services sociaux, des services de kinésithérapie et d’ergothérapie, ainsi que des soins infirmiers personnels et spécialisés » [30] .

[59]  Bien que les résidents contribuent aux frais d’hébergement en fonction de leur revenu, le financement accordé par la province est tel que cette dernière contribue grandement aux coûts liés aux habitations dans le nouvel établissement.

[60]  Au moment de la fourniture à soi‑même, High-Crest pouvait‑elle s’attendre à recevoir une somme d’argent du gouvernement de la Nouvelle‑Écosse « pour que des habitations de [l’adjonction] soient mises à la disposition de personnes »?

[61]  Il ne fait aucun doute qu’au moment de la fourniture à soi‑même, High-Crest pouvait s’attendre à recevoir des sommes d’argent [31] du gouvernement de la Nouvelle‑Écosse. High-Crest n’aurait pas fait un investissement aussi important et risqué pour construire l’adjonction (dont la juste valeur marchande à la fin des travaux est de beaucoup inférieure à son coût [32] ) si elle ne s’attendait pas à ce que le contrat de services entre en vigueur et soit renouvelé pendant de nombreuses années [33] .

[62]  Il s’agit donc d’une question d’interprétation : que signifie « recevoir des sommes pour que des habitations de l’immeuble soient mises à la disposition »?

[63]  Comme c’est souvent le cas dans les litiges en matière fiscale, nous sommes dans une situation où des mots qui, dans l’absolu, sont clairs s’avèrent moins clairs lorsqu’ils s’appliquent à un contexte factuel particulier.

[64]  L’appelante fait valoir que l’article 191.1 ne saurait s’appliquer. Premièrement, elle estime que l’emploi de l’expression « pour que » signifie qu’il convient d’appliquer une approche « tout ou rien » aux sommes d’argent et que, par conséquent, l’article 191.1 ne peut s’appliquer à moins que les sommes d’argent ne soient payées que pour que des habitations de l’immeuble soient mises à la disposition de personnes.

[65]  Deuxièmement, l’appelante prétend que l’article n’a jamais été censé s’appliquer dans les cas où les sommes sont versées en contrepartie d’une fourniture; il est censé s’appliquer dans les cas où le subventionneur confère un avantage au constructeur. Elle soutient en outre qu’aucun avantage ne lui a été conféré [34] .

[66]  En ce qui concerne le deuxième argument, je constate simplement que rien dans la disposition ne laisse croire que la somme versée doit conférer un avantage au bénéficiaire. Elle dispose simplement que la somme doit être payée pour la fin indiquée, sans plus.

[67]  À l’appui de son premier argument, l’appelante renvoie à la jurisprudence relative à la question de l’existence d’une fourniture unique ou de fournitures multiples et à la décision O.A. Brown Ltd. c. Canada, [1995] A.C.I. no 678, [1995] G.S.T.C. 40. Je ne suis pas sûr de comprendre en quoi cette décision est utile.

[68]  Dans cette instance, la Cour devait déterminer s’il y avait eu fourniture unique ou fournitures multiples. Pour l’application de la TPS, il a été établi qu’en cas de fourniture unique, c’est la caractéristique dominante de cette fourniture qui déterminera si elle est taxable, exonérée ou détaxée. En cas de fournitures multiples, on examinera alors la nature de chacune des fournitures pour déterminer comment elle doit être traitée; il est possible que, pour l’application de la TPS, les différentes fournitures soient traitées de façon différente.

[69]  La situation en l’espèce est différente : nous n’avons pas à déterminer la nature d’une fourniture afin de savoir si elle est taxable, détaxée ou exonérée.

[70]  L’entente prévoit que l’appelante fournit aux résidents des locaux d’habitation et d’autres services. Rien dans l’article 191.1 ne porte à croire que la présente affaire nous impose d’analyser le type ou les types de fournitures que l’appelante a effectuées au gouvernement de la Nouvelle‑Écosse.

[71]  Il convient d’examiner l’article 191.1. Il n’exige pas que la subvention accordée pour la fin prévue couvre un pourcentage précis des frais engagés pour atteindre cette fin; il n’est pas nécessaire que la somme affectée à la fin prévue représente un pourcentage élevé de ces frais.

[72]  À première vue, en augmentant le montant de la taxe sur les extrants pour qu’il ne soit jamais inférieur à la taxe sur les intrants relative à la construction, l’article 191.1 vise à empêcher tout remboursement de la taxe nette relative à la construction fournie à soi‑même, lorsque le gouvernement accorde une subvention sous la forme d’une somme ou de sommes d’argent versées pour la fin indiquée.

[73]  L’article 191.1 a été ajouté à la Loi sur la taxe d’accise en 1997. Les notes explicatives publiées par le ministère des Finances en juillet 1997 précisaient ce qui suit au sujet de cette disposition :

Le nouvel article 191.1 contient des règles spéciales sur les fournitures à soi‑même qui s’appliquent aux immeubles d’habitations subventionnés destinés aux personnes ayant des besoins particuliers ou des ressources financières limitées. Ces règles tiennent compte du fait qu’il est souvent difficile de déterminer la « juste valeur marchande » de ce type d’immeuble. Cette nouvelle disposition fait en sorte que le constructeur soit tenu de rendre compte d’un montant de taxe qui est au moins égal au total des taxes qui étaient payables par lui relativement aux immeubles faisant partie de l’immeuble d’habitation ou de l’adjonction à celui-ci ou relativement aux améliorations dont il a fait l’objet. S’il est un inscrit aux fins de la taxe, le constructeur aura eu droit à des crédits de taxe sur les intrants au titre de ces taxes. L’effet net de l’article 191.1 sera donc au moins de permettre la récupération du montant de ces crédits.

[74]  Les règles d’interprétation modernes [35] sont maintenant bien établies en matière fiscale. Comme l’a dit la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Hypothèques Trustco Canada c. Canada [36]  :

10 Il est depuis longtemps établi en matière d’interprétation des lois qu’« il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur » [...]

[75]  Cela étant, dans quels cas une somme attendue (ou des sommes attendues) est‑elle reçue pour que des habitations de l’immeuble soient mises à la disposition de personnes? Il y a au moins trois possibilités :

1.  Lorsque les sommes que High-Crest s’attend à recevoir sont versées exclusivement pour que des habitations de l’immeuble soient mises à la disposition de personnes.

2.  Lorsque les sommes que High-Crest s’attend à recevoir sont versées principalement pour que des habitations de l’immeuble soient mises à la disposition de personnes.

3.  Lorsqu’une partie des sommes est versée pour que des habitations de l’immeuble soient mises à la disposition de personnes.

[76]  Il n’y a aucune jurisprudence sur ce point, mais le régime établi par la disposition indique clairement l’objectif qui est visé. De toute évidence, l’article 191.1 vise à empêcher tout remboursement de la taxe nette sur la fourniture à soi‑même en augmentant la taxe sur les extrants dans les cas où le gouvernement accorde une subvention pour que des locaux d’habitation soient mis à la disposition des groupes de personnes mentionnés dans la disposition, et ce, sans égard à l’importance de la subvention; en ce qui concerne les frais d’hébergement, la subvention peut être modeste, couvrir la totalité des frais, ou se situer entre ces deux pôles.

[77]  Il ne serait pas logique de considérer que cette disposition ne s’applique pas aux subventions simplement parce que, comme en l’espèce, les paiements constituant la subvention visaient à la fois la prestation de locaux d’habitation et la prestation d’autres services, tels que des soins infirmiers. La subvention destinée aux locaux d’habitation n’est pas moins élevée parce que d’autres sommes ont été versées à d’autres fins [37] .

[78]  Les exigences de l’article 191.1 sont respectées dans la mesure où une partie des sommes reçues sert à la mise à disposition d’habitations de l’immeuble.

[79]  Par conséquent, au moment de la fourniture à soi‑même, l’appelante pouvait raisonnablement s’attendre à recevoir des sommes d’argent pour que des habitations de l’adjonction soient mises à la disposition des personnes visées par la disposition.


Conclusion

[80]  Ainsi, l’article 191.1 s’applique et l’appel est par conséquent rejeté. Les dépens sont adjugés à l’intimée.

Signé à Ottawa (Ontario), ce 20e jour d’octobre 2017.

« Gaston Jorré »

Le juge Jorré

Traduction certifiée conforme

ce 10e jour d’avril 2019.

Mario Lagacé, jurilinguiste


RÉFÉRENCE :

2017 CCI 210

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2012-3027(GST)G

 

INTITULÉ :

HIGH-CREST ENTERPRISES LIMITED c. LA REINE

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge Gaston Jorré

 

DATE DU JUGEMENT :

Le 20 octobre 2017

 

 

COMPARUTIONS :

[EN BLANC]

 

Avocat de l’appelante :

Me Maurice P. Chiasson, c.r.

 

Avocat de l’intimée :

Me Jan Jensen

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

[EN BLANC]

 

Pour l’appelante :

Me Maurice P. Chiasson, c.r.

 

Cabinet :

Stewart McKelvey

Halifax (Nouvelle‑Écosse)

 

Pour l’intimée :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Ottawa (Ontario)

 

 



[1] Conformément au paragraphe 191(4) de la Loi.

[2] Voir les paragraphes 2 et 3 de l’avis d’appel et les paragraphes 1 et 2 de la réponse à l’avis d’appel. Le montant de la taxe sur la fourniture à soi‑même est de 350 000 $. Le total des crédits de taxe sur les intrants pour la construction correspond à 646 304 $.

[3] Les ententes contractuelles comportent un grand nombre de pages et, pour bien les comprendre, il convient de les lire dans leur ensemble.

[4] Afin de simplifier la question, j’ai supprimé les termes « ou antérieurement » à la première puce, et « reçu » à la deuxième puce du paragraphe ci‑dessus parce que, selon les faits de l’espèce, aucune somme n’a été reçue avant la fourniture à soi‑même et que, dans la mesure où le constructeur s’attendait à recevoir une somme d’argent, cette attente existait au moment de la fourniture à soi‑même et antérieurement.

[5] D’un point de vue procédural, la Cour d’appel fédérale m’a renvoyé l’affaire par suite de sa décision rendue le 28 avril 2017 (2017 CAF 88).

[6] Voir la pièce A‑1, onglet 2, et les documents incorporés par renvoi. La demande a été complétée par la suite et quelques modifications y ont été apportées; voir l’onglet 4.

[7] La demande visait à obtenir des propositions pour des lits de foyers de soins de longue durée à certains endroits et des lits de maisons de retraite à d’autres endroits.

[8] Voir pièce A‑1, onglet 2 (aux pages 2, 3 et 8), onglet 1A et onglet 1B, respectivement. On renvoie à ces annexes dès le début de la section 1.2.1 de la demande de propositions.

[9] C’est ce qui ressort clairement de la clause 2.3.5.

[10] Pièce A‑3, onglets 20 et 21.

[11] Pièce A‑2, onglet 5.

[12] Pièce A‑2, onglet 5, article 4.1, à la page 12.

[13] Pièce A‑3, onglet 26.

[14] Hormis l’ajout d’un montant de TVH, ce montant approuvé est pratiquement identique à celui du budget établi près d’une année et demie plus tôt, dans un sommaire daté du 30 août 2007; voir la pièce A‑3, onglet 16.

[15] La pièce A‑1, annexe C, onglet 1B, donne une bonne idée des exigences du programme.

[16] Comme le financement permettra de rembourser le coût autorisé de l’adjonction et l’intérêt hypothécaire, l’appelante pourrait tirer un avantage de la valeur résiduelle de l’adjonction, le cas échéant, au terme des 25 ans.

[17] On a aussi rajusté le taux d’occupation estimé. Ce rajustement est minime, puisqu’un taux d’occupation d’environ 99 % est utilisé; voir la première page de la pièce R‑1.

[18] Transcription – page 57

[19] Pièce A‑2, onglet 6, annexe F, page 329, à la clause 6.2.9.

[20] Pièce A‑3, onglet 20, troisième page.

[21] Le budget approuvé figure à l’onglet 26 de la pièce A‑3. À l’annexe 4 de la pièce R‑1 (page 3 de 7) se trouve le budget en vigueur le 29 janvier 2010, au début de l’exploitation de l’adjonction, et nous voyons que l’aide financière annuelle de 395 938 $ visant à couvrir l’amortissement s’applique toujours au même capital. Le montant annuel de 395 938 $ couvre clairement l’intérêt, puisqu’il génère, pendant 25 ans, un paiement total de loin supérieur au capital. Je souligne aussi que, lorsque l’on divise 395 938 $ par 365 jours et par 20 lits, on obtient environ 54 $ par jour par lit.

Je souligne que le tarif journalier découlant des postes budgétaires non protégés – à l’onglet 3 de la pièce A‑1, au milieu de l’avant‑dernière ligne – est à peu près le même. Étant donné que le tarif journalier indiqué est de 113,03 $ pour les postes budgétaires non protégés, comme on peut le voir au paragraphe 4.2(1) de la page 10 de l’entente de services signée en février 2009 (onglet 6 de la pièce A‑2), il semble que l’onglet 3 ait été préparé à peu près en même temps.

Enfin, je note qu’à la page 1 de l’onglet 3, nous voyons qu’à même la somme de 54,24 $ représentant le tarif journalier par lit applicable au fonds d’immobilisation, la somme de 6,09 $ est destinée à l’amortissement de la partie des dépenses en immobilisations qui correspond à la TVH de 620 775 $, ce qui est tout près des 641 250 $ de crédits de taxe sur les intrants indiqués dans le budget approuvé.

[22] Au moment de la signature de l’entente de services.

[23] Cela est prévu dans l’entente de services à l’article 4.2 (page 10 de l’onglet 6, à la pièce A‑2) et dans la politique sur les frais perçus des résidents figurant à l’annexe C de l’entente de services (pages 127 à 140 de l’onglet 6, à la pièce A‑2).

[24] Au moment de la signature de l’entente de services.

[25] Voir la politique sur les frais perçus des résidents, à l’onglet 6 de la pièce A‑2 (annexe C, page 135, clause 5.11.2).

[26] Je tiens aussi à préciser que, si les frais de la plupart des résidents sont payés par le ministère de la Santé de la Nouvelle‑Écosse, les frais de certaines personnes sont payés en totalité par d’autres (par exemple, le ministère fédéral des Anciens Combattants); il est ici question non seulement des frais d’hébergement, mais aussi du coût des soins de santé (postes budgétaires protégés et postes budgétaires non protégés). Voir les définitions aux alinéas 1.1(1)d), u), z) et ee) et les articles 4.1 et 4.2 de l’entente de services, ainsi que les articles 4.1 et 4.2 de la politique sur les frais perçus des résidents. On les trouve aux pages 2 à 4, 10, 128 et 129 de l’onglet 6 de la pièce A‑2.

[27] Transcription – pages 48 et 49. Je ne sais pas comment on peut concilier cela avec les clauses 5.4.4 et 7.0 de la politique sur le financement des postes budgétaires non protégés, de l’annexe E à l’entente de services (voir la page 324, à l’onglet 6 de la pièce A‑2) et avec les clauses 4.2.1 et 5.14.3 (deuxième puce) de la politique sur les frais perçus des résidents (voir les pages 129 et 137 à l’onglet 6 de la pièce A‑2). Quoi qu’il en soit, la question que je suis appelé à trancher n’a rien à voir avec le fait que le ministère de la Santé verse ou non la différence.

[28] Il en est ainsi pour deux raisons. Premièrement, nous savons, à la lumière du témoignage de M. Stephenson, qu’il y a un éventail de résidents, allant de ceux qui payent entièrement les frais d’hébergement à ceux qui ne payent aucune partie de ceux-ci. Voir les pages 123 et 124 de la transcription.

Deuxièmement, bien que nous n’ayons pas de chiffres distincts, nous voyons que la contribution annuelle estimée des résidents de l’établissement original et de l’adjonction s’élève à 1 233 379 $ sur un budget total annuel de 5 453 686 $ pour les deux parties (dans la lettre du 8 avril 2010 envoyée par le ministère de la Santé à l’appelante; voir l’onglet 33 de la pièce A‑3, à la première et à la quatrième page). Pour 76 lits, la contribution des résidents s’élève à environ 44,50 $ par jour par lit en moyenne. Nous savons toutefois qu’un nombre limité de lits ne sont pas financés par le gouvernement de la Nouvelle‑Écosse et que leurs coûts sont entièrement assumés par d’autres, comme ceux occupés par des clients du ministère des Anciens Combattants. Nous savons donc que, pour la plupart des patients, dont le gouvernement de la Nouvelle‑Écosse est responsable, la contribution serait inférieure à 44,50 $ par jour. Peu importe la proportion dans laquelle les fonds versés par la province servent à l’hébergement, il est évident qu’elle est importante.

Enfin, je soulignerais que les frais d’hébergement comprennent non seulement les dépenses en immobilisations liées à la fourniture de l’immeuble (les chambres réservées aux patients), mais aussi le coût de certains autres services comme les services alimentaires (les repas), l’entretien ménager et l’administration. Il est à présumer qu’ils comprennent aussi le chauffage. Étant donné que les frais d’hébergement types ne sont pas expressément répartis dans un ordre donné entre les catégories particulières des coûts composant les frais d’hébergement, les patients dont la contribution est inférieure aux frais d’hébergement totaux contribuent au prorata à tous ces coûts et, dans la mesure où c’est la province qui assume en partie les frais d’hébergement d’une personne, elle contribue aussi au prorata à ces coûts. Bien entendu, dans les cas où le résident ne paye aucune partie des frais d’hébergement, c’est la province qui en paye la totalité (y compris tous les coûts liés à la fourniture d’une résidence).

Par conséquent, même s’il nous est impossible de quantifier avec exactitude le montant de la contribution provinciale qui couvre le coût des locaux d’habitation destinés aux résidents, il est évident que la partie des sommes versées par la province à l’appelante pour les locaux d’habitation est considérable et tout sauf insignifiante.

[29] Bien que la Cour d’appel fédérale ne se soit pas prononcée sur le fond de l’affaire, le juge Webb, qui s’est exprimé au nom de la majorité, a formulé certaines observations sur les dispositions législatives applicables en plus de soulever une question devant être tranchée (voir les paragraphes 41 à 51 de l’arrêt 2017 CAF 88); la question est énoncée aux paragraphes 49 et 51. J’estime que cette question est abordée dans mon analyse ci‑dessous, plus particulièrement aux paragraphes 75 à 78. Je fais également remarquer qu’à la cinquième phrase du paragraphe 121 du jugement dissident, le juge Stratas dit que je suis lié par les opinions exprimées aux paragraphes 41 à 51.

[30] Voir l’alinéa 1.1(1)z) et les articles 2.1(1) et (2) de l’entente de services, à l’onglet 6 de la pièce A‑2.

[31] L’appelante s’attendait en fait à recevoir plusieurs sommes d’argent. Le paragraphe 33(2) de la Loi d’interprétation dispose que le singulier comprend le pluriel.

[32] Compte tenu du rapport entre la taxe sur les extrants déclarée et la taxe sur les intrants payée pour la construction, la juste valeur marchande de l’immeuble correspondait à environ 54 % de son coût.

[33] La nature spécialisée de l’établissement était telle que l’entente de services dans son ensemble constituait un incitatif à sa construction.

[34] L’appelante fait aussi valoir que le prêt hypothécaire consenti par la Nova Scotia Housing Development Corporation n’était pas une subvention au sens où l’entend l’article 191.1. Je ne crois pas que l’intimée soutienne le contraire, mais, quoi qu’il en soit, le prêt est entièrement remboursable avec intérêt de sorte qu’il est évident que l’appelante a raison sur ce point.

Enfin, je précise qu’à un moment donné dans le cadre de son argumentation, j’ai cru que l’appelante faisait peut‑être valoir que l’article 191.1 ne pouvait s’appliquer à moins que les sommes aient été payées pour la construction d’habitations destinées à des personnes plutôt que pour mettre ces habitations à la disposition de personnes, étant donné que l’appelante a insisté sur le fait qu’aucune somme ne lui avait été versée pour la fourniture de la nouvelle adjonction en soi et que toutes les sommes qui lui avait été versées l’avaient été en vertu de l’entente de services. J’ai conclu que ce n’était pas ce que l’appelante faisait valoir. Étant donné qu’il est question dans la définition de « subvention » de la mise à la disposition des habitations de l’immeuble plutôt que de leur construction, cet argument n’aurait pu être retenu.

[35] Article 12 de la Loi d’interprétation :

Tout texte est censé apporter une solution de droit et s’interprète de la manière la plus équitable et la plus large qui soit compatible avec la réalisation de son objet.

Cette disposition remonte à une certaine époque. Elle figurait dans la nouvelle édiction de la Loi d’interprétation, S.C. 1967‑68, ch. 7, bien qu’il s’agissait alors de l’article 11. L’article 10 actuel s’y trouvait aussi. En fait, les deux articles remontent à un peu plus loin dans le temps que cela. Il s’agit en substance des articles 15 et 10 du ch. 1 des S.R.C 1927. En fait, comme le mentionne le juge Locke dans l’arrêt The King v. Robinson, [1951] R.S.C. 522, à la page 530, l’article 12 actuel remonte à 1849, avant la Confédération. On le trouve au 28e élément de la partie V du chapitre 10 des Statuts de la province du Canada de 1848‑1849, 1848, 1848‑1849, vol. III, 129, 134 (1848-1849), lequel se lit en partie comme suit :

Vingt‑huitièmement [...] tout acte comme susdit, et toutes dispositions ou prescriptions d’icelui seront censés être correctifs, soit que l’objet immédiat du dit acte soit d’ordonner de faire une chose que la législature pourra considérer être dans l’intérêt public, ou d’empêcher qu’on ne fasse une chose qu’elle jugera contraire à cet intérêt, et d’infliger une punition à qui la fera ; et il sera en conséquence donné à cet acte une interprétation large et libérale, et qui sera la plus propre à assurer la réalisation de l’objet de l’acte et de ses dispositions et prescriptions, selon leur vrai sens, intention et esprit.

Cette loi a été adoptée le 25 avril 1849.

[36] 2005 CSC 54.

[37] Qui plus est, les notes explicatives précisent que ce changement a été instauré afin de remédier à un problème d’évaluation des immeubles à l’égard desquels le gouvernement verse une aide financière destinée à des personnes ayant des besoins particuliers ou dont les ressources financières sont limitées. Ce problème ne disparaît pas parce que le gouvernement finance aussi d’autres services.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.